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jeudi 21 novembre 2013

Intraordinaire à Cantley


Fig. 1. Quartzite et paragneiss rubanés parcourus de veines de quartz concordantes (parallèles au rubanement) ou discordantes (recoupant le rubanement). Le miroir de la boussole pointe vers le nord. Signe particulier. – Cet affleurement est parfaitement banal.





Résumé et contexte géologique

Quartzite et paragneiss rubanés et plissés à Cantley (Québec) ; province de Grenville du Bouclier canadien (âge : un milliard d'années)
Localisation
Chemin Noémie, Cantley (Québec)
45.541882,-75.75084
31G/12
Lien
Billet (ce blogue) sur un affleurement semblable : «Filons à Cantley», 14 juillet 2010.
Photos
24 novembre 2012


Par définition, la banalité doit dominer. Si tout était exceptionnel, tout, du même coup, deviendrait banal.

Autrement dit, si l'Univers était un spaghetti, il y aurait plus de pâte que de sauce, de viande et de piments.

Pour reconnaître l'extraordinaire, il faut se familiariser avec le banal, le tout-venant, le staple, l'anodin, l'ordinaire et même l'intraordinaire. D'où la description de cet affleurement du nord de Gatineau qui illustre l'aspect de la « pâte » qui constitue l'armature de la section de la Province de Grenville où nous habitons (voir « Résumé et contexte géologique », plus haut.)

J'exagère à peine en disant que c'est l'affleurement par défaut des collines de l'Outaouais. Il n'y a rien là pour étonner qui que ce soit. 

Et c'est ce qui m'intéresse ici, le non étonnant. La nature des choses, sans froufrous, ni flaflas, ni chichis.

(En fait, il y aurait quand même quelques autres affleurements types à illustrer. Celui-là, par exemple, manque de marbre, aussi très typique.)

Le quartzite de Cantely est un très vieux sable métamorphisé (recristallisé) dans les profondeurs de l'écorce terrestre il y a un milliard d'années ; le paragneiss, lui, provient de sédiments argileux qui alternaient avec le sable. Le tout a été froissé et comprimé, les strates s'en sont trouvées redressées (fig. 7) ; le granite, roche magmatique (en fusion, donc), a envahi les formations. Des intrusions tardives fluides (hydrothermales) ont apporté leur dernière touche par d'ubiquistes filons de quartz gris ou blanc qui ont rempli les fractures. Des centaines de millions d'années plus tard, l'érosion a amené les couches profondes de l'écorce terrestre à la surface, à temps pour qu'elles se fassent polir par les glaciers du Quaternaire, fondus il y a 12 000 ans. Le profil bas et arrondi de l'affleurement est un vestige que nous leur devons (roche moutonnée).

Un autre exemple d'un ensemble quartzite-paragneiss et granite(s) a déjà été décrit plus en détail dans le billet du 14 juillet 2010 (lien plus haut).

Le résultat global est beaucoup de quartz : celui du quartzite (sable métamorphisé) ; celui, plus ou moins abondant, des granites (roches magmatiques) et celui des filons de quartz (manifestations hydrothermales tardives). On me dira que le sable, au bout du compte, provient de l'érosion de granites encore plus anciens, ce qui complète la boucle

C'est ainsi que s'est formé le socle de notre continent. Nous marchons sur du banal quartz* recyclé

* Et quelques autres minéraux, bien sûr.

(Voir aussi ce billet : «Sea, Sex and Zinc», 7 juillet 2012.)


Fig. 1 bis (ajout 22 nov. 2013). Détail de la fig. 1. Noter les filons de quartz envahissant le quartzite : concordants (grisâtre) ou discordants (blanc laiteux).


Fig. 2. Quartzite (clair) et paragneiss (plus sombes) rubanés recoupés par un filon discordant de granite orangé qui est lui-même recoupé (à droite) par une «virgule» de quartz blanc. La pièce de 2 dollars canadiens, au centre, vaut deux cents cents canadiens, et mesure 28 mm de diamètre.


Fig. 3. Lentilles de paragneiss dans le quartzite. Veine de quartz blanc en bas. Les cristaux les plus blancs sont cependant ceux de la neige automnale...


Fig. 4. Dans la bande centrale de quartzite blanc, on devine une intrusion indistincte et peu contrastée de granite rose pâle et blanche.


