samedi 17 juillet 2010

Marmite des Allumettières : suite, suite et suite

Plutôt que la sempiternelle photo de la marmite masquée par les cônes orangés et la machinerie lourde que je vous sert depuis ce printemps, une vue rafraichissante, en attendant le Noël des campeurs... (Photo 25 décembre 2007)

La marmite des Allumettières se porte toujours bien (voir le billet précédent sur le même sujet). Elle compte se reposer durant les vacances de la construction : deux semaines sans se faire réveiller dès 7 heures du matin. La belle vie !


mercredi 14 juillet 2010

Filons à Cantley



1594. – Quartzite blanc et paragneiss vert foncé découpés par des filons de granite rose, à Cantley (Québec). (Toutes les photos de ce billet ont été prises le 13 juillet 2010.)


Qu'est-ce que c'est ?
Affleurement de roches moutonnées (polies et arrondies par le passage des glaciers). Des bandes d'un quartzite (blanc) alternent avec des bandes d'un paragneiss (vert sombre) ; des filons de granite (rose) coupent à travers l'ensemble*.

Banal quant aux roches, toutes d'un type très commun, mais quand même spectaculaire par la mise en valeur.

* Ajout 25 décembre 2011. – Notez que les intrusions mineures de granite contenues dans le paragneiss vert sombre prennent une teinte blanche ; la couleur n'est pas un critère absolu pour l'identification des roches. J'ai ajouté quelques précisions quant aux couleurs dans ce qui suit lorsqu'il y avait risque de confusion.

C'est où ?
Route 307, Cantley, QC, au N du chemin Dorion (363, Montée de la Source)
31G/12

Plus de détails, s'il vous plaît
Les bandes blanches et sombres représentent respectivement des dépôts de sable et d'argile calcique (marne) qu'un séjour à 20 kilomètres sous la surface a transformés sous l'effet de la pression et de la chaleur (métamorphisme).

La pureté minéralogique du sable (grains de quartz) explique la monotonie minéralogique du quartzite, roche métamorphique constituée essentiellement, oh surprise, de... quartz.

Les bandes vert sombre sont des paragneiss calciques. Leur minéralogie, plus complexe, est dominée par des minéraux verts (des silicates de calcium, pyroxènes et/ou amphiboles).

Le granite (roche magmatique composée surtout de quartz et de feldspath) a pris place alors que le métamorphisme achevait son travail de transformation. Dans certains cas, on le verra, le granite, au lieu de couper à travers la roche, s'est mêlé intimement à sa structure.

Séquence des principaux événements
1,3 - 1,0 milliard d'années :
– Sédimentation (alternance de couches de sable et de marne) ;
– diagenèse, ou transformation des sédiments meubles en roches dure (grès et shale) ;
– enfouissement, métamorphisme sous l'effet de la pression et de la chaleur (transformation du grès et du shale en quartzite et paragneiss) et intrusion du granite.
1,0 milliard d'années - 600 millions d'années :
– Longue période d'érosion qui a amené les couches profondes de la croûte terrestre à la surface ;
12 000 ans :
– Départ des glaciers qui laissent derrière eux un relief poli et adouci (roches moutonnées).

(Voir «Géolo-chronologie».)



1534. – Lits blancs : quartzite ; lits vert foncé ou gris : paragneiss ; filons roses qui coupent à travers les précédents : granite. Les lits clairs et sombres sont orientés SW-NE.



1540. – La différence de teinte entre le granite (rose) et le quartzite (blanc) se distingue mieux sur cette photo.



1553. – Un filon de granite rose concordant (c.-à-d. parallèle à la structure de la roche encaissante) est marqué par des X. Il est recoupé, avec le quartzite et le paragneiss, par les filons discordants d'un granite, rose lui aussi. L’intrusion du granite s'est donc faite en deux temps (concordant, puis discordant).





1538-1539. – Détails des filons discordants de granite. Contact granite/roches encaissantes très net.



1565. – Lit de granite concordant rose (à gauche) ; un filon discordant, visible à droite, de même teinte, le recoupe après avoir traversé l'ensemble quartzite-paragneiss. On le voit ± se poursuivre dans le filon concordant.





1582. – Secteur affecté par un déplacement (apparent ?) le long d'une faille occupée par un filon de granite (flèches).



