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lundi 1 novembre 2021

Calcaire faillé dans l'Île-de-Hull : enfin visible !




Photo no 1 (18 oct. 2021). - Flèches tiretées : inclinaisons opposées des strates de deux compartiments du socle calcaire séparés par la faille Eddy (il n'y a pas de continuité entre les strates soulignées de part et d'autre de la faille) ; 1 : brèche de faille où des éléments du calcaire sont cimentés par de la calcite blanche ; 2 : bande sombre amorphe (roche broyée et pulvérisée par la faille (?) - il faudrait un examen in situ pour en savoir plus) ; 3 : mince veine de calcite blanche dans une fracture - il y en a d'autres, non visibles sur photo. Des plaques de calcite orangée et des taches de rouille couleur ocre, non visibles sur photo, accompagnent des fractures verticales dans les strates. Les 1 et 2 correspondent à la FE comme telle. Le creux dans le mur de roc correspond au lit d'une vallée comblée au début du XXe siècle.
Le nord est donné par la flèche blanchâtre à droite. Les formations ont depuis été entièrement recouvertes d'un crachis de béton et ne sont plus visibles.


Enfin, la faille Eddy (FE) est visible sur le plancher et l'un des murs des fondations du WE-2, excavées rue Eddy, dans l'Île-de-Hull. Résumons. - La  FE court du NO vers le SO à travers les strates du socle calcaire de la ville. Les travaux d'excavation des fondations d'un édifice (le WE-2) ont permis de la localiser sous le remblayage d'une ancienne vallée comblée au début du XXe siècle. La FE sépare un compartiment de calcaire plongeant vers le SO d'un autre qui plonge vers le NE. Mais reportez-vous à ces billets pour plus de détails :

 
La FE est donc visible, ou plutôt était visible, devrais-je dire, et partiellement. Était, parce que sitôt exposées au jour, les parois de calcaire ont été recouvertes de béton pour prévenir les chutes de roc et les irrégularités du plancher ont été comblées par de nouveaux épandages de béton. Partiellement, parce que la faille dans le mur de roc sous la rue Wright a, sitôt dégagée, été masquée à la vue par des installations et la machinerie. Je n'en ai que de mauvaises photos (photos 17 et 19 du billet du 3 août 2021, lien plus haut). Je crois que les gens du chantier en ont terminé avec le dynamitage et que travaux d'excavation sont achevés. Ce qui était à voir dans le chantier a été vu. De mon point de vue très subjectif, du moins.

Mais bref, la FE existe, elle est visible. L'essentiel de ce que j'ai écrit jusqu'ici demeure valable même si je compte revenir pour préciser certains détails.

Pour ajouter à ma satisfaction, je peux annoncer la découverte d'une brèche de calcite blanche cimentant la faille. Bon, ce n'est pas quelque chose d'exceptionnel, mais quand on doit identifier les roches au marteau suisse*, le moindre bonheur est amplifié par la difficulté et la rareté.

* Examen de formations rocheuses au loin, à la jumelle. J'ignore l'origine de cette expression. Expression s'expliquant par l'abondance de belles parois bien lisibles dans les Alpes en Suisse. (Mais il n'y en a pas qu'en Suisse, de telles parois...)

Note. - Les photos et les observations, à l'oeil nu ou aux jumelles, ont été faites depuis le trottoir, autour du chantier, aux endroits où cela était possible, le chantier étant interdit aux visiteurs, même bien intentionnés. La précision de mes interprétations a évidemment souffert de cet état de fait.


Photo no 2 (30 oct. 2021). - FE : faille Eddy à travers le plancher du chantier ; flèche tiretée à double pointe : largeur de la FE ; lignes tiretées parallèles : bords de la FE ; B et lignes pointillées : brèche de calcite blanche et de fragments de calcaire (sa bordure, à droite est masquée en partie par de la rocaille) ; c'est la continuation au sol de la brèche visible dans le mur de la photo no 1.
Le pendage (ou plongement) des strates dans le socle calcaire de part et d'autre de la FE et dans la FE est indiqué. 
Le nord est donné par la flèche blanchâtre en haut à gauche.
Forme pâle au liseré blanc : masque des éléments au premier plan qui rendaient la photo confuse.
Ces roches ne sont plus visibles, on a entrepris de combler les irrégularités du plancher avec du béton et on a coulé des fondations dans la « piscine ».


Photo no 3 (30 oct. 2021). - Vue un peu différente de la précédente, avec un peu plus de recul. B : la brèche de calcite blanche ; flèche blanche à double pointe : largeur de la FE.



Photo no 4 (30 oct. 2021). - Autre vue, sans plus d'annotations ; noter à gauche la brèche de calcite blanche aux bordures parfaitement parallèles, la même que celle visible sur la photo no 1.







Photo no 5 (cadre large et détail ; 30 oct. 2021).  - Vue dans l'autre sens. B : brèche de calcite et de fragments de calcaire. Détail. - Flèche blanche : plongement accentué des strates dans la faille est bien visible - comparez avec le plongement des strates à gauche de la FE à la photo no 1. Le nord est donné par la flèche blanchâtre en haut à droite de la vue générale. La section du mur commentée à la photo no 1 est à gauche de la toile jaune, dans la prolongation de la brèche de calcite.

mardi 3 août 2021

Calcaire faillé dans l'Île-de-Hull : suite (ajouts et retouches)



Carte no 1 : sites nos 1 et 4. - Source : Atlas de la Ville de Gatineau (détail).

Ligne pointillée noire : faille Montcalm (FM ; selon Wilson, 1938 ; réf. : voir carte no 2) ; les triangles noirs pointent le compartiment SW effondré du socle calcaire. Les flèches noires indiquent le plongement apparent des strates du calcaire dans les fondations des sites nos 1 et 4. Une flèche à deux pointes indique des strates horizontales. La longueur des flèches n'a aucune signification. Le plongement réel des strates du calcaire, déduit des plongements apparents, est approximativement donnés.

La ligne pointillée rouge indique une faille jamais cartographiée que je baptise ici faille Eddy ; FE. La FE sépare deux compartiments du socle du site no 4 : l'un à plongement vers le NE, l'autre, vers le SW. Le prolongement de la FE vers le site no 1 est problématique (? rouge), mais voir photo no 13.

Note. - La carte a été retouchée le 29 sept. 2021. De nouvelles observations donnent une FE pratiquement paralèlle à la FM, plus que sur les premières versions de la carte.


