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lundi 5 décembre 2022

La caverne Pooley à Ottawa

© Andrew King, Ottawa Rewind

La géologie de la région nous réserve encore des surprises. Témoin cette caverne Pooley en plein centre-ville d'Ottawa. Qui en a entendu parler ? Partant de la cathédrale Christ Church sur le plateau de l'escarpement de la rue Commissionner, elle se jette - ou se jetait - dans un chenal de la rivière des Outaouais sous le pont Pooley, près de la station de pompage de la rue Fleet (au sud du musée de la Guerre). J'ai appris son existence par le site Ottawa Rewind d'Andrew King. Un extrait de son billet, The Legend of Pooley’s Cave (c'est moi qui souligne) :

The “Park of The Provinces” [Jardin des Provinces et des Territoires, rue Wellignton] was built over what was once Brading’s Brewery. And just around the corner from that was a remarkable natural feature of a cavern that stretched east under Sparks Street for apparently more than 200 feet [60 m] all the way to Christ Church Cathedral. This legend originated from the 1800’s and described a “natural wonder” and a room of stalagmites and stalactites that were “beautiful beyond description”. But not a single mention or trace exists today of this incredible underground feature in the heart of the Nation’s Capital. [...] Upon entering the cave, a natural tunnel headed in an easterly direction towards Christ Church Cathedral. Traveling 75 feet [23 m] in a stooped position through the tunnel, it was then said that one had to go on hands and knees for another 40 feet [12 m]. Here, the tunnel widened into a room about 40 feet by 60 feet [18 m x 12 m] where stalagmites and stalactites appeared. Other descriptions mention a running waterfall inside the cave. So, this all sounds pretty cool but where would this be now and would it still possibly be there?

L'ancienne Brading’s Brewery puisait son eau à la caverne et les compagnies de boissons gazeuses Pure Spring et Crush Beverages auraient fait de même jusqu'en 1963, selon Andrew King.

Photo 1. - © Henri Lessard, avril 2014

Toujours selon M. King, les restes de l'intrigante tour érigée sur le trajet présumé de la caverne, au pied de l'escarpement de la rue Commissioner, derrière le parc des Provinces et des Territoires (photo 1), laissent sourdre un bruit d'eau courante (rushing water). L'ouverture de la tour, au sommet, a été bétonnée. 
Elle pourrait faire partie des aménagements qui de puiser l'eau de la caverne. (J'ai pris la photo en avril 2014 sans me douter le moins du monde de la signification possible de cet ouvrage qui m'intriguait.)

Photo 2. - © Henri Lessard, 4 déc. 2022

Mais une station de pompage des eaux usées voisine la tour (édifice cubique sur la photo 2) et des installations d'accès aux égouts se trouve à ses pieds. L'affichette « Sanitary Sewer /Égoût sanitaire » (en vert sur la photo 1) et les relents qui flottent dans l'air chassent les derniers doutes sur la nature du glouglou. Ce n'était pas le chant cristallin d'une eau de source qui s'entendait, mais l'écoulement des eaux usées dans des canalisations... Est-ce que l'on aurait utilisé le boyau que fournissait la caverne et les aménagements de la Brasserie ou de la Pure Spring pour installer les canalisations du quartier ? (Hypothèse personnelle.)

D'autres cavernes

Dans son état original, la caverne Pooley aurait pu faire concurrence à la caverne Laflèche de Wakefield (voir ce billet dans mon blogue) avec sa grande salle de 18 m x 12 m, ses stalagmites et ses stalactites. La caverne Laflèche traverse un marbre précambrien vieux de plus d'un milliard d'années. La caverne Pooley s'est attaqué à un calcaire ordovicien, à moitié plus jeune (444-485 millions d'années). Marbre ou calcaire, c'est le même matériau, le même minéral : la calcite, érodable et soluble.

Le calcaire ordovicien de la région s'avère décidément parcouru de crevasses et semés de vides. En vrac, on peut mentionner la caverne Cardinal dans l'est d'Ottawa, le réseau de couloirs creusés sous le lit de l'Outaouais à Pembrooke (ce billet), le « vide » dans le roc sous l'île Lemieux (ce billet), celui près du barrage des Chaudières (ce billet), sans oublier la caverne de Rockland (ce billet). Je me suis d'ailleurs laissé dire que les travaux de construction du quartier Zibi aux chutes des Chaudières avaient été compliqué par des effondrements causés par des vides insoupçonnés dans le socle rocheux. Et je ne parle pas du légendaire Trou du Diable, toujours aux Chaudières (ce billet).

Il y a quelques années, j'ai été prendre des photos dans le secteur de l'escarpement de la rue Commissioner, sans soupçonner l'existence d'une caverne. Comme elle semble avoir été oblitérée du paysage, j'ai des excuses de ne rien avoir deviné. La caverne Pooley s'ouvrait sur le plateau, près de la cathédrale Christ Church (altitude 72 m), passait apparemment sous l'escarpement et se jetait dans un chenal de l'Outaouais en aval du pont Poorley (44 m), soit une dénivellation de 28 m pour une longueur d'environ 350 255 m.

Murée, effacée, oubliée. Triste sort que celui de de la caverne Pooley... La grande salle et une partie du couloir existent peut-être encore sous terre ? Quand on pense aux dégâts que les générations de curieux ont infligés à la caverne Laflèche, je crois que la Pooley, ou ce qu'il en reste, est peut-être mieux préservée ainsi.

L'âge de la caverne (ajout)

Une note pour terminer. Les stalagmites et ses stalactites ne se forment pas en quelques mois ou quelques années. La caverne Pooley a donc plusieurs siècles (millénaires ?) d'âge. Une eau courante (eau de fonte des glaciers) ou encore l'eau salée de la mer de Champlain n'auraient pas permis la formation de stalactites et de stalagmites. La caverne, dans l'état encore intacte où on l'a décrite au XIXe s., existait depuis au plus 10 000 ans, époque du départ des eaux de la mer de Champlain. Par contre, il est possible que le conduit originel ait été creusé par l'eau de fonte des glaciers de la dernière glaciation il y a 12 000 ans et plus. (Hypothèses personnelles.)

mercredi 24 février 2016

Vide sous le pont Prince-de-Galles, à Ottawa


Mes archives photographiques concernant le pont Prince-de-Galles sont très pauvres. Le voici, vu de la rive gatinoise, le 1er janv. 2011. Le brouillard ne permet pas de se rendre compte de la longueur du pont, 1 km.


À propos des cavernes, passages, trous-du-diable et autres ouvertures, failles et lézardes dans le socle rocheux de la rivière des Outaouais, cette anecdote, rapportée par l'historien Lucien Brault dans l'un de ses ouvrages :

Lors de la construction du pont ferroviaire Prince-de-Galles entre Hull et Ottawa, en 1880, on se rendit compte que le batardeau du pilier no 2, côté d'Ottawa, près de l'île Lemieux, ancré à quelque 2,4 m de profondeur, avait été érigé non sur le lit de la rivière, mais sur une plate-forme rocheuse épaisse de 2,1 m, raccrochée à l'île. Le véritable lit de la rivière se trouvait 3 m sous ce plafond. On plongea explorer la structure jusqu'à une «certaine distance», sans en trouver l'aboutissement. Le problème fut résolu, nous assure M. Brault, qui ne précise pas comment.