1544. – Détail du quartzite. Taches rosâtre : hématite.



1576. – Filonnets de granite (blanc, cette fois, le granite) dans le paragneiss sombre.


1577. – Détail. Les intrusions irrégulières de granite (blanc) ont fait croître les minéraux du paragneiss. On distingue les cristaux (verts) de silicates riches en calcium (pyroxènes et/ou amphiboles).



1541. – Quartzite blanc et paragneiss vert. La surface de la roche, après le départ des glaciers (12 000 ans dans la région) devait être lisse, sans relief tranché. Si le quartzite et le granite, roches particulièrement dures, semblent avoir bien résisté depuis au passage des ans, les bandes de paragneiss se sont débitées un grain après l'autre. Elles apparaissent à présent en creux entre les couloirs de quartzite compartimentés par les filons de granite.



1583. – Le paragneiss s'est montré plus perméable que le quartzite, roche massive, à une intrusion diffuse du granite à travers son «grain», formé par l'alignement, sous la pression, des minéraux plus ou moins plats (bas). Au centre, l'introduction de petits filons de granite (blanc) malmène la roche hôte tandis qu'un filon discordant de granite (blanc), plus tardif celui-là, recoupe le tout. La couleur jaunâtre est due à l'altération locale de de la surface.



1584. – Quartzite blanc, paragneiss sombre et granite rosâtre. Lit de paragneiss boudiné (étiré et sectionné). (Dans la bande claire, côté gauche.) La couleur jaunâtre est due à l'altération locale de de la surface.

dimanche 27 juin 2010

Marmite (suite de la suite, etc.)

27 juin 2010

Je ne suis pas revenu depuis un bout de temps sur la marmite des Allumettières que la construction du viaduc du Rapibus a paru un moment mettre en péril. (Voir ici, et autres billets à partir de là.)

On dirait bien que, sur le site, les travaux ont atteint leur expansion maximale ; on ne débite plus de roc, les structures de béton sont déjà (toutes?) en place. La marmite est toujours là, épargnée par les marteaux-piqueurs et rien ne paraît plus la menacer dans l'immédiat. Les ouvriers semblent continuer d'éviter de l'utiliser comme salle de débarras pour outils et déchets (bravo!)




À suivre...

Séismes de Val-des-Bois (2010) et de Mont-Laurier (1990) : comparaison (+ Ajout)

Sources des cartes : Lamontagne et al. (1994) et USGS (2010)

Cartes superposées : complément aux légendes
Carte en rouge et ajouts en noir
Source : Lamontagne et al. (1994)
Intensité des séismes : échelle de Richter
Le séisme de 1990 à Mont-Laurier est représenté par une étoile.
Les flèches noires (ajout) aident à repérer les limites de la Central Metasedimentary Belt (CM Belt) / ceinture centrale des métasédiments (CCM).

Carte en plusieurs couleurs
Source : USSG (2010)
Intensité du séisme : échelle de Mercalli modifiée

Zone couverte et géologie
La région représenté est partagée entre la province de Grenville (plus d'un milliard d'années) et les roches sédimentaires du Paléozoïque (moins de 540 millions d'années). Les divisons de la province de Grenville sont décrites dans le texte.
Les roches entre le Saint-Laurent et l'Outaouais, un peu en amont d'Ottawa et à l'E de cette ville, appartiennent au Paléozoïque.
Les failles du graben d'Ottawa-Bonnechère sont orientées NW-SE et SW-NE (le long de l'Outaouais et du Saint-Laurent).


Coïncidences
Je me suis amusé à superposer une carte extraite d'un article consacré au tremblement de terre de Mont-Laurier (1990) à celle de l'USGS sur le séisme de Val-des-Bois (2010) que j'ai reproduite hier dans ce blogue. Les données essentielles sur ces deux séismes de magnitude 5,0, échelle de Richter, sont à la fin de ce billet, dans «Rappel».

(Prière de vous reportez aux billets qui précèdent pour les explications qui manqueraient ici. – Lien ; lien et lien.)

Comme il était souligné dans mon billet d'hier, la zone d'intensité IV autour de l'épicentre du séisme de Val-des-Bois coïncide avec les limites de la partie S de la ceinture centrale des métasédiments (CCM) au Québec (Central Metasedimentary Belt ; CM Belt sur la carte de Lamontagne et al.).

