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dimanche 20 juin 2021

Coupe de la mine de fer Forsyth, à Hull (Gatineau)


Coupe de la mine de fer Forsyth au nord de Hull sur le chemin de la Mine ; le document, qui date de 1960, a récemment été mis en ligne par ministère de l'Énergie et Ressources naturelles du Québec. La référence est sous l'image.

Cliquer sur l'image pour l'afficher à sa pleine grandeur. Les lentilles exploitables sont représentées par des hachures entrecroisées. 

QUEBEC SOUTH SHORE STEEL CORP, HULL IRON MINES LTD, 1960. MINE FORSYTH. rapport statutaire soumis au gouvernement du Québec; MF 0272, 5 plans. Disponible à https://gq.mines.gouv.qc.ca/documents/EXAMINE/MF0272.


L'ampleur des travaux sous terre ne se soupçonne plus maintenant que les entrées de la mine sont scellées et que le terrain est pleinement intégré au parc de la Gatineau. Les galeries atteignaient 750 pieds de profondeur (230 m).

(Comparer avec les plans que j'ai publiés dans les autres billets consacrés à la mine ForsythVoir aussi le billet du 7 mars 2012, « Histoire minière de l'Outaouais II ».)

L'OPEN CUT (au centre, en haut) est cependant toujours repérable dans la topographie et des traces des installations, dont une entrée murée près du boul. de la Cité-des-Jeunes (sans doute le PORTAL, à droite, au niveau 0'), sont toujours visibles.


Entrée condamnée de l'un des puits (?) au sud de l'OPEN CUT. Photo été 2011.


Le fer (ou la magnétite, un oxyde de fer) se retrouve dans une roche nommée eulysite (voir les coupes plus bas). On peut résumer la géologie du secteur en parlant d'un marbre qui enferme des lentilles ou bandes de magnétite. La mine a été active de façon discontinue dans le second milieu du XIXe s jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. Des travaux d'exploration en vue de sa réouverture ont été menés de 1958 à 1977.


Mine Forsyth, Hull (Gatineau), juillet 2011.
Berline abandonnée sur le sentier menant à la carrière principale (suivant le Drainage Ditch de la coupe en haut). 













Autres coupes de la mine Forsyth. L'EULYSITE contient le minerai de fer, la magnétite. Autrement, la roche en place est du marbre. L'ENTRÉE DU TUNEL (SECTION A, en bas à droite) est sans doute l'équivalent du PORTAL de la coupe plus haut.
Guilloux L., Blais R.A., Coy-Yll R., 1972 — « L’origine métasédimentaire du gisement de magnétite de Forsyth, Province de Québec, Canada. » Mineralium Deposita, vol. 7, p. 154-179.

mercredi 8 janvier 2014

Mine Forsyth ou Baldwin ? (Ajout)


AVERTISSEMENT. — Site dangereux (chutes, noyades, clôtures «sécurisant» les puits ennoyés en piètre état).



Fig. 1. Titre original : The gully in the Baldwin [sic : Forsyth ?] iron
mines, Hull [Gatineau], P.Q. Jas Notman, Canadian Illustrated News, 1872. 
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Cote : ID B 177. N° de notice : 0002723962.


La gravure de Notman (fig. 1) est reproduite dans nombre de publications sur l'histoire de l'Outaouais. Sans vouloir contredire quiconque, cette image de la mine Baldwin correspond davantage à l'allure et à l'ampleur de la mine Forsyth, la principale des trois mines de fer du comté de Hull (aujourd'hui ville de Gatineau, Québec), la troisième (et la moindre) étant la mine Lawless. Voir mon billet du juillet 2011 pour une éclairante carte et de non moins lumineux développements.

Baldwin ou Forsyth, les proportions me semblent un peu exagérées (voir fig. 2 et 3). La disposition des mineurs – pas très nombreux ni très bien outillés pour une si grande entaille (les échelles, minuscules et ridicules, sont bien amusantes) – va contre toutes les règles de la prudence ou du bon sens ; les hommes travaillent une paroi à pic les uns au dessus des autres, au risque d'envoyer des débris de roches à ceux qui sont plus bas.

Le plancher de la mine est étonnement plat et dégagé. Où sont les amoncellements de roc, résultat de l'activité des mineurs, et les tas de minerai ? Ce n'est pas cette petite charrette à un cheval et deux roues qui a suffi à les évacuer. Nulle profonde ornière dans le sol qui trahirait le va-et-vient répété de nombreux véhicules...

Non, vraiment, la valeur documentaire de cette gravure (souvent reproduite, est-ce que je me répète ?) est sujette à caution.



Fig. 2. Mine Forsyth, Gatineau, 2011. La végétation reprend ses droits dans une vallée encaissée
aux proportions plus modestes que sur la gravure de Notman. L'inclinaison des parois est la même.



Fig. 3. Autre vue d'époque, étonnamment calme, de la mine Forsyth. Un travailleur et un 
photographe suffisent à la tâche. Les dimensions de la tranchée n'ont pas vraiment changé 
depuis la prise de la photo. Alexander Henderson, mine Forsyth, Hull (Gatineau), 1865-1875.
Bibliothèque et Archives Canada/C-03522


Ajout (8 janv. 2014)

Pour Hogarth (1975), la gravure de la fig. 1 représente bien la mine Forsyth, et non la mine Baldwin. Il ne fait cependant aucun commentaire sur les proportions.
 

Hogarth attribue la gravure à un autre auteur en plus de lui donner une autre provenance : James Norman, lithographie, L'Opinion Publique, vol. 3, no 3, 18 janv. 1872, p. 30.

J'ai essayé de ramener les proportions de la gravure à quelque chose de plus raisonnable :



Fig. 4. Version «corrigée» par mes soins (et ceux de Photoshop) de la fig. 1.


Référence

  • Donald D. Hogarth, Pioneer Mines of the Gatineau Region, Quebec, Town Beavers, Publishers Reg'd, 1975, 44 p.


samedi 21 juillet 2012

Miroir de faille (suite)


Site X1 sur la carte 2 (plus bas). Granite blanc à tourmaline noire et pyrite. (Juillet 2012.)


Je n'avais pas l'intention de m'attarder encore dans le secteur nord du boulevard de la Cité-des-Jeunes, mais les commentaires d'un lecteur, un certain BMP, me pousse à compléter la description du contexte géologique du miroir de faille qui a été le sujet de mon dernier billet.