On aimerait savoir à quoi correspondait ce vide et connaître les dimensions de cette plate-forme rocheuse suspendue. À cet endroit, la roche ne peut être que le même calcaire ordovicien que celui qui se trouve aux Chaudières (billet du 1er janv. 2013), 700 m au NE, en aval.

On sait que le calcaire sous les chutes des Chaudières est parcouru de passages qui s'ouvrent aux dimensions de cavernes (billet du 28 janv. 2015) ; on connaît les passages, près de Pembroke (billet du 15 janv. 2013), qui totalisent plus de km de couloirs sous la rivières des Outaouais. (Voir aussi le billet du 7 oct. 2013, «Le Trou du Diable : persuasion par compilation».)

Notre rivière ne coule pas sur un lit, mais sur une passoire !


Réf. — Lucien Brault, Les liens entre deux villes : les ponts historiques entre Ottawa et Hull. Coédition Ville de Hull et Ville d'Ottawa, 1989, 52 p.


Le Pont Noir, ou pont Prince-de-Galles : flottage et triage du bois sur l'Outaouais, en amont des chutes de la Chaudière, à Ottawa, vers 1926. Le nord est à droite ; la zone représentée mesure environ 500 m x 650 m. L'île Lemieux est en haut, à droite ; le rivage à gauche est celui des plaines Lebreton, à Ottawa. Collection du CN, Musée des sciences et de la technologie du Canada, no d'image CN000207, SMSTC/Collection CN. http://www.imagescn.technomuses.ca/about/index_f.html

jeudi 2 octobre 2014

Eaux, glaces et cavernes


Saisie d'écran, © Éditions MultiMondes
Eaux, glaces et cavernes
Bernard Lauriol* et Pierre Bertrand**
Éditions MultiMondes, Québec, 2014
* Professeur titulaire en géographie physique à l'Université d'Ottawa
** Photographe et graphiste


Eaux, glaces et cavernes ; un livre magnifique de Bernard Lauriol et Pierre Bertrand ; des photos exceptionnelles, un texte texte précis et accessible.

L'eau tantôt fluide, tantôt solide ; la calcite, soluble dans l'eau... Les auteurs se sont employés à étudier et répertorier les milles et une formes plus ou moins stables que prennent l'une et l'autre à l'entrée des cavernes de la vallée de l'Outaouais. Depuis l'écume gelée, les bulles d'air autogène et exogène, les draperies de glaces (éphémères) et les draperies de calcite (durables) en passant par le lait de lune et les pipkrakes, leurs divers avatars cristallins ou amorphes sont admirablement décrits et illustrés.

On se demande si certains scientifiques ne sont pas avant tout de grands poètes...

Pour ceux à qui une vison grosso modo du monde ne suffit pas et que quelques gros plans de merveilles remplissent d'aise.

Ce livre sublime (puisqu'il y est question de l'eau dans tous ses états...) s'adresse à tous ceux qui s'intéressent à la nature, de l'Outaouais en premier lieu, mais aussi d'ailleurs. Ils se précipiteront se le procurer, bien sûr...


Ce qui suit est tiré du site Internet des Éditions MultiMondes (LIEN).


Saisie d'écran, © Éditions MultiMondes

«Ce livre offre une extraordinaire description de l'eau et des glaces rencontrées à l'entrée des cavernes qui s'ouvrent dans les forêts de l'est du Canada. De remarquables photographies et des commentaires écrits dans un style clair et concis transmettent aux lecteurs une compréhension d'un univers qui fascine par sa beauté et sa diversité.»


Données techniques

Catégorie : Environnement
Parution : 2014-09-01
Format : 23 cm x 28 cm
Pages : 144
Reliure : souple
ISBN : 978-2-89544-476-3
Format papier : 34,95$
Format Pdf : 24,99$


Table des matières

Les cavernes de l'Outaouais
L'écoulement concentré
La condensation
La percolation
Remontées capillaires et mouvements pelliculaires
Conclusion

mercredi 13 mars 2013

«Chasm» ou gouffre de la Chaudière (Ajout)



Hunter (1855). Légende originale : Birds Eye View of Chaudiere Falls : Ottawa River, Canada.
À gauche (sud), la Grande Chaudière, en recul par rapport à l'escarpement de la Petite Chaudière qui occupe la largeur de la gravure, en bas. Les eaux de la Petite Chaudière se buttent, immédiatement au pied de la cataracte, contre une rangée d'îlots. L'un d'eux est visible à droite. Ils occupent une tranchée entre la Petite Chaudière et un escarpement parallèle, en face (premier plan de la gravure). Le chasm, selon l'expression de Hunter (voir citation plus bas), est dans ce couloir. (Saisie d'écran à partir d'une version (très mal) numérisée du livre disponible (pdf) par Google Books.)


Autre témoignage du « canal souterrain » où s'engouffrait (?) une partie des eaux tombées de la chute de la Petite Chaudière (Hull, rivière des Outaouais, Québec).

(Voir le billet du 15 décembre 2012 pour plus d'information.)

Hunter, qui a dessiné les chutes des Chaudières sous plusieurs angles et qui a rédigé le texte du recueil des lithographies qu'il a tirées de ses études, est un témoin oculaire précieux (Hunter, 1855). Il parle de la Lost Chaudiere, du chasm (gouffre, abîme) et d'un subterranean channel.

Tout ceci me paraît corroborer le témoignage de Joseph Bouchette, l'arpenteur bien connu (mon billet du 15 déc. 2012, lien plus haut), qui décrivait un phénomène de « perte » semblable sous la Petite Chaudière et qui parlait aussi d'un passage souterrain par où s'évacuait une partie de l'eau tombée de la Petite Chaudière .

Les first two views du passage qui suit figurent dans le présent billet. La great Kettle est bien entendu la chute de la Grande Chaudière (la version texte est à la fin du billet) :



Hunter (1855), p. 18.
Saisie d'écran à partir d'un pdf disponible par Google Books (lien plus haut).


La position du «chasm» (disons plutôt du gouffre) coïncide avec ce que j'ai appelé «la tranchée des Chaudières» (voir mon billet du premier janvier 2013) qui forme un couloir placé en travers de la rivière des Outaouais.

Ceci est une affaire à suivre.



Hunter (1855). Légende originale : The Chasm. Chaudiere Falls : Ottawa River, Canada.
Le chasm (gouffre) entre la chute de la Petite Chaudière (à gauche) et les berges escarpées des îlots, immédiatement en aval. La continuité des sommets de part et d'autre montre bien que nous sommes en présence d'un plateau découpé par l'érosion. Saisie d'écran à partir d'un pdf disponible par Google Books (lien plus haut).