Fig. 5. Plis dans l'ensemble quartzite-paragneiss. Visée vers le NNW (cf. la boussole, en haut, à gauche).


Fig. 6. Autre vue du pli. Un filon de quartz le recoupe (Q). Le paragneiss vert sombre, coin supérieur gauche sombre, forme une bande qui longe le quartzite.


Fig. 7. Roches redressées : revoici le paragneiss vert sombre (fig. 6), parcouru de lits concordants de granite orangé, en coupe.


Fig. 8. Granite gris (monzonite quartzifère, selon la carte géologique) qui recoupe le quartzite-paragneiss, au sud de l'affleurement. Le granite gris est lui-même envahi par du granite orangé.

mercredi 7 novembre 2012

Lac Blue Sea et amazonite bleue


Ce billet n'a pour but que de répondre (partiellement) à un lecteur qui m'a adressé quelques questions. Je reviendrai le compléter plus tard. (C'est fait.) Qu'on me pardonne pour la mauvaise qualité de la photo qui n'a été prise que pour des raisons documentaires et qui n'était pas destinée à être publiée. (J'ai changé la photo du billet (8 nov.))


Échantillon de granite à amazonite (feldspath bleu) du lac Blue Sea (au sud de Maniwaki). La plume pointe le site de la carrière, à l'ouest du lac (astérisque rouge) : voir cartes géologiques au billet suivant. Aucun rapport entre le nom du lac et la couleur du granite qui n'affleure qu'à un endroit isolé, à plus de 500 m du bord de l'eau.


Par sa composition (feldspath et quartz dominants), la roche représentée ici c'est un granite. Par sa texture, c'est un granite graphique graphitique : le quartz, coincé entre les cristaux de feldspath bleu-vert (amazonite) prend l'allure d'une écriture cursive vaguement cunéiforme. Par sa granulométrie très grossière, c'est une pegmatite.

Bref, il s'agit d'une pegmatite granitique graphique graphitique à amazonite. Pour faire court, on peut dire granite pegmatitique, granite graphique graphitique ou granite à amazonite, selon la caractéristique qui nous intéresse.

C'est le feldspath qui colore habituellement les granites, lesquels peuvent être blancs, orangés, rouges, bleus, etc. Celui du lac Blue Sea forme un petit pluton au milieu d'une bande de marbre blanc. Il contient aussi des cristaux de mica noir (biotite) et de fluorine violette.


Complément d'information
D'après Sabina (1987), la carrière du lac Blue Sea aurait été exploitée vers 1910. La roche est un granite graphique graphitique à quartz fumé, amazonite, fluorine pourpre, tourmaline noire et biotite.

Le marbre des alentours est blanc de neige et renferme de l'apatite bleu ciel. Tous les minéraux bleus ne sont donc pas nécessairement de l'amazonite.


Référence
  • Sabina, A P, Roches et minéraux du collectionneur, Hull - Maniwaki, Québec; Ottawa - Peterborough, Ontario, Commission géologique du Canada (CGC), Rapports divers 41, 1987; 147 pages.


Ajout (8 nov. 2012) : granite «graphique» ou «graphitique» ? Sabina (1987, p. 47) indique «graphitique», et j'avais corrigé la première mouture de ce billet en conséquence. Mais c'était me fier à la version française d'un texte anglais traduit par la CGC. Voici que je retourne à «graphique», sur la fois d'autres documents rédigés directement en français. J'espère que c'est la fin de ces corrections et contre-corrections.

lundi 15 octobre 2012

Perkins : granite suspendu





Intrusion granitique (rose) recoupant une... roche grise inaccessible (paragneiss ?) dans une sablière à Perkins. Les identifications à distance sont toujours risquées ; de si loin, il pourrait d'agir d'une intrusion de calcite rose, mais au vu des affleurements plus accessibles à l'est – billet précédent – ça m'étonnerait beaucoup que ça soit le cas.)

Site : montée Saint-Antoine, à l'est de la route 366, Perkins (Val-des-Monts), QC. 
45.611182,-75.608463 
Photo : 14 oct. 2012

Par souci de la valeur documentaire de ce blogue qui a quand même une réputation à défendre, la même photo retravaillée :






Détail.

dimanche 14 octobre 2012

Perkins : marbre gris et granite rouge







Très bel exemple de contact entre un granite orangé recoupant un marbre grisâtre. Perkins (Val-des-Monts, au nord de Gatineau (Québec). Toutes les photos : 14 octobre 2012.