La Commission de la capitale nationale (CCN) a entrepris la construction d'un nouveau tronçon de piste cyclable le long du boulevard de la Cité-des-Jeunes. Le boulevard ayant déjà été élargi à cet endroit l'été dernier, un certain mécontentement s'est manifesté chez les gens du secteur qui se demandent pourquoi la CCN et la Ville ne se sont pas entendus pour faire coïncider les travaux dans l'espace et le temps... (Lien)

Ces questions de coordination et de partage de compétences dépassent le cadre de ce blogue qui ne prendra pas position. Les travaux ont au moins le mérite de nous offrir des affleurements tout neufs (et néanmoins parfois rouillés à n'y rien voir).


Site X1 sur la carte 2 (plus bas). Le roc, taché de rouille à cet endroit, n'abonde pas en détails photogéniques. Ici, paragneiss à biotite et grenat. (Juillet 2012.)


Détail de la photo précédente.


La nouvelle piste débute à la hauteur de l'intersection du boulevard de la Cité-des-Jeunes et du boulevard des Hautes-Plaines et rejoindra le chemin Dennison (piste 5 du parc de la Gatineau)*.

* Ce blogue prend parfois position : je préfère utiliser les toponymes vernaculaires (chemin Dennison, dans le cas présent) plutôt que les technocratiques et insipides appellations que la CCN, qui gère le parc de la Gatineau, nous impose.

D'après la carte géologique de Guilloux et al. (1972), la roche qui prédomine dans les environs est le marbre associé à des roches calco-silicatées (RCS, ou skarns, voir ce billet dans ce blogue). D'autres sources (Hogarth, 1970) se contentent de mentionner du marbre à graphite, ce qui est vrai, mais restrictif. On observe aussi du marbre vert, fréquent près des RCS, et facile à confondre avec elle sur les photos.

Cet ensemble est lardé de bandes de gneiss à diopside et scapolite, de gneiss à biotite-grenat-sillimanite, de quartzite à biotite. Des occurrences de pegmatites (granite grossier), la plupart de temps de couleur blanche, sont omniprésentes. (Les RCS sont farcies de granite blanc et de calcite blanche qu'il est facile de confondre sans un peu de vigilance.)


Carte 1. Guilloux et al. (1972), déjà publiée dans ce blogue.


© Google
Carte 2. Partie est de la carte de Guilloux et al. (1972) modifiée et superposée à une photo satellite 
( © Google). A5 : autoroute 5 ; CD : chemin Dennison (piste 5 du parc de la Gatineau) ; CdJ : boul. de la Cité-des-Jeunes ; HP : boul. des Hautes-Plaines ; Q : rue du Quartz ; ligne blanche : tracé approximatif de la nouvelle piste cyclable ; X orangés : sites photographiés (positions approx.).


Plus à l'ouest, à l'intérieur du parc de la Gatineau, on trouve le gisement de magnétite de la mine de magnétite Forsyth dont nous avons déjà parlé (lien). (La mine se trouve au centre de la carte 2.)

Un affleurement montre un granite et un quartzite semés de tourmaline noire éparse qui se concentre en bandes tantôt concordantes, tantôt discordantes (voir photo au début du billet). Qui, du granite ou du quartzite, a contaminé qui ? La question mérite qu'on revienne plus tard à cet endroit. (Affaire à suivre.)

En bref, on peut résumer la situation en disant que partout se manifeste l'étroite (et complexe) association du marbre et des RCS et qu'il suffit (presque) de gratter l'un pour atteindre l'autre.


A

B

C
Site XXX 2 sur la carte 2. Situation en juillet 2011, avant les travaux de cet été.
A. Marbre blanc contenant une enclave verte (RCS). Le filon blanc qui longe l'enclave à sa gauche est du granite.
B. RCS et le miroir de faille décrit dans mon dernier billet (au centre de la photo). Techniquement, le lecteur qui m'avait objecté que le miroir de faille était dans une RCS et non un marbre, tout proche et roche dominante du secteur, avait raison (voir commentaire signé BMP dans mon précédent billet).
C. Transition irrégulière RCS verte - marbre blanc semé d'enclaves.


D

E

F
Site XXX2 sur la carte 2. Situation actuelle (juillet 2012). D et E : marbre blanc et RCS verte. Noter que le marbre vert abonde à cet endroit et qu'il se distingue mal sur les photos des RCS. La terre restée accrochée aux aspérités de la roche, l'irrégularité de cassures ne facilitent pas la lecture de l'affleurement. Raison pour laquelle je n'avais pas l'intention d'abord de publier ces photos... En F : intrication complexe du marbre et de la RCS.


Site X 3 sur la carte 2. Situation complexe comme je les aime. En haut, RCS verte traversée de bandes obliques de granite blanchâtre ; en bas, marbre blanc sale. (Le marbre, facilement rayé, est marqué de lignes blanche par la machinerie.) (Juillet 2012).


RÉFÉRENCES
Guilloux L., Blais R.A., Coy-Yll R., 1972 — «L’origine métasédimentaire du gisement de magnétite de Forsyth, Province de Québec, Canada.» Mineralium Deposita, vol. 7, p. 154-179.
Hogarth D.D., 1970 — Geology of the southern Part of Gatineau Park, National Capital Region, Quebec. Commission géologique du Canada, Étude 70-20, 1970., 7 p. (avec carte 7-1970, 1:18 000)

mercredi 7 mars 2012

Histoire minière de l'Outaouais II

Suite de la «Partie I».

L'Outaouais (et un peu plus) : ressources minérales
Détail modifié de : Avramtchev, L. (1992).
Légende (simplifiée)
Paléozoïque ; plate-forme du Saint-Laurent
Silurien : 15) Calcaire, shale, grès
Ordovicien : 14) Groupe de Chazy, de Black River, de Trenton, formation d'Utica : grès, dolomie, calcaire, schiste ; 13) Groupe de Beekmantown : dolomie, schiste, calcaire
Cambrien : 12) Groupe de Potsdam : conglomérat, grès
Protérozoïque ; province de Grenville*
11) Granite massif ; 10) Orthogneiss charnockitiques ; 9) Granitoïdes charnockitiques ou non, mangérite, jutonite ; 8) Gabbro ; 7) Anorthosite ; 6) Granodiorite, diorite ; 5) Marbre, roches calco-silicatées ; 4) Paragneiss, quartzite ; 3) Migmatites (à trame de 1 ou de 4) ; 2) Gneiss granodioritiques, granitiques, etc.; 1) Complexe gneissique (à hornblende)*
* L'ordre de numérotation n'implique ici aucune séquence temporelle.



Texte rédigé en 1998, mis à jour pour sa publication dans ce blogue
(voir la première partie, à la fois introduction et résumé).