Suite du billet du 5 avril 2014, « Calcaire faillé dans le Vieux-Hull » qui traite des sites nos 1 et 2 (voir les cartes.) Le site no 3 est l'objet du billet du 11 août 2015, « Bassin dans le calcaire de l'Île-de-Hull ».

Le présent billet traite du site no 1 et d'un nouveau, le no 4. Il remplace ceux du 28 juillet et du 30 juillet 2021.

Toutes les photos, sauf la photo no 13 prise au site no 1, ont été prises au site no 4.

Ce billet a été réécrit le 17 septembre 2021 pour mieux intégrer les éléments ajoutés depuis sa mise en ligne. Les noms officiels de mes sites nos 1 et 4 sont WE 1 et WE 2. Je vais continuer à utiliser ma propre nomenclature.

CONCLUSION temporaire à cette affaire dans le billet  du 1er nov. 2021, « Calcaire faillé dans l'Île-de-Hull : la faille est (enfin) visible ! »


Un nouveau chantier de construction est actif sur la rue Eddy, au sud de l'Île-de-Hull (site no 4 sur les cartes) et les travaux d'excavation des fondations sont avancés. Le chantier occupe le quadrilatère bordé à l'W et à l'E par les rues Saint-Rédempteur et Eddy, au N et au S par les rues Wright et Wellington. Le rectangle ainsi défini fait face au chantier du site no 1, étudié en 2014 (lien au début du texte), du côté E de la rue Eddy.

(Notes. - Je n'ai pris connaissance de l'existence du chantier qu`à la mi-juillet. Les premiers états m'ont donc échappé et plusieurs données précieuses n'ont ainsi pas pu être récoltées.)

Le socle rocheux de l'Île-de-Hull est formé du calcaire de la Formation de Hull du Groupe de Trenton. Ces roches datent de l'Ordovicien moyen, soit d'environ 465 millions d'années. Les strates, horizontales à l'origine, lors de la déposition des sédiments, ont été dérangées, plissées, fracturées et basculées par des événements tectoniques subséquents.


Photo no 1. - Angle Eddy (à gauche) et Wellington (au fond) ; visée vers le S. Voir photo no 2. (Photo 17 juillet 2021.)


Avec les observations colligées dans les chantiers des sites nos 1 et 4, il est possible d'obtenir une coupe du socle rocheux longue de 160 m. Aux deux endroits, les excavations permettent de suivre (ou l'ont permis : l'édifice du site no 1 est achevé et le roc de ses fondations n'est plus visible) l'attitude des strates du calcaire et d'observer les plissements ou dislocations qui les ont affectées.

Les failles

Le passage au N des chantiers d'une faille majeure déjà cartographiée qui coupe en diagonale l'Île-de-Hull (Wilson, 1938 ; réf. carte no 2), la faille Montcalm (FM ; billet du 5 avril 2014, lien plus haut) fait du secteur un sujet d'étude particulièrement intéressant. La FM, d'orientation NW-SE, est une faille normale, c'est-à-dire une faille d'extension (rupture par étirement) ; le compartiment au SW de la rupture s'est effondré par rapport au compartiment au NE. Est-ce que la tectonique que nous découvrons dans les sites 1 et 4 suit le patron de la FM ?

L'interdiction d'entrer sur les chantiers, l'impossibilité de prendre des mesures directes m'obligent à me contenter d'observations et de photos faites depuis le trottoir. Le plongement des strates du calcaire donnés ici (carte no 1 et texte) est donc approximatif. (Je le souligne !)


Photo no 2. - Visée vers le SW, même site que photo no 1. Les strates du calcaire s'inclinent vers l'E le long de Wellington et vers le N le long d'Eddy. Le plongement apparent se résout à un plongement réel (mais approximatif) NE. (La perspective nuit à l'appréciation des angles par rapport à l'horizontal ; voir la photo no 3.) (Photo 12 juillet 2021.)


La presque totalité du site no 4 est occupé par un compartiment du socle plongeant faiblement vers le NE ; en revanche, l'angle à l'intersection des rues Wright et Eddy est occupé par un compartiment qui plonge de façon plus marquée vers le SW. Une faille orientée NW-SE, non cartographiée jusqu'à aujourd'hui et que je baptise ici faille Eddy, ou FE, sépare ces deux compartiments. (Voir «Ajout » du 4 sept., plus bas, sur la possibilité d'un plis plutôt qu'une faille.) Le passage de la faille serait souligné par une « tranchée » rectiligne dans le plancher du chantier, tranchée qui relie deux interruptions murées par des panneaux de bois soutenus par des piliers dans les parois de roc des fondations. Ces interruptions seraient les vestiges d'un ancien ravin creusé dans le roc, ainsi qu'il est expliqué plus bas. 

On trouve aussi des strates plongeant vers le SW au site no 1. Cependant, la présence de strates horizontales sur trois des quatre parois de ses fondations (carte 1 et billet du 5 avril 2014) s'intègre mal dans le schéma général. Une interruption dans la paroi calcaire W des fondations du site no 1, elle aussi murée par des panneaux de bois, prolonge malgré tout celles du site no 4, ce qui tend à prouver que le ravin au site no 4 se prolongeait sous la rue Eddy sur les deux sites (photo no 13). 

Le plongement vers le SW, visible dans les deux sites, est compatible avec la tectonique de la FM dont le compartiment SW s'est effondré. Le plongement vers le NE du compartiment plus éloigné de la FM serait le résultat d’ajustement à la cassure principale. Sur les cartes, les failles se résument le plus souvent à une ligne simple ; sur le terrain, on est plutôt en présence d'un faisceau ou d'un couloir de failles et de fractures embranchées. Rien n'empêche dans ces conditions que ma FE soit en réalité la FM...


Photo no 3. - Angle Wright et Eddy (à gauche) ; visée vers l'E. Fines lignes rouges pointillées : inclinaisons apparentes des strates du calcaire. À l'angle Wright et Eddy, les strates s'inclinent vers le SW. À droite, les strates le long de la rue Eddy plongent vers le N (voir photos nos 1 et 2). (Il n'y a pas de continuité entre les strates soulignées de part et d'autre de la faille ou de la rupture.) Au fond, le building rouge et gris s'élève sur le site no 1. Le mur de panneaux de bois représente la section d'un ancien ravin dans le socle calcaire. En l'absence du roc, il soutient le remplissage sous la rue Eddy. Selon Brault (1950 ; citation plus bas), un pont enjambait autrefois le ravin. (Photo 26 juillet 2021.)