(Deux photos.) Le marbre, bien rubané, est semé des habituelles inclusions disloquées et dispersées dans sa masse. C'est banal, mais on ne s'en lasse jamais. Ça ressemble fortement à ce qu'on retrouve un peu à l'ouest, à Cantley et Chelsea.


Contact granite/marbre. Notez le plissotement du ruban sombre dans le marbre, au dessus du centre de la photo. Le rubanement du marbre passe de l'horizontale, à gauche, à la verticale, ou presque, à droite.


Détail de la photo précédente : granite blanc ou quartzite boudiné dans le marbre en deux ovales.


Le marbre et le granite près de leur contact sont parcourus de filons de calcite blanche. Ici, l'un d'eux dans le marbre.


Feldspath orangé dans le marbre, tout près de son contact avec le granite composé majoritairement de ce minéral.


Détail de la photo précédente. La calcite du marbre s'est rayée sous mon canif tandis que le feldspath est demeuré... de marbre (traits obliques blancs). Quant aux minéraux inclus dans le marbre, je reste un peu perplexe : serpentine ?, diopside ?...


Imitation par un xénolite mélanocrate de la carte de l'Italie. Peu convaincant.


Xénolites transportés dans le marbre. Tout ceci me rappelle cela.
Les traînées grises indiquent que nous sommes en présence d'un marbre à graphite.


Xénolites dans le marbre. On croirait à une migration de têtards...

samedi 13 octobre 2012

Hors sujet : Mars, t'sé veux dire ?


«Jake Matijevic», rocher martien qui fait parler de lui. Source : © NASA. 
Pour les raisons qui justifient cet étrange surnom donné à une roche, voir l'inévitable Wikipedia.
Ajout après mise en ligne. –  Les vacuoles qui grêlent la surface de la roche sont peut-être les traces des bulles de gaz qui s'échappaient de la lave à l'état fluide. Il pourrait s'agir aussi d'alvéoles creusées par l'érosion éolienne. Le bloc repose sur une semelle amorphe (croûte vite refroidie ?) tandis que, sur son flanc droit, les vacuoles/alvéoles ont une structure allongée nettement orientée. Je n'ose pas trop en dire, de peur de gaffer, je suis en terrain inconnu...


Le journalisme scientifique atteint des apogées. Déjà qu'il avait été délesté d'une partie de son vocabulaire (voir mon billet du 29 septembre, «Poudingue sur Mars»), voici qu'il renonce à l'idée même de nommer les choses. Témoin cet extrait d'une dépêche de l'AFP reprise par Le Monde à propos de la mission Curiosity sur Mars :

«La première roche analysée sur Mars par deux des instruments du robot américain Curiosity a une composition inhabituelle comparativement à ce qui était connu jusqu'alors sur la planète rouge, ont indiqué, jeudi 11 octobre, des scientifiques de la mission. La composition de cette roche de la taille d'un ballon de football ressemble à celles – rares mais connues sur la Terre – qui proviennent de volcans.»

«"Cette roche est très similaire dans sa composition chimique d'un type de rocher trouvé dans de nombreuses régions volcaniques", a expliqué [...]»

Inutile de lire le reste de l'article, vous n'en saurez pas plus sur ces inhabituelles roches martiennes, similaires à des rares roches volcaniques que l'on retrouve dans de «nombreuses régions volcaniques» sur Terre». Des roches rares, mais néanmoins fréquentes, il y a là comme un paradoxe. C'est à y perdre son latin, pardon, son martien !

Ces roches «qui proviennent de volcans» doivent bien avoir un nom : carbonatite (un peu rare), trachyte (pas rare) ou basalte (très fréquent), etc.

Nous voilà malgré tout instruits de l'essentiel : on a trouvé sur Mars une roche ayant certaines carectéristiques qui la font ressembler à des roches sur Terre qui ont certaines caractéristiques, les mêmes, mais on ne saura pas lesquelles.

C't'une roche, t'sé veux dire ?

Supplément d'informations
Selon la NASA (c'est moi qui souligne).
«On Earth, rocks with composition like the Jake rock typically come from processes in the planet's mantle beneath the crust, from crystallization of relatively water-rich magma at elevated pressure.

