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jeudi 2 novembre 2017

Skarn Lawless, Campbell's Bay, Qc (MàJ)


Mise à jour de mon billet du 3 octobre 2017 sur le skarn Lawless. Détails dans le billet originel (lien).

Vues de l'extrémité ouest du skarn Lawless (mon appellation). J'ai pris la photo de gauche en avril 2000 ; la photo de droite provient d'un article de Kretz publié en 2009. Étant donné l'excellant état de conservation des surfaces qu'elle montre, elle est sûrement antérieure à cette année.



Photo couleur (votre serviteur, 29 avril 2000). - Marbre chaotique, transportant des fragments d'un skarn à diopside vert sombre au dessus de boudins d'un autre skarn à diopside, plus pâle.
Photo noir et blanc (Kretz ; 2009). - Légende adaptée du texte original par moi. Couches apparemment rompues d'un skarn à Ca-pyroxène (s sur fond clair) et à Ca-pyroxène-scapolite (s + formes sombres) dans un marbre (m). La barre au sol = 1 m. (Photo : scan à partir d'une photocopie de l'article dans lequel elle était reproduite en noir et blanc.) Source. - Ralph Kretz, 2009 — « Metasomatic transformations in two metamorphic complexes dominated by heterogeneous Ca-pyroxene-hornblende granite and syenite, Otter Lake area, Québec, Canada », The Canadian Mineralogist, vol. 47, p. 1137-1158.


Même site, août 2017 (photo votre serviteur). 

mardi 3 octobre 2017

Skarn Lawless, Campbell's Bay, Qc (MàJ)


Photo 1. - « Skarn Lawless » : excursion du défunt club de Minéralogie de l'Outaouais (CMO) à un skarn à diopside vert et calcite rose, le 29 avril 2000 ; route 301, 10 km à vol d'oiseau au NE de Campbell's Bay (et 3 km au nord du lac Lawless).
Au dessus du personnage à chemise à carreaux bleus : lentille de calcite rose dans le skarn vert. La masse blanchâtre irrégulière au dessus de la lentille serait de la scapolite (à vérifier sur place). À gauche, un filon plissé de calcite.



Photo 2. - Même pan de la tranchée de route que les photos 1 et 3, vu en août 2017. La lentille de calcite claire de la photo 1 demeure visible, mais les couleurs des autres lithologies sont perdues sous la couche d'altération noire.

Résumé

Skarn à diopside vert, calcite rose et granite blanc ; province géologique de Grenville, 1 milliard d'années.
Localisation
Route 301, 10 km à vol d'oiseau au nord de Campbell's Bay, QC, et 3 km au nord du lac Lawless, dans un segment de la route E-W. 
45.783380, -76.495830
Photos 1 à 11 : vue vers le sud, est à gauche, ouest à droite.


On pouvait admirer une spectaculaire roche calco-silicatée (ou skarn, voir billet du 16 févr. 2012) à diopside vert et à calcite rose dans une tranchée de la route 301 au nord de Campbell's Bay. J'en parle à l'imparfait, même si le site existe encore, mais 20 ans après les premières visites (photos 12-14), les couleurs ont perdu de leur éclat. Comparez les photos prises en 1997, 2000 et 2017. Une patine noire recouvre les surfaces et la déroutante bigarrure de vert, rose et blanc qu'offrait la tranchée n'est plus qu'un souvenir. Faisant face au nord, elle est maintenue dans l'ombre, dans un état d'humidité permanent qui n'a pas aidé à lui conserver son air pimpant d'origine.

Dans mes filières, la tranchée apparaît sous le nom de skarn Lawless (mon appellation), du nom du lac situé à 3 km au sud sur la route 301. J'ai pris connaissance du site par les membres du défunt club de Minéralogie de l'Outaouais (CMO). Ils venaient y chercher notamment des cristaux de sphène et de scapolite. Je crois qu'il s'y trouvait aussi, sur le site même ou dans les parages, de la molybdénite. Remarquez que je n'ai jamais vu quelqu'un extraire un cristal potable de la tranchée...

Selon la carte de Madore et al. (1994), la route traverse à cet endroit une large zone de marbre et roches calco-silicatées à carbonates et diopside.

Kretz (1977) place dans le même secteur (je simplifie les données de sa carte) le leucogranite et la syénite à Ca-pyroxène (diopside) du complexe de Bellmount, lequel comprend des skarns à diopside et un marbre à calcite rose. (Ajout, 2 nov. 2017. - Le skarn vert foncé prédominant dans le site illustré ici serait un skarn à diopside-calcite-scapolite. Voir photos 11b.)

Les deux points de vue sont conciliables selon que l'on considère le skarn comme résiduel dans le granite ou ce dernier comme intrusif dans le premier. Discussion qui dépasse le cadre de ce billet.

Je tenais surtout à montrer à quel point un affleurement se détériore rapidement (mais les affleurements aussi âgés situé du côté nord de la route, faisant face au soleil de midi et restant au sec, demeurent en bon état) ; je tenais aussi à utiliser de vieux documents péniblement amassés à l'époque pré-digitale. J'ai déjà tenté la démonstration pour un autre affleurement (billet du 1er mars 2103).

La séquence des événements, telle que je peux la reconstituer (lecture personnelle des choses), est la suivante : formation du skarn à diopside vert (photo 1) ; intrusion de granite blanc formant un gneiss lit-par-lit avec le skarn (photos 4, 6-7) ; mobilisation du skarn, associé à l'intrusion de calcite rose (photos 1, 8-9), pour recouper de façon discordante le gneiss lit-par-lit (photos 8-9). Skarn et gneiss apparaissent, à l'extrémité ouest de l'affleurement, surmonter un marbre chargé de fragments divers (photo 11).

Mise à jour (2 nov. 2017)

Je viens de me rendre compte que je disposais de renseignements concernant le « skarn Lawless » en particulier, et non pas seulement de données générales sur la région.

Le skarn est compris dans le complexe granitique-syénitique de Bellmount (28 x 5 km) (Kretz ; 2009a et 2009b). Deux variétés de skarns à Ca-pyroxène (diopside) sont présents dans le complexe ; les skarns à Ca-pyroxène - biotite - Ca-amphibole et les skarns à Ca-pyroxène - scapolite - titanite. Ils seraient le résultat du métasomatisme de marbres dolomitiques. Les deux types de skarns sont présents dans le site étudié ici, le premier type étant cependant très mineur : voir photos 11b (ajout).

