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samedi 26 juin 2021

L'Île Hull fracturée



L'Île Hull dans l'Outaouais, en face de l'Île-de-Hull, à Hull (Gatineau), vue depuis le belvédère de la Cour suprême, à Ottawa. Ce calcaire désolé (mais voyez la dernière photo) est un morceau émergé d'une plate-forme faisant partie du Groupe d'Ottawa, ou de Trenton, selon la nomenclature adoptée, datant d'il y a 465 millions d'années (Ordovicien moyen). Photo 31 juillet 2019.



Il a souvent été question dans ce blogue de l'Île Hull qui émerge des eaux de l'Outaouais à la hauteur de la Cour suprême (lien vers les billets sur le sujet), ne serait-ce que pour vous apprendre à ne pas la confondre avec l'Île-de-Hull(1) qui lui fait face et de ne surtout pas l'appeler l'île aux Mouettes comme le font des individus que je ne qualifierai pas ; certaines personnes tout aussi inqualifiables vont jusqu'à l'annexer à Ottawa, alors qu'elle est à Hull (Gatineau) (billet du 30 déc. 2020, « L'Île Hull à Ottawa ? »).

Sa forme en 8 est caractéristique. Sur certaines cartes, elle ressemble à une cacahuète. La dépression qui la coupe en deux la... coupe en deux lorsque l'eau de l'Outaouais monte assez haut pour l'envahir et faire de l'île des îlots jumeaux. 

(1) À propos de l'Île-de-Hull, voir par exemple le billet du 10 août 2013, « Île-de-Hull (Gatineau) : guide géologique ».

Je n'avais jamais remarqué avant les jours derniers que le réseau des diaclases ou joints dans le calcaire diffère dans les deux parties de l'île Hull. Une faille NO-SE, paralèlle à la dépression, traverse la rivière moins de 200 m en amont sans effleurer l'Île(2). Ce sont les cartes géologiques qui l'affirment, mais il faut savoir les interpréter. Ce qui est une simple faille sur papier se résout souvent sur le terrain en un faisceau de failles. Il est donc possible que l'île soit affectée par une faille secondaire non cartographiée (carte géologique plus bas), plus discrète. D'ailleurs, la faille qui passe à l'ouest a fait basculer les strates de calcaire sur la rive hulloise (photo janv. 2012 plus bas) alors que dans l'Île Hull, elles demeurent pratiquement horizontales.

(2) Dans d'autres billets, j'ai baptisé par commodité cette faille « faille Montcalm » ; elle a cependant été cartographiée par A.E. Wilson dans les années 1930. Réf. : Wilson A.E., 1946 – Geology of the Ottawa-St. Lawrence Lowland, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, Mémoire 241, 66 p. (+ cartes). La faille Montcalm est identifié par un F rouge sur la carte géologique plus bas.

Quoi qu'il en soit, la faille non cartographiée qui, je le soupçonne, coupe l'Île Hull, a peut-être juxtaposé deux compartiments du socle rocheux ayant chacun leurs réseau de joints particuliers. Il faut cependant remarquer que l'île tout entière fait partie de la même formation de calcaire de l'Ordovicien moyen (Groupe d'Ottawa ou de Trenton, 465 millions d'années), ce qui limite l'ampleur du rejet théorique de la cassure.

De tout ceci m'est venue l'idée d'aller jeter un coup d'oeil plus large voir si les systèmes de joints varient d'un secteur à l'autre de la région.

À suivre...


Saisie d'écran (Google) de l'Île Hull. 
En haut, certaines diaclases retouchées en rouge. 
Au nord, le réseau des diaclases est orthogonal. Au sud, des failles s'incurvent vers le NE. Elles semblent se superposr à un patron semblable à celui de la partie nord. 
L'inondation de la dépression au centre de l'Île l'a transformé en un couple d'îlots.

En bas, l'image intacte.
La dépression inondée entre les deux parties de l'Île Hull est paralèlle à la faille qui passe au SO de l'Île (voir la carte géologique).



Géologie de Hull (Gatineau) et d'Ottawa, séparées par la rivière des Outaouais. (Cliquer sur l'image pour l'afficher à sa pleine grandeur.)

Légende adaptée

  • Lignes noires ondulées (présentes sur la carte originale) : failles ;
  • X rouge ajouté : l'Île Hull, au milieu de la rivière des Outaouais ;
  • F rouge ajouté et segment de faille surligné en rouge : faille traversant la rivière au SO de l'Île Hull ;
  • Les couleurs (originales) : différentes formations du Paléozoïques de la plate-forme du Saint-Laurent que je ne détaille pas ici. Orangé : Groupe d'Ottawa ou de Trenton (Ordovicien moyen, 470-458 Millions d'années), calcaire et dolomie surtout ; autres couleurs : calcaire, dolomie, grès, shales (Ordovicien, 488-444 millions d'années).

Carte : A.E. Wilson, 1938 — Ottawa Sheet, East Half, Carleton and Hull Counties, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, carte 413A, 1 feuille (1/,63 360). 


Rive hulloise à l'ouest de l'Île Hull : strates de calcaire basculées par la faille notée par un F rouge sur la carte. Photo janv. 2012.





Île Hull, 7 juillet 2014. Un saule saulitaire domine herbes et arbustes. L'arbre n'a pas résisté à la grande crue de 2017. (Voir billet du 11 sept. 2019, « Désolation sur l'île Hull ».)


mercredi 14 juin 2017

Les chutes en gradins du ruisseau de la Brasserie


Fig. 1. - Scene on Brewer Creek./''Artwoork on Ottawa [sic]'' by William H. Carre 1898/Pub. The Emporium. 
Chutes du ruisseau de la Brasserie, Hull (Gatineau), QC, en 1898, avant la construction du château d'eau et de la centrale hydroélectrique en 1902. Les bâtiments sont probablement ceux de la Henry Walters and Sons (fabrique de haches). Visée vers le SW.
Pedigree de la photo : une épreuve encadrée, don de Michel Prévost, président de la Société d'histoire de l'Outaouais (SHO) au musée du patrimoine brassicole des Brasseurs-du-Temps (BdT). Marc Godin, vice-président, responsable du développement des affaires des BdT et membre du ca de Gatineau plein air (GPA), m'a aimablement transmis un fichier de l'image.



Fig. 2. - Même point de vue, ou à peu près, août 2011. L'ancienne centrale n'est plus en fonction depuis 1971 ; le château d'eau, masqué par les feuillages, à gauche, est aujourd'hui occupé par Les Brasseurs du Temps.


Autres billets sur le même sujet

Ce billet est la suite immédiate de ceux du 23 mars et du 19 mars 2017 sur la chute du ruisseau de la Brasserie, à Hull (Gatineau), QC. De façon plus large, sur l'origine du ruisseau, voir les billets du 5 févr. 2016 et du 1er mars 2014.


Le cliché de William H. Carre au début du billet (fig. 1 et détails plus bas) est l'un des rarissimes documents qui permettent de se représenter l'allure des chutes du ruisseau de la Brasserie, à Hull, dans leur état naturel, ou presque. En 1898, date de la prise de la photo, en effet, le pouvoir hydraulique des chutes était utilisé depuis presque 100 ans. Mais elles s'écoulaient à l'air libre sur presque toute leur largeur et personne encore ne semblait s'être soucié de rectifier les rives du ruisseau en aval. Au début du XXe s., la construction d'un château d'eau et d'une centrale hydraulique a considérablement modifié le paysage et la chute est depuis pratiquement occultée (fig. 2). (Voir section «Les chutes : brève histoire», plus bas.)

Dans mon billet du 23 mars 2017, j'estimais, coupe récente du ruisseau à l'appui, la hauteur des chutes à environ 9 pieds, soit 2,75 m. La coupe ne montrait toutefois qu'un seul escarpement dans le lit du ruisseau. Marc Godin, des Brasseurs-du-Temps (BdT), m'avait pourtant objecté qu'il y avait en réalité deux (ou même trois*) chutes qui se suivaient à peu de distance. On peut se demander s'il n'a pas été plus rentable, lors de la construction de la centrale électrique, de réduire les deux petites chutes en une seule, plus grande et plus facilement exploitable (hypothèse personnelle).
* La troisième (et très hypothétique) chute serait sous le pont, dans l'ombre, invisible sur la photo.