"Jake is kind of an odd Martian rock," said APXS Principal Investigator Ralf Gellert of the University of Guelph in Ontario, Canada. "It's high in elements consistent with the mineral feldspar, and low in magnesium and iron."»

Selon SPACE.COM (c'est moi qui souligne).

«Jake appears to have higher concentrations of elements such as sodium, aluminum and potassium, and lower concentrations of magnesium, iron and nickel, than other igneous rocks studied on Mars.

While previously unknown on Mars, this type of chemical composition is seen in a rare but well-studied class of rocks on Earth. On Earth, such specimens are found on oceanic islands such as Hawaii and in other places. They are thought to form when interior rocks melt to form magma, which then rises toward the surface. As it rises, it cools, and parts of the material crystalize, preferentially selecting some elements while leaving a remainder of liquid magma that is enriched with the left-behind chemicals.»

C'est déjà mieux, on en sait un peu plus. On peut déjà exclure le terme mafique des roches ignées (riches en magnésium et en fer), tel le basalte, et aller vers les roches felsiques (riches en feldspath et en silice), bien dotées en potassium et en calcium, telle la rhyolite (forme effusive du granite). En fait, la composition de la roche martienne (passages en gras ci-haut) correspond exactement à la composition typique des roches felsiques. Ça ne correspond pas du tout à celles des laves mafiques d'Hawaï, mais il y a peut-être ici des nuances qui m'échappent.

Mais qu'est-ce qui les empêche de nommer cette foutue roche martienne dont ils connaissent la composition et des exemples terrestres ?

Celui qui conçoit bien s'exprime aisément et n'a pas besoin de se faire tirer un à un les vers du nez pour être compris. Et quand le message est clair, on a moins envie de s'en prendre au messager...

Zéro en communication.

dimanche 7 octobre 2012

Chelsea : recoupements


Carte : modifiée du MRNF du Québec

Légende
QUATERNAIRE
Q : sable, gravier, silt, till [et argile de la mer de Champlain]

PROTÉROZOÏQUE MOYEN, PROVINCE DE GRENVILLE
I2D : syénite et I2J : diorite (batholite de Wakefield)
I1Fa : aplite, pegmatite
M13 : marbre
M12 : quartzite
M 7 : gneiss à pyroxène
M3 : orthogneiss et migmatite
Astérisque noir (signalé par la flèche) : site décrit.
Trait épais (noir) : autoroute 5
Trait mince (noir) : route 105
Échelle : quadrillage 2 km x 2 km



Aujourd'hui, dimanche de l'Action de grâce, visite non prévue à un granite qui n'avait jamais attiré mon attention outre mesure.

LOCALISATION
SNRC 31G/12
Autoroute 5, Chelsea (Québec), sortie Tulip Valley.


CONTEXTE GÉOLOGIQUE LOCAL
Bordure du batholite de syénite-diorite de Wakefield mis en place dans des métasédiments du groupe de Grenville (paragneiss, quartzite et marbre). Du granite, des pegmatites recoupent le tout. On trouve dans la région des filons de calcite-apatite-phlogopite (dans les métasédiments), des carbonatites, dont celle du lac Meech, et des fénites (Hogarth, 1997). La syénite et la diorite sont ± gneissiques dans le secteur.


 Diorite grise recoupée par un granite rouge. Le grain du granite varie de moyen à grossier (dans ce dernier cas, on parle d'une pegmatite). Des fragments de la diorite sont engouffrés dans le granite. (Photo 7 octobre 2012. Désolé pour la qualité de l'éclairage...)


Relations de recoupement
Mine de rien, c'est la bousculade, presque la promiscuité. Combien de roches se sont disputé cet emplacement ?

Il y a d'abord les métasédiments locaux, non visibles sur les photos ; est venue ensuite la diorite sombre, masse de magma qui s'est installée aux dépens des métasédiments (voir «Note», plus bas). Un granite rouge brique à tourmaline s'est ensuite pointé, découpant la diorite à l'emporte pièce et engouffrant des fragments de celle-ci. Finalement, des intrusions de quartz-calcite-pyrite ont recoupé le granite.

Récapitulons :

Métasédiments + diorite + granite + quartz-calcite-pyrite... 

Nous voilà devant un affleurement organisé en poupées gigognes. La roche est dans la roche qui est dans la roche qui est...