« Sur la route 301, à 10,8 km* au sud-ouest du village Otter Lake, des variétés de skarn sont exposées dans une tranchée de route. Il existe un mélange déconcertant de types de roches à cet endroit. Par exemple, des masses de 1 à 5 m de skarn à Ca pyroxène (Cpx80 Cam10 Bt10) et de skarn à Ca pyroxène - scapolite (Cpx40 Scp50 Cam10 Ttn1) sont enchâssées dans une couche de marbre calcitique rose (Cal70 Cpx20 Cam10 Ttn[moins de**]1), toutes encaissées dans la roche granitique du complexe Bellmount... » (Kretz 2009b ; p. 16 et 18)

Bt : biotite ; Cam : Ca-amphibole ; Cpx : Ca-pyroxène ; Scp : scapolite ; Ttn : titanite. Les chiffres donnent le pourcentage que fournit le minéral dans la roche.
* Par la route, c'est la distance qui sépare Otter Lake du skarn Lawless. Je ne peux assurer que cette description le concerne. Si ce n'est pas le cas, elle s'applique à un site voisin, et demeure pertinente.
** Je ne peux placer le signe mathématique « moins de » du texte original sans que le système le prenne pour une balise html et défasse la suite du paragraphe.


Références

  • Kretz R., 1977 — Fort-Coulonge - Otter Lake - Kazabazua area. MRNQ, DPV 514, 309 p., with 4 maps, 1:63 630 to 1:7 920.
  • Ralph Kretz, 2009a — « Metasomatic transformations in two metamorphic complexes dominated by heterogeneous Ca-pyroxene-hornblende granite and syenite, Otter Lake area, Québec, Canada », The Canadian Mineralogist, vol. 47, p. 1137-1158.
  • Ralph Kretz, 2009b — Raport géologique : Otter Lake, GM64001, ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles du Québec.
  • Madore L., Sharma K.N.M., Globenski Y. et Giguère E., 1994 — Synthèse géologique de la région de Fort-Coulonge (SNRC 31F). MRNQ, MB 94-39, 23 p., avec une carte au 1/100 000.


Photo 3. - Granite blanc et reliquats du skarn vert. Les petits bonhommes fixes permettent de se repérer d'une photo à l'autre. Photo 29 avril 2000.


Photo 4. - La proportion de granite blanc augmente. La rouille devient très apparente. Photo 29 avril 2000.



Photo 5. - Même pan de roche que sur les photos 4 et 6 ; photo prise en août 2017. Sauf la tache blanche rouillée, au centre (que l'on retrouve à la droite de la photo 4), il ne reste plus grand chose de visible des roches.


Photo 6. - Le mélange granite et skarn tourne au gneiss rubané. Photo 29 avril 2000.


Photo 7. - Granite blanc et gneiss rubané au sommet, recoupé, en bas par un skarn vert à calcite rose. Photo 29 avril 2000.


Photo 8. - Vue en bas de la photo précédente. Granite blanc et gneiss rubané au sommet. Plus bas, une langue de skarn vert et de calcite rose recoupe le gneiss rubané. La calcite rose semble elle-même intrusive dans le skarn (voir photo 9). Photo 29 avril 2000.


Photo 9. - Extrémité ouest de la masse de skarn vert envahie par de la calcite rose ; marbre mobilisé à droite. Photo 29 avril 2000.



Photo 10. - Même endroit que la photo 9, cadrage semblable, août 2017.


Photo 11a. - Marbre mobilisé et skarn vert clair en bas, au centre. Photo 29 avril 2000.


Photos 11b (ajout 2 nov. 2017). - Détail de ma photo 11a et de la fig. 12 de Kretz (2009a ; légende qui suit a été adaptée par moi). Photo noir et blanc (Kretz) : couches apparemment rompues d'un skarn à Ca-pyroxène (s sur fond clair) et à Ca-pyroxène-scapolite (s + formes sombres) dans un marbre (m). La barre au sol = 1 m. (Photo de Kretz : scan à partir d'une photocopie de l'article dans lequel elle était reproduite en noir et blanc.)


AJOUT (3 oct. 2017).


Tant qu'à sortir ses vieilles choses... Voici trois photos prises le 5 novembre 1997 au skarn Lawless par François Lévesque, du CMO. Le personnage au casque jaune est votre serviteur, version 20 ans plus jeune.



Photo 12. - Travail sous la masse de calcite rose visible à la photo 9.



Photo 13. - Je n'ai plus mon casque jaune mais j'ai toujours cette veste bleue qui reste ma préférée : aucune crainte de la salir.



Photo 14. - Granite grossier blanc (pegmatite) semé de diopside vert et recoupé par des intrusions de calcite rose grossière. Marteau : 30 cm.

lundi 2 janvier 2017

Calcite bleue et orangée le long de l'autoroute 5, Chelsea et Wakefield, QC (MàJ)


Intrusion de calcite rose. Wakefield, QC, autoroute 5, juillet 2016.


Localisation

SNRC 31G/12
Autoroute 5, Chelsea et Wakefiled (Québec) ; nouvelle section N.

Note

Le sujet de cette mise à jour - l'origine de filons de calcite recoupant des roches calco-silicatées et des gneiss de l'autoroute 5 à Chelsea et Wakefield, QC - a déjà été l'objet de plusieurs billets. Je n'en reprends pas ici l'exposé, veuillez consulter les billets suivants :
Voir aussi :
  • Billets (4) sur le prolongement de l'autoroute 5 (suivre les liens d'un billet à l'autre à partir de celui du 6 janvier 2010).
Un petit mot cependant sur le contexte géologique ; les roches de Chelsea et Wakefield font partie de la province de Grenville (plus d'un milliard d'années) du Bouclier canadien : batholite de syénite-diorite de Wakefield, métasédiments du groupe de Grenville (marbre et roches calco-silicatée, paragneiss, quartzite). Du granite, des pegmatites recoupent le tout, ainsi que des filons ou dykes de calcite.


Il y a du nouveau dans le dossier des intrusions (filons, dykes ou poches) de calcite orangée dans les roches métamorphiques et plutoniques de Chelsea et de Wakefield, le long de l'autoroute 5.

D'abord, un article parus dans Rocks & Minerals (Bellay, Picard et al., 2016). Il est amusant (de mon point de vue) de voir les auteurs afficher une perplexité au moins égale à la mienne quand à la nature exacte de ces dykes de calcite :


«Some researchers (Sinaei-Esfahani 2013; Schumann and Martin 2016) suggest that the calcite veins and pods at Highway 5 are carbonate intrusives derived from local melting of regional marble related to influx of a mixed crustand-mantle-derived alkaline fluid, a hypothesis propounded to be supported by carbon/oxygen isotope and textural evidence. Although it is strongly possible that some degree of local calcite melting occurs at these metamorphic conditions (see Lentz 1999), the evidence presented in the studies could just as easily be interpreted as metamorphic and/or metasomatic, but this is beyond the scope of this article.» (Bellay, Picard et al., 2016, p. 560.)