Note. — Dans cette série de textes, j'ai annexé à l'Outaouais les Laurentides, tant il est difficile de faire coïncider les divisions administratives et géologiques, ces deux régions se partageant la «ceinture centrale des métasédiments» (définie dans ce billet) de la province géologique de Grenville : il m'est apparu inopportun de diviser pour des raisons administratives ce que la géologie avait réuni...



LES MINES
Les mines sont énumérées dans l’ordre approximatif du début de l’exploitation des minéraux. Voir le billet «Géolo-chronologie» pour le contexte géologique.

Fer
Mines Forsyth et Baldwin.(Voir la série de billets que j'ai consacrés à la mine Forsyth.) Le gisement de magnétite Forsyth, à Hull (Gatineau), près de l’actuel boulevard Cité-des-Jeunes, a été découvert en 1801 lors des travaux d’arpentage qui suivirent l’établissement de Philemon Wright* par l’effet que la masse de fer avait sur les boussoles qu’elle faussait. Ce n’est qu’après que son fils Ruggles Wright eut vendu la propriété à la Forsyth and Company of Pennsylvania, en 1854, que de véritables travaux commencèrent. Dès la fin de cette année, quelques centaines de tonnes du minerai étaient extraites et une partie était expédiée à Pittsburg alimenter les fourneaux de la compagnie. Entre 1854 et 1860, 15 000 tonnes de minerai furent expédiées à Cleveland, en Ohio.

* Fondateur des premiers établissements dans le canton de Hull.

Un chemin privé, le futur chemin Freeman, fut tracé pour acheminer le minerai jusqu’à un embarcadère sur la rivière Gatineau. De là, il était expédié vers Kingston, par le canal Rideau, puis vers Cleveland. La mine employait une douzaine d’hommes qui pouvaient extraire jusqu’à 1300 tonnes par mois.

En 1862, les activités cessent, la mine ne pouvant concurrencer la mine de Newborough, située près de canal Rideau et dont le fer pouvait être transporté à moindre frais.

La Canada Iron Mining and Manufacturing Company devient propriétaire de la mine en 1866. Elle fait ériger un haut fourneau destiné à la production de fonte à Ironside, près de l’embarcadère, en 1867. Mal utilisé, il était hors d’usage l’année suivante. Le Grand Feu de 1870, qui ravagea la forêt depuis Breckenridge* jusqu’au nord de Hull, rasa les installations d’Ironside, ainsi qu'une cinquantaine de maisons où vivaient les ouvriers de la mine avec leur famille.

* Localité sur l'Outaouais, 18 km à l'ouest d'Ironside.

Après l’incendie, un groupe de six entrepreneurs des États-Unis et de la région achètent la mine et fondent la Forsyth Mining Company. Sous la direction de Alanson H. Baldwin, d’Ottawa, la compagnie acquière en 1871 des lots de la famille Pink, sur lesquels se trouve un autre gisement, plus petit, connu depuis sous le nom de mine Baldwin.

En 1872, une machine à vapeur vient faciliter les travaux de forage. Le travail continue à se faire en grande partie à la main (ou plutôt à la pioche...) On utilisait la dynamite, tout récemment inventée (1866). L’extraction se faisait dans une tranchée à ciel ouvert qui menait à un puits de 50 mètres de profondeur.

Le minerai continuait à prendre la direction de Cleveland, via Kingston. Entre 1871 et 1874, la mine Forsyth produisit 35 000 tonnes de minerai, tandis que la mine Baldwin en produisait 3 000.

Mais les droits de la famille Pink sur les terrains vendus par elle étaient contestables. Une action en justice, menée par John Stuart, d’Ottawa, est tranchée en 1877 en faveur de ce dernier et prive la compagnie des terrains « Pink » et donc de la mine Baldwin.

Les gisements sont abandonnés. En 1901, la Forsyth and Company remet la mine Forsyth en exploitation jusqu’en 1918. On creuse un second puits de 36 mètres par où on accédait à une galerie longue de 27 mètres.

Des sondages effectués en 1958-1959 ont permis d’estimer à 4 250 000 tonnes les réserves de minerai jusqu’à une profondeur de 200 m. La teneur en fer du minerai dépasse les 50 %.


Mine Forsyth, Gatineau, été 2011. La nature reprend ses droits.


En 1976-1977, on envisagea de rouvrir la mine Forsyth, dans l’espoir de garder active une partie des installations de transformation de la mine Hilton, fermée pour cause d’épuisement du minerai (voir plus bas).

Aujourd’hui, il ne subsiste de visible des mines Forsyth et Baldwin que des tranchées et des puits condamnés. Près du sentier qui mène à la tranchée principale, à partir du boulevard Cité-des-Jeunes, se trouve un wagonnet abandonné, couvert de rouille.

Mine Haycock. — Découvert en 1865, le gisement d’hématite-illménite Haycock, à Cantley, à l’ouest de la montée Paiement, n’a été exploité qu’une courte période de temps, de 1872 à 1876. Des rails en bois, d’une longueur de 10 km, reliait la mine à la rivière Gatineau. L'importance du gisement avait été grossièrement surévaluée par les promoteurs.

(Les mines Forsyth et Haycock sont nées durant la grande période de construction de chemins de fer en Amérique du Nord, entre 1850 et 1875. La fin de cette période, la baisse du prix du fer et surtout la découverte de meilleurs gisements ailleurs au Canada, expliquent leur abandon.)

Mine Hilton (mine Bristol). — Cette mine de magnétite de la région de Shawville a connu deux vies avant de fermer, le minerai étant épuisé. Le fer de la mine Bristol (1873 à 1894) – la principale mine de ce métal au Canada à l'époque –  a été exporté en Belgique, en Angleterre et en Pennsylvanie. Cinquante-sept millions de tonnes de minerai de fer ont été extraites de la mine Hilton (1956-1977).

Il existe aussi dans l’Outaouais des gisements de magnétite zincifère (voir section «Zinc-plomb»).

Apatite et mica (phlogopite)
(Voir ce billet récent sur la géologie de ces gisements.) Vers 1870, on entreprenait l’exploitation des innombrables gisements d’apatite (de fluorapatite, pour être plus précis) qui parsèment le territoire de l’Outaouais. Plusieurs mines furent ouvertes dans la région inférieure des rivières Gatineau et du Lièvre (cantons de Hull, Templeton et Portland), au coût d’investissements considérables, avec pour résultat de faire de la région le centre minier le plus actif au pays. Le travail s’effectuait à ciel ouvert, dans des tranchées, ou par des galeries souterraines. On rapporte qu’un cristal parfait d’apatite, d’un poids de 320 kg, long de 215 cm et large de 120, a été un jour découvert. On échoua à le dégager intact.

L'apatite, minéral de la famille des phosphates, servait à l'industrie chimique et à la préparation de fertilisants.