La coïncidence est presque parfaite le long de la frontière W de la CCM. La zone de cisaillement de Labelle / Labelle Shear Zone, limite E de la CCM, semble moins étanche aux secousses telluriques et la zone d'intensité IV s'étend au-delà de cette ligne en contournant le «Morin Body» (massif d'anorthosite qui semble s'opposer à la propagation des ondes sismiques (?)). 

La bordure N de la zone IV, irrégulière, se moule sur la structure générale de la CCM, d'orientation N à NE. L'amincissement de la CCM vers le N pourrait contribuer à l'atténuation des ondes sismiques dans cette direction (?)

Au S de la rivière des Outaouais, la zone IV se confine aux sédiments du Paléozoïque qui subsistent dans le graben d'Ottawa-Bonnechère.

Sandwich
J'ai déjà expliqué que la CCM est composée de fragments de la croûte terrestre que des collisions entre continents ont empilé (le «sandwich» de mon premier billet du 26 juin) et charrié vers le NW. Les roches de la CCM et de la région au N de Montréal ont environ 1,3 milliard d'année ; celles à l'W et au N de la CCM ont entre 1,6 et 1,8 milliard d'années (localement 1,4 milliard).

Ces anciennes roches (relativement...) ont agit comme une rampe sur laquelle, entre 1,3 et 1 milliard d'années, la CCM et la été traînée (orogène de Grenville). La limite W de la CCM représente donc une discontinuité fondamentale entre de «jeunes» roches empilées et charriées vers le NW par dessus un «vieux» socle consolidé. Il est intéressant de constater que les ondes du séisme du 23 juin se soient brutalement atténuées en franchissant la limite de cet «empilement».

Au S, le séisme s'est contenté de secouer les roches sédimentaires du graben d'Ottawa-Bonnechère, délimité par des failles perpendiculaires à la propagation des ondes sismiques. 

Conclusion et quelques observations
Les séismes du SW du Québec se produisent de préférence dans la CCM, un empilement de pans de la croûte terrestre qui demeure fragile et sensible.

De façon plus générale, la sismicité dans Zone sismique de l'Ouest du Québec se concentre dans deux bandes : l'une, au S, se confine au graben d'Ottawa-Bonnechère ; l'autre, d'orientation NW-SE, qui se manifeste à l'intérieur de la CCM.

Les «?» indiquent des hypothèses personnelles qui ne s'appuient sur aucune source «autorisée»...

Dernière remarque : la carte de Lamontagne et al. montre qu'un séisme de 3 à 4 (éch. de Richter) s'est déjà produit presque qu'au même endroit que celui de Val-des-Bois. La carte ni l'article qu'elle accompagne n'en donnent la date ; je vais essayer de la découvrir.

Extrait du résumé de l'article de Lamontagne et al. (1994)
The last 10 yr [Note : article publié en 1994.] of recording have confirmed that most western Québec earthquakes, including the Mont-Laurier earthquake, occur in a northwest-southeast-trending zone inside the Central Metasedimentary (CM) Belt with most focal depths varying between 7 and 25 km. [...] The mid-crustal hypocentral depths of many earthquakes, the east-west trend of the fault plane of the Mont-Laurier earthquake, and variations in regional focal mechanisms all suggest reactivation of deep structural features, which may not have a surface expression.  [...] The western side of the activity does not end with the Central Metasedimentary Belt, a fact that implies that even though the factors controlling seismicity lie predominantly within the Central Metasedimentary Belt, the adjacent geologic domains are also seismogenic.

Rappel
Séisme de Mont-Laurier, QC
19 octobre 1990
Magnitude 5, échelle de Richter
Foyer : 11 km de profondeur
Orientation du plan de rupture : E-W, incliné à 70º vers le N

Séisme de Val-des-Bois, QC
23 juin 2010
Magnitude 5, échelle de Richter
Foyer : 16 km de profondeur (données préliminaires)
Orientation du plan de rupture : NNW-SSE, incliné à ?

Référence
Maurice Lamontagne, Henry S. Hasegawa, David A. Forsyth, Goetz G. R. Buchbinder and Mary Cajka, «The Mont-Laurier, Québec, earthquake of 19 October 1990 and its seismotectonic environment.» Bulletin of the Seismological Society of America, vol. 84, no 5, p. 1506-1522.