C'est, en peu de mots, résumer toute la question. Déjà, d'autres études en étaient arrivés à la conclusion que les filons de calcite étaient des carbonatites dérivées de la fusion du marbre local au contact de fluides magmatiques d'origine profonde (voir aussi Martin et Sinai, 2012 ; de Fourestier, 2008 : billet du 6 nov. 2012). Cependant, la théorie la plus favorisée reste celle d'une origine métasomatique par interaction des paragneiss avec les abondants marbres régionaux. Ces interactions auraient conduit à la formation de roches calco-silicatées (ou skarns). La calcite résiduelle (marbre), plus ou moins mobilisée, se serait injectée ou concentrée en filons ou en masses informes. (Voir billet du 18 févr. 2012.) Selon Sinaei-Esfahani (2013), les filons de l'A5 sont datées de 980-1020 millions d'années.

(Et voilà que je suis en train de faire ce que j'avais justement affirmé ne pas vouloir faire : un exposé du problème. Il est difficile de savoir à partir de quel point les informations cessent d'être nécessaires pour devenir superflues.)

Ensuite, un compte-rendu de conférence (Schumann et Martin, 2016) qui traite d'un marbre bleu (calcite bleue) intriguant (Sinaei-Esfahani, 2013). Le titre de la conférence est sans équivoque : «Blue calcite in the Grenville Province: Evidence of melting» :


«There are indications that marble can melt in a post-collision tectonic environment like that in the Grenville province. Regionally developed temperatures and pressures are estimated to have been at least 750̊C and 7–8 kilobars in the Gatineau Park area, north of Ottawa (Canada). Our attention was focused on occurrences of blue marble along Highway 5, close to Old Chelsea and Wakefield, Quebec.» (Je passe les considérations très techniques pour en arriver à la conclusion des auteurs que le marbre bleu provient d'un «silicocarbonatitic melt of crustal origin».)

Alors, calcite d'origine métasomatique ou carbonatitique ? Dans les deux cas, les marbres locaux apportent l'élément prépondérant : la calcite. Tenter de conclure est au-delà des prétentions de ce blogue...

Et comme ces filons de calcite vieux d'un milliards d'années sont répandus de Mont-Laurier, QC, à Bancroft, ON (billet du 18 févr. 2012), le débat dépasse le cadre des territoires de Chelsea et de Wakefield.


Références

  • Philippe M. Belley, Michel Picard, Ralph Rowe & Glenn Poirier (2016). «Selected Finds from the Highway 5 Extension: Wakefield Area, Outaouais, Québec, Canada», Rocks & Minerals, 91:6, 558-569, DOI: 10.1080/00357529.2016.1217473 Lien : http://dx.doi.org/10.1080/00357529.2016.1217473
  • Dupuy, H., 1989, Géologie de la région de Wakefield-Cascades. Ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, Québec, MB89-18, 1989, 14 pages, avec 1 carte (1/20 000).
  • Fourestier, J. de, Mineralogy of the Autoroute 5 extension, Chelsea, Quebec, Canada, 2008, rapport inédit.
  • Lentz, D. R. 1999. «Carbonatite genesis: A reexamination of the role of intrusion-related pneumatolytic skarn processes in limestone melting», Geology 27:335–38.
  • Martin, R.F. and Sinai, F. 2012. «Rheomorphic fenite and crustal carbonatites: new complications in the Grenville crust, Old Chelsea area, Quebec», abstract in Geological Association of Canada–Mineralogical Association of Canada, St. John’s 2012, Program with Abstracts, v.35, p.85.
  • Schumann, D., and R. F. Martin. 2016. «Blue calcite in the Grenville Province: Evidence of melting». Abstracts with program, Geological Society of America Annual Meeting, March 2016. Available online: https://gsa.confex.com/gsa/2016NE/webprogram/Paper272356.html.
  • Sinaei-Esfahani, F. 2013. Localized metasomatism of Grenvillian marble leading to its melting. MSc thesis, Department of Earth and Planetary Sciences, McGill University, Montreal. Lien : http://digitool.library.mcgill.ca/thesisfile117148.pdf



Roche hôte recoupée par des filons ou dykes felsiques rouge sombre ou orangés ; le tout est recoupé par un filon-dyke tardif de calcite d'un orangée plus clair (au centre). Wakefield, QC, autoroute 5, juillet 2016.


Mise à jour (7 nov. 2018)



Skarn (ou plutôt silicarbonatite d'origine crustale, pour utiliser la terminologie des auteurs cités) à calcite rose-saumon et apatite verte, mine Yates, près d'Otter-Lake, dans la municipalité régionale de comté de Pontiac, Qc. Photos : Darryl MacFarlane (à gauche) et John Betts (à droite), dans Schumann et Fourestier, 2017.



Nouvelles publications sur le sujet

(Ce qui suit est un résumé, en termes très peu techniques, pour mon usage personnel. Il exprime l'état de ma compréhension des choses ; pour des avis plus autorisés, voyez les travaux originaux - dans « Références », plus bas.)


Les « skarns » - silicarbonatites d'origine crustale dans la terminologie des auteurs - se sont mis en place dans la province de Grenville il y a un milliard d’années (998 et 1015 Ma : datation mine Yates à Otter Lake), durant une période d’accalmie qui a suivi un paroxysme tectonique. Le détachement (délamination) de la partie inférieure de croûte épaissie aurait favorisé une remonté de l'asthénosphère chaude. Le « fluxed silicacarbonatitic melt » à l'origine des « skarns » serait le résultat de la cristallisation de magmas générés par fusion partielle (anatexie) de la base de la croûte résiduelle. Tant le marbre que les gneiss profonds auraient contribué à la génération de magmas carbonatés et silicatés contemporains - dont les résultats sont les « skarns » et les omniprésentes pegmatites granitiques aujourd'hui observés. Les « skarns » ne seraient donc pas des... skarns, du moins au sens strict, c’est-à-dire le résultat du métamorphisme de contact entre un corps carbonaté et une roche magmatique, mais des carbonatites crustales - par opposition aux carbonatites mantelliques. « Rather than being part of the skarn, we interpret the pyroxenite as a cumulate formed of crystals than sank in the silicocarbonatitic melt. » (Martin, Schumann et Fourestier, 2017)


(D’un point de vue strictement personnel, ne tenant pas à m’immiscer dans un débat entre spécialistes, la nature grossière et massive de nombreux skarns (qu'importe le nom qu'on leur donne) et la présence de phénocristaux géants (par ex. d'apatite dans la calcite, voir photo) les rapprochent davantage des roches intrusives filoniennes, comme les pegmatites granitiques, justement, que des roches métamorphiques normales du voisinage, marbre et gneiss. Ces dernières, en effet, sont d’une granulométrie plus fine et d’une structure habituellement orientée (foliée ou rubanée).