Ajout

14 mars 2013. – Version texte du passage de Hunter reproduit plus haut :

In the first two views the great "Kettle" [Grande Chaudière] is presented under two aspects; in the succeeding two, there is depicted an extraordinary chasm towards the Lower Canada [Québec] shore, which the Ottawa people call the "Lost Chaudiere [cf. la Petite Chaudière];" strange to say, into this chasm, formed by walls of solid limestone rock, in strata so regular that they almost appear to be the work of art, a volume of water is continually poured, quite equal to that of many a river, which in the old world would be called a large one, and stranger yet, there is no visible way of outlet; the chasm is completely separated from the rest of the Fall, isolated and inclosed by solid rock; the outlet is, of course, by some subterranean channel, but at what point this mysterious passage communicates with the main river, has never been ascertained. This part of the Fall always excites the curiosity of strangers (Hunter, 1855, p. 18).


Référence

  • William S. Hunter (Jr.), Hunter's Ottawa scenery, in the Vicinity of Ottawa City, Canada. Ottawa, Wm. S. Hunter Jr., 1855. (Lithographies J.H. Bufford, Boston.)

samedi 9 mars 2013

Cavernes à Rockland


Marchildon, 1991. 
(J'aimerai savoir quel est ce «fossile» dans le coude d'un corridor...)


Dans mon billet du 15 décembre 2012, «Chaudières : les chutes et la caverne», parlant des cavernes sous l'Outaouais, je signalais qu'il en existait à Rockland, village ontarien situé 30 km à l'est d'Ottawa, sans avoir plus de précisions à transmettre.

Marchildon (1991) donne une courte description de ces grottes rochelandaises. Je ne sais pas si ce sont les «bonnes» cavernes, situées qu'elles sont à l'intérieur des terres, 4 km au SW du village, et non pas sous la rivière*. Le texte est avare de détails, on ne dit pas combien il y en a, seulement que la plus profonde s'enfonce jusqu'à 20 m**.

Qu'elles soient les cavernes (ou grottes) que je cherchais ou pas, le fait est intéressant et mérite d'être mieux connu. J'ai déjà travaillé à Rockland, et jamais je n'avais entendu parler de ces grottes.

Elles logent dans une falaise au pied de laquelle coule le ruisseau Beckett. Il est fort probable qu'elles se sont creusées par dissolution sous l'action de l'eau dans le même calcaire ordovicien (ca 460 millions d'années) qui affleure aussi à Gatineau et Ottawa. Tant que je ne les aurai pas localisées avec exactitude, je ne pourrai pas être plus affirmatif.

*

Un texte plus récent fournit d'autres détails (Gaumond, 2004). On peut en retenir que ces grottes se sont formées à la faveur d'une fissure (joint) NE-SW parallèle à la rivière des Outaouais. Elles se trouvent derrière un petit bois à 4 milles au SW de Rockland***. Rares sont les personnes qui y sont descendues, leur exploration demandant un certain degré d'expertise.

Les grottes sont étagées sur trois niveaux. Le niveau supérieur semble à sec, au niveau intermédiaire, l'eau est présente et il s'est créé «des formes étranges qui glissent le long des murs». C'est à cet endroit que l'on peut apercevoir le fameux fossile, toujours non identifié (voir la Coupe verticale des grottes, plus haut). Au niveau inférieur, l'eau coule «comme une chute».


Gaumond et Marchildon ne citent pas leurs sources, ce qui est un peu irritant.
 

Grotte ou caverne ?

Selon la Société québécoise de spéléologie

«Une grotte se forme à travers les types de roches solubles, principalement le calcaire. L'action de l'eau dissout la roche pour creuser des galleries [sic] souterraines. Une cavité naturelle qui n'est pas formée par la dissolution ne peut être appelée une grotte, elle est simplement une caverne.

Pour le sens commun, il s'agit habituellement d'une structure naturelle, mais le
Dictionnaire de L'Académie française, dans sa première édition (1694) précise qu'elle peut être "naturelle, ou faite par artifice".

Le mot [g]rotte viendrait du mot italien
grotta qui remplace en 1537 le mot croute, lui même issu du latin crupta (crypta) qui a pour origine le mot [g]rec kruptein (cacher, couvrir).

Le mot caverne est synonyme de grotte. Il provient du latin
caverna, qui signifie "cavité, ouverture". D'après le Petit Robert une caverne est une cavité naturelle dans de(s) rocher(s), dans des montagnes, sous terre.»

Bref, si je comprends bien, la grotte de Rockland est bien une grotte, pas une caverne, même si ces deux mots sont synonymes...


* Ce qui nous rappelle le karst d'Orléans, à Ottawa, situé lui aussi à quelque distance de la rivière. Voir mon billet du 15 décembre 2012, lien plus haut.
** Le lecteur pressé peut avoir un peu de difficulté à bien comprendre combien il y a de grottes. On peut interpréter les textes et la coupe en concluant qu'il y en a
une, mais à trois niveaux.
*** Les 4 milles de Gaumond et les 4 km de Marchildon sont difficiles à concilier.



Références

  • Pierre Gaumond, «La Grotte de Rockland». BBDA, 2004, http://www.bdaa.ca/histoire/639
  • Daniel Marchildon, Rockland. Coll. «Toute une histoire !», Ottawa, Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques et Centre FORA, 1991, 52 pages. (Le contenu du livre est disponible aussi en ligne ici.)


Ajout

10 mars 2013. – Le site de la grotte doit se trouver dans l'escarpement NNW qui longe le ruisseau Beckett et le chemin du même nom, 6 km du SW du centre du village de Rockland. Le plateau au sommet de la falaise est occupé par un boisé.

Un second escarpement parallèle, moins d'un km à l'est du premier, marque la limite occidentale du Beckett's Creek Bird Sanctuary (pas de nom français).

Voir, tout à la fin du billet, le lien «Pays/Territoire». (Le repère est placé à un point arbitraire.)


samedi 2 février 2013

Une caverne, ou deux, ou trois..., près d'ici




Rockwatching est un blogue consacré aux cavernes de l'Ontario et même un peu plus, si l'on se fie à sa devise : «My blog is on travel and all things rock related.» Tout pour nous plaire, quoi. Il est tenu par Michael Gordon qui a publié un livre* dont je vous ai déjà glissé un mot ou deux.

Géologiquement, nous ne serons pas dépaysés, l'auteur explorant des formations (les calcaires de la plate-forme du Saint-Laurent et les marbre de la province de Grenville – voir mon billet «Histoire géologique de l'Outaouais») qui forment l'essentiel de notre région.

Le livre et le blogue valent le détour.


* Le livre en question :
  • Michael Gordon, Rock watching: Adventures above & below Ontario. The Boston Mills Press, 2005, 192 pages, ISBN 9781550464498
(Un autre livre est paru en 2012 : Caving in Ontario; Exploring Buried Karst. Voir le blogue de Gordon pour plus de détail.)

    mardi 15 janvier 2013

    Cavernes de Pembroke


    © Google
    Île aux Allumettes, rivière des Outaouais, 
    en amont (à l'ouest) de la péninsule dont il est question plus bas.


