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jeudi 21 novembre 2013

Intraordinaire à Cantley


Fig. 1. Quartzite et paragneiss rubanés parcourus de veines de quartz concordantes (parallèles au rubanement) ou discordantes (recoupant le rubanement). Le miroir de la boussole pointe vers le nord. Signe particulier. – Cet affleurement est parfaitement banal.





Résumé et contexte géologique

Quartzite et paragneiss rubanés et plissés à Cantley (Québec) ; province de Grenville du Bouclier canadien (âge : un milliard d'années)
Localisation
Chemin Noémie, Cantley (Québec)
45.541882,-75.75084
31G/12
Lien
Billet (ce blogue) sur un affleurement semblable : «Filons à Cantley», 14 juillet 2010.
Photos
24 novembre 2012


Par définition, la banalité doit dominer. Si tout était exceptionnel, tout, du même coup, deviendrait banal.

Autrement dit, si l'Univers était un spaghetti, il y aurait plus de pâte que de sauce, de viande et de piments.

Pour reconnaître l'extraordinaire, il faut se familiariser avec le banal, le tout-venant, le staple, l'anodin, l'ordinaire et même l'intraordinaire. D'où la description de cet affleurement du nord de Gatineau qui illustre l'aspect de la « pâte » qui constitue l'armature de la section de la Province de Grenville où nous habitons (voir « Résumé et contexte géologique », plus haut.)

J'exagère à peine en disant que c'est l'affleurement par défaut des collines de l'Outaouais. Il n'y a rien là pour étonner qui que ce soit. 

Et c'est ce qui m'intéresse ici, le non étonnant. La nature des choses, sans froufrous, ni flaflas, ni chichis.

(En fait, il y aurait quand même quelques autres affleurements types à illustrer. Celui-là, par exemple, manque de marbre, aussi très typique.)

Le quartzite de Cantely est un très vieux sable métamorphisé (recristallisé) dans les profondeurs de l'écorce terrestre il y a un milliard d'années ; le paragneiss, lui, provient de sédiments argileux qui alternaient avec le sable. Le tout a été froissé et comprimé, les strates s'en sont trouvées redressées (fig. 7) ; le granite, roche magmatique (en fusion, donc), a envahi les formations. Des intrusions tardives fluides (hydrothermales) ont apporté leur dernière touche par d'ubiquistes filons de quartz gris ou blanc qui ont rempli les fractures. Des centaines de millions d'années plus tard, l'érosion a amené les couches profondes de l'écorce terrestre à la surface, à temps pour qu'elles se fassent polir par les glaciers du Quaternaire, fondus il y a 12 000 ans. Le profil bas et arrondi de l'affleurement est un vestige que nous leur devons (roche moutonnée).

Un autre exemple d'un ensemble quartzite-paragneiss et granite(s) a déjà été décrit plus en détail dans le billet du 14 juillet 2010 (lien plus haut).

Le résultat global est beaucoup de quartz : celui du quartzite (sable métamorphisé) ; celui, plus ou moins abondant, des granites (roches magmatiques) et celui des filons de quartz (manifestations hydrothermales tardives). On me dira que le sable, au bout du compte, provient de l'érosion de granites encore plus anciens, ce qui complète la boucle

C'est ainsi que s'est formé le socle de notre continent. Nous marchons sur du banal quartz* recyclé

* Et quelques autres minéraux, bien sûr.

(Voir aussi ce billet : «Sea, Sex and Zinc», 7 juillet 2012.)


Fig. 1 bis (ajout 22 nov. 2013). Détail de la fig. 1. Noter les filons de quartz envahissant le quartzite : concordants (grisâtre) ou discordants (blanc laiteux).


Fig. 2. Quartzite (clair) et paragneiss (plus sombes) rubanés recoupés par un filon discordant de granite orangé qui est lui-même recoupé (à droite) par une «virgule» de quartz blanc. La pièce de 2 dollars canadiens, au centre, vaut deux cents cents canadiens, et mesure 28 mm de diamètre.