Références
  • F. Martin, Robert & Schumann, Dirk & Fourestier, Jeffrey de. (2017). Globules of fluxed silicocarbonatitic melt at Otter Lake, Quebec: A new complication in the Grenville Province. Conference: GAC-MAC Kingston 2017, At Kingston, Ontario, Canada, Volume: Technical Program T2: The Metamorphic Architecture of Orogenic LIEN
  • F Martin, Robert & Schumann, Dirk & Fourestier, Jeffrey de. (2017). THE CLUSTERS OF ACCESSORY MINERALS IN GRENVILLE MARBLE CRYSTALIZED FROM GLOBULES OF MELT. Geological Society of Sri Lanka Public Lecture Series 2017, DOI:10.13140/RG.2.2.16937.85601 LIEN
  • F Martin, Robert & Schumann, Dirk & Fourestier, Jeffrey de. (2017). The clusters of accessory minerals in Grenville marble crystallized from globules of melt. Geological Society of Sri Lanka Public Lecture Series 2017, DOI:10.13140/RG.2.2.16937.85601 LIEN
  • Schumann, Dirk & F. Martin, Robert & Fourestier, Jeffrey de & Fuchs, Sebastian. (2017). Silicocarbonatite melt inclusions in fluorapatite from Otter Lake (Quebec): Evidence of carbonate melts in the Central Metasedimentary Belt of the Grenville Province. Conference: GAC-MAC Kingston 2017, At Kingston, Ontario, Canada, Volume: Technical Program T2: The Metamorphic Architecture of Orogenic Belts LIEN

jeudi 1 janvier 2015

Mine Blackburn et souhaits quelconques



Mine de mica-apatite Blackburn, ou Vavasour, à Cantley (Québec), en 1942. Photo O. Lafontaine, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). (J'ai accentué les contrastes du document.)
E6,S7,SS1,P6299. Description dans BAnQ : Vavasour Mine-Blackburn Bross, Cantley / O. Lafontaine. - 1942.


Pour le premier jour de la deux mille quinzième année, une image que j'ai trouvée par hasard dans le site de la BAnQ et qui ne pourra jamais servir à transmettre de quelconques souhaits à quiconque, qu'importe l'occasion.

Quoique ?

Voir aussi le billet du 3 nov. 2013 sur la mine Blackburn (et suivre les liens).



Mine Blackburn (ou Vavasour) : géologie (Hogarth, 1972) ; couleurs : votre serviteur. La «roche à silicate calcique» est une métapyroxénite, ou un skarn ; les veines de mica-apatite, surlignées en rouge, recoupent les formations. On peut tenter de reconnaître les deux bâtiments de la photo.
Source : Hogarth D.D., Moore J.M., dans : Baird D.M. (compil. et édit.), 1972 — Géologie de la région de la Capitale nationale. Commision géologique du Canada, livret guide bilingue, 24e congr. géol.

dimanche 16 mars 2014

Marbre en fusion à Chelsea (autoroute 5)



Photo 1A. Dykes de calcite (rose et orangé) recoupant une roche calco-silicatée (vert : skarn – ou fénite) ; à gauche, en rouge sombre, une intrusion granitique. Des éléments vert sombre semblent voltiger dans la masse plus pâle. Chelsea (Québec), tronçon de l'autoroute 5 en construction, au nord de Tulip Valley, oct. 2008. (Voir photo 1B en fin de billet.)


Note. — Une fausse manœuvre a mis ce brouillon prématurément en ligne. Des retouches viendront.


Résumé

Visite de la section de l'autoroute 5 à Chelsea (Québec) inaugurée en 2009 avec le minéralogiste Jeffrey de Fourestier, en août 2013. Selon les travaux de Fahimeh Sinaei-Esfahani et de Fourestier, les dykes de calcite rose et orangée de l'endroit seraient des carbonatites résultant de la fusion des marbres locaux par des fluides magmatiques alcalins d'origine mantellique. (Voir «Références», en fin de billet)
Contexte géologique
Roches calco-silicatées (skarns) et/ou carbonatites (fénites) dans les métasédiments riches en marbre recoupés par la syénite de Wakefield, province de Grenville du Bouclier canadien (un milliard d'années).
Localisation
Autoroute 5, à Chelsea (Québec) : nouveau tronçon inauguré en 2009, au nord de Tulip Valley.
45.572822,-75.873903
Billets traitants du même sujet ou de sujets connexes
Skarns et carbonatites à Chelsea
«Chelsea : dykes et brèches de calcite», 6 nov. 2012
«Skarns : article recyclé», 16 févr. 2012
«Prolongement de l'autoroute 5, Chelsea (Québec) : vallée du ruisseau Meech (3)», 17 janv. 2010
«Intrusion de calcite à Chelsea (Québec), autoroute 5», 22 nov. 2009
Histoire minière de l’Outaouais
«Les mines (parties I et II)», 3 et 7 mars 2012


Local et lointain

En août 2013, j'ai eu la chance de visiter les tranchées rocheuses du nouveau tronçon (2009) de l'autoroute 5 au nord de Chelsea en compagnie du minéralogiste Jeffrey de Fourestier. Il a été malheureusement impossible de combler en une seule journée toutes les lacunes de mon expertise en minéralogie ; au moins, j'ai pu mieux prendre conscience de la variété des phénomènes qui ont façonné et trituré les roches du secteur et de la subtilité de certaines manifestations qui ont laissé de discrètes empreintes.

Magmatisme, métasomatisme, intrusions hydrothermales, gossans (chapeaux de rouille signalant des minéralisations), lectures de la radioactivité, marbre bleu (unique dans la région, voir photo 2), calcite rose omniprésente, etc. ; le programme a été chargé. Je propose ce coin du Bouclier canadien à qui me supportent pas la monotonie.

