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vendredi 10 juin 2022

Île-de-Hull : fondations dans l'argile

Photo 1. Chantier sur la rive de l'Outaouais à Gatineau (site no 5 sur la carte 1). Il faut des murs de soutènement pour contenir les dépôts meubles dans lesquels on creuse des fondations. Photo prise du pont Cartier-Macdonald, le 28 mai 2022.


On édifie dans l’Île-de-Hull, ce qui suppose au préalable d'excaver les fondations. Dans le NE de l’Île, à l’endroit où le manteau de sédiments meubles est le plus épais, les fondations ne reposent pas sur le calcaire du socle, mais dans l'argile marine. 

NE de l'Île-de-Hull ; repères chrono-géologiques.

Socle rocheux. - Calcaire du groupe de Trenton (Ordovicien moyen et supérieur, 458 - 444 Ma).
Dépôt meubles. - Argile de la mer de Champlain (12 000 - 10 000 ans) + alluvions superficiels récents

Selon un ouvrier interrogé en bordure du site no 2, à l'angle du boul. Sacré-Coeur et de la rue Notre-Dame (carte 1), le roc est à 70 pieds de profondeur (21,3 m) sous l'argile marine à cet endroit. La carte 2 indiquerait plutôt entre 40 et 50 pieds (12,20 - 15,25 m) de dépôts meubles, mais l'âge de la carte (1980) et le manque de détail dans les isobathes indique qu'elle donne sans doute une image simplifiée de la réalié.

Naïvement, je pensais qu'on creusait jusqu'au roc pour asseoir les fondations des édifices d'un peu d'importance. Apparemment, on se contente de piquer des poteaux ou des piliers de fer à travers l'épaisseur des dépôts meubles et de ceinturer les excavations de murs de soutènement. Au NE de l'Île-de-Hull, on dort sur des lits ou des matelas d'argile ; selon la carte de la sensibilité des sols aux secousses sismiques (billet du 4 juillet 2012, « Et Gatineau, c'est pas une ville sensible, elle ? »), ça ne doit pas constituer un sujet d'insomnies pour les habitants...

Les cartes qui suivent confirment la présence, dans le NE de l'Île, d'une couche épaisse de sédiments meubles, constituée surtout de l'argile marine de la mer de Champlain recouverte par endroits d'alluvions du proto-Outaouais. Ces dépôts, les plus considérables de l'Île, atteingnent une épaisseur d'environ 20 m, comme on l'a vu.

Noter que je n'ai pas pu prendre de photos de l'excavation du site no 4. Les coupes et la plupart des cartes sont tirées du billet du 27 mai 2018, « Pas de «A» pour la 1506A » (et les liens qu'il contient).


CARTE 1. Détail modifié de la Carte interactive (Atlas de Gatineau).
Ajouts
  • Contours rouges : chantiers actifs au NE de l'Île-de-Hull. 
  • X : excavations plus modestes (leur position peut être un peu approximative). 


CARTE 2. Épaisseur des dépôts meubles dans l'Île-de-Hull (détail modifié de Bélanger et Harrison, 1980 ; titre original : Fig. 4. Drift Thickness Trend, Ottawa-Hull, Ontario and Québec).
Les courbes de niveau ou les isobathes indiquent la profondeur du socle rocheux sous les dépôts meubles ; leur intervalle est de 10 pieds (3 m). Les sites des chantiers de construction sont en rouge (repris de la carte 1). À leur endroit, l'épaisseur des sédiments meubles est d'entre 20 et 50 pieds (6,10 - 15,25 m).
Selon un ouvrier interrogé en bordure du site no 2, le roc est à 70 pieds de profondeur (21,3 m) à son lieu de travail. La carte donne plutôt pour cet endroit des valeurs entre 40 et 50 pieds (12,2 - 15,25 m). Le tracé très lisse des isobathes laisse soupçonner que la carte donne une image sans doute quelque peu simplifiée de la réalité. Il est étonnant par exemple que la dépression comblée du lac Flora (actuel parc Fontaine au centre de l'Île ; voir coupe 2 et cartes 3 et 6) n'apparaisse pas dans le tracé de leurs courbes.