«[...] si on se fit à la hauteur des fenêtres de dimensions ''Standard'' de la Creek Brewery, on voit sur cette même photo, on peut évaluer la hauteur de ces seuils à environ 3-4 pieds de hauteur et 5-6 pieds de hauteur. Cette photographie vient donc appuyer le plan du profil modifié par Vézina ainsi que l'analyse qu'en a faite Henri. La hauteur totale du dénivelé naturel à cet endroit aurait effectivement été d'environ 9 pieds comme l'a déduit Henri [de Géo-Outaouais].» (Source : courriel de Marc Godin.)

Cette descente en gradins n'est pas incompatible avec mon hypothèse d'une origine tectonique récente (post-glaciaire) des chutes. Les failles sont rarement simples, mais surviennent habituellement en faisceaux ou réseau et il faut aussi compter avec les effets de l'érosion sur les irrégularités et fragilités du socle. Voir les billets du 5 févr. 2016 et du 1er mars 2014 à ce propos. Le fin mot de l'histoire n'est donc pas encore dit.

Sur le souci des Brasseurs du Temps de conserver le patrimoine naturel, voir le billet du 15 juillet 2013 intitulé «Ruisseau de la Brasserie : vieux morceau intact».


Les chutes : brève histoire

En 1813, Philemon Wright a fait construire une distillerie-brasserie aux chutes du ruisseau : le Brewery Creek trouve son nom. Vers 1855, Sexton Washburn, manufacturier de haches, s'installe dans les bâtiments de la brasserie. En 1886, la cie change de main et devient la Henry Walters and Sons. La Walters déménage sur l'autre rive au début du XXe s. pour faire place au château d'eau et à la centrale électrique. La centrale et le château d'eau ont été en service jusqu'en 1971. Le château est aujourd'hui occupé par Les Brasseurs du Temps tandis que la centrale demeure inutilisée. (Sources : Musée canadien de l'Histoire et Répertoire du patrimoine culturel du Québec.)



Fig. 3. - Détail de la photo de Carre. Les chutes, en deux paliers, sont nettement visibles. À la droite des chutes, écoulement de l'eau qui faisait tourner la roue de la Henry Walters and Sons. Les strates de calcaire sur les rives sont encore dans leur état naturel et portent les marques de l'érosion par l'eau.
«Une digue construite au haut de la chute dirigeait l'eau vers un canal d'amenée et de turbines, permettant ainsi à ces industries d'exploiter le pouvoir hydraulique du ruisseau. Le château d'eau construit sur ce site au début du XXe siècle exploitait également cette énergie. Tout en puisant et en filtrant l'eau potable destinée au système d'aqueduc, le complexe municipal comprenait aussi une centrale hydroélectrique qui permettait d'éclairer une partie du Vieux-Hull et quelques édifices municipaux. [...] Ce bâtiment [le château d'eau] érigé entre 1902 et 1905 comprend trois pompes hydrauliques actionnées par une chaudière à vapeur. À l'exemple des systèmes d'aqueducs alors érigés, le nouvel aqueduc de Hull filtre l'eau avant que celle-ci ne soit distribuée par un système de canalisation. Le château d'eau a fourni en eau Hull jusqu'en 1971 en utilisant jusqu'à neuf pompes dans la station.» (Source : Répertoire du patrimoine culturel du Québec.)



Fig. 4. - Agrandissement. Derrière les chutes, le pont de la rue Montcalm (Brewery Road, à l'époque). Au-delà du pont, devant la ligne d'un long bâtiment (Hanson's Wollen Mill ?), un relief irrégulier : cordes de bois, affleurement rocheux ? Si c'est le cas, il a été arasé et n'existe plus aujourd'hui ; je penche cependant pour la première hypothèse.



Fig. 5. - Figurant bénévole (agrandissement).

jeudi 23 mars 2017

Ruisseau de la Brasserie : profil du barrage (ajout)


Suite : billet du 14 juin 2017.


Profil du barrage et de la chute du château d'eau du ruisseau de la Brasserie, à Gatineau, QC. Modifié de Vézina et al. (1976). (Montage à partir de photos prises à main levée, avec inévitables distorsions.)
Le nord est vers la droite. J'ai ajouté le 166,50' pour donner une idée des proportions. Chaque carré mesure 6 pieds (1,83 m). 148 pieds : 45,1 m ; 166,50 pieds : 50,75 m ; hauteur de la chute proprement dite : env. 9 pieds, soit 2,75 m (je ne tiens pas compte du «Radier en béton du déversoir», qui semble artificiel) ; Montcalm : pont de la rue Montcalm.
(Cliquer sur l'image pour la voir à sa pleine grandeur.)


Dans mon précédent billet, «Néotectonisme au ruisseau de la Brasserie ?», je citais Vézina et al. (1976) pour affirmer que la chute du château d'eau du ruisseau de la Brasserie à Gatineau atteignait 5 m de haut. L'examen d'une coupe du ruisseau et du barrage provenant elle aussi de Vézina et al. montre cependant une chute plus modeste, réduite à environ 2,75 m. (Voir l'image qui ouvre ce billet.)

La valeur de 5 m semble donc difficile à retrouver, à moins de tenir compte de la «Ligne de profil [du ruisseau], hauteur maximum» (voir image). Dans ce cas, on arrive à un dénivelé d'environ 18 pieds, soit 5,5 m.

Arbour & Associés (1982) donnent aussi une ampleur de 5 m au dénivelé du château d'eau. Peut-être tenaient-ils, comme moi, ce chiffre de Vézina et al. ? N'ayant que mes notes sous la main, et non les documents originaux, je ne peux juger.

Le ruisseau, ses rives et son lit, ont été l'objet de tant de travaux qu'il est vain de tenter de trier ce qui est d'origine de ce qui est dû à l'intervention humaine. Industries, canalisation des rives, passage d’égouts, etc. ; ce n'est sûrement le profil original que nous voyons ici. Les industries s'étant implantées à cet endroit précisément pour tirer partie de la puissance d'eau de la chute, on peut au moins en déduire que tout ces travaux n'ont pas eu pour effet d'atténuer son importance.

Une «petite» chute de 2,75 m me convient mieux qu'une «grande» de 5 m dans la mesure où je n'ai plus à chercher un événement aussi puissant pour justifier son existence. De toute façon, mon hypothèse d'un phénomène néotectonique (faille) à l'emplacement de la chute n'a toujours été dans mon esprit qu'une simple hypothèse. (Voir le billet précédent.)

Ajout (28 mars 2017)

J'ai appris, de ce que le journalisme nomme une source sûre, provenant de l'intérieur même des Brasseurs-du-Temps, que la chute du château d'eau du ruisseau de la Brasserie, occupé aujourd'hui par les dits Brasseurs, est en réalité une brusque descente en trois paliers rapprochés. La nouvelle ne me surprend pas outre mesure, je me doutais bien que la faille qui serait (noter le conditionnel) à l'origine du dénivelé n'était pas unique, les ruptures du socle rocheux se traduisant par multiples cassures plus ou moins parallèles, l'ensemble produisant une faille représentée sur les carte par une ligne simple. Reste que ceci ne fait pas avancer les choses sur le point essentiel, est-ce que la chute, unique ou triple, provient du rejeux post-glaciaire d'une faille ancienne ? À suivre...


Ajout (5 juin 2017)


Voir une carte de 1887 montrant les chutes du ruisseau ajoutée à la fin de mon précédent billet, «Néotectonisme au ruisseau de la Brasserie ?». Voir également l'ajout daté du 28 déc. 2023 dans le même billet.



Ajout (23 déc. 2022)

« Sur la moitié de son parcours, le ruisseau formait autrefois une chute d’une hauteur d’environ 5 m qui a été remplacée par un barrage hydroélectrique. [...] Selon le CEHQ (2003), le barrage hydroélectrique actuel a été érigé en 1900. Il a une longueur de 25,7 m, une hauteur de 7,5 m et une hauteur de retenue fixée à 6,5 m. Il retient un bassin de 2,5 hectares dont le volume est estimé à 49 500 m3. Sa production maximale est évaluée à 1kw/h, capable de fournir l’électricité à environ 200 résidences. Le barrage a fait l’objet de rénovations en 1992 pour pouvoir activer la turbine mais celle-ci n’est jamais entrée en fonction à ce jour. » (Samson, p. 18 et 19)


Références

  • Daniel Arbour & Associés, Corridor du ruisseau de la Brasserie : Élaboration d'un plan général d'aménagement : Rapport final, CCN, Ville de Hull, en coll. avec la SAO, Montréal, 1982.
  • Pascal Samson, Agence de Bassin-Versant des 7, 2012, Plan-concept d'aménagement pour le ruisseau de la Brasserie. Rapport 1 : État des connaissances et lignes directrices d'aménagement. Ville de Gatineau, 29 p.
  • Vézina, Fortier et Associés, Aménagement du ruisseau de la Brasserie, Citée de Hull, 1976.

dimanche 19 mars 2017

Néotectonisme au ruisseau de la Brasserie ? (Correction)



Point CE sur la carte plus bas : chute du ruisseau de la Brasserie, à l'arrière de l'ancien château d'eau de la ville de Hull, actuels Brasseurs-du-Temps (Gatineau, QC) ; photo août 2011, visée vers le SW. Le château, et la station hydro-électrique qui lui était couplée, ne sont plus en fonction depuis 1968.