Si tout cela vous laisse de pierre, prendre conscience qu'il n'y a pas que les feuilles des arbres qui arborent un beau rouge en cette saison, le granite aussi peut être d'une couleur splendide. En plus, ce caractère flamboyant a l'avantage de durer toute l'année. Bon, j'avoue que, l'hiver, sous la neige...

D'autres intrusions de calcite, avec ou sans quartz, se trouvent dans le secteur. J'en ai déjà parlées : voyez les dernières photos de ce billet. 


 Détail du granite à tourmaline (minéral noir). Les taches gris clair sont du quartz (constituant du granite, avec le feldspath-K rouge) et le minéral rose pâle est de la calcite (ou dolomite ?). (Photo 7 octobre 2012.)


 Détail du détail ci-haut. Je n'ose pas trop m'avancer quant à l'ordre de cristallisation ou d'installation de tous ces minéraux.


Filon de quartz-calcite-pyrite recoupant le granite rouge. La calcite (couleur crème ici) contient des fragments du granite. Comme le quartz du filon semble identique au quartz constituant du granite (composé de feldspath-K et de quartz), je me demande s'il ne s'agirait pas d'une mise en place tardive des dernières réserves de silice du magma ? Reste à expliquer la provenance de la calcite... D'autres intrusions de calcite dans le secteurs ont déjà été décrites dans ce blogue, certaines associant aussi quartz, calcite et pyrite. Sujet à développer... (Photo 7 octobre 2012.)


Détail de la photo précédente. On remarque une «lamination» dans le quartz, parallèle au bord du filon. La pyrite (éclat métallique, dans la calcite crème) est bien reconnaissable.  


Autres intrusions de calcite dans le secteur
(Voir ce billet.)


Calcite claire repoussant une calcite grise chargée d'impuretés, les deux variétés portant de multiples xénolites. Chelsea, autoroute 5. Voir cet ancien billet. Photo (à l'époque, je les numérotais, quelle patience j'avais...) 17 juin 2000.  


 Filon de calcite à fluorine violette recoupant un gneiss (syénite ?). Un liseré de minéraux formés de l'interaction de la calcite avec la roche hôte (diopside ?), souligne les bords du filon. Voir cet ancien billet. Photo 17 juin 2000.


NOTE
Selon la carte reproduite plus haut, la diorite (I2J) affleurerait au SE et au NE du site décrit ici et la roche en place serait de plutôt une syénite (I2D) dont des variétés grises existent dans la région. Les cartes géologiques n'étant pas toujours exactes au mètre ou à la dizaine de mètres près (les affleurements le long de la A5 n'existaient pas lorsque la carte qui a servi à l'élaboration celle utilisée dans ce billet a été dressée ; voir Béland, 1977), je crois qu'il s'agit plutôt de diorite. Mais diorite/syénite gneissique et paragneiss ne sont pas toujours faciles à distinguer...


TRAVAUX CITÉS
  • BÉLAND R., Région de Wakefield : rapport final. MRNQ, DP-461, 1977, 91 p., avec une carte (1/63 360).
  • HOGARTH D.D., Carbonatites, fenites and associated phenomena near Ottawa. GAC/MAC, Joint Annual Meeting, Ottawa, Field Trip Guidebook A4, 1997, 21 p.
  • Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Québec, Compilation géologique - WAKEFIELD, carte CGSIGEOM31GC011, 1/50 000 (SNRC 31G12)

mercredi 1 août 2012

Le porphyre et la grenouille (2 de 2)


Suite du billet du 27 juillet où le sujet de la grenouille est abordé (la réponse à la question à propos de l'identité du batracien est : grenouille des bois).


1. Bucolique vue d'un aménagement paysager aux environs de Wakefield, en Outaouais, sur un socle syénitique poli par le passage des glaciers (25 juillet 2012).


RÉSUMÉ
Le batholithe de syénite* de Wakefield, intrusion magmatique d'une quarantaine de km de long, est recoupé par des intrusions mineures subséquentes de granite mais aussi de syénite. Âge de tout ça : un milliard d'années et plus (province de Grenville).

* En termes simples, une syénite est un granite un peu lourd, sans quartz, minéral léger. Sans entrer dans les détails, le batholithe de Wakefield est composé principalement d'une syénite à hornblende et biotite.