On trouve à l’Écomusée de Hull* un cristal de fluorapatite géant (environ 75 cm de long et 40 cm de large), parfaitement formé et dont l’une des terminaisons est intacte. Voici un extrait du texte qui l’accompagne :

Cristal de fluorapatite
Ce cristal est l’échantillon le plus célèbre de l’histoire minéralogique du Canada. Ce sont MM. Clarke et Leach qui l’ont trouvé lors d’opérations menées au début de janvier 1877 à la mine Comet, près de Wilson’s Corner dans le district Hull-Wakefield. M. W.A. Allan, d’Ottawa, en fit l’acquisition en 1884. L’échantillon fut montré lors de l’Exposition universelle de Paris en 1878, à Londres en 1886, à Anvers en 1887, et peut-être de nouveau à l’Exposition de Paris en 1900.

En juillet 1877, on expédia ce cristal à Montréal pour qu’il soit envoyé par le bateau vapeur Como à l’Exposition de 1878 à Paris. Le capitaine jugea que le cristal, parfaitement formé et qui pesait 350 kg et mesurait 1,3 m de longueur, était de dimensions trop imposantes pour la cale du navire. À coups de marteau, il le réduisit à ses dimensions présentes, ce qui donna lieu à une action en justice, sans doute la première impliquant un échantillon minéralogique. Celle-ci fut intentée par M. George Millar, un mineur du lac McGregor.

Le cristal conservé ici est probablement le plus gros échantillon connu de son espèce. L’extraction de la fluorapatite pour utilisation comme fertilisant a grandement contribué au développement de l’économie et des infrastructures de la région de l’Outaouais.

J. Van Velthuizen
Minéralogiste 

Note. — La partie inférieure de ce cristal a été restaurée par M. Jérémie Giles (directeur de l’Écomusée).
* L'Écomusée est fermé depuis 2004. J'ignore ce qu'il est advenu de cristal...
AJOUT (10 juillet 2012). — De source autorisée, j'apprends que le cristal est à présent au Musée canadien de la nature, à Ottawa. Malheureusement, il est aussi en miettes... Il semble qu'il ait mal supporté son déménagement. Son importance historique l'a préservé de finir à la poubelle. J'ignore quel genre de restauration est envisagée...



Pendant une courte période, on pu croire que l'Outaouais deviendrait le principal exportateur de phosphate au monde. En 1885, année faste, 28 5000 tonnes de phosphate furent extraites et convoyées par 2000 mineurs et ouvriers. La mise en valeur des gisements de Floride et d'Afrique du Nord, autrement plus vastes et aisés à exploiter, brisa l'euphorie. En 1892, la plupart des mines étaient fermées ou converties à l'exploitation du mica.

Le mica apparut en effet comme la solution de rechange idéale : les deux minéraux, apatite et mica, étant associés dans les mêmes veines. Ironie suprême : l’usine de traitement de phosphate de Masson (1903-1932), ainsi que celle établie en 1897 à Buckingham, durent importer de Floride la totalité de leur matière première !

Après 1895, les gisements d’apatite furent donc exploités pour la phlogopite, ou mica ambré, traitée jusqu’alors comme un déchet. En effet, seule la muscovite (mica blanc) était considérée comme un matériau utilisable. Après que la phlogopite locale eût prouvé qu’elle égalait la muscovite, comme isolant notamment, son extraction et son exportation pût commencer, sans cesser d’être en butte à la concurrence de la muscovite indienne et de la phlogopite de Madagascar. La production de mica atteint son apogée vers 1910 et déclina après 1928.

La mine Blackburn, connu aussi sous le noms de mine Vavasour, et ouverte en 1878 à Cantley, fut déjà la plus importante mine de mica en occident. (Voir coupes et plan plus bas.) En 1881, 500 personnes travaillaient, à la mine elle-même ou aux ateliers de traitement du mica. C’est aussi la plus profonde des mines de la région : une des tranchées atteignait 200 m de profondeur. La mine cessa ses activités en 1964. Sa fermeture mit un terme à l’exploitation du mica en Outaouais.


 Coupes des galeries de la mine d'apatite-mica de Cantley. Modifié de Van Velthuizen (1998).

Géologie de la mine Blackburn de Cantley, en activité de 1878 à 1964, d'abord pour l'apatite, puis pour la phlogopite (mica). Carte tirée de Hogarth et al. (1972) ; couleurs, votre serviteur.


Parmi les autres mines d’apatite-mica de la région, on peut mentionner la mine Nellie et Blanche (Cantley) ; les mines Wallingford* et Blackburn (Perkins) ; la mine High Rock (nord de Notre-Dame-de-la-Salette) et la mine Emerald (nord de Buckingham). Les apatites vertes de la mine Yates, près de Otter Lake, sont particulièrement renommées. À la mine Villeneuve (voir section consacrée au feldspath), on trouve de la muscovite, ou mica blanc, qu’on exploita de 1889 à 1898, puis en 1908-1909. Un cristal de muscovite, mesurant 75 cm par 55 cm et pesant 130 kg y fut extrait. Il contenait du mica pour une valeur de 500 $ (de l’époque). La carrière Leduc, mieux connue pour ses tourmalines, a produit de la lépidolite, un mica contenant du lithium.

*  Ne pas confondre avec la mine Back ou Wallingford (feldspath), située à Glen Almond, au nord de Buckingham, et dont nous parlerons plus bas.

Les gisements d’apatite-phlogopite de la région sont aujourd’hui abandonnés, mais non épuisés. Ils ne sont plus fouillés que par les amateurs à la recherche de beaux cristaux.

Barite (ou barytine)
Cette substance a été exploitée à la mine Foley de Cantley, entre 1892-1903. De la galène, associée à la barite, à été extraite d’un gisement à l’ouest de Buckingham. On trouve aussi de la barite près de Quyon.

Feldspath et quartz (silicium)
La région de Buckingham, avec celle de Saint-Pierre-de-Wakefield, a déjà été le principal producteur de feldspath au Québec. L’exploitation de ce minéral remonte à 1889 (mine Villeneuve – feldspath et mica) et ne cessa que récemment, mais c’est dans les années 1920 qu’elle connu sa période la plus intense. Les gîtes se trouvaient dans des pegmatites, source, en plus du feldspath (microcline et l’orthoclase, des feldspaths potassiques), de silice (quartz).