COUPE 1. Rive de l'Outaouais à la hauteur du pont Cartier-Macdonald (détail modifié de Beauchemin-Beaton-Lapointe inc., 1962. Document photographié à main levée, avec possibles distorsions.) 
Le site no 5 (photo 1) est dans le talus de la rive où env. 18 m de dépôts meubles recouvrent le socle calcaire, dont env. 10 m d’argile (« Glaise limoneuse ») recouverte de 6 m d'un « Remblai granulé » dont l’origine n’est pas précisée (naturelle ?, matière d’un remplissage ?). L'expression glaise silteuse serait peut-être préférable à glaise limoneuse
Les autres sites sont trop à l'ouest pour figurer sur la coupe.

Légende adaptée (j'ai estimé l'épaisseur approx. des couches au plus épais des dépôts meubles.)
  • Remblai granulé compact brun [6,1 m].
  • Glaise limoneuse variant du brun au gris [10,4 m].
  • Sable limoneux gris et gravier avec galets et grosses pierres roulées et traces de glaise. Compact à dense [1,2 m].
  • Galets et grosses pierres roulées [non présente sur la coupe].
  • Roc [calcaire, schiste argileux non divisés]. 
  • [Épaisseur totale : 17,7 m.]



PHOTO 2. Site no 2. Selon un ouvrier, le socle rocheux est à 70 pieds de profondeur (21,3 m). C'est plus que n'en indique la carte no 2 à cet endroit (entre 40 et 50 pieds ; 12,2 - 15,25 m). 
La profondeur du plancher des fondations est d'environ 10 m (mon estimation), soit 33 pieds. Il y avait encore de la marge avant de toucher le roc.
Photo 28 mai 2022. (Le 10 juin, j'ai pu voir qu'on avait creusé un peu plus profond encore dans d'autre secteurs du chantier.)


PHOTO 3. Site no 1. On creuse... 
Photo 2 avril 2022.
PHOTO 4. Site no 1. On a terminé de creuser et on égalise le plancher d'argile grise. Le roc n'est atteint nulle part. La profondeur des fondations est d'environ 6 m (mon estimation), soit 20 pieds. La carte 2 indique que le socle rocheux est à entre 40 et 50 pieds à cet endroit (12,2 - 15,25 m), tout comme aux sites 2 et 5, plus au sud. 
Photo 30 avril 2022.







CARTE 3. Aptitude des sols (détail modifié de Théberge (1986 ; titre original : Carte 5. Aptitude des sols - Gatineau-Hull-Aylmer).
(Document photographié à main levée, avec possibles distorsions. J'ai retouché les contours pour les rendre plus lisibles mais des détails ont pu m'échapper.) 
Légende (adaptée)
1C. - Till ; roc à moins de 3 m sous la surface.
2B. - Till ; roc à plus de 6 m de profondeur.
3A. - Dépôts meubles variés, moins de 3 m ; till, sable, gravier, argile desséchée.
3B. - Roc affleurant ou sous des dépôts meubles de moins d'un m.
4B. - Sable fin à grossier, 6 m et plus, reposant sur l'argile.
5A. - Argile consolidée ; roc, till ou dépôt granulaire à 3-6 m. L'argile peut-être couverte par moins de 2 m de sable.
5B. - Comme 5A, roc à plus de 6 m de profondeur.
6A. - Remblai hétérogène [artificiel] de plus de 3 m. [Parc Fontaine, ancien lac Flora ; voir carte 2.]

Le site no 1 est dans le 5B, à la lisière du 5A ; les autres sont entièrement dans le 5B : surtout de l'argile marine recouverte de sable. La profondeur du socle varie de 3 à plus de 6 m.



CARTE 4. Géomorphologie, géologie et épaisseur des dépôts meubles (détail modifié de Théberge (1986 ; titre original : Carte 1. Géomorphologie, géologie et épaisseur des dépôts meubles. Gatineau-Hull-Aylmer).
(Document photographié à main levée, avec possibles distorsions. J'ai retouché les contours pour les rendre plus lisibles mais des détails ont pu m'échapper.) 
Légende (adaptée)
Récent
  • 10. Dépôts organiques. - Humus et tourbe des régions mal drainés, marécageuses et tourbières.
  • 9. Dépôts fluviatiles. - Gravier sable, silt, silt argileux, matière organique sur la plaine inondable.
Dépôts du proto-Outaouais
Dépôts fluviatiles de chenaux abandonnés. 
  • 8. Silt argileux, silt et lentilles de sable recouvrant le faciès d'eau profonde de l'argile de la mer de Champlain.  
  • 7. Sables lités moyens jaune clair, remaniés localement en dunes de petite taille.
Dépôts glaciaires
  • 1. - Till de fond, mélange hétérogène de matériaux allant de l'argile à de gros blocs, généralement sableux.
Roche en place
  • R. - Calcaire, dolomie, grès et shale du Paléozoïque : affleurements tabulaires dénudés, recouverts localement d'au plus 2 m de dépôts meubles.