    Les cavernes sous la rivières des Outaouais, du moins celles de la région de Pembroke, refont brièvement surface, si la chose est possible, le temps de présenter trois liens qui nous laisseront un peu moins ignorants sur la question. (Voir mon billet du 15 décembre 2012.)


    1. Référence à un article de Sawatzky dans le CGRG Bibliography of Canadian Geomorphology

    Résumé
    «Ottawa River Caves with over 4 km of passages. The caves lies under a large peninsula* on the prov. Ontario, under several islands, and under the Ottawa River within the prov. Quebec. There are two major sinks and at least five major resurgences. The exploration and survey techniques are discussed.»

    Sawatzky, D., «Canada's longest cave dive, Ottawa River Cave», Cave Diving Magazine, no 3, 1991, 18-23.

    * La «large peninsula» est la pointe de terre que doit contourner l'Outaouais en aval de l'île aux Allumettes.Voir la carte plus haut.


    2. Description des cavernes (pdf) par le Dr Allan Donaldson, de l'Université Carleton (Ottawa).
    Publiée par l'Ottawa River Heritage Designation Project (organisme qui met en ligne des documents très intéressants, et qui œuvre pour la désignation de la rivière des Outaouais parmi le Réseau des rivières du patrimoine canadien. La version française des documents est cependant moins complète que l'anglaise).

    «Caves of Wonder!
    The Ottawa River’s Underwater Caves

    In the township of Westmeath, just south of Allumette Island, lies an extensive series of caves that may well form Canada’s largest cave diving system. Located under a large peninsula on the Ontario side of the river, under several large islands in the centre of the river belonging to Quebec, and underthe river bed itself, this network includes over 4 kilometres of twisting passages (Sawatsky 6).

    In this region, the Ottawa River is running over a bed of horizontally bedded limestone [calcaire Ordovicien] in which the caves are developing. The river generally runs in a NW/SE direction, but has, in this region, taken an “S” shaped turn to circumvent a large peninsula on the Ontario side. The peninsula is relatively flat, and about 1 to 4 metres above the normal river level. However, when the water level is high, half of the peninsula over the caves is submerged. Some of the water then flows under the peninsula along the fault lines and bedding planes in the limestones. It is this process that continues to form this complex series of caves (Sawatsky 1*) (p. 149).»

    * Voici la référence à Sawatsky (décidément indispensable) dans la bibliographie du document :
    • Sawatsky, David. “Ottawa River Caves”. Canadian Caver. (1990).


    3. Interview de Sawatsky (l'incontournable !) dans SCUBA SCOOP, reprise du Ottawa Citizen (par Kathy Dowsett)

    «The Ottawa River caves are relatively accessible by the challenging standards of Canadian caves, and clustered just downstream of Pembroke. They are the longest known underwater caves in Canada, with passages varying from one to 38 metres in width. The caves formed in the weak areas between layers of limestone, so in some places the passages are stacked on two levels like a parking garage. No vegetation grows in the winding tunnels, but the clams, crayfish and sturgeon that live in the river also occupy the caves, making the cave entrances near the surface popular fishing holes*.

    [...]

    When the silt on the bottom of the caves gets stirred up, a diver can only be seen by the occasional flashes of light on his equipment, making him look like a tasty minnow to the large fish trawling the area. When they dart in for what they hope will be dinner, it can be incredibly dangerous for a diver clinging to the nylon rope that will get him back to the surface. A school of pike gave Dr. Sawatzky some scary moments during one zero-visibility dive in an Ottawa River cave.

    "There are some fairly aggressive fish in the Ottawa River, and they're in the caves as well. It's like being punched. Some of the larger fish hit very hard, so I got punched a few times by fish. When one hit my hand, I didn't let go" of his rope " -- I sort of expected it might be coming."»


    * Ce qui nous ramène à notre «histoire de pêche» (Edgar, 1898 ; billet du 15 décembre 2012, voir le premier des «ajouts»).


    samedi 15 décembre 2012

    Chaudières : les chutes et la caverne (ajouts + ajouts)


    © Google Earth
    Perle de la nature dans son écrin industriel. — Où ça, de l'ironie ?...
    Chutes des Chaudières, à Gatineau (Québec). Le niveau de l'eau est très bas et les chutes n'ont rien
    de spectaculaire. À droite, le pont des Chaudières, seul endroit d'où les chutes sont visibles, et encore,
    du mauvais côté de la chaussée. (Voir billet précédent.)


    Où mieux cacher une caverne que sous terre ? Ben, sous terre et sous l'eau, tout simplement.

    Parce qu'il existe des cavernes dans l'Outaouais. Pas en Outaouais, mais bien dans l'Outaouais – la rivière, pas la région. (Ou dans ses affluents.)

    Histoire d'être clair, je précise que je ne fais pas allusion ici à la bien famée (et en péril) caverne Laflèche, de toute façon loin à l'intérieur des terres, ni aux non moins fameuses cavernes de la rivière Bonnechère, affluent de l'Outaouais (Eganville, Ontario).

    Commençons par les cavernes de l'île des Allumettes (lien, et lien), à l'ouest de Fort-Coulonge. [Voir également mon billet du 15 janvier 2013.]

    Pensez, un treillis de couloirs creusé dans le lit calcaire de l'Outaouais, de multiples résurgences. Il y a la Three Island Cave (longueur : 6560 m) et la caverne Gervais (3910 m). Tout ça loge incognito, ou presque, sous notre nez. La documentation sur ce réseau souterrain existe, mais elle est difficile d'accès.

    Notez que ces cavernes sont extrêmement dangereuses, même les plongeurs expérimentés sont invités à aller agiter leurs palmes ailleurs. Ça explique peut-être, dans ce cas, la discrétion de ceux qui savent. [Voir «Ajout», à la fin du billet.]

    Autre exemple, les chutes des Chaudières à Gatineau (Hull), presque en face du Parlement d'Ottawa, dans un environnement urbanisé depuis le XIXe siècle. Plusieurs descriptions témoignent de la présence d'une caverne sous les chutes, qui absorberait une partie des eaux de la catatacte. (Voir mon billet «Pot-de-fleurs aux Chaudières».)

    La meilleure description des chutes est celle de Joseph Bouchette (1832), le célèbre arpenteur. Son métier l'inclinait à la précision et à la juste mesure dans le choix des mots et dans l'expression («Ottawa» : rivière des Outaouais) :

    «Above the falls the river is about 500 yards [455 m] wide, and its scenery is agreeably embellished by small grove-clad islets, rising here and there amidst the waters as they gently ripple by or rush on with more or less violence, to the vortex of the Great and Little Chaudière. The bed of the river is composed of horizontal strata of limestone, and the chute is produced by its deep and sudden subsidence, forming broken, irregular, and extraordinary chasms, one of which is called the Great, and the other, the Little Kettle or Chaudière. The former derives its name from its semicircular form and the volume of water it involves; but the latter bears no similitude to justify its appellation, the waters being precipitated into a broad, elongated, and straight fissure, extending in an oblique position north-west of the Great Kettle, and being thus strikingly contrasted with it.