Fig. 3. Lentilles de paragneiss dans le quartzite. Veine de quartz blanc en bas. Les cristaux les plus blancs sont cependant ceux de la neige automnale...


Fig. 4. Dans la bande centrale de quartzite blanc, on devine une intrusion indistincte et peu contrastée de granite rose pâle et blanche.


Fig. 5. Plis dans l'ensemble quartzite-paragneiss. Visée vers le NNW (cf. la boussole, en haut, à gauche).


Fig. 6. Autre vue du pli. Un filon de quartz le recoupe (Q). Le paragneiss vert sombre, coin supérieur gauche sombre, forme une bande qui longe le quartzite.


Fig. 7. Roches redressées : revoici le paragneiss vert sombre (fig. 6), parcouru de lits concordants de granite orangé, en coupe.


Fig. 8. Granite gris (monzonite quartzifère, selon la carte géologique) qui recoupe le quartzite-paragneiss, au sud de l'affleurement. Le granite gris est lui-même envahi par du granite orangé.

samedi 11 février 2012

Farrelton III : «roche noire» (Ajout)


Affleurement rocheux à Farrelton (Québec), le long de la route 105. Marbre clair, roche calco-silicatée verte, «roche noire» et calcite rose. La géologie du site est décrite dans ces deux billets (lien, et lien). Le présent billet porte sur la nature de la «roche noire» (en fait, d'un gris-vert  sombre) sectionnée en plusieurs morceaux. (Photo 10 octobre 2010.)

M'étant déjà trompé dans l'identification de cette «roche noire» en me fiant aux couleurs et au contexte, j'ai préféré y aller cette fois avec méthode et circonspection.

Dans mon précédant billet, la roche noire (ou gris très sombre) dont les fragments sont emportés par de la calcite rose saumon est identifiée comme étant une syénite, roche qui, en elle-même, n'offre habituellement aucun problème d'identification. Toutefois, dans un contexte favorable à la présence de roches calco-silicatées de toutes sortes (de blanc verdâtre au vert sombre), au milieu de tant de lithologies pouvant s'être mutuellement contaminées, la prudence est de mise.

Le mieux est de décrire la roche litigieuse :

  • Composition (sans prétention d'exhaustivité) : feldspath gris clair (microcline ?, ou feldspath potassique ; un seul plagioclase révélé par ses macles polysynthétiques), minéral gris vert à cassure quelconque et éclat vitreux/résineux qui n'est probablement que de l'oligoclase (plagioclase sodique), hornblende noire et mica noir (biotite) ;
  • Grain : moyen (moins d’un mm à 2 mm, rares phénocristaux xénomorphes de feldspath gris clair) ;
  • Texture : xénomorphe (les cristaux se sont mutuellement empêchés de développer leur forme idéale) ; des grains minuscules de hornblende et/ou mica sont épars ;
  • Structure : massive (sans orientation privilégiée).

Texture et structure me semblent typiques des granites et des syénites. Je ne suis pas un spécialiste, mais la composition et l'allure de cette roche rappellent un faciès de la syénite du batholite de syénite-diorite de Wakefield qui affleure au S (voir aussi la dernière photo du présent billet).

La composition de la syénite de Wakefield, roche habituellement de couleur rose ou orangée, mais dont des variétés grises existent, évoque fortement notre syénite de Farrelton :

  • Mésoperthite (phénocristaux), microcline, oligoclase, augite, hornblende, biotite (Hogarth, 1970).


Échantillon de la syénite noire ; longueur : 12 cm. L'éclairage intérieur éclaircit beaucoup la roche (je n'ai pas utilisé de flash). Une partie des feldspath gris ont des teintes verdâtres que la photo capture mal. Échantillon recueilli le 10 octobre 2010.