Mentionnons les deux sites principaux, ceux de la mine Back ou Wallingford (1924-1971) et de la mine Derry (1920-1969), toutes deux à Glen Almond, au nord de Buckingham. Si la plupart des gisements étaient attaqués à ciel ouvert, on a recouru dans leurs cas à des puits et des galeries souterraines. Le feldspath dentaire (dental spar), de qualité supérieur – il s’agit de microcline blanche sans impureté –, sert à la fabrication de dents artificielles. Jusqu’en 1930, date de l’ouverture d’un atelier à Buckingham pour broyer le feldspath et le quartz, la totalité de la matière extraite était expédiée à l’état brut à l’étranger, en premier lieu aux États-Unis.

À la mine Back ainsi qu’à la mine Villeneuve, au nord de Notre-Dame-de-la-Salette, se trouve de la péristérite, variété de feldspath sodique (ou plagioclase) pouvant être utilisée comme pierre gemme. Depuis 2002, dans le même secteur, Dentsply Canada ltd opère la mine Othmer et exploite une pegmatite pour le feldspath potassique.

La carrière d’amazonite (microcline vert) du lac Blue Sea, au sud de Maniwaki, est bien connue des collectionneur de minéraux.

On a exploité de 1957 à 1977, au sud du réservoir Baskatong, un banc de quartzite pur connu sous le nom de Montagne-Blanche.

Durant les années 1930 et 1940, la carrière du lac Beauchamp, à Gatineau («lac de la Mine»), a produit, à partir du grès du groupe de Potsdam, du silice pur qui était acheminé à Montréal où il servait à la fabrication du verre. (Voir ce billet d'une série consacrée au lac Beauchamp.)   

Deux mines de silicium sont actuellement actives dans les Laurentides, la mine Saint-Canut (Unimin Canada ltd), elle aussi dans le grès de Potsdam (Lac-des-Deux-Montagnes), et la mine Saint-Rémi-d'Amherst (Société minière Gerdin inc.), dans un quarzite précambrien.

Kaolin et silice
La mine Silice-Kaolin de Saint-Rémi a donné, entre 1911 et 1946, du kaolin et de la silice.

Graphite
Les débuts de l’extraction du graphite dans la région remontent à 1866. Son exploitation, comme celle du feldspath, s’est concentrée surtout dans la région de Buckingham (mine Walker – 1876-1896, 1906), sans atteindre cependant une ampleur comparable. Dès le début des années 1930, l’extraction du graphite allait à son déclin et fut abandonnée. Cette industrie n’avait pu supporter la concurrence du graphite de Madagascar et de Ceylan en conjonction avec une baisse de la demande.

L’une des seules mines de graphite en Amérique du Nord, et maintenant l'unique au Canada, s’est ouverte en 1989 à 25 km au sud de Mont-Laurier, à Saint-Aimé-du-lac-des-Îles. Il s’agit de la mine Lac-des-Îles (Stratmin Graphite Inc., Timcal Canada inc. depuis 2002), où travaillent environ 55 personnes. On extrait le graphite contenu en paillettes dans du marbre.

Magnésite
À 15 km au nord de Grenville, la mine Kilmar exploitait une dolomie magnésitique (1914-1992).

Molybdénite
Au cours des deux guerres mondiales, la mine Moss-Quyon a profité de la forte demande en molybdène, utilisé pour renforcer l’acier des canons. (Le nom Moss est l’acronyme de la formule chimique de la molybdénite : MoS2.) Mentionnons les travaux, aussi durant les deux guerres, à la mine Chaput-Payne, sous le site de l’actuel belvédère Champlain du parc de la Gatineau.

Zinc-plomb (argent et or)
La mine New Calumet, à l’île du Grand Calumet, est la seule de la région à avoir produit (un peu) d’or et d’argent. La présence de zinc et de plomb – les principaux métaux extraits – était connu depuis 1893, mais la mise en valeur du gisement ne débuta véritablement qu’à partir de 1943. La mine est fermée depuis 1968, mais ses réserves d’or et d’argent – qu’on s’emploie actuellement à évaluer – lui vaudront peut-être une nouvelle vie.

À l’est de l’île du Grand Calumet, près de Bryson, on a découvert en 1978 un gîte de magnétite zincifère. La région de Maniwaki-Gracefield compte aussi un bon nombre de gîtes de zinc et de magnétite zincifère.

Nickel-cuivre
Le gisement de la mine Renzy (50 km à l’ouest de Grand-Remous), découvert en 1955, a été exploité de 1969 à 1972 pour son cuivre et son nickel. Près de Sainte-Véronique, se trouve un indice de cuivre-nickel, associé à des traces d’or et de platine.

Brucite
Deux carrières au sud de Wakefield ont exploité un marbre chargé de brucite; les carrières Cross (1959-1968) et Maxwell (1942-1968). Les gisements ne sont pas épuisés.

Uranium
L’Outaouais compte un grand nombre de gîtes de minéraux radioactifs. Malgré une prospection intensive, aucune véritable exploitation n’a vu le jour, les gisements étant trop petits et dispersés. Ces gisements se concentrent dans une région comprise entre Gatineau et Otter Lake et dans le secteur Maniwaki - Grand Remous - Mont-Laurier (voir carte des gisements, plus bas).

La mine d’uranium Yates, en particulier, près de Otter Lake (Pontiac), a été le site de travaux en 1953, après la découvertes de minéraux radioactifs (thorianite, uranothorite, uranophane, allanite). Cette mine, d’où l’on a d’abord extrait de la phlogopite, est mieux connue des collectionneurs pour ses splendides cristaux d’apatites vertes.

Il est intéressant de noter la fréquente association des gîtes de minéraux radioactifs avec les pegmatites, les gîtes de molybdénite et/ou les veines de calcite-apatite-phlogopite.


Uranium : gisements et indices en Outaouais.
Détail modifié de Lamothe (2009)
Les sites 17, 18 et 19 correspondent à la mine Yates mentionnée plus haut dans le texte. J'ai ajouté quelques villes afin d'aider à situer les choses. Noter que la position de Maniwaki (M) est approximative par rapport aux gisements sur la route près de la ville.


En vrac : tourmaline, grenat, amiante
La tourmaline noire est fréquente dans la région, et les collectionneurs recherchent les cristaux bien développés. De la tourmaline verte pouvant être utilisée comme pierre gemme a été un court moment extraite de la carrière Leduc, à l’ouest du lac Saint-Pierre (en 1908). On a exploité dans la région de Labelle du grenat, utilisé comme abrasif. On trouve de petits gîtes d’amiante-chrysotile, près de Poltimore notamment, mais les gisements n’ont aucune valeur économique. Un petit gisement (découverte personnelle) se trouve également dans le parc de la Gatineau.



Les Expositions universelles

Divers minéraux et roches de l’Outaouais ont bénéficié de l’honneur d’être envoyés à l’étranger comme échantillons des richesses naturelles de la Colonie.

