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jeudi 9 février 2012

Farrelton (suite) : le rose et le noir


(Suite du billet précédent. Voir aussi cet ancien billet, et celui-ci.)


1. © Google Street
Au centre, calcite rose et blocs de syénite noire.
Route 105 au S du chemin Woods ; le N est à droite.
(Affleurement au S de celui étudié dans le précédent billet.)


INTRO
Dérives d'un corps de syénite noire dans un marbre clair très accommodant, hôte, par ailleurs, d'une roche calco-silicatée verte (RCS*), intrusion de calcite rose, création de veines d'hématite rouge, etc.

Comme dans une rame de métro bondée, une telle promiscuité compliquée par l'irruption continue de tant de nouveaux protagonistes ne s'est pas créée ni maintenue sans glissements, réajustements et soubresauts. La nuance est que ces bris et froissements se sont déroulés à plus de vingt km de profondeur, au cœur de la croûte terrestre, il y a plus d'un milliard d'années. Puisque nous parlions de métro, avouons que tout ceci donne la vraie mesure du terme underground...

La situation sur cette tranchée de route est un peu plus complexe que sur la colline immédiatement au N où les relations entre une RCS et le marbre s’appréhendaient facilement ; la RCS, enclose dans le marbre, avait été étirée et rompue, ses débris, gros et petits, flottant dans le marbre.

LOCALISATION
Route 105, au S du chemin Woods, rive droite de la Gatineau, Farrellton, QC.

CONTEXTE GÉOLOGIQUE
Marbre et roches calco-silicatées (RCS) ou skarn* ; province (géologique) de Grenville du Bouclier canadien ; âge : plus d'un milliard d'années.

* Roches calco-silicatées, skarns : j'ai déjà parlé de ces types de roches ; voir le billet précédent (lien plus haut, au début du texte) et celui-ci.


Sauf l'emprunt à Google Street qui ouvre ce billet, toutes les photos sont de l'auteur du blogue et ont été prises le 10 octobre 2010.


2A. Centre de la tranchée de route (montage photo)
Marbre gris clair, RCS verte, corps d'une syénite noire rompu en plusieurs blocs et calcite rose.


2B. Le rose et le noir...
Détail. Admirez la netteté de la cassure. La rupture semble toute récente. 
En réalité, elle date d'un milliard d'années.


LES ÉVÉNEMENTS, EN VRAC
Intrusion de calcite orangée dans l'espace que semble avoir libéré la rupture et la dislocation d'un corps de syénite noire en plusieurs blocs (photo 2B). Les cassures sont nettes et anguleuses, sans aucun émoussé ; on peut présumer que la syénite (roche magmatique) était refroidie et solidifiée quand les forces tectoniques qui l'ont brisée sont entrées en action.

La calcite rose provient peut-être des marbres environnants, lessivés qu'ils auraient été par les fluides accompagnant les intrusions magmatiques (syénite ici ; granite au N, voir billet précédent).

En haut à gauche et au centre (toujours de la photo 2B) : reliquats d'une RCS verte, elle aussi rompue par le «flot» de calcite rose.

Sur la photo 3, on remarque que le contact de la syénite avec le marbre (nous ne parlons pas ici des cassures, nettes, plus tardives) est à la fois net et arrondi. L'attitude accommodante du marbre, roche très ductile, semble lui avoir permis d'envelopper et d'adoucir les contours des blocs de syénite. Détail peu visible sur les photos, la syénite a conservé tout au long des événements une structure massive, sans orientation privilégiée de ses cristaux, et n'a donc enregistré dans sa substance aucune empreinte de ses pérégrinations dans le marbre.

* Je consacrerai un prochain billet à cette syénite. (Il s'agit sans doute d'un faciès de la syénite de Wakefield qui affleure au S du secteur.)


3. Contact marbre gris clair et syénite noire
Détail. Le rubanement du marbre (gris pâle, en bas, à gauche, et au centre), d'allure presque horizontale, est recoupé par la syénite noire. Les lits de la RCS verte, recoupée aussi par la syénite, semblent concordants dans le marbre. Le séjour, ou plutôt le «passage», du corps de la syénite dans le marbre (avant sa rupture en plusieurs blocs) semble avoir adoucit ses contours.


RECOUPEMENTS
Je n'oserais discuter de façon trop péremptoire des relations de recoupements que l'on pourrait déduire de l'observation des roches de cette tranchée de route. Voici quand même quelques éléments à conserver en mémoire pour futures(?) discussions :