Détail de l'échantillon ; largeur du champ : 2,5 cm. Quelques teintes gris vert sont plus ou moins bien rendues (oligoclase ?)


Autre détail de l'échantillon ; largeur du champ : 2,5 cm. 
Le gris prédomine.


Après reflexion, les choses m'apparaissent presque évidente. C'est souvent ainsi.

Le jour, toutes les syénites (parfois) sont grises...


Skarn ou roche calco-silicatée (à gauche) en contact avec la syénite de Wakefield (faciès gris, à droite).
Vallée du ruisseau Meech, au S de Wakefield, mai 2009. Voir ce billet.


Référence
Hogarth D.D., 1970 – Geology ot the southern part of the Gatineau Park, national capital region. GSC, Paper 70-20, 7 p., with map 7-1970, 1:18 000.


AJOUT (12 février 2012) 

 Autre syénite, de Cantley celle-là (rue Marsolais). Feldspaths, biotite et hornblende. 
Largeur du champ : 4,5 cm.

jeudi 9 février 2012

Farrelton (suite) : le rose et le noir


(Suite du billet précédent. Voir aussi cet ancien billet, et celui-ci.)


1. © Google Street
Au centre, calcite rose et blocs de syénite noire.
Route 105 au S du chemin Woods ; le N est à droite.
(Affleurement au S de celui étudié dans le précédent billet.)


INTRO
Dérives d'un corps de syénite noire dans un marbre clair très accommodant, hôte, par ailleurs, d'une roche calco-silicatée verte (RCS*), intrusion de calcite rose, création de veines d'hématite rouge, etc.

Comme dans une rame de métro bondée, une telle promiscuité compliquée par l'irruption continue de tant de nouveaux protagonistes ne s'est pas créée ni maintenue sans glissements, réajustements et soubresauts. La nuance est que ces bris et froissements se sont déroulés à plus de vingt km de profondeur, au cœur de la croûte terrestre, il y a plus d'un milliard d'années. Puisque nous parlions de métro, avouons que tout ceci donne la vraie mesure du terme underground...

La situation sur cette tranchée de route est un peu plus complexe que sur la colline immédiatement au N où les relations entre une RCS et le marbre s’appréhendaient facilement ; la RCS, enclose dans le marbre, avait été étirée et rompue, ses débris, gros et petits, flottant dans le marbre.

LOCALISATION
Route 105, au S du chemin Woods, rive droite de la Gatineau, Farrellton, QC.

CONTEXTE GÉOLOGIQUE
Marbre et roches calco-silicatées (RCS) ou skarn* ; province (géologique) de Grenville du Bouclier canadien ; âge : plus d'un milliard d'années.

* Roches calco-silicatées, skarns : j'ai déjà parlé de ces types de roches ; voir le billet précédent (lien plus haut, au début du texte) et celui-ci.


Sauf l'emprunt à Google Street qui ouvre ce billet, toutes les photos sont de l'auteur du blogue et ont été prises le 10 octobre 2010.


2A. Centre de la tranchée de route (montage photo)
Marbre gris clair, RCS verte, corps d'une syénite noire rompu en plusieurs blocs et calcite rose.


2B. Le rose et le noir...
Détail. Admirez la netteté de la cassure. La rupture semble toute récente. 
En réalité, elle date d'un milliard d'années.


LES ÉVÉNEMENTS, EN VRAC
Intrusion de calcite orangée dans l'espace que semble avoir libéré la rupture et la dislocation d'un corps de syénite noire en plusieurs blocs (photo 2B). Les cassures sont nettes et anguleuses, sans aucun émoussé ; on peut présumer que la syénite (roche magmatique) était refroidie et solidifiée quand les forces tectoniques qui l'ont brisée sont entrées en action.

La calcite rose provient peut-être des marbres environnants, lessivés qu'ils auraient été par les fluides accompagnant les intrusions magmatiques (syénite ici ; granite au N, voir billet précédent).