Île-de-Hull (Vieux-Hull)
Annotations © Henri Lessard, 2017, fond de provenance inconnue.
CC : chutes de la Grande Chaudière ; CE : château d'eau et chute ; F : failles (Wilson, 1938) ; FA : faille des Allumettières (ce blogue, 29 nov. 2009) ; FM : «faille Montcalm» (Wilson, 1938) ; MA : marmite des allumettières (ce blogue, 7 nov. 2009) ; 1, 2 et 3 : affleurements de la FM (voir les photos).


Les évidences les plus évidentes sont celles qui passent le plus facilement inaperçues. Ainsi la chute du ruisseau de la Brasserie dans l'Île-de-Hull. En 1902, on y a inauguré un château d'eau couplé à une centrale électrique. L'un et l'autre ne sont plus en fonction depuis 1968 et les installations sont aujourd'hui occupées par les Brasseurs-du-Temps - retour à la vocation première des lieux qui avaient d'abord accueilli au début du XIXe s. une distillerie, construite par Philemon Wright, remplacée par le même en 1820 par la brasserie éponyme (Lieux patrimoniaux du Canada).

La chute, haute d'envrion 5 m (Vézina, 1976)*, regarde vers le nord. J'ai déjà écrit que l'Île-de-Hull constitue une anomalie, le relief s'abaissant du sud vers le nord, forçant l'Outaouais (et le ruisseau qui n'en est qu'un bras) à faire un coude vers le nord avant de reprendre sa course vers l'est (billet du 5février 2016, «Qui a façonné l'Île-de-Hull ?») La rupture topographique brutale que représente la chute dans le lit du ruisseau coïncide avec le tracé d'une faille qui traverse le territoire du NW au SE (carte). Cette faille a été cartographié par Alice E. Wilson dès 1938. Celle-ci n'a pas jugé nécessaire de la baptiser ; dans mes textes, par commodité, je la désigne sous le nom de «faille Montcalm» puisque son tracé se confond avec la section nord de cette rue.


* Rectification (21 mars 2017)

Plus précisément, selon Vézina (1976), la dénivellation au château d'eau est de 5 m, la chute elle-même étant de 2,75 m. Les différentes données que j'ai pu amasser ne coïncident pas toujours exactement.


Aparté géologique

Le socle rocheux de l'Île-de-Hull est constitué de calcaire ordovicien (env. 460 millions d'années) déposé en strates horizontales. Elles conservent partout cette attitude, sauf à la proximité des failles où des compartiments sont plissés ou inclinés.


La faille Montcalm

La faille Montcalm ne se fait pas remarquer outre mesure. Elle traverse indifféremment les hauts et les bas de la topographie et on peut habiter Hull depuis des années sans avoir eu le moindre soupçon de son existence. Autrement dit, elle n'est plus active depuis longtemps et elle n'a exercé aucune influence sur le façonnement du relief, excepté dans la petite péninsule rocheuse située à l'angle SE de l'Île-de-Hull (point 2 sur la carte ; voir photo plus bas).

Et excepté la chute du Ruisseau, of course.

La chute, je l'ai dit, fait face au nord. Ce simple constat est tout à fait surprenant - le plus surprenant est que personne ne s'en soit jamais ému. Difficile d'imaginer en effet qu'un obstacle aussi modeste ait pu survivre aux glaciations du Quaternaire. Les glaces, venant du nord, auraient dû venir à bout de ce modeste seuil, et le raboter totalement.

La chute du ruisseau de la Brasserie est de toute évidence un accident topographique récent, survenu après la dernière glaciation, et a été tout probablement causé par un rejeu de la faille Montcalm. Le mouvement relatif a rehaussé le compartiment du socle au sud de la faille et a abaissé celui au nord. Et puisqu'il s'agirait d'un mouvement tectonique post glaciation, nous sommes autorisés à utiliser le mot néotectonisme pour qualifier le mouvement et son résultat, la chute.

Les glaces ayant quitté le secteur il y a environ 12 000 ans, on peut déduire de ce qui précède que la chute a, au maximum, 12 000 ans d'âge. Comme elle existait déjà au début du XIXe s, elle a au moins deux cents ans.

Nous voilà donc tiré d'embarras. Pas tout à fait. Pourquoi cette faille aurait-elle joué à cet endroit précis et à cet endroit seulement, mais pas ailleurs ? D'autant qu'il existe des tas de failles dans la région qui, elles, sont toutes, pour autant que l'on sache, inactives. Voir par exemple le billet du 29 nov. 2009 sur la faille des Allumettières.

Les chutes du ruisseau de la Brasserie, évidence de néotectonisme ou pas ?

Faudrait-il lier la formation de la chute du ruisseau aux forts séismes qui ont secoué autrefois la région et qui auraient provoqué d'énormes glissements de terrain dans les talus argileux le long de l'Outaouais ? Il s'en serait produit au moins trois, le plus récent il y a 1000 ans, les deux autres il y a 4550 et 7060 ans. Voir le billet du 18 sept. 2013, «Séismes et argile en Outaouais».

Tout cela, me direz-vous, est très théorique. À la manière des Dupondt, je pourrais vous répondre, «je dirais-même plus, c'est très théorique !» Mais je crois ma théorie plausible et bien étayée, en tout cas digne d'être discutée. Si quelqu'un en a une meilleure, j'attends ses arguments...

Suite ici.

Ajout (28 déc. 2023)

Raymond (1913) décrit une faille traversant le calcaire Trenton de Hull à la Axe Factory quarry. Le décalage entre les deux côtés de la faille se mesurait à 4,5 m, le côté est étant abaissé. Il n'est pas clair à lire le texte original s'il existait un dénivelé correspondant à la faille ou si le socle avait été nivelé par l'érosion, mais le 4,5 m est proche de la dénivellation au château d'au de 5 m donnée par Vézina (1976). La Henry Walters & Sons Axe Factory était située sur la rive ouest du ruisseau de la Brasserie, face à la chute du château d'eau (CE sur ma carte). On peut légitimement supposer qu'il existe un lien entre la faille de la Axe Factory, la chute du ruisseau et la faille Montcalm.



Point 3 sur la carte : faille Montcalm, rue Montcalm. Les strates s'inclinent vers l'ouest (visée vers le SE). Photo août 2015, tirée de cet ancien billet.



Point 1 sur la carte : faille Montcalm, rue Eddy. Les compartiments rompus s'abaissent vers l'ouest (visée vers le SE) ; mieux visibles dans le rectangle accentué, avec ligne brisée blanche soulignant l'inclinaison des strates. Photo avril 2014, tirée de cet ancien billet.



Point 2 sur la carte : faille Montcalm, péninsule au SE de l'Île-de-Hull. Les strates s'abaissent vers le sud (visée vers le NW). Photo janv. 2012, tirée de cet ancien billet.


AJOUT (5 juin 2017)

Les chutes du ruisseau de la Brasserie (Falls) sur la carte de Snow and Son (1887). Photo prise à main levée, distorsions possibles.




Références

  • Percy E. Raymond (1913). « Ordovician of Montreal and Ottawa. Excursion A 11 » dans : Canada, Department of Mines. Guide Book No. 3 Excursions in the Neighbourhood of Montreal and Ottawa. Issued by the Geological Survey, Ottawa, 1913, p.137-160.
  • A.E. Wilson, 1938 – Ottawa Sheet, East Half, Carleton and Hull Counties, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, carte 413A, 1 feuille (1/,63 360).
  • John A. Snow and Son, Map of the City of Ottawa, P. Ontario, and the City of Hull, P. Quebec, and Their Adjacent Suburbs. Compiled by John A. Snow and Son, Provincial Land Surveyors and C.E.ng's from Personal Surveys and Official Records. Scale 660 Feet to One Inch (1887).
  • Vézina, Fortier et Associés, Aménagement du ruisseau de la Brasserie, Citée de Hull, 1976.

samedi 16 juillet 2016

Néotectonisme dans le parc de la Gatineau ?