RÉSERVE DE SYNONYMES
D'abord, entendons-nous. Il y a deux inanimés vedettes dans cette histoire, Syénite et Syénite. Pour éviter toute confusion, nous accolerons à chacun un adjectif choisi parmi plusieurs possibles :

  • Nous avons la syénite de Wakefield, la roche locale ou, dans le contexte de ce billet, roche encaissante, roche hôte, syénite grise (en cassure fraîche), syénite blanche ou rosâtre (surfaces altérées) ; nous nous contenterons de l'appeler syénite pâle ;
  • Puis il y a  une syénite aux apparitions restreintes, de couleur rose et d'aspect tacheté, ou syénite porphyritique, confinée à de minces filons ; ce sera, puisqu'il faut choisir, la syénite (porphyritique) rose.


 2. Filons d'une syénite porphyritique rose recoupant une syénite pâle. Le ciseau (18 cm) donne l'échelle pour cette photo et les autres, les filons étant tous à peu près de la même largeur, soit environ 3 cm. (25 juillet 2012.)


BANALITÉ
De nombreux filons de granite et de syénite de différentes teintes et de toute dimension, du mm aux décamètres, recoupent et découpent les roches de la région, la syénite comme les paragneiss et autres marbres.

D'un certain point de vue, il n'y a rien pour ameuter les foules dans la découverte de filons de syénite recoupant un massif de syénite. On ne vous dérangerait pas pour si peu.

Ce qui est inhabituel ici, c'est la texture porphyritique de la syénite rose qui compose la matière des filons. Elle contient des phénocristaux bien individualisés (gros «carrés» et «rectangles» rouge sombre ou grisâtres) dans une matrice rose composée de cristaux fins, difficilement discernables.


3. Détail de la photo 7 : phénocristaux sombres regroupés d'un côté du filon de syénite rose. 
Le blanc, toujours dans le filon : rare quartz ? (25 juillet 2012.)


Une roche porphyritique, on l'a compris à ce qui précède, est une roche magmatique formée de «gros cristaux» (phénocristaux) pris dans une matrice de cristaux plus fins. Ce genre de roche a une histoire compliquée. Pour l'obtenir, il faut que le magma originel subisse un refroidissement en deux étapes :

  • D'abord un refroidissement lent et régulier durant lequel de rares noyaux de cristallisation se forment. Comme ils sont peu nombreux, ils peuvent croître lentement sans se gêner mutuellement et atteindre de bonnes dimensions (phénocristaux) ;
  • Puis, la douche froide. Le magma connaît un brusque refroidissement : de multiples noyaux de cristallisation apparaissent simultanément. Ils épuisent rapidement le magma résiduel et cessent de croître aussitôt nés, ou presque.

D'où une roche porphyritique, roche à deux «grains» : les premiers cristaux, rares et de bonnes dimensions, les phénocristaux, et, faisant le ciment entre ceux-ci, la matrice, plus fine.


4. Dallage de phénocristaux ; ayant grossi sans encombre dans un bain de magma, ils présentent des formes régulières qu'ils conservent lorsque la croissance des cristaux de la matrice ne les érode pas. Ici, certains paraissent avoir été «cassés et recollés» sur place. (25 juillet 2012.)


5. Le filon de syénite porphyritique rose est en relief par rapport à la roche hôte, la syénite pâle. Plusieurs phénocristaux (au centre et à droite) s'alignent selon l'axe du filon. Leur attitude est peut-être le reflet du courant de magma qui les emportait. (25 juillet 2012.)


RÉSERVOIR
Le problème est que ce genre de refroidissement en deux temps n'a pas pu se faire dans des filons si étroits. Il faut donc imaginer qu'il y a eu un réservoir de magma porphyritique encore fluide qui a alimenté ces fines intrusions. La syénite de Wakefield présentant elle-même des faciès porphyritiques*, on peut se demander si elle ne s'est pas auto-envahie, dans la mesure où une telle chose est possible, puisque cela suppose que le batholithe ait été solidifié à certains endroits tandis qu'ailleurs le magma était encore fluide et mobilisable.

* Ce faciès porphyritique est moins apparent dans la mesure où les phénocristaux sont d'une taille plus modeste et plus homogène.

Le trajet commun des filons montrent bien que la syénite pâle était solidifiée quand la syénite rose l'a envahie à la faveur de fractures parallèles (photos suivantes).