    The principal falls are 60 feet [18 m] high, and their width is measured by a chord of 212 feet [65 m]. They are situated near the centre of the river, and attract by their forcible indraught a considerable proportion of the waters, which, strongly compressed by the circular shape of the rock that forms the boiling recipient, descend in heavy torrents, struggling violently to escape, and rising in spay-clouds which constantly conceal the lower half of the falls, and ascend at irregular intervals in revolving columns much above the summit of the cataract.

    The Little Chaudière may without much difficulty be approached from the Lower Canada shore, and the spectator, standing on a level with the top of the fall and on the brink of the yawning gap into which the floods are headlong plunged, surveys the whole length of chute and the depths of a cavern. A considerable portion of the waters of the falls necessarily escapes subterraneously after their precipitation, as much greater volume is impelled over the rock than finds a visible issue. Indeed this fact is not peculiar to the Little Chaudière, but is one of those curious characters of this part of the Ottawa of which other singular instances are observed; the waters in various places being swallowed by deep but narrow rents and fissures, leaving their natural bed almost dry, to dash on through some subterranean passage that defies the search of the explorer.» (Cité dans : Francine Brousseau, Historique du nouvel emplacement du Musée national de l'Homme à Hull*, Musée nationaux du  Canada, coll. Mercure, Histoire no 38, Ottawa, 1984, p. 11 et 15 ; c'est moi qui ai engraissé des passages.) [17 févr. 2013 : j'ai rétabli quelques coquilles d'après un pdf du texte original : J. Bouchette, The British Dominions in North America [...], p. 191-192.]
    * Nom, à l'époque, du Musée canadien des civilisations (Musée canadien de l’histoire) ; Hull fait partie à présent de Gatineau.

    Déjà que les chutes des Chaudières, qu'on a trouvé le moyen de rendre pratiquement invisibles depuis toutes les rives de l'Outaouais, sont des chutes occultées, sinon occultes (voir mon précédent billet), voici qu'on apprend qu'il y a un second secret, sous les eaux...

    Bouchette affirme que l'eau, à plusieurs endroits de la rivière, disparaît, engloutie par des failles (ou diaclases), laissant le lit presque à sec. Est-ce que quelqu'un pourrait avoir l'amabilité de m'en apprendre sur ce phénomène, sans équivalent (?) aujourd'hui ? La construction de barrages a-t-elle modifié à ce point le caractère de l'Outaouais ?

    Voir mon billet du 13 mars 2013 pour découvrir le témoignage de Hunter (1855) qui corrobore celui de Bouchette.


    Oui, n'empêche qu'aujourd'hui, il ne reste plus rien à découvrir le long de l'Outaouais, me direz-vous.

    Que penser alors du karst* du ruisseau Cardinal, à Orléans, quartier est d'Ottawa. On l'a découverte seulement en 1991.

    * Karst, n.m. – «Région de formation calcaire caractérisée par la prépondérance du drainage souterrain et par le développement d'une topographie originale due à la corrosion de la roche (grottes, gouffres, résurgences, etc.).»

    Toutes ces cavernes sont situées dans un calcaire datant du Paléozoïque (Ordovicien, 488-444 Ma) – ce doit être le cas aussi des «failles» de Bouchette, mais en l'absence de plus amples précisions, je ne peux rien affirmer – roche sujette aux phénomènes karstiques. (La caverne Laflèche est dans un marbre grenvillien ; un marbre étant un calcaire recristallisé, il est, comme cette roche, sujet à karstification.)

    La naissance de la caverne Laflèche remonte à l'époque où les glaces occupaient encore le territoire et son développement se serait poursuivit après leur départ. Les cavernes de l'île aux Allumettes ont été creusées par les eaux sous glaciaires (Schroeder, 2004) tandis que celles de la rivière Bonnechère se seraient formées après les glaciations (Ford, 1961)


    Les chutes des Chaudières à sec, ou presque (ca 1867*).
    À l'arrière-plan, au nord, Hull (Gatineau).
    William James Topley / Bibliothèque et Archives Canada, PA-027949.
    * 1870, plutôt ? Voir la section «Les chutes à sec», plus bas.


    AJOUT (16 décembre 2012).   Il suffit de mettre en ligne un bilet à moitié cuit comme celui-ci pour se rendre compte le lendemain que la documentation ne manquait pas, qu'on l'avait sous la main, mais qu'on ne l'avait tout simplement pas lue.

    Gordon (2005, p. 23-29) parle (brièvement) des cavernes de l'île des Allumettes, mais sans les situer ni les nommer. Leur découverte remonterait aux années 1970.

    Je résume ici son déjà court texte :

    Le réseau des couloirs s'étend sur plus de 11 km et certains passages atteignent 30 m de large. La boue obstrue peu ou prou beaucoup d'entre eux et il n'est jamais assuré que le passage que l'on se dégage en progressant ne se refermera pas derrière soi. Le courant, très fort par endroit, oblige les plongeurs, comme les alpinistes, à se lier en cordée. Les conséquence d'une rupture de câble sont fâcheuses. «To break free of this tether would have meant a cold and terrifying death in the inky blackness beneath the riverbed (p. 25)

    Tout pour rassurer les plongeurs timorés...

    Cinquante tonnes de billes de bois qui bloquaient un accès furent retirées durant une fin de semaine.

    En fait, plusieurs cavernes auraient déjà été repérées le long de l'Outaouais ; à Buckham's Bay (Ottawa), près d'Orléans (notre karst du ruisseau Cardinal ?), de Rockland et du canton de Plantagenet. Et le gros des découvertes serait à venir !

    Les pages que consacre Gordon à ces cavernes ne sont signalée ni dans la table des matières ni dans l'index de son livre. Ce qui explique en partie qu'elles sont passées inaperçues, tout comme les cavernes qu'elles évoquent plus qu'elles ne les décrivent, d'ailleurs.

    Un ami se demande s'il n'existe pas une «omerta de la spéléo». Je commence à le croire. Si c'est pas volonté de tenir les curieux loin de sites dangereux et/ou fragiles, on comprend.


    AJOUTS (20-21 et 23 décembre 2012). — Je sens que la crédibilité de mon blogue va en prendre un coup. J'en suis à piocher dans les histoires de pêche :

    «A few hundred feet east of the Great Chaudière, a portion of the waters of the Ottawa falls into a weird and mysterious chasm in the rock, known as the ''Devil's Hole.'' One marvel connected with the place is the popular belief that it is a bottomless pit, and another is the fact that anything thrown into the hole disappears, or only appears again two miles [3,2 km] down the river, where there is an intermittent upheaval of the waters near the mouth of the Gatineau. An old resident has told the writer that he remembers boys fishing in the hole with 180 feet [55 m] of line and sinkers two pounds [4,4 kg] in weight, and catching huge channel catfish. He also stated that when the mills were being built at this point, a horse and cart fell into the hole and disappeared. The cart was thrown up at the usual outlet down the river, but the poor horse was never seen again - the theory being that the catfish were too many for him. The mills have profanely crowded over the edge of the Devil's Hole, and the subterranean outlet has probably been almost closed by the broken fragments of rock and debris thrown in from the blasting out of artificial channels. Yet any passer-by can still look down from the roadway on the Hull side of the bridge [pont des Chaudières], and see the waters foaming far below in the mysterious depths where the Indians believed an evil spirit dwelt (J.D. Edgar, 1898, p. 6-8)


    Pour le «Devil's Hole», ou trou du Diable, voir plus bas, ainsi que mon billet du 27 décembre 2012 (dernière image).