La tranchée et le ravin

Avant l’ouverture du chantier, rien ne laissait soupçonner l’existence du ravin : le sol avait été nivelé, des constructions et un parking occupaient le terrain (carte no 1). Le ravin avait donc été comblé à un moment ou l’autre de l’histoire du quartier.

Avec la fin des vacances de la construction, j'ai pu interroger début août l'un des contremaîtres du chantier du site no 4. Il m'a confirmé que la tranchée dans le plancher des fondations préexistait aux travaux du chantier. Elle ne serait donc pas totalement d'artificielle, même si je pense que les travaux actuels (et passés ?) ont affecté son allure. J'expose mes conclusions à ce propos plus loin.

La carte no 3 (1908) montre qu'un ravin a bel et bien existé, au moins jusqu'au début du XXe s. à l'emplacement de la tranchée ; il se prolongeait vers le NW de l'autre côté de la rue Wright sous laquelle il passait. Le ravin a été creusé dans le roc par un agent naturel. L'attaque d'une faille par l'érosion fluviatile ou sous-glaciaire peut très bien expliquer la présence du ravin qui représente l'extrémité d'un système de ravinement plus vaste (voir à ce sujet le billet du 10 août 2013, « Île-de-Hull : guide géologique », carte no 5.) Deux ponts enjambaient le ravin, l'un rue Wright et l'autre rue Eddy aux endroits où se trouvent les murs de panneaux de bois :

« Au point de vue de l'égouttement ou du drainage, la ville de Hull, coupée de ravins et de ruisseaux, et semée de lacs, présentait à son début, de nombreux problèmes. Qui ne se souvient du pont au-dessus du ravin qui traversait la rue Dupont [Bridge Street sur la carte no 3 ; maintenant rue Eddy], entre les rues Wellington et Wright, et qui coupait ensuite la rue Wright, près de la rue Ravine [rue de Carillon] ? » (Lucien Brault, Hull 1800-1950. Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1950, p. 103)

Remplissage, bouteilles et paillettes

J'ai vu les travaux élargir la tranchée avec la reprise des activités début août. Mon idée est que le ravin de la carte de 1908 (carte 3), cause des interruptions (murées par des panneaux de bois) dans les parois de calcaire des fondations, est une formation naturelle masquée par l'urbanisation. La tranchée et les longues cassures rectilignes dans le plancher des fondations seraient le résultat du travail des humains (travaux actuels ou antérieurs.) À quoi ressemblait le ravin avant l'intervention humaine ? Ce genre de détails est perdu

Selon le contremaître, les gens du chantier ont cru être en présence d'un ancien lac qui aurait été rempli avec un peu n'importe quoi. Un bulldozer était en train de vider la tranchée le 2 août d'une terre noire où j'ai cru voir une planche de bois. Le contremaître a utilisé les termes sol contaminé pour décrire le remplissage qui contenait beaucoup de bouteilles, souvent intactes, du genre de celles utilisées autrefois dans les pharmacies, ainsi que des bouteilles de bière. J'avais déjà constaté les jours derniers la présence de larges paillettes de mica ambré (phlogopite), parfois aussi larges que des plats, dans le remplissage rejeté sur le côté du chantier. La phlogopite, ou mica ambré, a été autrefois exploité dans la région (voir billet du 7 mars 2012, « Histoire minière de l'Outaouais II » ). (Les paillettes de mica passent inaperçues sur les photos qui capturent mal leurs reflets : voir quand même la photo no 11.) On remarque toutefois que ce quireste du remplissage ne suffirait pas, et de loin, à combler le ravin. Une partie avait peut-être déjà été retirée quand j'ai pris connaissance du chantier. Il y avait des constructions au dessus du ravin avant l'ouverture du chantier. Le ravin a donc été comblé entièrement. (Rue Wright, les constructions au-dessus du ravin comblé sont toujours là ; voir cartes de 1908, 1928 et de 2021 du billet du 28 août 2021.)


Photo no 13 15 (la numérotation n'est pas suivie). - Bulldozer remuant le remplissage noir gorgé d'eau dans la tranchée de la faille Eddy. (Photo 2 août 2021.)


Or, la carte de 1908 (carte 3)  atteste de la présence de l'Ottawa Mica Co. et d'une Mica Shop rue Montcam, entre les rues Gagnon et Charles-Bagot (noms actuels), à 400 m au NW du chantier ; les rejets de l'atelier sont peut-être entrés dans la composition de remplissages, là ou ailleurs, lorsqu'il s'est s'agit de niveler le sol et de bâtir au-dessus des inégalités du relief

Quant aux bouteilles, il y avait d'ailleurs une pharmacie (Drugs[tore]) à l'ange SE des rues Eddy et Hôtel-de-Ville (rues Bridge et Albert ; carte de 1908*) et plusieurs hôtels sur la rue Eddy, des Sal[oons(?)] et des Groc[eries(?)]. Mais l'approvisionnement en bouteilles de bière n'a jamais dû être un souci**... Il semble bien que le ravin ait servi de dépotoir sauvage.

* Carte de 1908, mais aussi de 1887 et 1928, billet du 28 août 2021, « Le pont au-dessus du ravin de la rue Wright ». 

** J’avais d’abord compris que le remplissage était plein de débris de verre dont j’avais attribué la présence aux conséquences de l'explosion de la General Explosives Company of Montreal Ltd, le 8 mai 1910. L'explosion avait brisé les vitres jusqu';a Ottawa et Pointe-Gatineau. Mais puisqu’il s’agit de bouteilles, et non d'éclats de vitres, mon hypothèse ne tient plus (voir le blogue de l'historien Raymond Ouimet).

Les murs de soutènement de panneaux de bois le long des rues Eddy et Wright sont du type servant à contenir les sols de type remplissage (je n'ai pas les termes techniques ; conversation avec un contremaître, 15 sept. 2021). Ces panneaux délimitent des sections du ravin primitif (retouché ou non par des travaux anciens ou actuels). Les murs de bois dessinent le profil d’une vallée en U largement évasée. (Mais tenir compte des altérations dues aux travaux.) 

Enfin, j'ai appris par le contremaître que l'excavation allait se poursuivre encore 140 pieds plus profond (env. 40 m).


Photo no 14 (l’ordre des photos ne suit pas la numérotation). - Bulldozer descendu dans la tranchée de la faille Eddy. Les murs de panneaux de bois dessinent le lit de l'ancien ravin. Les panneaux descendent jusqu'au niveau du roc sain ; ils soutiennent le remplissage sous la rue Eddy. Le profil de la vallée qu’ils révèlent est largement évasé. (Photo 2 août 2021.)