Carte 1. Position du Joint Plane Chasm, modifié de Wilson, 1956, p. 19.
J'ai ajouté en rouge le tracé approx. de la promenade du parc de la Gatineau ainsi que quelques indications ; le sentier en pointillé correspond au sentier no 1 actuel (voir carte 2). Dike : dike de diabase ; Erratic : bloc erratique de Chelsea dont j'ai parlé ailleurs dans ce blogue.


Ceci est un message privé. Les informations qu'il contient sont destinées à quelqu'un qui saura les utiliser telles que je les laisse, sans commentaire. Les non-destinataires (sept milliards et quelques de personnes) sont gentiment priés de passer leur chemin.

1. Large Chasm de Wilson, 1956 (parc de la Gatineau) : plan météorisé ou faille ?

« Great joint planes weathered to large chasms (Wilson, 1956, p. 19). »
J'ai visité la « crevasse » il y a une quinzaine d'années. Tout ce que je peux dire en attendant meilleur examen, c'est qu'elle avait été comblée et se présentait sous forme d'une tranchée peu profonde (moins de 2 m).


2. Gaping fracture de Machamer, 1959 (parc de la Gatineau) : même remarque

« The second fault lies about 800 feet north of the base line on line 2300 West. It is marked by a gaping fracture in the rock which can be traced for about 200 feet along strike. This fracture could be a solution cavity, but this is considered a remote possibility because there are no similar features anywhere in the area. If this gash does mark a fault, the movement must have occurred fairly recently, because the crevice is not filled with debris. Such recent fault movement is probably related to earthquake tremors which are thought to have originated someplace in the general vicinity (Machamer, p. 36, c'est moi qui souligne). » (800 pi = 245 m ; 200 pi = 60 m.)

La seule faille sur la carte de Machamer dont la position coïncide avec ces données se trouve dans le marbre, près du contact avec une syénite*. D'orientation NW, elle plonge abruptement (75°) vers le SW. On pourrait la repérer dans les collines au nord de la jonction des pistes 15 et 25 du parc de la Gatineau, au sud du chemin de la Mine (carte 2). Je donne ces indications, tirées de l'interprétation du texte et de la carte de Machamer, sous toutes réserves. Les politiques de sécurité du parc de la Gatineau ont probablement mené au comblement de cette seconde crevasse. Comme elle se trouve dans le marbre, un phénomène karstique ne peut pas être écarté pour expliquer sa genèse.

* Syénite sur la carte de Machamer ; le document qu'elle accompagne précise qu'il s'agit de quartzite, gneiss et granites (incluant syénites) réunis en une seule unité, en fait, une migmatite lit-par-lit. Cette longue description me paraît plus conforme à ce qui est observé sur le terrain.


Références


Carte 2. Commision de la capitale nationale, Carte des sentiers d'été du parc de la Gatineau, 2016 (détail modifié). 
1. Bloc erratique, près du Joint Plane Chasm de Wilson (voir carte 1) ;
2. Faille de Machamer.
1 et 2 : positions approximatives.
Le quadrillage de la carte est N-S ; chaque rectangle mesure approx. 1,3 km x 1,9 km.

dimanche 6 mars 2016

Failles, vallées et escarpements à Gatineau et Ottawa


Texte retouché les 3 et 4 novembre 2019. Tout ce billet gagnerait à être réécrit de façon plus claire...


Fig. 1. Géologie et tectonique de la région de Gatineau (31G/05). Détail modifié de Sanford et Arnott (2010). La carte est reprise à la fin du billet, avec une légende.


Note

La région dont il est question ici est toujours la région de Gatineau-Ottawa selon le SNRC 31G/05 (cf. fig. 1-3, 5). Les LIENS conduisent à d'autres billets du blogue.

Même si j'ai fait en sorte que cet exposé soit complet en lui-même, j'en ai entrepris la rédaction dans le but premier de répondre à des questions précises que je me posais sur la topographie du socle rocheux dans la région de Gatineau-Ottawa. Je ne me suis pas attardé à détailler des choses qui, pour moi, m'apparaissaient secondaires ou trop évidentes.

Le contenu de cet exposé est basé sur des cartes et des documents émanant de sources reconnues (voir « Références »). Certaines conclusions ou interrogations sont de moi et n'engagent que moi.



1. Intro : failles, plaines et vallées

Il n'y a pas dans la région de relation automatique et univoque entre les failles et la topographie (LIEN et LIEN). La tectonique propose, l'érosion dispose ; elle aplanit ou creuse, efface ou accentue les contrastes, ses agents (air, eau, glace) se succèdent où œuvrent de concert. Travail au résultat parfois occulte : l'épais manteau d'argile marine qui recouvre les trois quarts du territoire interdit une compréhension instantanée de la structure du socle rocheux.

Des failles discrètes découpent la région et traversent, imperturbables, les hauts et les bas du paysage, sans se faire remarquer le moins du monde. Une même faille peut, tout le long de son parcours adopter successivement différents faciès : insoupçonnable, discrète, escarpée, incisée, masquée ou à l'air libre... Bref, ce n'est pas simple ! Des failles voisinent des escarpements qui ne doivent rien à aucune manifestation tectonique alors que d'autres falaises sont le résultat incontestables d'une cassure du socle. L'érosion, qui a fait des basses terres de l'Outaouais une plate surface, s'amuse par endroits à entailler le plancher rocheux, quitte à y laisser saillir des cuestas – lesquelles, d'ailleurs, bordent, ou pas, une faille par un de leurs flancs. 

Si la dénivellation apparente entre le point culminant de la région, à 360 m (parc de la Gatineau)*, et la plaine d'argile marine au sud (env. 100 m) est de 260 m, le dénivelé réel mesuré à partir du fond des vallées comblées par l'argile est de plus ou moins... 360 m. L'altitude relative égale ainsi l'altitude réelle. Le socle de la région, chose surprenante pour une contrée à l'intérieur du continent, descend jusqu'au niveau de la mer, et même en dessous.
* 356 m, selon la carte topographique, pour être exact. J'avais d'abord cru, comme plusieurs sans doute, que le point culminant était le sommet du mont King, à 344 m.

Histoire de pouvoir en dire un peu plus long, j'ai étalé sur mon plancher les cartes topographiques, géologiques et tectoniques de la région pour me pencher, littéralement, sur la question. Je m'en suis tenu au seul feuillet d'Ottawa (SNRC 31G/05, 1/50 000) afin de concentrer mon attention sur un territoire bien circonscrit, ni trop grand ni trop petit. (Voir « Références ».)



2. La région en bref

La région Gatineau-Ottawa est partagée entre les roches métamorphiques et magmatiques du Précambrien (Bouclier canadien, collines de la Gatineau et de Carp ; 1200 milions d'années ou Ma) et les roches sédimentaires du Paléozoïque qui les recouvrent en partie (plate-forme du Saint-Laurent ou plaine : env. 500-440 Ma). L'épaisseur des sédiments de la plate-forme (grès, dolomie, calcaire et shales) atteint 850 m au SW de la région. Le fait tectonique et topographique majeur de la région est le graben d'Ottawa-Bonnechère (GOB), couloir effondré de l'écorce terrestre dont la bordure nord traverse le territoire d'ouest en est. Les failles du graben se sont activées épisodiquement du Paléozoïque jusqu'au Mésozoïque. On considère qu'elles sont inertes depuis plus de 100 Ma (LIEN). L'érosion a disposé de tout le loisir nécessaire pour libérer la majeure partie du Bouclier des roches sédimentaires qui le recouvraient* et araser tout relief qui aurait pu résulter du jeu des failles, sauf à souligner les contrastes de dureté entre les roches.
* Voir « Où sont passé les dinosaures de l'Outaouais ? » (LIEN).

Les strates des roches sédimentaires du Paléozoïque ont conservé leur attitude horizontale initiale, à moins qu'elles ne s'inclinent légèrement, selon le jeu des compartiments du socle découpés par des failles. Elles peuvent aussi être affectées de plis très ouverts ; près des failles, on observe des plis plus serrés tandis que les blocs disloqués s'inclinent vers le compartiment abaissé.