  • Le marbre est la roche hôte qui a accueilli les autres lithologies qui sont donc tardives par rapport à lui. La calcite rose est la dernière venue et semble avoir eu pour mission de combler les vides laissés par la rupture finale du bloc de syénite ;
  • Ce corps de syénite original (avant fracture en plusieurs blocs) a fort probablement été arraché, par fluage du marbre, à une masse plus importante. Notre corps de syénite n'était déjà plus «en place» – à sa place originelle – avant que survienne la calcite rose. Le fluage du marbre s'est produit alors que la syénite (rappelons qu'il s'agit d'une roche magmatique) était déjà refroidie et solidifiée. D'ailleurs, celle-ci a conservé sa structure massive et n'a été affectée que marginalement par ses périples et avanies (contours arrondis) ;
  • La RCS verte a été affectée de la même manière que le marbre par les blocs de syénite et de la même manière que ce dernier par la calcite rose. Le rôle de cette RCS, au moins partiellement concordante dans le marbre, reste à établir. 
  • Ajout (12 févr. 2012). Une autre lecture est possible : la RCS peut être un skarn, résultat du contact in situ de la syénite avec le marbre ; le démembrement et l'introduction de calcite rose auraient ensuite affectés l'ensemble skarn/syénite. Resterait à expliquer l'aspect (au moins partiellement) concordant du skarn dans le marbre et la netteté des contacts de la syénite avec le skarn et le marbre, de même que l'absence de contamination de la syénite (absence d'endoskarn).


4. Boudin d'une RCS sombre dans une RCS plus pâle
(Extrémité S de la tranchée de route sur la photo 1.)


5. RCS vert pâle à phlogopite (mica)
(Au S de la syénite disloquée.)
RCS vert pâle. On y trouve du mica (phlogopite), minéral exploité dans des sites plus riches durant les XIXe et XXe siècles (voir photo 6).


6. Phlogopite (mica) dans une RCS vert pâle


7. Fragments d'une RCS dans un marbre rosâtre
(Extrémité N de la tranchée de route sur la photo 1.)


8. Veines d'hématite (rouge) dans le marbre blanc/gris
De semblables veines concordantes parcourent la roche de haut en bas de la falaise à quelques endroits.


À suivre.


Pour en savoir plus, voir les libellés suivants : «Calcite (intrusions)», Syénite de Wakefield» et «Skarns».

dimanche 17 janvier 2010

Prolongement de l'autoroute 5, Chelsea (Québec) : vallée du ruisseau Meech (3)

9041. – L'Outaouais est piquetée de mines d'apatite et de mica (phlogopite) abandonnées dont les gisements se concentrent dans un type particulier de roches, les roches calco-silicatées* et les filons de calcite dont elles sont les hôtes**. La nouvelle section de l'autoroute 5 à Chelsea (Québec), inaugurée en décembre 2009, offre une coupe à travers ce genre de formations. Manque de bol pour les (anciens) mineurs et les collectionneurs (actuels) de minéraux, cette tranchée de route semble stérile... (Oct. 2008)
Vert (diverses teintes) : roche calco-silicatée ; rose : filons et masses de calcite ; rouge : granite .

(SUITE DE LA «PARTIE 2».)

Voir «ANNEXE : quelques minéraux», à la fin du billet.

QUELQUES DATES**
De 1870 à 1890, l’Outaouais a été le centre minier le plus actif du pays. Le principal minéral exploité était l’apatite (minerai du phosphate) dont les gîtes parsèment le territoire. Les gisements, modestes et dispersés, de teneur erratique, n’ont pu soutenir longtemps la concurrence étrangère ; dès 1890, les mines d’apatite connaissent un déclin avec l’arrivée sur le marché du phosphate des vastes gisements étatsuniens. Le mica prend le rôle dominant laissé par l’apatite (1895-1965), d’autant que ces deux minéraux se rencontrent au sein des mêmes gîtes, les filons de calcite associés aux roches calco-silicatées.
Durant les années 1950, on a prospecté ces formations pour l’uranium sans découvrir, parmi les nombreux gisements relevés, aucun qui soit rentable. Le regain d'intérêt pour ce métal et la reprise de sa prospection, ces dernières années, en inquiète plus d'un. Mais ceci est un autre sujet... Enfin, signalons l'exploitation sporadique de la molybdénite.
Les gisements d'apatite, de mica et de molybdénite n’ont plus de valeur économique, mais pour les collectionneurs de cristaux, ils conservent leurs attraits.

AUTOROUTE 5 – CARTE GÉOLOGIQUE

Selon la carte de Dupuy (1989), déjà affichée dans le premier billet de cette série, la nouvelle section de l'autoroute 5 coupe à travers une colline composée en grande partie d'une variété de roche calco-silicatée (M14c ; diopsidite verte/blanche). Les X blancs indiquent la tranchée de route dont les photos sont mises en ligne dans le présent billet et le précédent. Les différentes roches calco-slicatées (M14 et M15) sont regroupées sous la même teinte de vert. (Voir légende de la carte.)
Note. – Les photos 150-151, 161 et 173 seront l'objet du prochain billet.


LES ROCHES CALCO-SILICATÉES (RCS)
Comme leur nom l'indique*, les RCS ont une composition dominée par les silicates de calcium (et de magnésium), tel le diopside.

La genèse des RCS fait encore l'objet de débats. Les hypothèses à ce sujet ne manquent pas et le cahier de charge proposé aux géologues qui prétendent trancher la question s'avère complexe. Sur le terrain, un indice, au moins, apparaît à l'évidence : l'association étroite des RCS et du marbre. Plusieurs avancent que les RCS sont des calcaires silicieux métamorphisés ; d’autres (ou les mêmes…) invoquent l'influence mutuelle et diffuse (on dit métasomatisme) de marbres dolomitiques (c.-à-d. magnésiens) et de gneiss silicieux durant le métamorphisme.