Jeffrey a, entre autres, identifié une occurrence d'un minéral radioactif, l'oxycalciobétafite, reconnu d'abord dans des échantillons... lunaires ! (Voir photo 2.) La présence de minéraux radioactifs (rarissimes ou banals) indiquent qu'il y a eu ségrégation, migration et concentration d'éléments. Bref, le métamorphise, très «local», qui a formé les roches non moins «locales» du Bouclier canadien a subi toutes sortes d'influences et d'infiltrations plus ou moins «lointaines» – lire «prodondes».

Les roches des collines au nord de Gatineau (Québec), histoire de bien situer les choses, appartiennent aux Laurentides, partie du Bouclier canadien qui se confond a peu près à la province géologique de Grenville, vieille d'un milliard d'années.

Signalons, pour le site qui nous intéresse, la proximité de larges bandes de marbre ainsi que celle du batholithe syénitique de Wakefield dont la marge E coupe l'autoroute au N et au S du site qui nous intéresse.


Skarns vs carbonatites

Le résultat le plus important des travaux de Sinaei-Esfahani et de de Fourestier a été la reconnaissance de carbonatites* dans les masses et dykes de calcite rose-orangée qui recoupent les roches calco-silicatées, aussi nommées skarns, révélées par les tranchées (voir billet du 16 févr. 2012, lien plus haut ; voir aussi photos 1A-B).

* Carbonatites : roches magmatiques d'origine mantellique formées de carbonates (calcite ou dolomie)

Les skarns sont des roches à forte teneur en silicates de calcium et de magnésium. Plusieurs fois, le blogue est revenu sur l'omniprésente association dans la région des skarns et des occurrences de calcite rose grossière qui les accompagnent. (Voir billet 16 févr. 2012, lien plus haut.)

Ces masses de calcite – pour ne pas autrement les qualifier – se remarquent aisément sur le terrain (voir les photos du billet). D'abord, par leurs teintes, roses ou orangées* ; ensuite, par leur grain, grossier (cristaux atteignant plusieurs cm). Enfin, la «matière» est souvent hétérogène, semée de minéraux étrangers : apatite, mica, fluorine, silicates «verts» (pyroxènes et/ou amphiboles), etc. La calcite survient en filons, déformés ou non, lentilles, masses quelconques, ou passe à un marbre blanc-blanchâtre régulier, autre roche omniprésente dans la région.

* Attention (erreur de débutant) à ne pas confondre ces masses de calcite avec du granite rose ou orangé !...

Les occurrences de calcite rose ont eu leur importance dans le passé ; on les a exploitées pour le phosphate (fluorapatite) et le mica (phlogopite) dès la fin du XIXe s. et les collectionneurs de beaux cristaux continuent d'explorer les halles des anciennes mines de l'Outaouais. Elles font partie de notre histoire. (Voir billets du 3 et 7 mars 2012, liens plus haut.)


Origine de la calcite

Pour expliquer les mobilisations, intrusions ou transformations dont ces masses de calcite ont été l'agent, l'objet ou le résultat, les géologues n'ont pas été en peine d'explications.

Sur le terrain, un indice apparaît à l'évidence : l'association étroite des skarns et des abondants marbres locaux. Plusieurs avancent que les skarns sont des calcaires silicieux métamorphisés ; d’autres (ou les mêmes…) invoquent l'influence mutuelle et diffuse (on dit métasomatisme) de marbres dolomitiques (magnésiens) et de gneiss silicieux durant le métamorphisme*. Rappelons que toutes ces transformations se sont déroulées à plus de vingt km de profondeur : dans ces conditions, les roches sont moins inertes qu'en surface !

* Quelle que soit l'origine de la calcite (CaCO3 ± de magnésium), elle a réagi avec les roches silicatées avec pour résultat la production de minéraux calco-silicatées (le «vert» dans les photos).

La circulation de fluides d'origine métamorphique ou magmatique – dans ce cas, provenant de l'intrusion de granites – aurait participé aux processus ou les aurait prolongés, lessivant les roches ici pour précipiter le carbonate de calcium, le magnésium, le phosphate et le fluor là. Ainsi, entre autres, se seraient formé sur le tard (relativement) les veines de calcite-apatite-phlogopite qui recoupent les skarns…

D'autres géologues, enfin, ont supposé que nous étions en présence d'intrusions de carbonatites, roches magmatiques d'origine mantellique (donc profonde) formées de... carbonates (calcite ou dolomie).

Tout tourne donc autour de l'origine de la calcite rose : calcite «sédentaire» (marbres locaux métasomatisés in situ) ou «migratoire» (magmas de provenance profonde, vecteurs de fluides hydrothermaux) ? L'alternative semble se résoudre, après les travaux de Sinaei-Esfahani et de Fourestier, en faveur des partisans d'une origine exotique, ou profonde, indirecte, de la calcite.

Selon Fahimeh Sinaei-Esfahani et de Fourestier, les dykes de calcite rose et orangée de l'autoroute 5 seraient des carbonatites résultant de la fusion des marbres locaux par des fluides magmatiques alcalins (syénitiques), peut-être associés à l'emplacement de la syénite de Wakefield (voir ce billet) qui coupe l'autoroute au sud et au nord du site considéré.

Donc, la calcite est d'origine locale, et les fluides et magmas qui l'ont mobilisée, d'origine lointaine. De quoi contenter tout le monde.


Explication gigogne

J'avais déjà proposé une explication qui les contiendrait toutes (billet du 17 janv. 2010, lien plus haut) :

Imaginez des influences diffuses entre bancs de roches ; des échanges, pas nécessairement réciproques, par l'entremise de fluides minéralisés (avec peut-être du granite, si vous y tenez, pour alimenter et faire circuler des courants hydrothermaux) ; bref, une chimie complexe à 20 km de profondeur, se déroulant en de multiples étapes, simultanées ou successives, et vous ne serez pas loin de la vérité.

Tout devient simple quand on accepte que c'est compliqué... .


Conclusion

Je n'ai fait ici qu'effleurer le sujet. La liste des phénomènes géologiques et minéalogiques que pourrait illustrer chacun des affleurements du secteur est interminable. Métamorphisme, métasomatisme, magmatisme, fluides hydrothermaux, gossans, molybdénite, brucite, minéraux radioactifs, etc.

Merci à Jeffrey de Fourestier de m'avoir expliqué plus de choses sur la géologie et la minéralogie de ce tronçon de l'autoroute 5 que j'ai pu en retenir (et que je pourrai en exposer ici !...)

L'histoire du site est complexe et s'est déroulé en plusieurs stages ainsi qu'en témoigne la présence de minéraux bien formés (euhédraux) dans des roches autrement fortement déformées et métamorphisées. Je pense, notamment, aux cristaux quartz érodés par les fluides hydrothermaux qui se révèlent ainsi bien «tardifs».