Les glaciations du Quaternaire (2,6 Ma) ont retouché, sans le modifier fondamentalement, le relief hérité de cette longue période d'érosion et d'accalmie. L'Outaouais coulait sans doute, avant les glaciations, au sud de l'actuelle ville d'Ottawa (LIEN).

Après le départ des glaciers (12 000 ans), la mer de Champlain a occupé la région, les eaux de l'océan s'avançant dans la vallée encore déprimée par le poids des glaces. Le relèvement isostatique a rapidement chassé les eaux marines (10 000 ans) et le proto-Outaouais, alimenté par les lacs glaciaires continentaux à l'ouest et au nord, plus ample que la rivière actuelle, a creusé de larges couloirs dans le tapis d'argile laissé par la mer de Champlain (plus de 100 m à certains endroits), atteignant le socle ou se traçant un système de terrasses emboîtées dans l'argile à mesure que son débit diminuait. Le réseau hydrographique s'est installé dans ses conditions actuelles il y a 4700 ans.


La rivière. - L'Outaouais coule vers le SE et s'élargit au contact de shales et des grès friables, créant le lac Deschênes. Le courant se butte ensuite au seuil des rapides Deschênes, la rivière fait un coude à angle droit, obliquant vers le NE et rencontre un calcaire résistant ; l'eau bondit d'un rapide à l'autre en passant au dessus de nombreuses failles. Aux chutes Chaudières, la rivière se rétrécit, passe entre plusieurs îles et prend une direction ENE pour longer les falaises de la Cour suprême et du Parlement. Elle fait un coude vers le N. En aval de la Gatineau, face à la falaise de Rockcliffe, la rivière tourne vers l'E et coule sur ses alluvions qui recouvrent l'argile marine. Des bancs alluviaux s'allongent dans la rivière (île Kettle, Upper Duck et Lower Duck Islands) tandis que des affleurements rocheux émergent de l'argile à l'écart des rives.



3. Les failles du GOB

Trois failles du graben Ottawa-Bonnechère (GOB), orientées SE à ESE, ont exercé une influence majeure sur la physiographie de la région : la faille Eardley (FE sur fig. 1), la faille Hull-Gloucester (FHG) et la faille Hazeldean (FH). Les failles dessinent de larges arc de cercle orientés vers le SE puis s'infléchissant vers l'est. Le rejet horizontal maximal s'observe au centre des arcs.

L'escarpement d'Eardley et la faille Hull-Gloucester délimitent le horst du parc de la Gatineau (HPG), plateau Précambrien qui domine la région au nord de la rivière. Le croisement de l'escarpement et de la faille Hull-Gloucester donne au plateau la forme d'un poinçon visant le SE (fig. 1). Du pied de l'escarpement (env. 110 m) au point culminant de la région (360 m), la dénivellation est de 250 m. L'alignement des lacs Meech, Mousseau et Philippe (hors-carte), de la section aval de la Gatineau, participent au même réseau de failles ou de joints NW-SE.

Au sud de l'escarpement d'Eardley, le plateau calcaire paléozoïque (110 m - 60 m) s'étend jusqu'à l'Outaouais (lac Deschênes ; LDC) ; puis viennent le horst de la rive droite de la rivière (120 m), la vallée du lac Constance (LC ; 61 m), le horst de Carp, nouveau sursaut du Précambrien (140 m), longé au sud par la faille Hazeldean et, enfin, insoupçonnable sous le manteau d'argile, au sud de la faille, la vallée rocheuse de la Carp (C). Dans l'angle SW de la carte, près de Stittsville, l'altitude du socle paléozoïque atteint les 150 m. Autant de hauts (horsts) et de bas (grabens) participant à la physionomie du GOB.

La vallée de la Carp est considérée comme un lit pré-glaciaire de l'Outaouais (LIEN) obstrué par l'argile marine et autres sédiments quaternaires. À Kinburn, dont l'altitude est de 90 m (immédiatement à l'ouest de la région, hors-carte), le socle rocheux est à env. 130 m de profondeur sous l'argile. La vallée descend donc sous le niveau de la mer.

Le lac Deschênes, couloir rocheux emprunté par la rivière actuelle, se ferme à un goulot rocheux. Une tranchée longitudinale profonde de 49 m court le long de sa rive droite. Si l'on tient compte du niveau moyen de ses eaux, 61 m, le fond du lit n'est qu'à env. 12 m au dessus du niveau de la mer.

D'autres vallées échappent à la vue, tapies sous l'argile marine. Il existe, sous la Gatineau, une vallée de plus de 75 m de profondeur. Pareillement, une autre vallée court au pied de l'escarpement d'Eardley (90 m d'argile à Breckenridge).

L'érosion fluviatile tend à amener le lit d'un cours d'eau au niveau zéro, mais jamais plus profondément. Un surcreusement par les glaciers est la seule explication à ces profondeurs (Blanchard, 1949). Quelle est la part de l'érosion fluviatile pré-glaciaire et de l'érosion glaciaire dans l'allure des vallées parallèles du GOB ? Je n'ai jamais pu trouver de réponses à cette question pourtant élémentaire.

Les glaces, qui ont d'abord franchi le graben lors de la dernière glaciation sans dévier de leur trajectoire vers le sud, ont, dans une phase ultérieure, suivi une direction SE parallèle aux vallées du GOB. Comme il y a eu plusieurs glaciations au cours du Quaternaire, il est délicat d'évaluer la part de chacune dans le façonnement et le surcreusage de ces vallées. (Jamais trouvé de précisions à ce sujet.)



4. L'Outaouais en aval du lac Deschênes

La rivière se répand ou s'encaisse selon qu'elle est contenue par des berges tendres (shales, grès) ou résistantes (calcaire, dolomie). Au sortir du seuil ou du verrou glaciaire qui ferme le renflement du lac Deschênes (rapides du même nom), l'Outaouais s'infléchit vers le NE et coule sur un lit postglaciaire rétréci jusqu'à la Gatineau. La rivière, à partir de Westboro, longe un escarpement (ou cuesta s'inclinant vers le sud) festonné (11 km x 35 m de haut ; cf. Colline du Parlement) orientée ENE-NE, qui domine la rive droite. Elle croise se faisant un faisceaux de failles NW-SE (fig. 2 et 3) qui créent de nombreux rapides jusqu'au goulot des Chaudières (CC) qu'elle perce par les chutes et des chenaux entre des îles. Toujours suivant la ligne de la cuesta, la rivière fait ensuite un coude vers le nord jusqu'à l'embouchure de la Gatineau.

Il faut noter qu'aucune faille ne coïncidence avec la cuesta de la rive droite. Jonhston (1917) souligne que les escarpements dans le Paléozoïque ne sont pas directement liés aux failles, mais résultent plutôt de la météorisation et de l'érosion fluviatile pré-glaciaires. C'est sans doute vrai pour la cuesta du Parlement, moins pour d'autres. Ainsi, vis-à-vis l'embouchure de la Gatineau, l'escarpement - et la rivière avec, faisant un nouveau coude - suit une faille (ou un système de failles) E-W. Plus à l'est encore, demeurant parallèle à la rive droite, il s'en éloigne et n'est plus perceptible que par la terrasse d'argile qui joint des affleurements rocheux distants, calés sur des failles ESE parallèles. Même si, passé Rockliffe et l'embouchure de la Gatineau, l'Outaouais coule entre des berges taillées dans l'argile marine et ses alluvions, le contrôle du socle rocheux se fait ainsi sentir. (Fig. 2.) C'est ainsi qu'on observe en aval de la Gatineau des îles, presqu`^iles et des baies derrière des langues de terres dans l'Outaouais.

AJOUT (4 nov. 2019). - Wilson (1937) place à cet endroit une quatrième faille majeure, la faille Rockcliffe. De direction ESE, rompue en plusieurs sections disposés en échelon, elle est parallèle à la faille Eardley dont elle serait peut-être un segment décalé.

Des escarpements E-W existent aussi sur la riche gauche, face tournée vers le nord, sous forme réduite, dans l'Île-de-Hull et au sud du lac Beauchamp.



5. La plaine d'argile et les plateaux rocheux

La plaine au sud de la rivière est illusoire, dans la mesure où elle réalise un niveau faiblement ondulé entre 76 m et 99 m d'altitude masquant les accidents du socle sous-jacent. Des plateaux rocheux émergent de cette mer d'argile, en cuestas festonnés ou en éperons regardant le nord. Ils ne s'élèvent à jamais plus de 15 m de la plaine environnante, voisinant ou longeant une faille par un escarpement. Deux crêtes de sédiments meubles fluvioglaciaires s'élèvent jusqu'à 23 m. (Marshall et al., 1979.)