En haut à gauche et au centre (toujours de la photo 2B) : reliquats d'une RCS verte, elle aussi rompue par le «flot» de calcite rose.

Sur la photo 3, on remarque que le contact de la syénite avec le marbre (nous ne parlons pas ici des cassures, nettes, plus tardives) est à la fois net et arrondi. L'attitude accommodante du marbre, roche très ductile, semble lui avoir permis d'envelopper et d'adoucir les contours des blocs de syénite. Détail peu visible sur les photos, la syénite a conservé tout au long des événements une structure massive, sans orientation privilégiée de ses cristaux, et n'a donc enregistré dans sa substance aucune empreinte de ses pérégrinations dans le marbre.

* Je consacrerai un prochain billet à cette syénite. (Il s'agit sans doute d'un faciès de la syénite de Wakefield qui affleure au S du secteur.)


3. Contact marbre gris clair et syénite noire
Détail. Le rubanement du marbre (gris pâle, en bas, à gauche, et au centre), d'allure presque horizontale, est recoupé par la syénite noire. Les lits de la RCS verte, recoupée aussi par la syénite, semblent concordants dans le marbre. Le séjour, ou plutôt le «passage», du corps de la syénite dans le marbre (avant sa rupture en plusieurs blocs) semble avoir adoucit ses contours.


RECOUPEMENTS
Je n'oserais discuter de façon trop péremptoire des relations de recoupements que l'on pourrait déduire de l'observation des roches de cette tranchée de route. Voici quand même quelques éléments à conserver en mémoire pour futures(?) discussions :


  • Le marbre est la roche hôte qui a accueilli les autres lithologies qui sont donc tardives par rapport à lui. La calcite rose est la dernière venue et semble avoir eu pour mission de combler les vides laissés par la rupture finale du bloc de syénite ;
  • Ce corps de syénite original (avant fracture en plusieurs blocs) a fort probablement été arraché, par fluage du marbre, à une masse plus importante. Notre corps de syénite n'était déjà plus «en place» – à sa place originelle – avant que survienne la calcite rose. Le fluage du marbre s'est produit alors que la syénite (rappelons qu'il s'agit d'une roche magmatique) était déjà refroidie et solidifiée. D'ailleurs, celle-ci a conservé sa structure massive et n'a été affectée que marginalement par ses périples et avanies (contours arrondis) ;
  • La RCS verte a été affectée de la même manière que le marbre par les blocs de syénite et de la même manière que ce dernier par la calcite rose. Le rôle de cette RCS, au moins partiellement concordante dans le marbre, reste à établir. 
  • Ajout (12 févr. 2012). Une autre lecture est possible : la RCS peut être un skarn, résultat du contact in situ de la syénite avec le marbre ; le démembrement et l'introduction de calcite rose auraient ensuite affectés l'ensemble skarn/syénite. Resterait à expliquer l'aspect (au moins partiellement) concordant du skarn dans le marbre et la netteté des contacts de la syénite avec le skarn et le marbre, de même que l'absence de contamination de la syénite (absence d'endoskarn).


4. Boudin d'une RCS sombre dans une RCS plus pâle
(Extrémité S de la tranchée de route sur la photo 1.)


5. RCS vert pâle à phlogopite (mica)
(Au S de la syénite disloquée.)
RCS vert pâle. On y trouve du mica (phlogopite), minéral exploité dans des sites plus riches durant les XIXe et XXe siècles (voir photo 6).


6. Phlogopite (mica) dans une RCS vert pâle


7. Fragments d'une RCS dans un marbre rosâtre
(Extrémité N de la tranchée de route sur la photo 1.)


8. Veines d'hématite (rouge) dans le marbre blanc/gris
De semblables veines concordantes parcourent la roche de haut en bas de la falaise à quelques endroits.


À suivre.


Pour en savoir plus, voir les libellés suivants : «Calcite (intrusions)», Syénite de Wakefield» et «Skarns».