Références

  • Fourestier, J. de, Mineralogy of the Autoroute 5 extension, Chelsea, Quebec, Canada, 2008, rapport inédit.
  • Fahimeh Sinaei-Esfahani, Localized metasomatism of Grenvillian marble leading to its melting, Autoroute 5 near Old Chelsea, Quebec, Department of Earth and Planetary Sciences McGill University, Montreal, 2013. (PDF)
  • Martin, R.F. and Sinai, F. 2012. «Rheomorphic fenite and crustal carbonatites: new complications in the Grenville crust, Old Chelsea area, Quebec», abstract in Geological Association of Canada–Mineralogical Association of Canada, St. John’s 2012, Program with Abstracts, v.35, p.85. (PDF)



Photo 1B. Vue rapprochée de dykes déformés de calcite saumon. Cf. photo 1A, coin supérieur gauche. Chelsea (Québec), tronçon de l'autoroute 5, au nord de Tulip Valley. (Photo oct. 2008.)



Photo 2. Dyke de calcite radioactive recoupant un orthogneiss gris. Le minéral radioactif est l'oxycalciobétafite, rare minéral d'abord identifié dans des échantillons lunaires. Son occurrence à Chelsea est une découverte de Jeffrey de Fourestier. Chelsea (Québec), tronçon de l'autoroute 5, au nord de Tulip Valley. (Photo août 2013.)



Photo 3. De gauche à droite : marbre blanc (qui était originellement jaune, lorsque la tranchée était fraîche, m'a dit Jeffrey), calcite orangée et «roche verte» plissée (identification d'après la photo), marbre bleu et granite rose (d'après mes notes de terrain pour ces derniers). Géologie très bigarrée ! Chelsea (Québec), tronçon de l'autoroute 5, au nord de Tulip Valley. (Photo août 2013.)



Photo 4. Autres intrusion de calcite, plus au sud que celles montrées plus haut. Lentille de calcite à fluorine et phlogopite dans un orthogneiss. Chelsea (Québec), autoroute 5, entre les chemins Old Chelsea et Scott. (Photo juillet 2010.)



Photo 5. Intrusion de calcite transportant des lentilles et masses felsiques (grises et blanches). Chelsea (Québec), autoroute 5, entre les chemins Old Chelsea et Scott. (Photo juillet 2010.)



Photo 6. Masse de calcite claire repoussant une calcite grise chargée de xénolithes. Chelsea (Québec), autoroute 5, au sud de Tulip Valley. (Photo juillet 2000.)

dimanche 3 novembre 2013

Mine Blackburn à Cantley (ajout)


Mine Blackburn, à Cantley, QC. Calcite rose et apatite turquoise. Le coupe-vent bleu fait ce qu'il peut pour s'harmoniser avec la trouvaille. (Photo 3 nov. 2013.)


Résumé

L'auteur entonne le couplet convenu sur le temps qui passe et la destruction des paysages familiers.
Localisation
Ancienne mine Blackburn (mica et apatite), chemin Blackburn, à Cantley (Québec), au nord de Gatineau.
45.555575,-75.791245
Pour en savoir plus : voir le billet du 7 mars 2012 (exploitation du mica (phlogopite) et de l'apatite). Voir aussi le billet «Skarns : article recyclé», 16 février 2012.



La mine Blackburn, connu aussi sous le noms de mine Vavasour, et ouverte en 1878 à Cantley, fut déjà la plus importante mine de mica en occident. (Voir coupes et plan plus bas.) En 1881, 500 personnes travaillaient, à la mine elle-même ou aux ateliers de traitement du mica. C’est aussi la plus profonde des mines de la région : une des tranchées atteignait 200 m de profondeur. La mine cessa ses activités en 1964. Sa fermeture mit un terme à l’exploitation du mica en Outaouais. (Tiré du billet «Histoire minière de l'Outaouais II», 7 mars 2012, lien plus haut.)

En vingt ans, j'ai visité la mine Blackburn à cinq reprises tout au plus.


Mine Blackburn : géologie (Hogarth, 1972) ; couleurs : votre serviteur. La «roche à silicate calcique» est une métapyroxénite, ou un skarn.


La première fois, c'était au début des années 1990. La mine était abandonnée depuis presque trente ans. Il suffisait de s'enfoncer dans le bois pour découvrir des tranchées étroites profondes de plusieurs mètres. J'ai jugé prudent de ne pas tenter la chance, craignant autant la descente que la remontée qui s'ensuivrait(?). Un énorme chien fou avait couru de loin pour... jouer avec moi. Très mauvais chien de garde qu'il faudrait dénoncer à ses propriétaires.

Lors de la seconde visite, dans la seconde moitié des années 1990, j'ai trouvé les tranchées comblées. Il restait les fondations des bâtiments de la mine (peut-être même une cabine, ma mémoire est floue sur ce point). Une vaste surface était couverte par des débris de roches roses (calcite) et vertes (pyroxénite) provenant sans doute des haldes*. Un collectionneur de cristaux ou de roches pouvaient encore espérer rapporter quelque chose de son expédition.

* Haldes : tas de roches stériles rejetées durant l'exploitation d'une mine.

J'y suis retourné à deux reprises en juin et juillet 2001, explorer les environs et faire des relevés aux pas et à la boussole.

Novembre 2013, le site est en développement : les rues sont tracées, les terrains vendus ou déjà construits. Les haldes de la mine servent de remblais aux rues et aux entrées de garage. Pour l'instant, la collecte de minéraux est encore possible, les observations aussi, mais, bientôt, tout sera pelousé et asphalté.

Le long du chemin Blackburn, les vieilles demeures campagnardes, les premiers pavillons de banlieue qui datent déjà de plus d'une génération ont été rejoints par de démesurées demeures de briques rosâtre. Les chiens sont tenus en laisse.

On n'arrête pas le progrès, l'étalement urbain ou l'oubli. Chacun son histoire, chacun ses regrets.


Galeries de la mine Blackburn, modifié de Van Velthuizen (1998).


Références

  • Hogarth D.D., Moore J.M., dans : Baird D.M. (compil. et édit.), 1972 — Géologie de la région de la Capitale nationale. Commision géologique du Canada, livret guide bilingue, 24e congr. géol.
  • Van Velthuizen, J., 1998, The Gow (Blackburn Mine, Cantley, Québec). Gratitude Press Canada, 214 p., reliure spirale.