Tout confirme l'existence d'une faille - faille Eddy ou comme il vous plaira de l'appeler -, zone fragile du socle rocheux qui explique à son tour celle du ravin de la carte de 1908 et de la tranchée. Il aurait été intéressant de voir l'état du calcaire sur les bords du ravin avant les travaux (ceux de cette année et ceux du début du XXe s.) afin d'examiner l'état primitif de la roche sur ses bords et d'y chercher des signes d'érosion par l'eau. Ces renseignements sont aujourd'hui perdus, de même que le détail du réseau de ravins qui, partant de la rue Morin aboutissait rue Eddy et auquel appartenaient les berges rocheuses du lac aux Vairrons, lui aussi comblé (parc Fontaine). (Voir les billets du 7 août 2013, « Hull : lacs et vairons éponymes » et celui du 5 février 2016, « Qui a façonné l'Île-de-Hull ? ». Voir aussi la carte 1887a du billet du 28 août 2021.)

Relief et tectonique

La pente descendante de la rue Wright suit le plongement vers l'W des strates à l'angle de la rue Eddy (photo no 4)*. Voilà un des rares cas où le relief s'explique par la tectonique. Mais toute la colline de la rue Wright, isolée au sud de la plate-forme de l'Île-de-Hull, et tout le plat terrain de part et d'autre sont traversés par la FM. La FM correspond donc tantôt à un « haut », incluant le point culminant de l'Île (71 m, rue Wright), tantôt à des « plats ». Le lien entre tectonique, failles et relief n'est donc pas automatique.

* AJOUT (11 août 2021). - La montée de la colline s'accentue brusquement à l'angle NE du quadrilatère du site 4, ce qui correspond à l'attitude des strates du calcaire qui s'élèvent vers le NE (ou plongent vers le SW) à cet endroit. Par contre, le plongement vers le NE des strates partout ailleurs sur le site est à contre-sens du relief qui s'abaisse doucement vers le S et vers l'W.


Photo no 4. - Angle Wright et Eddy ; visée vers le N. Le relief de la colline suit l'inclinaison des strates, rue Wright (le point culminant de l'Île-de-Hull, à 71 m d'altitude, est sur la rue Wright, à l'E des limites de la photo). À l'avant-plan, à droite, les strates le long de la rue Eddy (voir photos 1, 2 et 3). Les murs de panneaux de bois marquent l'emplacement de l'ancien ravin. 



Conclusion

Il est remarquable du moins que, dans l'Île-de-Hull, partout où la roche affleure le long du parcours de la FM, les strates du calcaire sont dérangées. Même les chutes du ruisseau de la Brasserie se plient à ce patron local (billet du 19 mars 2017, « Néotectonisme au ruisseau de la Brasserie ? »).

AJOUT (4 sept. 2021). - Les différences de l'inclinaison des strates d'un coin à l'autre du chantier pourraient aussi bien être le résultat du plissement du socle calcaire. [Non, il s'agit bien de failles : voir « Ajout » du 2 oct. 2021.] Cependant, la présence sur le site d'un ravin linéaire renforce la possibilité qu'une faille coupe le roc à cet endroit. Si le ravin a été creusé par l'action de l'eau (à l'air libre ou sous un glacier), une faille, outre la vulnérabilité du roc fracturé qu'elle implique, aurait été plus apte à canaliser le courant et à en subir l'érosion qu'une simple flexure du socle. Enfin, l'orientation du ravin est proche de celle de la faille Montcalm, qui passe quelques dizaines de m au NE du chantier. Le système de ravins qui coupaient l'Île-de-Hull est exposé dans le billet du 5 février 2016, « Qui a façonné l'Île-de-Hull ? » Le billet du 28 août 2021, « Le pont au-dessus du ravin de la rue Wright », donne une carte plus fiable de ce système de ravins et d'escarpements : voir les cartes de 1887, réalisées avant que le sol de la ville ne soit régularisé et nivelé au point que bien de ses caractéristiques originales soient maintenant insoupçonnables.


Carte no 2. - Île-de-Hull

Annotations © Henri Lessard, 2014, 2021 ; fond de provenance inconnue.

CC : chutes des Chaudières (mars 2017 + suites) ;

CE : château d'eau et chutes du ruisseau de la Brasserie (mars 2017 + suites) ;

F : failles anonymes (Wilson, 1938*) ;

FA : faille des Allumettières (Lessard, 2009) ;

FM : faille Montcalm (selon Wilson, 1938*) ;

MA : marmite des Allumettières (Lessard, 2009) ;

1 : chantier angle Eddy et Wellington (avril 2014, lien au début du billet) ;

2 : strates inclinées (avril 2014, lien etc.) ;

3 : chantier rue Montcalm (août 2015, lien au début du billet) ;

4 : chantier juillet 2021 (ce billet).

*A.E. Wilson, 1938 — Ottawa Sheet, East Half, Carleton and Hull Counties, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, carte 413A, 1 feuille (1/,63 360).

AJOUT (28 déc. 2023)

Raymond (1913) décrit une faille traversant le calcaire Trenton à la Axe Factory quarry de Hull. Le décalage entre les deux côtés de la faille se mesurait à 4,5 m, le côté est étant abaissé. Il n'est pas clair à lire le texte original s'il existait un dénivelé correspondant à la faille ou si le socle avait été nivelé par l'érosion. La Henry Walters & Sons Axe Factory était située sur la rive ouest du ruisseau de la Brasserie, face à la chute du château d'eau (CE sur ma carte). On peut supposer qu'il existe un lien entre la faille de la Axe Factory et la chute du ruisseau. Voir les billets suivants à ce propos :

Pour le propos du présent billet, il est probable que la faille de la Axe Factory quarry ait été reprise et prolongée par Wilson sur sa carte (1938 ; op. cit.) C'est cette faille que j'ai baptisée faille Montcalm (FM) sur ma carte 2. La Axe Factory quarry pourrait être la carrière désaffectée anonyme U3 sur ma carte des carrières de calcaire de la ville de Hull. Voir mon billet du 9 sept. 2015.

Source. - Percy E. Raymond (1913). « Ordovician of Montreal and Ottawa. Excursion A 11 » dans : Canada, Department of Mines. Guide Book No. 3 Excursions in the Neighbourhood of Montreal and Ottawa. Issued by the Geological Survey, Ottawa, 1913, p.137-160.