6. Deux filons subparallèles (25 juillet 2012).


CONCLUSION
Ce qui est certain, c'est que la matrice porphyritique rose à grain fin était encore dans un état fluide, assez pour se mouvoir et emporter les phénocristaux avec elle, quand elle s'est injectée à dans ces minces filons (à la faveur, sans doute, de failles).

Quand à l'origine ultime de la syénite porphyritique rose, je laisse le soin de résoudre la question à mieux informé que moi.


7. Blocs déplacés vus dans les environs (voir détail en photo 3). On peut se demander si la pegmatite (granite ou syénite à cristaux géants) orangée à gauche a la même origine que les filons porphyritique. (25 juillet 2012.)


8. Filon à compartiment déjeté par le jeu d'une faille. Cassure et déplacement se sont produit après solidification de la matière du filon. (25 juillet 2012.)


AJOUT (3 août 2012). – On me presse de révéler la fin de l'histoire du porphyre et de la grenouille, histoire que j'aurais laissée en plan, paraît-il. Eh bien, voilà : le porphyre embrasse la grenouille et le conte se termine en queue de castor.

Est-ce que ça vous va comme ça ?

AJOUT (21 sept. 2013). – On distingue les roches porphyritiques (phénocristaux dans une matrice phanéritique, c.-à-d. à grains apparents, comme dans le cas décrit ici) et les roches porphyriques (phénocristaux dans une matrice aphanatique, c.-à-d. à grains trop fins pour être discernés, comme ça peut être le cas, par exemple, dans des laves). Cf. Y. Hébert et R. Hébert, Guide pratique d'identification des roches : notions élémentaires de pétrologie. Les publications du Québec, 1994, 136 p.

samedi 7 juillet 2012

Sea, Sex and Zinc


Pas de zinc, de molybdène ou de cuivre : pas de sexe non plus, ni de reproduction sexuée tout court.

La source ultime de tous ces ingrédients est dans le granite.

Donc, en une formule un peu courte, on peut dire «pas de granite, pas de sexe».

La formation des protéines indispensable à la vie dépend d'un certain nombre de métaux lourds. Le zinc, le molybdène et le cuivre sont d'importance capitale pour les eucaryotes (organismes uni- ou pluricellulaires) qui comprend les animaux, les plantes et les Fungi (champignons), tous pouvant (ou se devant de) recourir à la reproduction sexuée.



Photos : granite rose s'immisçant dans un paragneiss sombre (migmatite). Halsteads Bay, à l'est de Gananoque (Ontario), dans les Mille-Îles. 28 octobre 2007.


Les organismes complexes multicellulaires sont apparus il y a 800 millions d'années alors que la teneur en métaux lourds des océans avait atteint un certain seuil.

Mais d'où viennent ces métaux ? Du granite, nous l'avons dit, dont de larges volumes se sont injectés dans la croûte terrestre il y a 1,9 milliard d'années.

Amenés à la surface par l'érosion, peu à peu usés et décomposés, ces granites ont littéralement poivré en métaux lourds le sol et les eaux de la planète.

Et c'est ainsi que sans granite, la Terre serait peut-être encore peuplée d'organismes unicellulaires aux mœurs simples se reproduisant par scissiparité et que les fins de semaine seraient plus tranquilles et l'existence en général moins agitée.

Moralité de cet exposé : je ne suis pas sûr d'avoir réussi à la dégager.

En attendant, vive le granite sans qui nous ne serions pas !




SOURCES
Geology, par l'entremise de :
NewScientist

dimanche 5 février 2012

Farrellton, QC : en vert et blanc (Ajout)


Billet retouché le 12 février 2012 et les 10 et 19 juillet 2014.


Fig. 1. Marbre blanc et paragneiss vert

Chemin Woods, jonction avec la route 105, Farrelton (en Outaouais), octobre 2010. Les formations plongent vers la droite, vers l'E. Un ruban gris dans le marbre a été sectionné net et ses deux parties écartées l'une de l'autre tandis que le paragneiss, faillé, n'a été que légèrement dérangé. Le marbre, plus ductile, s'est mieux plié aux contraintes tectoniques. (Les rubans gris/blanc à droite, dans le marbre, ne semble pas avoir été affectés.)