«Roche à silicate calcique» verte (ici, du pyroxène) recoupée par un filon de calcite rose (cf. carte géologique plus haut). (Photo 3 nov. 2013.)


Livrets de mica (phlogopite) large de plus de 30 cm dans une masse de calcite semblable à celle de la photo plus haut. (Photo 3 nov. 2013.)


Plis dans le gneiss à biotite (cf. carte géologique). Débris de skarn et de calcite rose au sol. Les environs sont jonchés de feuillets et de paillettes de mica. (Photo 3 nov. 2013.)


Ajout (4 nov. 2013)

Vieille (1914) carte géologique de la mine Blackburn (dite aussi mine Nellis et Vavasour). La compréhension de la géologie ayant évolué, la légende est devenue en partie obsolète. Les contours des formations et la cartographie elle-même restent cependant valables. La carte a aussi un intérêt historique. Comparer avec la carte de Hogarth (1972), plus haut.



Mine Blackburn (ou Vavasour, ou Nellis, comme ici) à Cantley (Stanfield, 1914.) Les «mica-bearing veins» sont des filons de calcite rose contenant, outre le mica (phlogopite), de l'apatite.
Tirée de : J. Stanfield, 1914 — «Excursion A8 : gisements minéraux du district d'Ottawa», in : Excursions aux environs de Montréal et d'Ottawa. Commission géologique, Livret-guide no 3 (excursions A6, A7, A8, A10, A11), Ottawa, Imprimerie du Gouvernement, 1914.

mardi 11 juin 2013

Veine de mica à Perkins (Québec)


Une étrange veine de mica recoupe un granite, rue des Aigrettes, à Perkins (Val-des-Monts, Québec). On a un peu l'impression de quelque chose de fluide qui se serait immiscée à travers le socle en emportant des fragments de roches en progressant. J'avoue ne rien oser affirmer de façon trop péremptoire...

Toutes les photos : 9 juin 2013.

Contexte géologique : roches de la province de Grenville, division du Bouclier canadien ayant entre 1,3 et 1 milliard d'années.


Photo 1.
Photo 1. Spectaculaire veine de mica noir (biotite ?) recoupant un granite rose, lequel recoupe des gneiss rubanés (photo 8). Pas très photogénique, je l'avoue... Certains cristaux de mica atteignent plus de 20 cm (au centre de la photo).


Photo 2.
Photo 3.
Photos 2 et 3. Des éclats ou des yeux disloqués de quartz blanc (granite ? quartzite ?, les deux abondent dans le secteur) sont contenus ou charriés dans la veine. Le mica épouse la forme de l'inclusion et s'est infiltré dans les fractures.


Photo 4.
Photo 4. Le tout présente l'aspect d'un conglomérat à matrice micacée. Voyez le «galet» arrondi en haut, à gauche du centre de la photo (voir photo 6). Largeur de la surface photographiée : 30 cm.


Photo 5.
Photo 5. Détail de 4 ; des cristaux xénomorphes ou idiomorphes sont charriés dans la masse de mica. Certains sont brisés et anguleux. Je regrette de ne les découvrir que sur photos, il aurait été plus facile de les identifier in situ. Étant un médiocre minéralogiste, j'invite les connaisseurs à donner leur opinion...


Photo 6.
Photo 6. Détail de 4 ; inclusion arrondie, érodée par le transport dans la veine, ou pseudo-galet ?


Photo 7.
Photo 7. Dyke rectiligne de quartz recoupant un gneiss, quelques dizaines de m au sud. Ça semble, avec ses rares cristaux de feldspath rose, le même que celui des xénolithes de la veine de mica : coïncidence ?


Photo 8.
Photo 8. La roche hôte du granite et de la veine : paragneiss rubané local, de l'autre côté de la rue, face à la photo 1.

mardi 6 novembre 2012

Chelsea : dykes et brèches de calcite


Autoroute 5, Chelsea (Québec) ; photo Henri Lessard (17 juin 2000).
1. Dyke ou brèche de calcite large de plusieurs mètres recoupant un gneiss gris. Une calcite claire repousse une calcite «sale», les deux variétés portant de multiples xénolites anguleux. Carbonatite ou marbre (deux fois) mobilisé ? Voir cet ancien billet (à une époque, je numérotais les photos de ce blogue, quelle patience j'avais...)
Les xénolithes, anguleux, ne doivent pas provenir de bien loin, en particulier celui, fragile, de forme allongée et effilée. Il a quand même disposé du loisir de développer une bordure micacée noire en réaction à son bain de calcite.


Moment de liesse pour ce blogue.

Enfin, après presque 20 ans de patience et de recherches, je dispose d'un début d'explication sur un phénomène géologique pourtant très courant au nord de Gatineau. Jusqu'ici, j'avais dû me contenter d'informations indirectes ou d'inférences toutes personnelles. (Voir mes billets à ce sujet ; lien et lien.)

Je parle des filons, dykes et brèches de calcite rose à orangée qui recoupent les métasédiments et les orthogneiss de l'autoroute 5 à Chelsea.

(Note. – Ce billet a subi de multiples retouches depuis sa mise en ligne.)


Calcite ubiquiste
Ces intrusions de calcite, omniprésentes, sont les orphelines de la géologie locale. J'avais avancé à l'époque 3 hypothèses (qui ne s'excluaient pas) sur leur nature (ce billet) :

  • 1) Marbre mobilisé. Le marbre, abondant dans la région, et constitué de… calcite, est une bonne source de… calcite ! Par fluage, en réponse aux contraintes tectoniques, il est arrivé que le marbre se soit injecté dans les formations voisines moins ductiles en plissant et disloquant les pans et fragments de roc qu’il emportait. Il s'agit de mobilisations locales. Voir, par exemple, ce marbre à xénolithes dans cet ancien billet : à comparer avec la photo no 1 du présent billet ;
  • 2) Skarns, omniprésents dans la région, résultats de l’interaction de marbres dolomitiques (magnésiens) avec les paragneiss silicieux voisins. Bref, du métasomatisme, ou influences mutuelles locales entre roches adjaçantes, supposant peu ou pas du tout d’apports extérieurs. Voir ce billet ;
  • 3) Carbonatites, rares, mais comme il en existe au lac Meech et au lac McGregor (Hogarth, 1997) ou à Buckingham (Hogarth, 2003). Cristallisation d’un magma composé de carbonates (calcite et/ou dolomie). Dans ce cas, il s’agit d’une roche d’origine lointaine, et même profonde, les fluides magmatiques, contaminés ou non par les marbres qu’ils auront traversés, provenant des couches inférieures de l’écorce terrestre. Voir ce billet, déjà mentionné.