    Les chutes à sec
    Selon Boutet (1971), il est arrivée plusieurs fois que le niveau de la rivière soit assez bas pour que les chutes se rerouvent à sec, ou presque (photo ci-haut). Le fait se serait produit en 1870 (voir photos de W.J. Topley) et 1882.

    «Depuis le début du siècle [le XXe s.], on a pu traverser à pied sec sur la crête de la chute en quatre circonstances au moins, en 1900 [sic], en 1906, en 1908 et en 1909 (Boutet, p. 51)

    L'historien Pierre-Louis Lapointe a, en quelques lignes, très bien résumé les diverses descriptions qu'on nous a laissées des chutes des Chaudières. Il parle du «passage souterrain» comme d'une évidence avérée :

    «Car il s'agit bien de trois chutes d'eau; la Grande Chaudière, la Petite Chaudière et le trou du Diable, surtout, dont les eaux, emprisonnées dans un repli escarpé de la rivière, tournent sans fin, tourbillonnant et entraînant comme dans un entonnoir tout ce qui a le malheur d'être aspiré par son siphon. Un passage souterrain évacue ces eaux, qui surgissent plus loin, en aval, au fond de la rivière (Lapointe, p. 38)

    Ce court texte m'a réconforté, moi qui avait l'impression de m'être lancé dans une version inédite de la chasse au monstre du Loch Ness. Lapointe et Bouchette n'étant pas des gens à prendre des Nessies pour des lanternes, je vais persévérer avec un peu plus d'espoir dans mes recherches.

    À défaut d'une longue description, un simple plan avec, si c'est pas trop exiger, des vues en coupe et en plan, suffirait à mon bonheur. Il existe bien des cartes et des reproductions (aquarelles, gravures, etc.) des chutes datant du XIXe s., mais elles ne décrivent rien ; les descriptions de l'époque, quant à elles, ne sont jamais accompagnées d'illustrations, du moins bien légendées, de sorte qu'il subsiste toujours un soupçon de flou dans ces témoignages écrits et visuels. 

    À suivre, donc.

    (Tous ces ajouts, en plus de donner un aspect disparate à ce billet, l'ont étiré au delà du raisonnable. C'est l'inconvénient d'un blogue : multiplier les billets sur un sujet disperse les renseignements, gaver un billet déjà rédiger d'ajouts successifs oblige le lecteur à dérouler un papyrus virtuel de plusieurs mètres de long pour arriver au fin mot de l'histoire...)


    Les chutes des Chaudières, par saison sèche (années 1870*). Les personnages sont 
    sur l'une des îles qui forment une sorte de muraille au pied des chutes : voir ces îles 
    à sec tandis que les chutes bouillonnent à gros bouillons n'a rien d'extraordinaire.
    William James Topley / Bibliothèque et Archives Canada, PA-012523
    * Ou plutôt 1870 exactement ? Voir texte plus haut.


    RÉFÉRENCES
    • Edgar Boutet, Le bon vieux temps à Hull : Tome I. Éditions Gauvin (édité par la Société historique de l'Ouest du Québec), Hull, 1971, 170 p.
    • J.D. Edgar, The Story of... Canada & its Capital. Morang & Co. Limited, Toronto, 1898, 217 p.
    • Michael Gordon, Rock watching: Adventures above & below Ontario. The Boston Mills Press, 2005, 192 pages, ISBN 9781550464498
    • Derek C. Ford, «The Bonnechere Caves, Renfrew County, Ontario: A Note». Canadian Geographer, vol. 3, 1961, p. 22-25.
    • Pierre-Louis Lapointe, L'île de Hull : une promenade dans le temps. Coll. «100 ans noir sur blanc», Les Éditions GID, 2004, 206 p.
    • Jacques Schroeder, «Les cavernes : un patrimoine gravé par le temps», in : G. Prichonnet et M.A. Bouchard, Actes du premier colloque du Patrimoine géologique du Québec, Montréal, 8-9 septembre 2000, 2004, MB 2004-05, MRNFQ.
    • Schroeder Jacques et Desmarais Luc, «Morphologie et sédiments de la plus grande grotte du Bouclier canadien : la Caverne Laflèche, Québec», Ann. Soc. Geol. Belg., vol. 111 (1988), fascicule 1 (Sédimentologie karstique) : 173-182.

    mercredi 5 décembre 2012

    Pot-de-fleurs aux Chaudières


    Mise en page revue le 31 mai 2020. Menues retouches au texte.



    Chaudière Falls, Philemon Wright's on the Ottawa, John Elliott Woolford, 1821 ; 14,9 x 23,8 cm, aquarelle [...] ; Musée des Beaux-Arts du Canada, no 23440 (lien). Un pot-de-fleurs, couronné de végétation, subsiste, tout droit à l'aplomb en aval des chutes.


    Ce billet a une suite qui nuance certaines affirmations.

    Il semble qu’il existait au début du XIXe siècle un pot-de-fleurs sur la rivière des Outaouais, en aval des chutes des Chaudières, entre les actuelles villes d’Ottawa et de Gatineau.

    Pot-de-fleurs : pilier résiduel résultant du démantèlement d’une formation rocheuse par l’action érosive de l’eau et des vagues. Souvent, la végétation prend racine à leur sommet, d’où ce surnom. Les monolithes bien connus du parc national de l'Archipel-de-Mingan, au Québec, sont des sortes de pots-de-fleurs, la plupart chauves. (Voir aussi la Flowerpot Island, dans la Baie Georgienne, en Ontario.) Pour la justesse de ce terme dans ce contexte, voir aussi les commentaires à la fin du billets.

    C’est en cherchant de vieilles représentations de la région de l'Outaouais dans Internet que j'ai découvert la thèse de Louise Nathalie Boucher, Interculturalité et esprit du lieu : les paysages artialisés des chutes des Chaudières (Univ. d'Ottawa, 2012), document qui m'a mené à une seconde découverte, celle de notre pot-de-fleurs local. Il apparaît sur deux aquarelles de John E. Woolford, réalisées en 1821 (Boucher, fig. 4 et 19, pages 44 et 89 ; l'une d'elles est reproduite au début de ce billet.)

    Cette potiche fleurie a dû s'écrouler très tôt après l'exécution des aquarelles, puisqu'il semble n'en exister aucun autre témoignage, du moins à ma connaissance, pas même pour en rappeler l'existence. [Voir le billet du 8 juin 2014.]