Carte no 3. - Détail de Chas. E. Goad, 1908 ; feuillet no 177.

Cadres rouges : sites nos 1 et 4 ; ombre bleue : ravin (« tranchée ») dans le site no 4 et sa continuation au N de la rue Wright) ; FM et ligne tiretée noire : faille Montcalm. La faille Eddy, non reportée ici, paralèlle à la FM, coïnciderait avec le ravin. 

Deux ponts passaient au-dessus du ravin, l'un sur Bridge Street (rue Eddy actuelle) et l'autre sur la rue Wright. Le ravin a ensuite été comblé et recouvert de constructions.

Noms des rues : nom sur la carte : nom actuel. - Bridge Street : rue Eddy ; rue Chaudière : rue Saint-Rédempteur ; Church Street : rue Saint-Jacques ; Wellington Street : rue Wellington ; Wright Street : rue Wright.

Source : Chas. E. Goad (éd.), 1908 – Hull & Vicinity, Que., January 1903, revised May 1908. Toronto, Montreal, London, 1 map on 44 sheets[, feuillet no 177 (détail)]. Bibliothèque et Archives Canada.



Photo no 5. - Même point de vue que la photo no 4 ; les travaux d'excavation sont plus avancés (Photo 17 juillet 2021.)

Photo no 6. - Visée vers le N. Même point de vue que les photos nos 4 et 5 ; la faille Eddy passe par murs de soutènement en bois qui contiennent le remplissage sous les rues. Ils descendent jusqu'au roc sain. Des ponts passaient à leur emplacement autrefois selon Brault (citation plus haut). La FE séparerait les strates du fond (plongement SW) de celles à l'avant-plan (plongement NE). (Photo 26 juillet 2021.)

Photo no 7. - Visée vers le S. Même site qu'aux photos nos 4, 5 et 6 vu dans la direction opposée. La tranchée (naturelle ? retravaillée ?) : passage de la faille Eddy.

Photo no 8. - Rue Wright à droite ; visée vers l'W. Les strates du calcaire penchent légèrement vers le N et l'E (voir photo no 9). Le mouvement qui en résulte est un léger plongement vers le NE. (Photo 17 juillet 2021.)

Photo no 9. - Rue Wright ; visée vers le S, même excavation que celle à droite de la photo no 8. La pente vers l'E des strates du calcaire est bien visible. (Photo 26 juillet 2021.)


Photo no 10. - Visée vers l'W depuis la rue Eddy. Les lignes tiretées H donne l'horizontale. Les strates du calcaire et le terrain s'inclinent vers le N (courtes lignes rouges) ; c'est plus évident dans l'excavation des photos nos 8 et 9. (Photo 3 août 2021.)

Photo no 11. - Visée vers le S, dos à la rue Wright ; à gauche, la rue Eddy. La tranchée au fond du plancher de calcaire. (Photo 12 juillet 2021.)

Photo no 12. - Visée vers l'W ; à droite, la rue Wright. La tranchée prolongée (et comblée) jusqu'au mur de soutènement en bois, rue Wright (ligne tiretée rouge). Un pont a déjà existé à cet endroit, au-dessus d'un ravin (Brault ; 1950 et carte no 3). Les taches jaunâtres en bas à droite sont des paillettes de mica. La photo rend mal leur éclat vitreux. (Photo 16 juillet 2021.) 




Photo no 13 (site no 1, 18 avril 2014, face à l'actuel site no 4). - Visée vers le NW ; la rue Eddy de l'autre côté du chantier. Le mur de panneaux de bois prolonge le ravin du site no 4. Les strates sont ici horizontales (lignes tiretées rouges). Le ravin se poursuivait donc plus vers l'E, au-delà de la rue Eddy, que ne le montre la carte no 3. On remarque que le lit du ravin dessine le même profil en U très évasé qu’au site no 4.

 AJOUT (2 oct. 2021)

Enfin, la faille et ses cassures sont visibles ! 

Photo no 16 (les photos ne sont pas toutes dans l'ordre de numérotation). - Au loin, la rue Wright ; visée vers le nord. La faille qui sépare deux compartiments du socle est visible sous le lit de l'ancien ravin (matérialisé par le mur de soutènement en bois). À gauche, les strates s'inclinent vers l'est ; à droite, vers l'ouest. Les lignes blanches aident à se représenter l'attitude des strates ; les flèches indiquent leur plongement. 

Il n'y a pas de continuité entre les strates soulignées de part et d'autre d'une faille ou d'une rupture.

Il y a deux failles (F1 et F2) et un plis (P). Les petites flèches parallèles indiquent le mouvement relatif des compartiments de chaque côté des failles. Ici, elles sont représentées à la verticale en l'absence d'indication sur leur inclinaison réelle. Le compartiment à l'est semble être demeuré d'un seul tenant ; il s'est retroussé (P) en s'effondrant près de la F2 ; le compartiment à l'ouest s'est rompu (F1). Le résultat est un effondrement général du socle à l'endroit des cassures. 

Les affleurement ont été recouvert d'un couli de ciment pour des raisons de sécurité. La lisibilité du site en souffre beaucoup. (Photo 17 septembre 2021.)



Photo no 17. - Détail des F1, F2 et P de la photo no 16. L'affleurement a été recouvert de débris rocheux peu de temps après avoir été mis au jour et n'a pas été longtemps visible. (Photo 17 sept. 2021.)

Photo no 18. - Faille (F3) sous la rue Eddy. La F3 se place immédiatement à la droite de la photo no 14. Comme pour la rue Wright, la faille de la rue Eddy se trouve sous le lit de l'ancien ravin (mur de soutènement en bois), entre deux compartiments inclinés en sens opposés (la perspective atténue le contraste des inclinaisons, voir photo no 3). La zone de faille, qui correspond à l'intervalle, n'est toujours pas assez dégagée pour que sa structure ne soit décrite. Le trajet de la faille Eddy (FE), entre les F1-F2 et F3, est matérialisée par la ligne pointillée. Voir photo suivante. (Photo 29 sept. 2021.)

Photo 18 et 19 : il n'y a pas de continuité entre les strates soulignées de part et d'autre d'une faille ou d'une rupture.