Le cœur de la ville d'Ottawa a été nettoyé de son manteau d'argile par le proto-Outaouais qui, de façon inégale, a gagné jusqu'au till glaciaire ou jusqu'au socle rocheux. Tout le secteur est traversé par un éventail de failles, celles-là même responsables des rapides en amont des Chaudières, la faille Hull-Gloucester comprise, se déployant de Brittania à la Cour suprême (fig. 2).

Sur l'autre rive, l'ancienne ville de Hull a été en partie débarrassée de ses sédiments quaternaires jusqu'au socle rocheux. La ville repose à la pointe NW d'un compartiment du socle qui s'allonge en Ontario vers l'ESE. Cette écaille, délimitée à l'ouest par la faille Hull-Gloucester [et au nord par la faille Rockliffe], s'est abaissée par rapport aux compartiments voisins, mais à un moindre degré au NW (en « touche de piano »). Nous reviendrons sur ce sujet.

Le contours des plaines rocheuses et des plateaux/cuestas sont souvent irréguliers, sauf là où un escarpement rectiligne trahit la présence d'une faille. Même dans ces cas, le lien entre tel ou tel escarpement et une faille est à établir. Quelques exemples. — Entre Kanata et Bells Corners, un éperon rocheux dans le dur grès de Nepean pointe vers le nord (érosion différentielle) ; l'éperon s'enracine vers le SE, vers Fallowfield, par un plateau rocheux aux contours irréguliers à cheval sur la faille Hazeldean. — Dans l'angle SE de la carte, près de Greely, le flanc NW-SE d'un plateau coïncide avec la faille Hull-Gloucester. — Au NE, à Blackburn, deux cuestas faisant face au nord sont calés sur des failles ESE.

Enfin, sans les énumérer tous, plusieurs cuestas ou plateaux, à Ottawa, ont fait obstacle au proto-Outaouais par leur flanc ouest. Les flots les ont contournés pour se réunir en aval, laissant un triangle d'argile marine intact à l'ombre du relief.

Les traits physiologiques du socle sont en une large part le résultat de processus de la météorisation et de l'érosion fluviatile durant les temps pré-glaciaires. S'il est évident que l'érosion glaciaire a modifié ces traits jusqu'à un certain point, il y a peu de doute que les traits principaux de la topographie pré-glaciaire n'ont pas été altérés par les glaces. (Adapté de Jonhston, 1917, p. 7.)



6. La faille Hull-Gloucester

La faille Hull-Gloucester, orientée NW-SE, joue un rôle majeur dans la physionomie de la région. Le socle, au NE de la faille, s'est effondré. Le rejet vertical maximal atteint 550 m, au SW SE de la carte (fig. 1 et 2) où l'enfoncement, en « touche de piano », est le plus profond. Le compartiment du socle, à l'ouest de la faille, s'incline vers le NW ; celui à l'est, vers le SE. (L'inclinaison des strates de la Colline du Parlement témoigne de cette inclinaison.)

Sur la rive gauche de l'Outaouais, effet de cet effondrement, le socle calcaire, à l'ouest de la faille Hull-Gloucester (plateau d'Aylmer), atteint l'altitude moyenne de 122 m alors qu'à l'est (Île-de-Hull et Gatineau)l'altitude est de 53 m (Allard, 1977). Le horst du parc de la Gatineau est tout entier du côté ouest. En Ontario, les formations à l'est de la faille Hull-Gloucester où prédominent les shales (en gris sur la fig. 1) représentent le bloc effondré par rapport aux terrains à l'ouest (où domine les carbonates, en orangé et en bleu sur la fig. 1). La dénivellation de 5 à 20 m, souvent masquée par l'argile marine, entre les compartiments, représente le résultat de l'érosion préférentielle des shales friables du compartiment enfoncé. L'érosion ne nivelle pas nécessairement tout au même niveau.

Autre contraste entre les deux faces de la faille Hull-Gloucester, la descente du Précambrien vers le Paléozoïque se fait par une pente régulière à l'est de la faille, et non par un escarpement comme celui d'Eardley, à l'ouest. La faille Hull-Gloucester peut-être considérée comme une charnière entre deux volets contrastés du GOB. 

L'Outaouais se rétrécit aux Chaudières et s'écoule entre plusieurs îles par des chenaux. La déclivité des chutes correspond à la cassure entre la partie ouest, haute, et est, basse, séparées par la FHG. (Cette dernière est plutôt un faisceau de failles parallèles plutôt qu'une faille unique ; elle passe « officiellement » à plus d'un km à l'ouest des chutes.) Les Chaudières participent ainsi à la dénivellation W-E.. 

On a vu le rôle de la faille Hull-Gloucester dans le plateau rocheux de Greely. Ajoutons que l'une des crêtes fluvioglaciaires s'allonge parallèlement à la faille entre Greely et l'aéroport d'Ottawa (en brun-orangé sur la fig. 3).

La faille Hull-Gloucester délimite, comme il a été dit, le rebord NE du horst du parc de la Gatineau. Le horst est prolongé au SE par la vallée du Lac-des-Fées (LF ; Gatineau) et du lac Dow's (LD ; Ottawa). On perd la trace de la vallée sous les sédiments du Quaternaire, même si l'on sait qu'elle se poursuit sous le campus de l'Universite Carleton, sous le till glaciaire ; à cet endroit, des chenaux creusés par l'érosion (pré-glaciaire ?), vestiges d'une ancienne rivière, sont couvertes de galets d'origine fluviatile (Wilson, 1990).

La vallée du lac Dow's est perceptible sur la fig. 1 (LD) par le patron de bandes parallèles à la faille Hull-Gloucester que l'érosion différentielle a créé aux dépens roches de dureté variée. (Les baies Squaw (Québec) et Lazy (Ontario) et le chapelet d'îles entre les deux marquent l'endroit où la faille traverse la rivière ; c'est le lieu pour observer des strates plissées ou basculées.) 

Ici, la faille Hull-Gloucester se manifeste par un effondrement tectonique, là par des vallées et chenaux creusés par l'érosion fluviatile, ailleurs un seuil par quoi se manifeste la différence de résistance des roches à l'érosion. Les choses ne sont jamais simples !



7. Le proto-Outaouais

Le proto-Outaouais, qui progressait à mesure que les eaux de la mer de Champlain se retiraient vers l'est, passait par le lac Deschênes et la vallée du lac Constance. D'abord pincé par l'éperon de Kanata - Bells Corners, il s'est ensuite évasé dans la plaine d'argile. L'impression qui ressort de l'examen des cartes est que le proto-Outaouais, au sortir des vallées SE du GOB, s'est contenu à l'intérieur d'un réseau de failles +/-E-W.

Bien plus, le proto-Outaouais, en aval du lac Deschênes, semble s'être confiné à la zone riche en shales (bleu et gris, fig. 1), évitant les formations de calcaire et dolomie plus résistantes, au sud (orangé).

À Blackburn, on l'a vu, le socle faillé, émergeant à 100-110 m de la plaine d'argile, a agit comme un môle qui a divisé les eaux du proto-Outaouais en deux branches, la branche nord, conservée jusqu'à nos jours, et la branche sud (Mer Bleue LIEN et LIEN), abandonnée. Une bande de sédiments delataïques ou estuairiens de la mer de Champlain s'allonge vers l'est à partir du môle.

Les points les plus bas de la plaine se trouvent dans la vallée entre Ottawa et Orléans (43 m - 58 m). Dans l'ouest d'Ottawa, la vallée est plus haute (58 m - 76 m), et encore d'avantage au sud des chenaux du proto-Outaouais (61 m - 122 m). (Marshall et al., 1979.)



8. La Rideau

La Rideau coule tout droit du sud vers le nord en incisant l'argile marine, insensible aux failles E-W sous-jacentes qu'elle croise (fig. 2). Près de son embouchure, à Ottawa, les failles de «l'éventail» lui font faire quelques coudes en amont des chutes Rideau par lesquelles elle se jette dans l'Outaouais.



9. Conclusion

Le trait dominant de la topographie de la région, l'escarpement d'Eardley, est l'aboutissement d'une longue période d'érosion différentielle (100 Ma) sur un socle faillé passif. La topographie du reste du territoire serait le résultat du surcreusement glaciaire local (vallées SE) d'un paysage pré-glaciaire (plateaux et cuestas). L'ampleur de l'érosion post-glaciation n'a jamais quantifiée (voir «Addendum»).