    Les chutes, hier...

    « [...] Il y a quantité de petites îles qui ne sont que rochers âpres & difficiles [...] L'eau tombe à un endroit d'une telle impétuosité sur un rocher, qu'il s'y est encavé par succession de temps un large & profond bassin : si bien que l'eau courant là dedans circulairement, & au milieu y faisant de gros bouillons, a fait que les Sauvages l'appellent Asticou, qui veut dire chaudière [Le saut de la Chaudière]. Cette chute d'eau mène un tel bruit [...] qu'on l'entend de plus de deux lieues. Les Sauvages passant par là, font une cérémonie [...] » (Tiré des Voyages [...] de Champlain, 1613.)
    « Le point le plus historique de l’Ottawa [de l’Outaouais] est sans doute la chute de la Chaudière. [...]
    Le premier saut se nomme la grande Chaudière d’après la forme de l’endroit où l’eau se précipite. Juste au-dessus de celle-ci, l’eau se contracte dans une passe étroite et le courant devient très rapide. Plusieurs îles obstruent le passage et la rivière prend une apparence formidable, l’eau bondissant de rocher en rocher après avoir passé par-dessus un mur de roc qui semble fermer la rivière à cet endroit. La plus grande partie de l’eau passe et tombe d’un rocher, qui a la forme de deux tiers de cercle, dans un gouffre qui a plus de trois cents pieds [90 m] de profondeur. À l’extrémité nord se trouve comme une caverne (1) formée dans le roc du rivage et nommée petite Chaudière ou trou du diable ; l’eau y coule dans un souterrain pour sortir plus loin dans la rivière. Du côté sud s’écoule un peu d’eau par le Chenal perdu. Aujourd’hui les usines qui y sont construites de chaque côté masquent et défigurent la beauté de cette chute si vantée par les anciens voyageurs (2). » (Lucien Brault, Ottawa : capitale du Canada de son origine à nos jours. Les Éditions de l’Université d’Ottawa, Ottawa, 1942, p. 32-33.)
    (1) Cette intrigante caverne, signalée encore dans un autre témoignage qui suit immédiatement, n’a jamais été décrite, à ce que je sache.
    (2) La rive ontarienne a été aménagée depuis la parution de ce texte, sans rendre les chutes mieux visibles.

    « ‘‘À la fonte des neiges [relate Henry (3)] ou au cours des périodes de pluie, un remous, une accumulation d’écume, à un endroit particulier du gouffre, m’ont fait soupçonner l’existence, dans le fond, d’une ouverture par laquelle l’eau se fraie un passage souterrain.’’ Ce passage souterrain où l’eau s’engouffrerait pour retourner à l’Outaouais un peu plus bas, en a intrigué plus d’un. Un homme y aurait même été englouti pour en ressortir vivant et raconter son aventure (4).
    Henry attribue le nom de chaudière à la poussière d’eau qui se dégage de la chute sous forme de nuage, comme la vapeur d’une bouilloire. ‘‘Son nom est motivé par le brouillard, la vapeur, qui s’en dégage,’’ dit-il. Il appelle la chute ‘‘the great kettle’’, littéralement la grosse bouilloire, le gros chaudron. C’est d’ailleurs ce que voulait dire le nom indien d’Asticou, que Champlain n’a fait que traduire quand, s’arrêtant à cet endroit, il lui a donné le nom de Chaudière.
    Le chevalier de Troyes [en 1686] nous fournit une autre explication de ce toponyme. Il faudrait l’attribuer, selon lui, à la présence d’un trou en forme de chaudière qui se serait creusé avec le temps sous l’action de l’eau tombant sur les rochers(5). Citons ce passage du journal de l’expédition à la baie d’Hudson : ‘‘… portage de la Chaudière que les voyageurs ont ainsi nommé, parce qu’une partie de la rivière qui tombe parmi une confusion affreuse de rochers, se jette dans un trou d’une de ces roches faite en forme de chaudière dont l’eau s’écoule par dessus.’’ » (Guillaume Dunn, Les forts de l'Outaouais. Éditions du Jour, Montréal, 1975, p. 76-77.)
    (3) Alexander Henry, Travels and Adventures in Canada and the Indian Territories between the Years 1760 and 1776, cité par Dunn.
    (4) Revoici cette caverne, toujours aussi énigmatique. On sait qu’il existe des cavernes dans le lit de l’Outaouais, beaucoup plus en amont, près de l'île aux Allumettes, dont la formation remonterait à la dernière glaciation. À propos de celle des chutes des Chaudières, on en dit pas grand mot : la région est pleine de ces choses à peine décrites que déjà oubliées... [Voir le billet du 15 décembre 2012 à propos de ces cavernes.] Quant à l'anecdote de l'homme rescapé de son passage dans la caverne, sorte de Jonas après la lettre, qu'il me soit permis d'exprimer mes doutes...
    (5) S'agirait-il d'une... marmite ? [Voir mon billet sur la marmite des Allumettières.]

    ... et aujourd'hui

    Harnachées, environnées par des installations industrielles vétustes, les chutes sont peu visibles, de la rive gauche comme de la rive droite de l'Outaouais. L'hémicycle formé par le barrage en ferme la vue depuis l'amont et les côtés ; en aval, une vue platement frontale est possible entre des poutres d'acier, depuis le pont des Chaudières, lieu peu propice à l'observation. [Voir le billet du 9 décembre 2012, « Invisible nombril ».]

    Les chutes des Chaudières, autrefois splendides, aujourd'hui domptées et cachées...

    Un peu de géologie cassante

    Une faille d’importance régionale, la faille Hull-Gloucester, coupe les calcaires ordoviciens env. 1 km en amont des chutes des Chaudières, du NW vers le SE. Tout le secteur est d'ailleurs traversé par des failles secondaires, d'orientation diverses. Aucune cependant ne semble expliquer la dénivellation des chutes des Chaudières, ni le « profond bassin » décrit par Champlain.



    Carte : Wilson, A E, 1938, Ottawa Sheet, East Half, Carleton and Hull Counties, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, Carte 413A, 1 feuille (1/,63 360) doi:10.4095/107511.
    Géologie d'une partie de la ville de Hull (aujourd'hui Gatineau), au Québec, et d'Ottawa, en Ontario.
    Les couleurs et les nombres renvoient aux différentes variétés de roches sédimentaires du Paléozoïque (calcaire, shales, grès) qu'il est inutile de détailler ici. Les minces lignes ondulées représentent des failles. La plus importante, la faille Hull-Gloucester, traverse le secteur du NW vers le SE à l'extrémité ouest de la carte ; elle passe entre les « Little Chaudière Falls » et les « Chaudière Falls » (en haut, à gauche) et du lac Dow (en bas, au centre). L'astérisque noir est placé au pied de la Colline du Parlement, près des écluses du Canal Rideau. Faut-il préciser que la rivière en haut est la rivière des Outaouais et que le courant s'écoule de la gauche vers la droite ?...