Photo no 19. - Tracé de la FE entre les deux ouverture de l'ancien ravin. À l'endroit de la F3 se trouve peut-être deux failles, à l'exemple des F1 et F2. Pour l'instant, il n'est pas possible d'en dire plus. (Photo 17 sept. 2021.)

samedi 26 juin 2021

L'Île Hull fracturée



L'Île Hull dans l'Outaouais, en face de l'Île-de-Hull, à Hull (Gatineau), vue depuis le belvédère de la Cour suprême, à Ottawa. Ce calcaire désolé (mais voyez la dernière photo) est un morceau émergé d'une plate-forme faisant partie du Groupe d'Ottawa, ou de Trenton, selon la nomenclature adoptée, datant d'il y a 465 millions d'années (Ordovicien moyen). Photo 31 juillet 2019.



Il a souvent été question dans ce blogue de l'Île Hull qui émerge des eaux de l'Outaouais à la hauteur de la Cour suprême (lien vers les billets sur le sujet), ne serait-ce que pour vous apprendre à ne pas la confondre avec l'Île-de-Hull(1) qui lui fait face et de ne surtout pas l'appeler l'île aux Mouettes comme le font des individus que je ne qualifierai pas ; certaines personnes tout aussi inqualifiables vont jusqu'à l'annexer à Ottawa, alors qu'elle est à Hull (Gatineau) (billet du 30 déc. 2020, « L'Île Hull à Ottawa ? »).

Sa forme en 8 est caractéristique. Sur certaines cartes, elle ressemble à une cacahuète. La dépression qui la coupe en deux la... coupe en deux lorsque l'eau de l'Outaouais monte assez haut pour l'envahir et faire de l'île des îlots jumeaux. 

(1) À propos de l'Île-de-Hull, voir par exemple le billet du 10 août 2013, « Île-de-Hull (Gatineau) : guide géologique ».

Je n'avais jamais remarqué avant les jours derniers que le réseau des diaclases ou joints dans le calcaire diffère dans les deux parties de l'île Hull. Une faille NO-SE, paralèlle à la dépression, traverse la rivière moins de 200 m en amont sans effleurer l'Île(2). Ce sont les cartes géologiques qui l'affirment, mais il faut savoir les interpréter. Ce qui est une simple faille sur papier se résout souvent sur le terrain en un faisceau de failles. Il est donc possible que l'île soit affectée par une faille secondaire non cartographiée (carte géologique plus bas), plus discrète. D'ailleurs, la faille qui passe à l'ouest a fait basculer les strates de calcaire sur la rive hulloise (photo janv. 2012 plus bas) alors que dans l'Île Hull, elles demeurent pratiquement horizontales.

(2) Dans d'autres billets, j'ai baptisé par commodité cette faille « faille Montcalm » ; elle a cependant été cartographiée par A.E. Wilson dans les années 1930. Réf. : Wilson A.E., 1946 – Geology of the Ottawa-St. Lawrence Lowland, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, Mémoire 241, 66 p. (+ cartes). La faille Montcalm est identifié par un F rouge sur la carte géologique plus bas.

Quoi qu'il en soit, la faille non cartographiée qui, je le soupçonne, coupe l'Île Hull, a peut-être juxtaposé deux compartiments du socle rocheux ayant chacun leurs réseau de joints particuliers. Il faut cependant remarquer que l'île tout entière fait partie de la même formation de calcaire de l'Ordovicien moyen (Groupe d'Ottawa ou de Trenton, 465 millions d'années), ce qui limite l'ampleur du rejet théorique de la cassure.

De tout ceci m'est venue l'idée d'aller jeter un coup d'oeil plus large voir si les systèmes de joints varient d'un secteur à l'autre de la région.

À suivre...


Saisie d'écran (Google) de l'Île Hull. 
En haut, certaines diaclases retouchées en rouge. 
Au nord, le réseau des diaclases est orthogonal. Au sud, des failles s'incurvent vers le NE. Elles semblent se superposr à un patron semblable à celui de la partie nord. 
L'inondation de la dépression au centre de l'Île l'a transformé en un couple d'îlots.

En bas, l'image intacte.
La dépression inondée entre les deux parties de l'Île Hull est paralèlle à la faille qui passe au SO de l'Île (voir la carte géologique).



Géologie de Hull (Gatineau) et d'Ottawa, séparées par la rivière des Outaouais. (Cliquer sur l'image pour l'afficher à sa pleine grandeur.)

Légende adaptée

  • Lignes noires ondulées (présentes sur la carte originale) : failles ;
  • X rouge ajouté : l'Île Hull, au milieu de la rivière des Outaouais ;
  • F rouge ajouté et segment de faille surligné en rouge : faille traversant la rivière au SO de l'Île Hull ;
  • Les couleurs (originales) : différentes formations du Paléozoïques de la plate-forme du Saint-Laurent que je ne détaille pas ici. Orangé : Groupe d'Ottawa ou de Trenton (Ordovicien moyen, 470-458 Millions d'années), calcaire et dolomie surtout ; autres couleurs : calcaire, dolomie, grès, shales (Ordovicien, 488-444 millions d'années).

Carte : A.E. Wilson, 1938 — Ottawa Sheet, East Half, Carleton and Hull Counties, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, carte 413A, 1 feuille (1/,63 360). 


Rive hulloise à l'ouest de l'Île Hull : strates de calcaire basculées par la faille notée par un F rouge sur la carte. Photo janv. 2012.





Île Hull, 7 juillet 2014. Un saule saulitaire domine herbes et arbustes. L'arbre n'a pas résisté à la grande crue de 2017. (Voir billet du 11 sept. 2019, « Désolation sur l'île Hull ».)


mardi 11 août 2015

Bassin dans le calcaire de l'Île-de-Hull (Oups !)



Fig. 1. Travaux du chantier des Immeubles DSM du bassin Morin-Papineau-Montcalm dans un calcaire de l'Ordovicien moyen-supérieur (488-461 millions d'années), à Gatineau.
Le site est tout près de failles majeures et j'avais espéré en voir de belles déranger l'ordonnance des lits de calcaire, comme sur la rue Eddy, 400 m au SE (billet du 5 avril 2014, et carte, plus bas). Au lieu de spectaculaires ruptures, on a une ligne horizontale, nette et continue, entre le calcaire sombre parcouru d'entrelits de shale et le plus clair. [En réalité, les couches plongent légèrement ± vers l'W.]
Visée vers le NW. Photo 9 août 2015, sauf indication autre.


Résumé

Anciennes carrières dans un calcaire faillé de l'Ordovicien moyen-supérieur (470-444 Ma), plate-forme du Saint-Laurent.