Ainsi, à l’Exposition internationale de Paris, en 1855, une tonne de minerai de la mine Forsyth pu être admirée (?) par les visiteurs. L’encadré plus haut traite du cristal de fluorapatite qui s’est promené d’Expostion universelle en Expostion universelle au XIXe siècle.

À la mine d’apatite High Rock, au nord de Notre-Dame-de-la-Salette, on trouve une syénite surnommée «roche léopard» à cause de cercles sombres riches en augite dessinant des motifs sur fond de feldspath orangé qui la font ressembler au pelage de cet animal. Des échantillons de cette roche furent montrés à l’Exposition universelle de Paris, en 1900.
.


RÉFÉRENCES
Seuls les travaux explicitement cités dans cette partie figurent ici ; une liste complète des sources consultées se trouve dans la troisième et dernière partie de cette série (lien à la fin de ce billet).

  • Avramtchev, L., 1992 – Carte minérale de la région de Montréal - Mont-Laurier. Québec, ministère de l'Énergie et des Ressources, PRO 90-05, carte (1/2 000 000).
  • Hogarth D.D., Moore J.M., dans : Baird D.M. (compil. et édit.), 1972 — Géologie de la région de la Capitale nationale. Commision géologique du Canada, livret guide bilingue, 24e congr. géol. 
  • Lamothe, D., 2009 – Uranium dans l'environnement secondaire et minéralisations uranifères. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, carte (1/2 000 000).
  • Van Velthuizen, J., 1998, The Gow (Blackburn Mine, Cantley, Québec). Gratitude Press Canada, 214 p., reliure spirale.

vendredi 19 août 2011

Mine Forsyth et Ironside : le GRAO

AVERTISSEMENT. — Le site est dangereux (risques de chutes et de noyade), les clôtures qui «sécurisent» l'endroit sont parfois en très piètre état. Ne pas y aller seul, ne pas laisser les enfants sans surveillance.

Mine Forsyth, Gatineau. Puits, à l'extrémité W de la carrière principale.
(Photo : Henri Lessard, 19 juillet 2011.)
«La Canada Iron Mining and Manufacturing Company devient propriétaire de la mine [Forsyth] en 1866. Elle fait ériger un haut fourneau destiné à la production de fonte à Ironside, près de l’embarcadère, en 1867. Mais, mal utilisé, il était hors d’usage l’année suivante. Le grand feu de 1870, qui ravagea la forêt depuis Breckenridge jusqu’au nord de Hull, rasa les installations d’Ironside, avec une cinquantaine de maisons où vivaient les ouvriers de la mine avec leur famille.» (Tiré de mon billet du 16 juillet 2011.)

Le GRAO (Groupe de recherche archéologique de l'Outaouais) a pour  «objectif de faire de la recherche archéologique afin de faire connaître à tous le potentiel patrimonial historique et préhistorique de la région outaouaise et du Québec.»

Comme leur blogue a été créé le 6 mai dernier, je présume qu'il s'agit d'un tout nouvel organisme. Je viens littéralement de découvrir son existence, je ne peux donc vraiment pas vous en dire plus à son sujet pour l'instant.

Les 13 et 14 août derniers, le GRAO conviait la population «à participer aux fouilles archéologiques à l’endroit même où s’érigeait le village disparu d’Ironside[, à Hull]. En effet, cinq bâtiments ont été identifiés et sont reliés au village et aux activités métallurgiques résultant de l’exploitation de la mine de fer Forsyth dans la deuxième moitié du XIXe siècle.» (Voir cet article dans l'Info07 du 17 août 2011, ainsi que le vidéo qui l'accompagne.)

La mine Forsyth ? J'y ai consacré plusieurs billets récemment. J'ai malheureusement raté l'occasion d'aller visiter le site d'Ironside en compagnie des gens du GRAO. J'aurais pourtant aimé considérer les choses de l'autre extrémité du problème : après m'être intéressé à la mine, d'où était tiré le minerai, connaître le site d'Ironside d'où il était exporté par voie d'eau.

«Un chemin privé, le futur chemin Freeman, fut tracé [depuis la mine Forsyth] pour acheminer le minerai jusqu’à un embarcadère sur la rivière Gatineau [à Ironside]. De là, il était expédié vers Kingston, par le canal Rideau, puis vers Cleveland. » (Tiré de mon billet du 16 juillet 2011.)

Dans le passé, j'avais plusieurs fois tenté de repérer le site des installations et de l'embarcadère d'Ironside, au moins sur carte, sans succès. J'en étais venu à la conclusion qu'il n'en restait aucune trace. J'espère que le GRAO publiera bientôt le résultat de ses fouilles. Les «cinq bâtiments» évoqués plus haut m'intriguent énormément. Déjà, leur découverte est une nouvelle en soi .

Mais, après tout, archéologues et géologues ont les mêmes manies : gratter le sol et les vieilles pierres et se confronter à des échelles de temps immenses !...

dimanche 24 juillet 2011

Mine Forsyth : thèse et synthèse

AVERTISSEMENT. — Le site est dangereux (risques de chutes et de noyade), les clôtures qui «sécurisent» l'endroit sont parfois en très piètre état. Ne pas y aller seul, ne pas laisser les enfants sans surveillance.

Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Puits, à l'extrémité W de la carrière principale (no 7 sur la carte à la fin du précédent billet).
Photo prise à travers le grillage de la clôture qui entoure le puits.


Ce blogue me servant avant tout de carnet de notes, au lieu de pondre une synthèse unique et définitive consacrée à la mine Forsyth, j'en ai composé plusieurs, chacune se voulant complète selon le point de vue qui avait amenée sa rédaction.

Bref, la synthèse est dans le processus, et non dans le résultat final.

(Billets précédents sur le même sujet.)

Et puisque je parle de synthèse, voici le résumé tiré de la thèse de Louis Guilloux consacrée à la mine Forsyth.

On n'a pas encore fait mieux ni plus complet sur le sujet.



Même endroit, même date.
È pericoloso sporgersi !


Étude pétrogénétique et métallogénique du gisement de magnétite de Forsyth et de son enveloppe : Hull, province de Québec, Canada 
Louis Guilloux
Thèse de IIIe cycle, Université de Grenoble, 1969, 220 pages 
[Texte édité à partir d'un document disponible sur le site du ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec.]

Le gisement de magnétite de Forsyth situé au Nord-Ouest de la ville de Hull (province de Québec, Canada) affecte la forme d'une lentille de 10 à 40 m de puissance qui affleure sur 290 m de long. 