    ...
    © Google Map 

    La carte de Wilson (1938) et une vue moderne, par satellite, du secteur des chutes des Chaudières.
    GC : Grande Chaudièere, sous le barrage en hémicycle ; PC : pont des Chaudières. La construction du pont Union (nom originel) a probablement causé la perte du pot-de-fleurs. Voir le billet du 8 juin 2014.


    [Ajout, 19 déc. 2012 : le rôle de ces failles est à revoir dans un contexte plus large. Affaire à suivre... En attendant, voir mon billet du 19 décembre sur l'origine des Chutes.]

    On sait que l’Outaouais, dans le secteur des Chaudières, coule sur un lit « tout neuf », inauguré après que les grandes glaciations soient venues perturber le paysage. L’actuelle rivière a commencé à tracer son chemin dans l’argile de la mer de Champlain il y a 10 000 ans et s’écoule par endroits directement sur un socle rocheux dénudé, mal adapté à l’écoulement paisible des eaux. D’où de multiples rapides et les chutes des Chaudières.

    Pour terminer, la terminologie...

    On pourrait chicaner à propos de l'appellation pot-de-fleurs que je donne au pilier de calcaire représenté au centre de l'aquarelle de Woolford. Peut-être n'est ce qu'un trognon d'île, mais aucun lexique géomorphologie ne relève cette expression...

    À ma connaissance, les aquarelles de Woolford reproduite dans Boucher (2012) sont les plus anciennes représentations des chutes des Chaudières qui existent (affirmation à vérifier) et aucune de celles qui lui sont postérieures (toujours à ma connaissance) ne montre ce pot-de-fleurs solitaire. Les quelques recherches que j'ai faites pour trouver d'autres représentations de cette formation et, ainsi, pouvoir mieux estimer l'époque de sa disparition. n'ont rien donné. Affaire à suivre... [Voir le billet du 8 juin 2014.]

    AJOUT (6 décembre 2012). – Roger Latour, de Flora Urbana, s'est permis (quelle audace) de « laver » l'aquarelle de Woolford, pourtant propriété de Sa Gracieuse Majesté et entreposée dans son Musée des Beaux-Arts. Le résultat, comparé à ce qu'une octogénaire espagnole a fait à la figure du Christ, est plein de respect et d'un professionalisme indéniable !



    Woolford (1821), revu par Latour (2012).



    Henry DuVernet, Vue du moulin et de la taverne de Philemon Wright aux chutes des Chaudières, à Hull, sur la rivière des Outaouais, Bas-Canada, 1823. (Bibliothèque et Archives Canada, 1989-402-1) Le bâtiment au clocheton sur le toit est visible à l'arrière-plan de l'aquarelle de Woolford. [Voir, dans les Commentaires, la précision apportée par Louise N. Boucher.]

    samedi 23 juin 2012

    Cavernes et glaces


    Photo © Jean-Louis Courteau, 2012. Entrée de la caverne de Morin-Heights.


    Jean-Louis Courteau découvre des cavernes. (Bon, il ne fait pas que ça. Il est aussi peintre et photographe, il écrit (lien) et fait de la plongée sous-marine (lien), parle à l'oreille des requins (lien). Mais je m'en voudrais d'insister sur ces à-côtés de peur de déprimer mes lecteurs, déjà rares en nombres et qui se sentiraient aussi du coup bien rares en talents. Sans compter les atteintes à mon propre moral ! Retournons donc à la motivation géologique qui a conduit à la rédaction de ce billet.)

    Comme je le disais, monsieur Courteau, entre autres, découvre des cavernes. Celle-ci par exemple (lien), près de Morin-Heights. (Claustrophobes et arachnophobes s'abstenir.)

    Il s'agirait ici d'une (re)découverte, la caverne étant probablement déjà connue. Elle a été creusée dans un marbre semé d'inclusions résistantes à l'érosion. C'est une caverne active, c'est-à-dire que l'eau y circule toujours.

    La photo au début du billet montre la perte (l'endroit où un cours d'eau s'engouffre dans la caverne) ; la résurgence, l'endroit où l'eau reparaît à l'air libre, «se trouve en bas de la montagne», dixit monsieur Courteau. Voyez l'opportunisme propre à l'eau qui cherche toujours la pente la plus facile. Quelle montagne me direz-vous ? Là, vous m'en demandez trop. Adressez-vous à l'inventeur (c.-à-d. le découvreur) de la caverne qui se montre plutôt avare en précisions topographiques... 


    Photo © Jean-Louis Courteau, 2012. Caverne de Morin-Heights : le plafond est semé d'inclusions résistantes à l'érosion ; l'eau dissout le marbre, révélant peu à peu les «grumeaux» (granite, gneiss ou quartzite) plus tenances. 


    La photo précédente nous montre, en confiné et sous un toit, l'équivalent de ce qui se passe à l'air libre sur les rives de la Gatineau (voir ces billets dans le présent blogue : lien général et lien vers un billet particulier) : l'eau dissout le calcaire cristallin (marbre), laissant les enclaves plus dures dont la roche est semée surgir peu à peu et se détacher (photo suivante).


    Marbre semé d'inclusions que l'érosion par l'eau courante met au jour et libère peu à peu (clapier). Île Marguerite à Gatineau. Photo © Henri Lessard, juin 2010.


    La caverne de Morin-Heights a quelque chose en commun avec la chapelle Sixtine : le meilleur est au plafond. Celui de la caverne a été ouvragé (ça se dit ?) par le clapotis (hypothèse personnelle). L'eau qui doit donc, à l'occasion, atteindre un niveau plus élevé et peut-être, de courts moments, remplir le conduit en entier.


    Photo © Jean-Louis Courteau, 2012. Caverne de Morin-Heights : vue du plafond en marbre ouvragé.


    Gatineau et Morin-Heights : naissance au frais
    À Morin-Heights comme dans la région de Gatineau, c'est le même marbre grenvillien, vieux de plus d'un milliard d'années, que l'on rencontre (Géolo-chronologie). La caverne de Morin-Heights ne doit pas dépasser en âge la caverne Laflèche, au nord de Gatineau, la plus grande du Bouclier canadien, dont le développement remonterait à environ 25 000 ans – ce qui signifie qu'elles seraient nées toutes deux «au frais», sous la glace, durant la dernière glaciation (lien vers article sur la caverne Laflèche), par l'action d'eaux circulant à la base du glacier qui recouvrait le continent (inlandis).*


    * NOTE, ETC.
    Voir aussi, à propos de la caverne Laflèche et de l'origine de certaines autres cavernes du Québec, ce document :
    • Jacques Schroeder, «Les cavernes : un patrimoine gravé dans le temps», dans : G. Prichonnet et M.A. Bouchard (éd.), Actes du premier colloque du Patrimoine géologique du Québec, Ressources naturelles Faune et Parcs, Québec, MB 2004-05, 2004, p. 77-84.
    Et, pour finir, un lien vers une description de la caverne Lusk, autre caverne active creusée dans le marbre, dans le parc de la Gatineau.


    Photo © Jean-Louis Courteau, 2012. Caverne de Morin-Heights