À l'ouest, les structures du graben Ottawa-Bonnechère contrôlent la topographie par une série de horsts et de grabens orientés vers le SE.

Au sud, la plaine d'argile marine laisse émerger de basses cuestas faisant face au nord, des plateaux et des plaines rocheuses. Le patron festonné des cuestas résulte du jeu complexe des failles et de l'érosion préférentielle selon les contacts lithologiques.

Ainsi, la cuesta du Parlement résulte du recul normal, par l'érosion, de la couverture sédimentaire qui recouvrait le Bouclier canadien.

L'Outaouais suit la structure du graben, à l'ouest (lac Deschênes), longe l'escarpement du Parlement pour, en aval de Rockliffe, couler vers l'est, dans la plaine d'argile, parallèlement aux failles et escarpements ±E-W.

Le fond du lac Deschênes est proche du niveau de la mer et la vallée de la Carp, au sud, comblée par l'argile marine, en dessous.

Cohabitent donc dans la région des reliefs devant leur origine à des agents tectoniques anciens (GOB) exposés à une longue période d'érosion normale, 100 Ma et plus (cuestas). L'érosion glaciaire du Quaternaire est venue retoucher cette topographie et amener le fond de certaines vallées sous le niveau de la mer. Sauf les structures du GOB, la région a été, à une échelle globale, nivelée par l'érosion pré-glaciaire.

Une même faille peut se manifester par des contrastes de reliefs d'origine tectonique ou érosive et par des chenaux creusés par l'érosion fluviatile.



Addendum

«The exposed Palæozoic rocks and the unconsolidated glacial and marine sediments have been considerably modified by more recent erosion* along Ottawa and St. Lawrence Rivers and their long, winding tributaries (Wilson, 1946, p. 32).» * « More recent » : depuis le départ de la mer de Champlain.

Jusqu'à quel point le socle paléozoïque a-t-il été modifié par l'érosion depuis la fin des glaciations, c'est justement ce qu'on aimerait savoir ! J'ai rédigé ce billet pour préciser une affirmation imprécise, il se termine sur une autre, tout aussi vague. Au moins, cette fois, le vague n'est pas de moi.


«The principal fall in the Ottawa river occurs at Chaudiere falls at Ottawa where the water falls over a low escarpment of Trenton limestone. A series of narrow gorge-like channels below the falls, the largest one being occupied by the main volume of the river, shows the distance the falls have receded in post-Glacial time. The total distance is only about one-quarter mile [400 m]. The maintenance of the falls is owing to the well jointed character of the rocks which permits large masses to be separated by widening of the joints and finally to be worn away, leaving a still nearly vertical front over which the water falls. The general uniformity of hardness of the beds, however, has prevented a rapid recession of the falls (Johnston, 1917 ; p. 8-9).»


Références
  • Michel Allard, 1977 – Le rôle de la géomorphologie dans les inventaires bio-physiques : l'exemple de la région Gatineau-Lièvre. Univ. McGill, départ. de géographie, thèse (Ph.D.), 540 p.
  • Raoul Blanchard, «Études canadiennes (Troisième série). III. ― Les pays de l'Ottawa.» Revue de géographie alpine, 1949, vol. 37, no 2, p. 135-272. doi: 10.3406/rga.1949.5460
  • J.W. Goldthwait, J. Keele and W.A. Johnston, 1913 – Excursion A10. Pleistocene : Montreal, Covey Hill and Ottawa, in : Geological Survey, Guide book no.3, Excursions in the neighbourhood of Montreal and Ottawa (excursions A6, A7, A8, A10, A11), Ottawa : Government Printing Bureau, 1913, 162 p. (with maps).
  • W.A. Johnston, 1917 – Pleistocene and Recent Deposits in the Vicinity of Ottawa, With a Description of the Soils. Commission géologique du Canada, Mémoires 101, 69 p., avec carte 1662 (1/63 360).
  • Marshall, I.B., Dumanski, J., Huffman, E.C. et Lajoie, P.G., Soils, Capability and Land Use in the Ottawa Urban Fringe, Land Resource Research Institute, Research Branch, Agriculture Canada, Ontario Ministry of Agriculture and Food, 1979.
  • Medioli, B E; Alpay, S et al., Integrated data sets from a buried valley borehole, Champlain Sea basin, Kinburn, Ontario, Commission géologique du Canada, Recherches en cours no. 2012-3, 2012; 20 pages, doi:10.4095/289597
  • Richard, S H, 1982 – Surficial geology, Ottawa, Ontario-Québec / Géologie de surface, Ottawa, Ontario-Québec. Commission géologique du Canada, Cartes série «A» 1506A, 1 feuille. [1/50 000]
  • L.W. Schut, E.A. Wilson, 1987, The Soils of The Regional Municipality of Ottawa-Carleton (excluding the Ottawa Urban Fringe) Volume 1, Ministry of Agriculture and Food, Ontario, Agriculture Canada, Research Branch
  • Williams, D.A., Rae, A.M., and Wolf, R.R. 1984; Paleozoic Geology of the Ottawa Area, Southern Ontario, Ontario Geological Survey, Map P.2716, Geological Series-Preliminary Map, scale 1:50 000. Geology 1982.
  • Wilson, A.E., 1937 – Report on the Paleozoic Rocks of the Ottawa Area. ÉRNQ. GM 15284.  
  • Wilson A.E., 1946 – Geology of the Ottawa-St. Lawrence Lowland, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada (CGC), Mémoire 241, 66 p. (+ cartes).
  • Wilson, Heather C., 1990. The hydrogeology of the Carleton University campus, Ottawa, Ontario. Carleton University, Thesis, M.Sc.



Fig. 1. Géologie et tectonique de la région de Gatineau (31G/05). Seules les principales failles sont représentées. Détail modifié de Sanford et Arnott (2010). Zone couverte : 36 km x 27,5 km. C : vallée de la Carp ; CC : chutes des Chaudières ; FE : faille d'Eardley ; FHG : faille Hull-Gloucester ; G : la Gatineau ; HPG : horst du parc de la Gatineau ; LC : lac Constance ; LD : lac Dow's ; LDC : lac Deschênes ; LF : lac des Fées ; O : l'Outaouais ; R : la Rideau.
Ne pas tenir compte de la ligne blanche qui traverse la carte.
Légende très simplifiée, du plus ancien au plus récent : blanc : Précambrien (Bouclier canadien ; 1200 Ma), les couleurs, le Paléozoïque (plate-forme du Saint-Laurent ; env. 500-440 Ma) : jaune et orangé vif : grès ; orangé : dolomie et calcaire ; bleus : calcaire, dolomie et shales ; gris : shales ; lignes noires : failles (les traits terminés par de petits cercles noirs sont du côté effondré des failles).
Pour aider à la lecture : les formations sont d'autant plus récentes à la surface d'un compartiment faillé que celui-ci a été abaissé.



Fig. 2. Williams et al., 1984, géologie et tectonique du Paléozoïque de la région d'Ottawa (31G/05). Les réseaux de failles sont ici beaucoup plus développés que sur la fig. 1 (même zone représentée). Publiée par le gouvernement de l'Ontario, cette carte a cependant l'inconvénient de laisser le Québec en blanc. Les petites flèches perpendiculaires aux failles pointent le compartiment effondré. Remarquez l'éventail de failles traversant Ottawa, au centre. Le sujet ne sera pas développé ici, mais si on constate que les contacts lithologiques coïncident souvent avec des failles.



Fig. 3. Montage de la carte des dépôts superficiels (couleur ; Richard, 1982) et de celle des failles en Ontario (en noir ; Williams et al., 1984 ; cf. fig. 2). Des éléments non géologiques (routes, frontières, légendes) apparaissent aussi avec les failles. À cette échelle de réductions, les escarpements dans la roche en place (roses) ne sont pas visibles.
Légende très simplifiée, du plus ancien au plus récent : les roses : socle rocheux ; vert clair : till glaciaire ; brun-orangé : dépôts d'eau de fonte glaciaires ; les bleus : sédiments de la mer de Champlain* ; orangé : sédiments deltaïques et estuairiens de la mer de Champlain : les jaunes : alluvions récents.
* En particulier, le bleu le long de la rivière : chenaux du proto-Outaouais.
Le contrôle des failles sur la topographie est à la fois évident et discret.