Localisation
Chemin Woods, jonction avec la route 105, à Farrelton (au N de Wakefield, le long de la Gatineau), QC.
45.732538, -75.907347
Le site a déjà été mentionné dans ce blogue : ici, et ici.
Contexte géologique
Marbre contenant des enclaves de roches calcos-silicatées (skarns et gneiss)* ; province (géologique) de Grenville du Bouclier canadien ; âge : plus d'un milliard d'années.
* Roches calco-silicatées, skarns : voir ce billet


Couleurs

De façon générale, pour qui n'y accorde aucune attention, toutes les roches sont grises, sales et indistinctes. Dès que l'on commence à s'y intéresser, on se rend compte que la réalité est plus nuancée, en tout cas plus colorée. Sans prétendre à la flamboyance de l'arc-en-ciel (quoique...), une roche peut réussir à se faire remarquer par sa couleur : «La roche verte sur la route près du chalet», «La roche rouge de la falaise au bout du lac.»

Un bel affleurement montrant un skarn ou roche calco-silicatée (RCS) en voie d'assimilation par menus fragments par un marbre nous permet cependant de nous prémunir contre une tentation qui pourtant semble tomber sous le sceau du bon sens : identifier une roche par sa couleur.

À l'exception de celles empruntées à Google, les photos de ce billet ont été prises le 10 octobre 2010.


Fig. 2A. Marbre blanc, granite blanc aussi et gneiss vert foncé
Des bords vers le centre : marbre blanc (M), gneiss calco-silicaté vert foncé (RCS) et granite blanc (Gr).
Le paragneiss sombre est dans doute le reliquat d'un banc étiré et rompu dans le marbre (voir la figure 7). Le granite se confine au paragneiss qu'il découpe au petit bonheur. Le gneiss a pourtant une structure foliée qui aurait invité à une invasion lit-par-lit...
Chemin Woods, jonction avec la route 105.


Fig. 2B. Détail
Détail : la propreté du granite blanc me rend perplexe : il semble n'y avoir eu aucune influence réciproque avec le marbre ou le gneiss pour le contaminer.


Fig. 3A. Détail de l'affleurement en 2A
Les contacts entre le paragneiss calco-silicaté vert et le marbre blanc sont concordants ; le rubanement du marbre (mieux visible en haut) plonge vers la gauche (vers l'E) et le gneiss semble bien se conformer à cette structure. Conformité d'origine (stratification primitive) ou acquise («enveloppement» du gneiss dans le marbre grâce à la ductilité de ce dernier) ?


Fig. 3B. Détail


Fig. 4. © Google Street
Marbre blanc et paragneiss vert sombre rouillé ; le N est à droite : vue de profil de l'enclave de paragneiss de la photo 2A. La rouille aide à repérer les éléments du gneiss qui apparaît comme une enclave étirée et disloquée dans le marbre.


Fig. 5A. Marbre blanc, enclaves d'un gneiss disloqué
Marbre blanc et fragments dispersés d'un paragneiss vert disloquée. Vue vers l'ouest. Noter la bande verte ondulée sous le X dans le cercle blanc : voir gros plan sur photo suivante.


Fig. 5B. Détail
Vue rapprochée de la bande sombre gneissique (X dans le cercle blanc, photo 5A). La direction du rubanement est NW-SE, le miroir de la boussole pointant vers le N.



Fig. 6A-B. Enclaves disloquées dans le marbre
L'autre côté de la colline de la photo 4. Marbre blanc et enclaves sombres non identifiées. Le rubanement du marbre enveloppe les enclaves. Voir, pour un phénomène de fluage semblable, la photo 456 de ce billet : lien.


La suite ? Eh bien, elle suivra suit...


Ajout de dernière minute



Légende de la fig. 7. © Google Earth
Vue satellite de l'affleurement. Je l'ai découverte juste avant de mettre en ligne ce billet.
Le marbre, surexposé, y apparaît blanc de neige ; sa couleur rouille trahi le paragneiss calco-silicaté et ses fragments. L'étirement et la rupture du banc de gneiss en deux «gouttes» ou «larmes» y sont patentes. L'orientation générale de la structure est un peu moins vers le NW que ne le laissait penser la boussole de la photo 5B ; elle est plutôt NNW. Ne jamais se fier à un relevé unique, surtout pris sur un élément qui a pu être dérangé, comme une enclave dans un marbre...