Tous les sites sont dans le 8 : argile marine recouverte dde sable et de silt (alluvions). Le roc (R) affleure au sud du secteur des chantiers.



CARTE 5. Carte des sols de l'Île-de-Hull, modifiée de L'Atelier de l'Urbanisme Georges Robert (1965).
Je ne suis pas sûr que les unités de la légende soient classées dans l'ordre chronologique. Je corrige (?) ici la chose (en m'aidant de la coupe 2). (Document photographié à main levée, avec possibles distorsions.) 
Légende (adaptée et interprétée)
  • MO/R. - Matières organiques, tourbières, résidus. [Sols récents, cf. parc Fontaine, ancien lac Flora ; voir carte 2.]
  • SG. - Sable et gravier. [Alluvions post-Champlain]
  • TN. - Terre noire.
  • AS. - Argile silteuse. [Argile de la mer de Champlain]
  • RBG. - Roche-mère, boulders et graviers.
Encore une fois, tous les chantiers sont dans entièrement dans l'argile (unité AS), sauf peut-être le no 3 (photo 6), qui touche à la lisière de terre noire (TN) recouvrant l'argile. 


COUPE 2. Coupe de l'Île-de-Hull, modifiée de L'Atelier de l'Urbanisme Georges Robert (1965). (Document photographié à main levée, avec possibles distorsions.) 
Coupe N-S de l’Île passant par le parc Fontaine (ancien lac Fora), à l'ouest des chantiers de construction. L'échelle verticale est 20 fois exagérée (d'après mon estimation). J'ai refait la typographie, converti les pieds en mètres et accentué le contraste de l'image.
Le calcaire du groupe de Trenton (Ordovicien moyen et supérieur, 458 - 444 Ma) forme le socle de l'Île. L'argile silteuse a été déposée par la mer de Champlain ; le till glaciaire qui devrait se trouver entre le socle calcaire et l'argile n'apparaît pas. Le sable et gravier ont été laissés par le proto-Outaouais. Le parc Fontaine est sur le site de l'ancien lac Flora, comblé vers 1911 (« Remblayage »). (La page définissant la terre noire manque au rapport d'où est tiré la coupe : une autre source précise que les terres noires du SW du Québec se sont développées sur le site d'anciens lacs peux profonds qui ont succédé à la mer de Champlain (ou au proto-Outaouais, dans notre cas ?) par accumulation de résidus végétaux année après année. Les terres noires sont riches en matières organiques.)
Les sites de construction sont au nord du boul. Sacré-Coeur dans l'argile silteuse.


PHOTO 5. Site 3. La profondeur des fondations est d'environ 6 m (mon estimation), soit 20 pieds. La carte 2 indique que le socle rocheux est à entre 30 et 40 pieds à cet endroit (9,10 - 12,20 m) - en supposant que la carte soit assez précise et que j'ai placé le X exactement au bon endroit. 
Photo prise le 14 nov. 2021, juste avant que je sois expulsé du chantier.
  


Références

  • L'Atelier de l'Urbanisme Georges Robert, 1965 – Reconnaissance et appréciation des conditions urbaines, Hull, 1965 : Rapport numéro 1. Trois-Rivières, 27 pages + plans.
  • Beauchemin-Beaton-Lapointe inc., 1962 – Pont MacDonald-Cartier : rapport sur les études techniques préliminaires. Conseil de Liaison, 144 p.
  • Bélanger, J. R.; Harrison, J. E., 1980 – Regional Geoscience Information : Ottawa-Hull. Commission géologique du Canada, étude 77-11, 18 p., avec 8 cartes [dont Fig. 4. Drift Thickness Trend, Ottawa-Hull, Ontario and Québec. 1 : 50 000].
  • Carte interactive (Atlas de Gatineau), consulté le 3 juin 2022 ; https://www.gatineau.ca/portail/default.aspx?p=publications_cartes_statistiques_donnees_ouvertes/cartes/carte_interactive_atlas_gatineau
  • Théberge, J. 1986 – Cartographie géotechnique dans la région de Gatineau-Aylmer-Hull. Ministère de l’énergie et des ressources du Québec, MB 86-43. [Avec cartes au 1/20 000.]


vendredi 1 juin 2018

Dépôts meubles de l'Île-de-Hull (suite)


Tentatives de « clarifier » les cartes du rapport de Théberge sur les dépôts meubles du Quaternaire dans l'Île-de-Hull (1986) : voir le billet du 27 mai 2018, « Pas de «A» pour la 1506A ». Les documents utilisés ici sont des bleus qui accompagnent la version papier du rapport.