Fig. 4. Coupe de la vallée de la Carp, près de Marathon, Ontario, modifiée de Schut et Wilson, 1987. Le horst du Précambrien (granite-gneiss, en orangé), au nord, est rehaussé le long de la faille Hazeldean par rapport au Paléozoïque (calcaire, ou limestone, en gris). La véritable vallée, comblée par des dépôts d'argile marine et autres sédiments du Quaternaire, (clay, silt et loam, en mauve) ne se laisse pas soupçonner. L'ancêtre de la rivière des Outaouais a coulé, avant les glaciations, dans cette vallée. La coupe ne montre pas de faille pour «justifier» la colline de calcaire au sud. Cependant, la fig. 2 montre assez de failles +/-E-W au sud de la faille Hazeldean pour que l'hypothèse d'un horst soit posée. (Même si Marathon est à plus de 10 km à l'ouest des limites de la zone couverte par les fig. 1-3, cette coupe demeure valable pour la région de Gatineau et d'Ottawa. Notez qu'une couche de till glaciaire (en rouge) devrait apparaître à la base de l'argile.) La ligne en bas montre le relief dans ses proportions réelles (1:1), le Précambrien et le Paléozoïque mis en noir pour une meilleure lisibilité. Ne reste plus grand chose de nos collines...



Fig. 5. Détail modifié de : Characterization of Ottawa’s Watersheds: An Environmental Foundation Document with Supporting Information Base, 2011 March, «Map 1A», Ottawa, 2008.
http://ottawa.ca/cs/groups/content/@webottawa/documents/pdf/mdaw/mdgy/~edisp/cap083402.pdf
Figure ajoutée en fin de la rédaction. Comparez avec la fig. 3 pour voir ce qui revient au socle rocheux et au sédiments glaciaires et post-glaciaires.

samedi 14 juillet 2012

Miroir de faille


Miroir de faille dans un marbre, boulevard de la Cité-des-Jeunes, à Gatineau. (Photo juillet 2011.) Blanc : marbre (calcite) ; vert : roche calco-silicatée (skarn) associée.


Un miroir de faille «est la surface de friction sur laquelle s'est fait le glissement de deux compartiments» rocheux. Les striations (tectoglyphes, ou slickensides), créées par le frottement et la recristalisation de la matière, s'empilent en gradins. Dans cette progression, un gradins qui en recouvre un autre est plus ancien que celui-ci.  


Détail (légèrement accentué) de la photo.


Ici, le mouvement du compartiment rocheux s'est fait obliquement, du bas vers le haut. Voir Wikiki (en anglais).

Note. – Ce miroir de faille, mis au jour par le début des travaux de la nouvelle piste cyclable à l'extrémité du boul. de la Cité-des-Jeunes, au nord du boul. des Hautes-Plaines, a été détruit par leur avancement.

Note (bis). – Pour les corrections touchant l'emploi des mots marbre et roche calco-silicatée, voir les commentaires de BMP liés à cet article.

samedi 19 novembre 2011

Stromatolites : une faille dans l'explication

Carte : Williams et al., 1984. (Commission géologique de l'Ontario (CGO).)
Failles qui découpent le socle rocheux de la région d'Ottawa. (Si le territoire québécois semble vierge de toute fracture, c'est qu'il s'agit d'une carte publiée par le gouvernement de l'Ontario. Malheureusement, les données disponibles pour la portion du Québec représentée ici datent considérablement. Mais, qu'on ne s'illusionne pas, le Québec n'est pas moins craquelé !...) 



Voir le billet du 18 déc. 2021, « Stromatolites et thrombolites de Westboro à Ottawa »

J'ai déjà écrit que le socle rocheux de notre région est parcouru de failles nombreuses (voir mon billet sur la Faille des Allumetières). Le sujet à lui seul mériterait qu'un billet lui soit consacré, mais, pour l'instant, j'aimerais compléter ma série de posts sur les stromatolites de Gatineau (lien) et d'Ottawa (lien, lien) en tentant de répondre à une question tout simple : pourquoi apparaissent-ils brusquement et pourquoi disparaissent-ils de même ?

Sans détailler la carte ou sa légende (ce qui nous mènerait trop loin), on peut remarquer (détail de la carte, plus bas) que la section du Transitway où affleurent des stromatolites est comprise entre, grosso modo la rivière des Outaouais (à l'W), et une faille (à l'E).

Carte : modifiée de Williams et al., 1984 
Légende (adaptée) 
A : stromatolites du pont Champlain, à Gatineau (voir ce billet) ; 
B et trait orangé : station Dominion du Transitway ; section du Transitway, à Ottawa, où des stromatolites sont visibles ; 
X : faille, Transitway, à l'W de l'ave Parkdale (indiquée par la flèche, voir photos plus bas). 
(Note : l'élaboration de cette carte a précédé de peu la construction du Transitway. J'ai surimposé au document le tracé de la section actuelle du Transitway entre la station Dominion (B) et la faille.)

Ordovicien moyen (472-461 millions d'années)* 
7 : formation de Bobcaygeon ; calcarénite, calcaire 
6 : formation de Gull River ; dolomie, calcaire, shale, grès 

* Les stromatolites se trouvent donc dans la formation 6 (Ordovicien moyen) ; d'autres sources placent ceux de Gatineau (A) dans la formation de Pamelia (Groupe d'Ottawa), de l'Ordovicien inférieur (488-472 millions d'années) supérieur (458-443 million d'années). Ne me demandez pas de trancher un débat entre stratigraphistes diplômés...


À l'E de la faille rehaussée en rouge (celle de gauche), le compartiment de l'écorce terrestre s'est affaissé** ; les stromatolites existent, mais sont sans doute encore plusieurs m sous le niveau de la surface du socle rocheux. À l'W de la station Dominion du Transitway (B), l'érosion a réduit le roc de plusieurs m sous le niveau des stromatolites. Entre ces deux bornes (station et faille), la surface du socle coïncide avec le niveau des stromatolites. De quel beau hasard nous bénéficions !

** Ce qu'indique les petite flèches rehaussées en rouge : elles pointes vers le compartiment affaissé.

Si on prolonge les failles vers le NW, vers Gatineau (Québec), on remarque que les stromatolites du pont Champlain (A), quoique affleurant plus ou moins au niveau de l'eau, appartiennent au compartiment abaissé. L'effondrement de ce compartiment s'est fait de guingois : la pointe SE est plus enfoncée*** que sa partie NW. À cet endroit (A), l'érosion a effectué juste le travail qu'il fallait pour rejoindre les stromatolites. (Une autre hypothèse serait qu'il existe deux couches de stromatolites distinctes...) D'après la carte topographique, les points A et B sont près de la ligne des 60 m d'altitude, le B un peu plus haut, le A un peu plus bas.

*** D'ailleurs, sans élaborer, on remarque que la pointe SE de compartiment conserve un reste de la formation no 7, plus récente que la 6 qu'elle recouvre. Plus au N, on atteint les niveau plus profonds de la formation 6.

L'apparition et la disparition soudaine des stromatolites s'expliquent donc par un jeu conjugué de la tectonique et de l'érosion. Bref, il y a une faille et une lacune dans l'explication !...

Resterait à délimiter l'extension exact de la surface primitivement colonisée par les stromatolites...


Faille dans le calcaire (X orangé sur le détail de la carte de Williams et al. (1984)) ; Transitway, à l'W de l'avenue Parkdale. À gauche (W) : formation de Gull River ; dolomie, calcaire, shale, grès ; à droite (E) : formation de Bobcaygeon ; calcarénite, calcaire.
Le « pli » de l'autobus articulé épouse la cassure de l'écorce terrestre : pure coïncidence ! Photo 22 octobre 2011.

Détail de la faille. Le compartiment de droite (à l'E) s'est affaissé par rapport à celui de gauche, ainsi que l'indique le retroussement des lits. Photo 22 octobre 2011.

Référence (au singulier, puisqu'il n'y en a qu'une)
  • Williams, D.A., Rae, A.M., and Wolf, R.R. 1984; Paleozoic Geology of the Ottawa Area, Southern Ontario, Ontario Geological Survey, Map P.2716, Geological Series-Preliminary Map, scale 1:50 000. Geology 1982.


Ajout, 28 septembre 2012

Voir le billet du 27 septembre 2012 à propos d'un article qui traite des stromatolites de l'est de l'Ontario en général et de ceux du Transitway et du pont Champlain en particulier. Il apparaît, entre autres, que deux niveaux de stromatolites sont visibles au Transitway.