Localisation

Angle des rues Montcalm et Gagnon, à Gatineau (anciennement Hull), Québec.

Ailleurs dans le blogue, sur le même sujet

5 avril 2014, «Calcaire faillé dans le Vieux-Hull»
6 juillet 2013, «Calcaires hullois : la carte» (et suivre les liens)

Photos

9 août 2015, sauf indication autre.


La Ville de Gatineau creuse un nouveau bassin (de collecte des eaux de pluie ?) sur le territoire de l'ex-Ville de Hull*.


* Voir «Correction», à la fin du billet !

Il aurait pourtant suffit d'aller un peu plus au nord pour dégager les anciennes carrières de calcaire maintenant comblées (voir la carte, plus bas).

Bon, j'avoue être de mauvaise foi ; il est probable que l'utilisation actuelle du sol ne permettait pas une autre solution.

Morale de l'histoire : l'ancienne Ville de Hull est une ville comblée (et creusée).


Cinquante teintes de gris, de brun de bleu...

Le chantier étant clôturé, je n'ai pu récolter d'échantillons. La roche locale étant généralement décrite comme du calcaire de teintes variées (gris clair ou foncé, bleu foncé ou brunâtre) entrelité ou non de shale (noir), je tiendrai jusqu'à nouvel ordre que nous avons là l'explication de la coupure entre le haut, sombre (calcaire gris-brun et shale) et le bas, clair (calcaire gris pâle que la poussière du chantier blanchit encore), des parois du bassin de l'excavation.

Selon Sanford et Arnott (2010), le calcaire (gris, bleu ou brun) appartient au groupe de Trenton de l'Ordovicien moyen et supérieur (461 à 488 millions d'années).


Une faille et des anciennes carrières

Je n'ai pas réussi à trouver l'exact équivalent de la configuration du bassin de l'excavation dans les carrières situées immédiatement au nord (voir la carte, plus bas). Il faut tenir compte du fait qu'une faille passe entre le bassin le chantier et les carrières (billet du 5 avril 2014, lien plus haut). Quoique, le rejet de part et d'autre de la faille n'est pas très important (le compartiment sud est abaissé de quelques m au point E de la carte) et ce décalage n'est pas nécessairement plus important que celui entre deux carrières plus ou moins profondes creusées à des niveaux différents.

Le bassin Morin-Papineau-Montcalm chantier (B sur la carte) est situé immédiatement au sud de la faille (F), dans le compartiment abaissé. Rien n'y paraît sur le terrain, ce qui ne doit pas nous alarmer, le trajet d'une faille est souvent plus capricieux que le tracé rectiligne que lui donnent les cartes.

La carrière la plus proche du bassin chantier est la carrière Morin (P4 sur la carte), travaillée sur un front de 60 m (étrange que rien n'en paraisse plus !) Parks (1916) en donne la coupe suivante, du haut vers le bas :


  • 1,80 m. — Lits d'une pierre brunâtre ; l'épaisseur des lits atteint 35 cm.
  • 6 m. — Pierre grise et brune entrelitée ; les bandes brunes dominent. Les lits atteignent 40 cm. 
  • Notes. - Les couches plongent vers le NW selon un angle bas [perceptible sur la photo 2a]. Le calcaire servait à produire de la blocaille et de la pierre concassée.


Sédimentation

La transition entre la sédimentation du calcaire clair inférieur et le sombre, entrelité de shale, s'est faite sans rupture ou discontinuité. La prévalence plus marquée des lits de shale vers le haut de la séquence enregistre le passage d'une sédimentation calcaire en eaux peu profondes, agitées par les marées et les vagues, à une dans un milieu plus calme et plus profond où les sédiments fins (argile) ont pu s'accumuler en couches distinctes. (Ajout 22 août 2015. – Toute la séquence s'est déposée sur le plateau continental, profond au plus de 200 m.) Des apports épisodiques de sédiments fins durant des moments d'accalmie ne sont pas non plus à exclure. Pour en dire plus, il faudrait un examen détaillé des parois du bassin de l'excavation.

Une sorte d'équivalent montréalais (groupe de Trenton) est visible ici (photo 3).


Ajout (11 août, après mise en ligne du billet)

Étant retourné voir le site, j'ai pu constater que les travaux, au pied de la paroi de la rue Montcalm (cf. fig. 1), s'attaquent à un banc de roche noire (shale ?) d'une épaisseur d'au moins 1 m.

Références

  • Parks, Wm.A., Rapport sur les pierres de construction et d'ornement du Canada, vol. III, province de Québec. Ministère des Mines, Division des mines, rapport 389, 1916, 405 p.
  • Sanford, B.V. et Arnott, R.W.C., Stratigraphic and structural framework of the Potsdam Group in eastern Ontario, western Quebec, and northern New York State, Commission géologique du Canada, Bulletin 597, 2010, 83 p.



Fig. 2a. Visée vers le SE ; rue Montcalm, à droite. La plongée ± W des couches est nettement perceptible. Aucune évidence de la faille qui passe tout près de l'endroit (voir la carte, plus bas). Photo suivante (fig. 2b), prise le lendemain (10 août) : détail. Le calcaire gris clair, sous la poussière du chantier, apparaît gris moyen en surface propre.






Fig. 3. Visée vers le SW. Vues sous cet angle, les formations paraissent horizontales.



Fig. 4. Le commentaire éditorial n'est pas de moi. Voir la «Correction» à la fin du billet (fig. 5) !



Carte 1. Quelques anciennes carrières de calcaire de la ville de Hull (maintenant Gatineau).
Fond : © Google ; annotations : © Henri Lessard, 2013-2015
B : bassin Morin-Papineau-Montcalm excavation décrite dans le billet ;
E : calcaire faillé de la rue Eddy (voir le billet du 5 avril 2014, lien plus haut) ;
F et ligne noire : l'une des principales failles qui découpent le socle. C'est le compartiment SW qui est abaissé (billet du 5 avril 2014) ;
A, G, P, U : anciennes carrières de calcaire (voir le billet du 6 juillet 2013, lien plus haut, pour la carte complète et les sources).


Correction (13 août 2015)


Fig. 5. Panneau des Immeubles DSM, rue Montcalm. Il était trop évident, je ne l'ai tout simplement pas vu !... Faut dire que j'ai découvert les travaux en venant de la rue Morin, derrière le chantier DSM, où le panneau de la fig. 4, celui du bassin Morin-Papineau-Montcalm, m'est aussitôt apparu. (On l'aperçoit d'ailleurs, à la droite du grand panneau, au fond, sous le feuillage des arbres.) Photo 13 août 2015.