Inclus dans la province métamorphique de Grenville, l'environnement pétrographique immédiat appartient à un complexe de roches carbonatées ayant une extension régionale importante typique des formations grenviliennes. 

L'enveloppe du gisement est également constituée de plusieurs ensembles : ensembles carbonatés, quartzites, ensembles gneissiques, faciès accessoires, roches éruptives. 

Pour les formations cristallophylliennes, les associations minéralogiques exprimées selon divers paramètres, A C F et A'K F de NIGGLI, de H. de LA ROCHE et de THOMPSON, calculés à partir de 23 analyses chimiques ont permis, d'une part, de vérifier la compatibilité réciproque des diverses roches et, d'autres part, d'indiquer qu'elles dérivent, par métamorphisme régional d'intensité élevés, d'une série sédimentaire composée de calcaires, de calcaires dolomitiques et de pélites. 

Compte tenu de la présence de sillimanite, grenat, perthite, scapolite et des concentratins en Mg, Fe, Mn du couple biotite-grenat dans les gneiss à biotite et à grenat, on peut préciser certains paramètres : pressin de 7 à 8 Kb, température de 700°C ± 20. De telles conditions s'apparentent à celles du début du faciès granulite. 

Le minerai, dont la paragenèse primiaire fondamentale est fayalite, cordiérite, amphibole, grenat, graphite, calcite, magnétite, pyrrhotine, se rapporche d'un type particulier de minerai de fer déjà connu en Suède : l'eulysite. 

Les produits d'altération (hypersthène, cummingtonite, actinote, grenat, greenalite, serpentine, magnétite secondaire) résultent de processus rétrogrades faisant intervenir les éléments volatils (H2O, CO2) et la silice. 

Les textures du minerai sont caractérisées par la présence de magnétite secondaire. Celle-ci, issue de l'altératin des silicates ferrifères forme des "filonnets" qui recoupent à l'emporte-pièce les cristaux néoformés de magnétite et de pyrrhotine de la première génération. 

Une étude de la répartition des divers éléments (Si, Mg, Fe, Ca) à la microsonde a permis de constater que la calcite se dispose en auréole autour de la magnétite primaire. 

Le pourcentage en fer du minerai eulysite est supérieur à 50 tandis que ses teneurs en Ti, V, Mn Cr, Ni sont faibles. De plus, aucune zonalité géochimique n'a été relevée. 

Plusieurs hypothèses génétiques ont été avancées pour déterminer l'origine du gisement. Une étude géochimique comparative des éléments traces (Ti, V,Cr, Ni, Cu, Mn) contenus dans la magnétite du massif intrusif du Skaergaard avec ceux de la magnétite de Forsyth a permis d'éliminer l'hypothèse orthomagmatique de ce gisement en relation avec des masses éruptives basiques ou ultrabasiques. Par contre, il a été noté une certaine consanguinité géochimique entre la magnétite de Forsyth et celle des gîtes pyrométasomatiques liés à la tonalite de Mayo (Ontario). Mais cette hypothèse nécessiterait la présence d'une masse éruptive à caractère acide. Or, il n'apparaît pas que le massif de «roches granitiques» affleurant au Sud ait provoqué d'apports métasomatiques dans les gneiss et les roches carbonatés. Aucune relation géochimique n'a été décelée entre le gisement et le massif de «roches granitiques». 

L'origine métasédimentaire a été envisagée dans l'optique de reconstituer l'assemblage minéralogique primaire (fayalite, magnétite, calcite, graphite, pyrrhotine) à partir de la sédirose et du quartz. Pour ce faire, la détermination des domaines de stabilité de ces divers minéraux et leur ordre d'apparition successif ont été étudiés sur les diagrammes de fugacité des gaz (O2, CO2, S2) aux températures de 900°K et 1 000°K. Le graphite, ubiquiste par son caractère réducteur, a contrôlé le chimisme des réactions. 

En tenant compte des caractéristiques du gisement (structure, minéralogie, chimie, géochimie), l'auteur fait dériver le minerai de magnétite de Forsyth d'un niveau de sidérose [sidérite] renfermant de nombreuses impuretés d'argile et de calcaire dolomitique, affecté par un métamorphisme de haut degré semblable à celui qui a transformé l'enveloppe du gisement.

vendredi 22 juillet 2011

Mine Forsyth à Gatineau : récapitulation illustrée

AVERTISSEMENT. — Le site est dangereux (risques de chutes et de noyade), les clôtures qui «sécurisent» l'endroit sont parfois en très piètre état. Ne pas y aller seul, ne pas laisser les enfants sans surveillance.

Photo 1. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
«Le minerai, de couleur noire à vert foncé, à éclat mat, est constitué de gros cristaux (quelques centimètres) de magnétite, de sulfures de fer (pyrite, pyrrhotine) disséminés dans une gangue de silicate[s] ferrifère[s]. En outre, ça et là, on voit des paillettes flexueuses de graphite et des amas de mica noir (biotite).» Guilloux, 1969, p. 125.

Voir la carte plus bas pour situer les endroits photographier.

Autres billets sur le même sujet : lien.

Mine Forsyth, à Hull (Gatineau) : résumé-maison de la géologie de l'endroit
Le gisement de magnétite Forsyth (ainsi que les deux autres plus petits, situés dans la continuité de son axe, les gisements Baldwin et Lawless) forme une lentille verticale encaissée de façon concordante dans un banc de marbre typique de la province de Grenville (plus d'un milliard d'années).

Le minerai, une eulysite, d'une minéralogie complexe, est riche en magétite (oxyde de fer) à grain grossier.

Le gisement a été exploité à ciel ouvert (tranchée ENE qui suit le gand axe du gisement) et par un puits creusé à l'extrémité W de la tranchée. Un puits d'exploration, des galeries sousterraines et des carrotages ont permis de préciser les dimensions et formes du gisement. (Voir «Historique» dans ce billet.)

La magnétite proviendrait du métamorphisme d'une sidérose sédimentaire (ou sidérite, carbonate de fer FeCO3 ) déposée simultanément avec des calcaires sur un fond marin. Sidérite et calcaire auraient été métamorphisés (donnant l'eulysite et le marbre), plissés et redressés dans leur position actuelle. Âge de la sédimentation et du métamorpghisme : plus d'un milliard d'années.

La mine Forsyth a été exploitée de façon intermittence entre 1866 et 1918. À partir des années 1950, des travaux d'explorations ont permis de préciser le volume et la géométrie du gisement. Voir les passages qui suivent.

Quelques données supplémentaires
Minerai extrait depuis le début de l'exploitation : 23 000 t. Réserves : 3 500 000 t à une teneur de 48 % de fer. Il s'agit d'un modeste gisement. (Selon Guilloux, 1969.)