La superposition de lignes (contours, courbes de niveau, isobathes, formations géologiques, etc.) et de masses de même couleur rend ces cartes difficiles à déchiffrer. Je m'étais contenté jusqu'ici de la version numérique du rapport, accompagné de cartes haut contraste en noir et blanc, encore moins lisibles que les bleus (billet du 27 mai). J'ai repassé en rouge du mieux que j'ai pu les contours des formations géologiques ; ainsi, certaines courbes ne sont pas fermées.

Les deux cartes (géologie et aptitudes des sols) se complètent mutuellement. Je n'ai pas repassé les isobathes des dépôts meubles, ni les escarpement dans la roche en place (Carte 1). L'entreprise aurait été aussi longue qu'hasardeuse. Voir la carte de Bélanger (billet du 27 mai), pour les dépôts meubles et la mienne (5 févr. 2016, « Qui a façonné l'Île-de-Hull ? »), pour les escarpements.

Le but de tout ça est d'obtenir une carte lisible des sédiments meubles dans l'Île-de-Hull et de bien établir que, contrairement à ce q'affirme la carte 1506A de la Commission géologique du Canada, l'Île n'est pas dépourvue de couches significatives des sédiments quaternaires (voir billet précédent).


Référence
Théberge, J. 1986 – Cartographie géotechnique dans la région de Gatineau-Aylmer-Hull. Ministère de l’énergie et des ressources du Québec, MB 86-43. [Avec cartes au 1/20 000.]




1986 : Théberge (détail) : Carte 1. Géomorphologie, géologie et épaisseur des dépôts meubles. Gatineau-Hull-Aylmer.) 
(Photo prise à main levée, distorsions possibles.)
Légende (adaptée)
Récent
10. Dépôts organiques. - Humus et tourbe des régions mal drainés, marécageuses et tourbières.
9. Dépôts fluviatiles. - Gravier sable, silt, silt argileux, matière organique sur la plaine inondable.
Dépôts du proto-Outaouais
Dépôts fluviatiles de chenaux abandonnés. - 8. Silt argileux, silt et lentilles de sable recouvrant le faciès d'eau profonde de l'argile de la mer de Champlain. - 7. Sables lités moyens jaune clair, remaniés localement en dunes de petite taille.
Dépôts glaciaires
1. - Till de fond, mélange hétérogène de matériaux allant de l'argile à de gros blocs, généralement sableux.
Roche en place
R. - Calcaire, dolomie, grès et shale du Paléozoïque : affleurements tabulaires dénudés, recouverts localement d'au plus 2 m de dépôts meubles.

1986 : Théberge (détail) : Carte 5. Aptitude des sols - Gatineau-Hull-Aylmer.
(Photo prise à main levée, distorsions possibles.)
Comme il s'agit d'une carte des caractéristiques mécaniques des sols, plusieurs couches stratigraphiques peuvent se retrouver dans une même unité. J'ai transformé le bleu en sépia, espérant gagner en lisibilité.
Légende (adaptée)
1C. - Till ; roc à moins de 3 m sous la surface.
2B. - Till ; roc à plus de 6 m de profondeur.
3A. - Dépôts meubles variés, moins de 3 m ; till, sable, gravier, argile desséchée.
3B. - Roc affleurant ou sous des dépôts meubles de moins d'un m.
4B. - Sable fin à grossier, 6 m et plus, reposant sur l'argile.
5A. - Argile consolidée ; roc, till ou dépôt granulaire à 3-6 m. L'argile peut-être couverte par moins de 2 m de sable.
5B. - Comme 5A, roc à plus de 6 m de profondeur.
6A. - Remblai hétérogène [artificiel] de plus de 3 m.

dimanche 27 mai 2018

Pas de «A» pour la 1506A (suite)