Je ne suis pas si distrait que ça, finalement. En réexaminant mes photos, je me suis rendu compte que le panneau de la photo 5 n'était pas encore en place le 9 août, jour de ma première visite du chantier. Voyez les photos 1 et 3, datée du 9, où il est absent alors qu'on devrait l'apercevoir s'il avait été installé à cette date. Le panneau apparaît toutefois, de dos ou de profil, sur les photos prises à partir du 10 août.


Fig. 6. Celle-ci ne m'avait pas échappé (à gauche sur la photo 5). Photo 11 août 2015.


samedi 5 avril 2014

Calcaire faillé dans le Vieux-Hull (ajouts)


Île-de-Hull (Vieux-Hull)
Annotations © Henri Lessard, 2014, fond de provenance inconnue.
CC : chutes des Chaudières ; F : failles anonymes (Wilson, 1938) ; FA : faille des Allumettières (Lessard, 2009) ; FM : failles Montcalm (selon Wilson, 1938) ; MA : marmite des Allumettières (Lessard, 2009) ; 1 : chantier de construction angle Eddy et Wellington (photos 3 et 4) ; 2 : strates inclinées (photo 5).


Résumé

Strates de calcaire ordovicien basculées par le passage d'une faille.
Localisation
Près de l'angle des rues Eddy et Wright Wellington, Hull (Gatineau, QC).
45.42665,-75.719758
Billets reliés
« Marmite des Allumettières », 7 nov. 2009
« Faille des Allumettières », 29 nov. 2009
« Chutes des Chaudières : description et origine », 1er janv. 2013
« Île-de-Hull (Gatineau) : guide géologique », 10 août 2013


Les strates du calcaire ordovicien (env. 460 Ma) de l'Île-de-Hull et des Chaudières, l'ai-je assez répété, affleurent dans l'attitude où elles étaient lorsqu'elles se sont accumulées au fond d'une mer peu profonde, c.-à-d. en couches horizontales successives (photos 1 et 2).


Photo 1. – Rebord de la Grande Chaudière à Hull, visée vers le SW. La perspective donne un faux semblant d'inclinaison à ces strates de calcaires pourtant horizontales.
William James Topley, Chaudière Falls from [Chaudière] bridge. c 1873-1875.
PA-008350, Bibliothèque et Archives Canada


Photo 2. – Même pièce de roche que ci-haut, 140 ans plus tard, et d'un autre angle. (Photo août 2013)


J'ajoutais « sauf là où les failles ont disloqué le calcaire ». À ces endroits, des compartiments du socle ont été basculés et les strates ont des attitudes obliques (photo 5).

Traînant tout ce savoir en tête partout avec moi, je n'ai donc aucune excuse à la surprise que m'a causé la découverte de strates inclinées à différents angles dans un chantier de construction du Vieux-Hull, à l'angle des rues Eddy et Wellington (1 sur la carte ; photos 3-4).

De retour chez moi, consultant mes cartes, j'ai pu constater que la faille Montcalm (FM sur la carte ; voir billet du 10 août 2013, lien plus haut) passe immédiatement au N de l'endroit où les excaveuses ont creusé le roc pour aménager les fondations d'un nouvel édifice. Tous s'explique et rendre dans l'ordre, rien d'anormal ou d'exceptionnel : les strates inclinées de la rue Eddy marquent le passage d'une faille cartographiée depuis longtemps (Wilson, 1938). Un jeune adage (il ne sont pas tous vieux) affirme que la carte n'est pas le territoire. Pourtant, on ne pouvait espérer meilleure concordance entre les deux que dans ce cas.

L'inclinaison des strates indique que le compartiment au SW de la faille Montcalm s'est effondré relativement à celui au NE. (Ajout 12 juillet 2021) - Pour être plus clair : inclinaison des strates vers le S et vers l'W.)

Dans le cas de la faille des Allumettières, décrite et cartographiée par votre serviteur (billet du 29 nov. 2009, lien plus haut), c'est le contraire : le compartiment au NE s'est effondré.

Ça casse en tout sens !



Photo 3a. – Paroi  Est (visée vers l'E depuis la rue Eddy, site 1 sur la carte ) ; strates inclinées dans le calcaire disloqué. (Photo 5 avril 2014)


Photo 3b. – Même photo, avec partie au contraste accentué. La ligne blanche qui souligne l'attitude des strates montre trois inclinaisons différentes avec une pente générale apparente vers le S (des traits blancs verticaux séparent les segments à l'endroit des rupture de pente).


Photo 4a. – Angle des parois E et S (visée vers le SE depuis la rue Eddy, site 1 sur la carte) (Photo 5 avril 2014.)


Photo 4b. – Même photo, avec partie au contraste accentué ; pente apparente vers l'W. L'inclinaison générale des strates, d'après les deux coupes (photos 3 et 4), est ± vers le SW. (Photo 5 avril 2014.)


Photo 5. – Strates basculées par la faille Montcalm (2 sur la carte). Les strates, ici aussi, s'inclinent vers le SW. (Photo janv. 2012.)


Référence

  • A.E. Wilson, 1938 – Ottawa Sheet, East Half, Carleton and Hull Counties, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, carte 413A, 1 feuille (1/,63 360).

Ajout (6 avril 2014)


Le site est entouré d'installations de sécurité et anti-bruit plutôt opaques. J'ai quand même pu prendre de nouvelles photos, ce qui nous donne un aperçu de l'orientation des strates calcaires pour les quatre points cardinaux.


Ajout 1. – Visée vers le SW, vers l'angle des rues Eddy et Wellington ; paroi S (à gauche) et paroi W (à droite). Les states de la paroi W ont conservé leur assise horizontale. (Photo 6 avril 2014.)


Ajout 2. – Paroi N. Au contraire de la paroi S, aucune pente apparente notable vers l'W. Un rejet mineur à gauche, dérange la continuité des strates. À droite, le roc apparait disloqué le long d'une ligne verticale. (Photo 6 avril 2014.)

Ajout 3. – Gros plan, paroi N.

Ajout (2 mai 2014 ; plus bas)



Ajout 4a. – Paroi S. Une faille oblique m'avait échappé. Elle était pourtant visible sur les photos antérieures. (Photo 18 avril 2014.)


Ajout 4b. – La faille soulignée. Que bâtit-on sur un socle aussi fracturé ? Question idiote : le socle est fracturé partout !