Les marbres mobilisés (hypothèse no 1), habituellement gris, à grain plus modeste que les intrusions de calcite rose, souvent très grossières (cristaux de calcite de plus de 3 à 4 cm ; photos 3A et 3B), ne semblent décidément pas de bons candidats pour ce qui nous intéresse. Les skarns et les carbonatites (hypothèses 2 et 3), se manifestent souvent sur le terrain par la coexistence de calcite rose grossière à très grossière et de minéraux verts (diopside, amphiboles), résultat de l'interaction des carbonates avec les minéraux silicieux des roches encaissantes.


Easton (2012) : syénites de la région de Brudenell (Ontario)..
2. Photos tirées de Easton (2012), légendes adaptées.
A) Filon de calcite grossière rose pâle recoupant une syénite rouge. B) Agrégat de calcite grossière pâle et de feldspath potassique dans la même syénite rouge. C et D) Filon boudiné de calcite recoupant une syénite grise et fragment isolé de feldspath rose dans la même syénite. 
Comparez les photos A et B avec les photos 3A et3B, prises sur le bord de l'autoroute 5. (Voir ce billet.) Comparez aussi les photos C et D avec les photos 5 et 6.
Easton relie des carbonatites et des syénites associées de la région de Brudenell aux carbonatites-fénites étudiées à Chelsea par Martin et Sinai (2012). À juger d'après les photos, les ressemblances sont pour le moins évocatrices... 


Autoroute 5, Chelsea (Québec) ; photo Henri Lessard (7 octobre 2012).
3A. Filon de calcite-quartz-pyrite recoupant un granite à tourmaline qui, lui-même, recoupe la syénite-diorite de Wakelfield.

Autoroute 5, Chelsea (Québec) ; photo Henri Lessard (7 octobre 2012).
3B. Filon de calcite-quartz-pyrite recoupant le même granite qu'en 3A.


Travaux récents
Entre roches présentant un indéniable air de famille (hypothèses 2 et 3), il n'est pas toujours simple de savoir à quoi on a affaire...

Or, voici que je découvre les travaux de deux chercheurs de l'Université McGill sur les «fénites-carbonatites*» de Old Chelsea. Peut-être y verra-t-on enfin clair ?

«We focus here on an unexpected discovery of evidence of fenitization of the regionally developed quartzofeldspathic gray gneiss. This transformation occurs near dikes of orange calcite, which typically have a selvage of tiny euhedral diopside crystals and apatite granules.» (Martin et Sinai ; 2012)

Fénitisation, dyke de calcite orangée, diopside... Avouez que c'est évocateur.

Selon Martin et Sinai (2012), la calcite de ces dyke est intermédiaire entre celle des (abondants) marbres régionaux et des carbonatites d'origine mantellique. Le marbre local aurait réagi (métasomatisme) avec des fluides alcalins pour produire des carbonatites. Dans une perspective plus large, un processus de délamination crustale (vers 1040 Ma**) aurait entraîné la formation de magmas syénitique, granitique et carbonatitique par remontée concomitante du manteau terrestre, plus chaud. On pourrait se demander si le batholite de Wakefield (ce billet) ne ferait pas partie de cette suite magmatique reconnue plus à l'ouest en Ontario par Easton (2012).

À cette étape de l'exposé, il serait inexcusable de ne pas mentionner la suite volcano-plutonique potassique de Robitaille, à Buckingham (Hogarth, 2003), à un peu plus de 30 km à l'est de Chelsea. Les roches de la suite incluent justement des syénites/trachytes*** et une calciocarbonatite. Les analyses datent la suite du Mésoprotérozoïque (1060 Ma).

* Fénite : roche hôte modifiée par diffusion ou imprégnation (métasomatisme) par l'introduction d'une roche ignée alcaline ou d'une carbonatite.
** Ma : million d'années.
*** Trachyte : version effusive (lave) de la syénite.


Échantillon ca 1998, autoroute 5, Chelsea (Québec) ; photo Henri Lessard.
4. Calcite (et/ou dolomite) de teintes variées avec hématite spéculaire. Échantillon provenant d'une poche de calcite large d'environ 1 m installée dans un paragneiss. L'intrusion, en partie lessivée, était bordée de cristaux de quartz idiomorphes de quelques mm pointant vers l'intérieur. Des filons minces de quartz-calcite-pyrite recoupaient le paragneiss hôte.


Skarns ou carbonatites ?
Maintenant que la question de la présence ou non de carbonatites sur les bords de l'autoroute 5 a trouvé une réponse positive, le problème de les distinguer des skarns, tout aussi avérés et répandus à travers une plus vaste région, n'a toujours pas de résolution...

Skarns ou carbonatite, la question a toujours sa raison d'être.

Un billet à venir fera le point sur la question.


Autoroute 5, Chelsea (Québec) ; photo HenriLessard (29 octobre 1999).
 5. Intrusion de calcite à phlogopite et fluorite verte recoupant un orthogneiss. Skarn ou carbonatite ?


RÉFÉRENCES
  • Easton, R.M., «Project Unit 11-004. Geology and Mineral Potential of the Brudenell Area, Northeastern Central Metasedimentary Belt, Grenville Province, with an Emphasis on the Syenitic Rocks», Summary of Field Work and Other Activities 2012, Ontario Geological Survey, Open File Report 6280, p.12-1 to 12-17.
  • Hogarth, D.D., Rocks of the Mason - Buckingham - Mayo Area, with emphasis on Mesoproterozoic igneous types. MRNF, Québec, GM 63238, 2003, 28 p., 1 carte (1/20 000) (31G11).
  • Hogarth, D.D., «Carbonatites, fenites and associated phenomena near Ottawa», GAC/MAC, Joint Annual Meeting, Ottawa, Field Trip Guidebook A4, 1997, 21 p.
  • Martin, R.F. and Sinai, F. 2012. «Rheomorphic fenite and crustal carbonatites: new complications in the Grenville crust, Old Chelsea area, Quebec», abstract in Geological Association of Canada–Mineralogical Association of Canada, St. John’s 2012, Program with Abstracts, v.35, p.85. (Disponible (PDF) par Internet.)


Autoroute 5, Chelsea (Québec) ; photo Henri Lessard (27 mai 2000).
6. Filon de calcite dans un gneiss.


Autoroute 5, Chelsea (Québec) ; photo Henri Lessard (octobre 2008).
7. Skarn, pendant les travaux de prolongement de l'autoroute 5, contenant de la calcite rose et recoupé par un granite rouge brique (à gauche). Voir ce billet.