En 1976-1977, des entrepreneurs ont présenter des plans en vue de sa réouverture. Le projet a fait long feu.

La mine Forsyth, selon le géologue Louis Guilloux (1969)
«Le minerai est concentré dans un amas lenticulaire dont la puissance varie entre 10 et 40 m et qui affleure sur 290 m selon une direction N. 80. Cet amas est interstratifié dans un complexe de roches carbonatées dont les termes essentiels sont des skarns à diopside et scapolite, des roches calcosilicatées, des marbres [voir la carte plus bas]. L'axe d'allongement de la lentille est parallèle à la direction de la foliation des roches encaissantes. Le plan axial est un peu gauchi : son pendange varie de 87° à 70° N.

Les travaux miniers de reconnaissance et les sondages ont révélé que cette lentille présentait des renflements et des rétrécissements et qu'elle se terminait en ''quille de navire'' vers 250 m. [...]

L'axe de plongement (plonge) de la lentille est incurvé : d'abord vertical, il s'infléchit vers l'Est [...] pour devenir subhorizontal au fond.

Aux extrémité est et ouest de la lentille, on n'a pu démontrer l'existence de zones mylonitiques ni de failles. Ainsi le gisement de Forsyth ne semble pas être contrôlé par un accident tectonique.

Sur la carte géologique, on voit, par ailleurs, que les failles orientées sensiblement nord-sud, nord[-]est, nord[-]ouest présentent au Sud [de la carrière principale] ne ''traversent'' pas la lentille de minerai.
 
Photo 2. — Mine Forsyth. Niveaux de paragneiss plissés et fracturés dans des marbres.
(Photo Guilloux et al., 1972).
Voir un autre exemple local de fluage à la photo 1112 de ce billet.

On peut concevoir que cette lentille ne serait que le fragment d'un niveau plus important ayant joué le rôle d'un ''banc compétent'' vis-à-vis des formations carbonatées encaissantes dont la plasticité, lors des contraintes tectoniques, est en particulier responsable des phénomènes de fluage spectaculaires observés dans les parements des galeries. [Voir la photo 2.] Les ''banc'' supposé de minerai aurait ainsi été tronçonné, boudiné. 

[... En outre, les] petits amas minéralisés de Baldwin et de Lawless se situent dans le prolongement ''stratigraphique'' de celui de Forsyth.»
Guilloux, 1969, p. 187


Photo 3. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Entrée du tunnel. Condamnée par un mur de béton, semble-t-il. Les moustiques ne m'ont pas laissé le loisir d'examiner cette question dans le calme et le recueillement nécessaires. Les photos sont prises à travers la clôture grillagée qui ceint la «piscine».
La densité de moustiques atteint la cinquantaine par pied cube d'air. Ils ne me laissent aucun repos ; mes photos seront floues, mal cadrées et mes observations réduites au minimum.

Photo 4. — Mine Forsyth, Gatineau, 17 juillet 2011.
Berline abandonnée sur le sentier menant à la carrière principale.
Je ne crois pas qu'elle remonte plus loin que l'époque des travaux entrepris à la fin des années cinquante. 

Photo 5. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Mur S de la carrière principale. E à gauche. Probablement du marbre rouillé avec, peut-être, quelques roches calco-silicatées. À vérifier en l'absence de moustiques.

Photo 6. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Mur N de la carrière principale. E à droite. Notez les tiges de fer fichées dans le marbre gris.


Photos 7a et 7b. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Puits, à l'extrémité W de la carrière principale, creusé dans le minerai.
Site de l'arrêt no 2 lors de la visite guidée organisée par Michel Prévost, le 17 juillet 2011.
Il paraît qu'une berline repose au fond de l'eau. Je n'ai fait aucun effort pour vérifier : è pericoloso sporgersi !


Photos 8a et 8b. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Extrémité W de la carrière principale. Muraille de marbre gris.

Photo 9. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Mur S de la carrière principale : mousse orangée.
Son intérêt géologique est nul, mais, du point de vue esthétique, elle est tout à fait réussie.


Photos 10a et 10b. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Clôture de blocs au S de la carrière principale, parallèle avec celle-ci.
Photo 10b : bloc attaché par un câble d'acier : on craignait qu'il se sauve ?

Photo 11. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Fondations d'un bâtiment (coin NE).
Lors de mes visites précédentes, vers 1995, ces vestiges étaient complètement dégagés. Plusieurs des clôtures de broches plantées un peu partout sur le terrain, le long des bords des falaises de la carrière principale par exemple, datent de cette époque, sans que je puisse préciser exactement l'année.


Photo 12a et 12b. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Site de l'arrêt no 1 lors de la visite guidée du 17 juillet 2011 menée par Michel Prévost.
Photo 12a : failles entrecroisées dans le marbre dans la roche calco-silicatée massive ou rubanée («skarn à diopside et scapolite» de la carte de Guilloux, plus bas). (Correction : 8 oct. 2011.)
Photo 12b (à droite de la paroi photographiée en 12a) : roches rubannées : roches calcolisicatés et marbre interlitées. Le rubannement est presque vertical. Le gisement de fer partage à peu près la même attitude : lentille ENE concordante, presque à pic dans le marbre.
Remarque d'ordre général : la présence de roches rouillées n'impliquent nullement la proximité d'un gisement de fer. Rien n'est plus fréquent un peu partout dans la région, suffit d'un peu de pyrite ou de pyrrothine dans la roche... Voyez l'arche de marbre à graphite rouillé du lac Pink, 1,5 km au SW.



MINE FORSYTH : CARTE DE GUILLOUX (1969)
Complément à la légende


Cliquer sur la carte pour l'afficher à sa pleine grandeur.


L'eulysite, en noir massif, est le minerai de fer (magnétite) recherché.
En orangé : mes interventions.
Une version moins gribouillée de la carte se trouve dans le billet qui précède.


Lignes orangées : sentiers (tracé très approximatif) ;
Numéros orangés : se rapportent aux photos de ce billet ; 
placés au mieux de ma connaissance. Quelques remarques :
2 : photo prise dans une des galeries souterraines auxquelles mène le puits.
7* : l'astérsique indique la position approx. du puits.


Références
Guilloux L., 1969 — Étude pétrogénétique et métallogénique du gisement de magnétite de Forsyth et de son enveloppe, Hull, province de Québec, Canada. Thèse de IIIe cycle, Université de Grenoble.
Guilloux L., Blais R.A., Coy-Yll R., 1972 — «L’origine métasédimentaire du gisement de magnétite de Forsyth, Province de Québec, Canada.» Mineralium Deposita, vol. 7, p. 154-179.