La circulation de fluides d'origine métamorphique ou magmatique – dans ce cas, provenant de l'intrusion de granite – aurait participé aux processus et les aurait prolongés, lessivant les roches ici pour précipiter le carbonate de calcium, le magnésium, le phosphate et le fluor là. Ainsi, entre autres, se seraient formé sur le tard (relativement) les veines de calcite-apatite-phlogopite qui recoupent les RCS…

Imaginez des influences diffuses entre bancs de roches ; des échanges, pas nécessairement équilibrés, par l'entremise de fluides minéralisés (peut-être du granite, si vous y tenez, pour alimenter et faire circuler des courants hydro-thermaux) ; bref, une chimie complexe à 20 km de profondeur, se déroulant en de multiples étapes, simultanées ou successives, et vous ne serez pas loin de la vérité.

Les RCS et les filons de calcite font partie des roches de la province de Grenville, âgées d'un peu plus d'un milliard d'années.

PHOTOS
Octobre 2008 ; NW à gauche, SE à droite.
Voir carte ci-haut pour localisation.

9034. – Roche calco-silicatée (sur la carte, M14c : diopsidite – d'après le minéral dominant, le diopside) partie vert pâle, partie vert foncé, envahie par de la calcite rose-orangée. Le tout est recoupé par du granite rouge sombre tardif. Des lambeaux vert foncé sont dispersés et plissés dans la partie claire de la RCS (qui comprend, selon mes notes, de la calcite grise, mais il est difficile sur ces photos d'en préciser le contours des concentrations).

9035. – Détail N de la photo 9034. Intrusion de granite rouge sombre tardif dans la RCS déjà recoupée par de la calcite orangée. Lambeaux verts de la RCS dans le granite rouge ; des filons verticaux tardifs de granite un peu plus pâle découpent le granite et les fragments de la RCS.

9035a. – Détail de la photo 9035. Les filons verticaux de granite pâle se distinguent mieux (partie gauche de la photo) ; ils coupent à travers toutes les autres roches, dont le granite rouge sombre et les fragments de la RCS que celui-ci avait précédemment engloutis.

9039. – Calcite orangée dans la RCS. Détail de la photo 9041.

9049. – Phlogopite dans la RCS, entraînée par la calcite. Les cristaux sont minuscules, pas de quoi ameuter les collectionneurs...

9030. – Vue d'ensemble, déjà publiée dans la «Partie 2» de la présente série de billets. On peut reconnaître les sections déjà montrées plus haut ; la photo 9049 a été prise immédiatement au S (à droite) de la partie représentée ici.


RÉFÉRENCES
Dupuy, H., 1989, Géologie de la région de Wakefield-Cascades. Ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, Québec, MB89-18, 1989, 14 pages, avec 1 carte (1/20 000).
Le prolongement de l'autoroute 5 : pour la sécurité! Transport Québec. [Lien mis à jour.]

ANNEXE
Quelques minéraux mentionnés dans ce billet*.
La plus grande partie du contenu de cette section est adaptée du Guide pratique d’identification des minéraux, par Jean Girault et Robert Ledoux, Publications du Québec, 1991, 114 p.

APATITE (n. f.)
Phosphate de calcium comprenant du fluor et du chlore. Les apatites de la région de Gatineau sont des fluor-apatites. Source de phosphate (engrais, industrie chimique).
CALCITE (n. f.)
Carbonate de calcium. Minéral constituant du marbre. Ciment et chaux ; métallurgie ; industrie chimique, (neutralisant) ; industrie des pâtes et papiers ; amendement des sols. Pierre concassée et de construction (marbre).
DIOPSIDE (n. m.) ; HÉDENBERGITE (n. f.) ; AUGITE (n. f.)
Silicates du groupe des pyroxènes, formant une série continue, respectivement de calcium et de magnésium, de calcium et de fer, de calcium, de fer et de magnésium. La couleur varie de blanc à vert selon la teneur en magnésium ou en fer.
DOLOMITE (n.f.)
Carbonate de calcium et de magnésium. Granules blancs, charge minérale, produits broyés pour usages industriels, verre, agriculture, etc.
MOLYBDÉNITE
Sulfure de molybdène ; minerai de cet élément. Aciers réfractaires ; industrie chimique.
PHLOGOPITE (n. f.)
Silicate ; variété de mica magnésien. Isolant thermique et électrique – peintures, panneaux de gypse, ciments, etc.  – lunettes de poêles et fourneaux (autrefois).

NOTES
* Les roches calco-silicatées de la région de Gatineau ont reçu plusieurs noms au cours des décennies : diposidites, clinopyroxénites, métapyroxénites, skarns, etc. Une telle abondance onomastique est mauvais signe et cache mal la perplexité des géologues quant à leur origine...
** Un aperçu raisonnablement complet des ressources minérales de l'Outaouais et de son histoire minière est en préparation... 



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