Ajout : observations en marge d'un billet simple et court
L'apophyse accrochée à la zone d'intensité IV, à l'E du «Morin Body» (massif d'anorthosite de Morin), suit d'assez près les différentes failles N à NNE qui parcourent le secteur où le graben d'Ottawa-Bonnechère fait sa jonction avec le rift du Saint-Laurent – rappelons que le premier n'est qu'un embranchement du second.

Il serait intéressant d'en savoir plus sur le «comportement sismique» du massif de Morin ; on a l'impression que, en son absence, la zone IV se serait étendue d'un seul tenant vers l'E, dans une contrée où abondent métasédiments et orthogneiss, ce qui aurait réuni d'un seul tenant les
compartiments de la province de Grenville formées de roches âgées de 1,3 milliard
d'années (voir plus haut dans le texte). 


De part et d'autre du réservoir Baskatong, on observe un étirement des contours de la zone IV selon la direction SW-NE d'un entrecroisement de «Major Shear Zone Boundaries».

À l'W, le long de l'Outaouais, la situation se complique par la présence de nombreuses failles du graben et de lambeaux de roches du Paléozoïque sur le Grenville. (Difficile de distinguer tout ça sur la carte, j'en convient.) Il est piquant de constater que les contours de la zone IV se pincent
précisément là où l'Outaoauis fait un coude vers le N...


La zone d'intensité V, dont je n'ai pas tenu compte dans mon billet, infléchit son contour circulaire pour, au S, suivre exactement la limite Grenville-Paléozoïque (ligne pointillée, peu visible, j'en conviens). Fait exception le petit lobe qui traverse l'Outaouais et effleure l'Ontario en suivant le tracé d'une faille du graben orientée NW-SE.

À l'E, la zone V se confond avec la bordure W de la zone de cisaillement de Labelle. C'est d'ailleurs à l'endroit où cette dernière rejoint la faille NW-SE évoquée ci-haut que se greffe le lobe qui pointe vers l'Ontario. À l'W, la zone V parvient tout juste à franchir une zone de cisaillement secondaire SSW-NNE.

En fait, la zone V dessine un cercle presque parfait confiné au «Southern Domain», composé de quartzite et de paragneiss, en effleurant le «Gatineau Domain», dominé par le marbre. «Elle évoque un o entre parenthèses, celles-ci étant représentées par les zones de cisaillement qui délimitent le Southern Domain.

Trop d'éléments ici m'obligeraient à sortir du cadre de ce billet que j'avais imaginé au départ simple et court...

samedi 26 juin 2010

Séisme de Val-des-Bois, 23 juin 2010 (suite)



Le U.S. Geological Survey publie un luxe de données, de cartes et de schémas sur le séisme de Val-des-Bois du 23 juin 2010. Allez-y voir. (Lien.)

La carte qui m'a le plus intéressée est celle qui illustre l'intensité des secousses selon le territoire (reproduite ci-haut).

La zone de magnitude IV (échelle de Mercalli modifiée) correspond grosso modo aux contours de la partie sud de la Ceinture centrale des métasédiments de la province de Grenville (CCM). Autrement dit, le séisme s'est produit et s'est propagé au plus épais de la zone où se sont empilés des pans de la croûte terrestre (le «sandwich» de mon précédent billet).

Ces morceaux de croûte terrestre ont été poussés les unes par dessus les autres vers le NW (coordonnées actuelles), il y a un milliard d'années*.

La carte semble confirmer la sensibilité de cet empilement, ainsi que le soulignait mon dernier billet.

Elle montre aussi pourquoi les dégâts ont été plus important au nord de Gatineau**, la zone d'intensité V n'ayant effleuré que le NE de cette ville.

* En Ontario, au sud de la rivière des Outaouais, la zone IV correspond plutôt aux sédiments du Paléozoïque. La géologie, c'est compliqué, sachez-le.
** On remarque que cette ville n'est pas nommée sur la carte où elle est englobée, semble-t-il, par Ottawa...

Mes autres billets sur le même sujet :
http://geo-outaouais.blogspot.com/2010/06/seisme-de-buckingham-dit-present-de-val.html
http://geo-outaouais.blogspot.com/2010/06/seisme-de-buckingham-23-juin-2010.html