Détail de la carte 1506A (Richard, 1982) : l'Île-de-Hull est nue.
Légende (adaptée)
Dépôts alluviaux. – 6a (jaune) : dépôts récents ; sable silteux, silt, sable et argile ; 6b (orangé) : dépôts alluviaux anciens ; sable moyen, silt.
Sédiments de la mer de Champlain. – 3a (bleu) : argile et silt (dépôts amincis par érosion fluviatile).
Dépôts glaciaires. – 1a (vert) : till.
Paléozoïque. – R (rose) : roche en place ; calcaire et shale, surfaces rocheuses tabulaires souvent dénudées ; mince placage de dépôts meubles quaternaires ne dépassant pas 1 m.
Référence
Richard, S H, 1982 – Surficial geology, Ottawa, Ontario-Québec / Géologie de surface, Ottawa, Ontario-Québec. Commission géologique du Canada, Cartes série «A» 1506A, 1 feuille. [1/50 000]
Disponible en ligne.



J'essaie de faire avancer un projet qui concerne l’Île-de-Hull. Au cours des derniers jours, ma vieille exaspération à l’égard de la carte des matériaux meubles de la région d’Ottawa-Hull n’a fait que croître (Richard, carte 1506 A, 1982 ; voir mon billet du 7 sept. 2013, « Pas de «A» pour la 1506A ».)

Il me manque des renseignements que je ne trouve pas ailleurs et que cette carte devrait donner. La 1506A, publiée par la Commission géologique du Canada, est quand même la carte que tout le monde pense à consulter quand il s’agit de la répartition des dépôts du Quaternaire dans la région. 

À croire la 1506A - mais justement il ne faut pas la croire - la surface entière de l’Île-de-Hull aurait été libérée des sédiments accumulés durant le Quaternaire. Till glaciaire, argile marine, alluvions du proto-Outaouais ou récents : tout a été balayé (par le proto-Outaouais, justement ; voir billet du 8 févr. 2014). À l'exception d'une couche discontinue ne dépassant pas 1 mètre, c'est le roc nu presque partout (voir détail de la carte au début du billet). Or, sur le terrain, l’évidence crie le contraire. D’autres cartes, d’autres travaux clament la même évidence. 

Mais il y a d’autres travaux, ai-je dit. Pourquoi ne pas les consulter et oublier la 1506A ? Certains des ces travaux sont partiels, qu'ils ont été rédigés par des ingénieurs et que leur interprétation géologique est délicate. Il peut être hasardeux d'établir des corrélations entre des publications aux méthodologies différentes. La seule carte qui pourrait (qui devrait !) répondre à mes questions est la 1506A.

Il aurait été plus honnête de sa part de laisser l’Île-de-Hull en blanc : au moins il n’y aurait eu aucun risque d’équivoque. C'est ce à quoi s'est résolue la carte 1662 (1915 ; voir détail plus bas) qui ignore les zones urbanisées de l'Île. Avec ce genre de configuration, on sait à quoi s'en tenir.

J'attends toujours la synthèse qui répondra à mes questions...


Quelques travaux sur les sédiments du Quaternaire dans l'Île-de-Hull





1915 : carte 1662 de Johnston (détail). L'Île-de-Hull est laissée en blanc.
La carte laisse l’Île-de-Hull en blanc, sauf la rive du ruisseau de la Brasserie au nord de Montcam. Affleurent le socle rocheux (en rose) et des graviers (en vert).
Légende (adaptée)
Dépôts récents. S10 (violet) : Alluvial sand and silt (flood plain deposit of present stream) ; soil : fine sand.
Dépôts post-Champlain. S9 (vert) : River gravel ; soil : stony sand.
Dépôts glaciaires. S3 (gris) : Glacial till and boulder clay ; soil : stony loam.
Roche en place (calcaire Paléozoïque). (Rose) : Bedrock outcrop ; little or no soil covering.
Référence
W.A. Johnston, 1915 – Ottawa, Carleton and Ottawa Counties, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, Carte géologique polychrome 1662, 1 feuille (1/63 360).
Disponible en ligne.



1962 : coupe de Beauchemin-Beaton-Lapointe inc. 
Photo prise à main levée avec inévitables distorsions. Coupe ouest-est (gauche-droite) de l’Outaouais à l’endroit du futur pont Cartier-Macdonald. Sur la rive hulloise, env. 19 m de sédiments quaternaires recouvrent le socle calcaire, dont env. 9 d’argile marine (« Glaise limoneuse ») recouverte d'un « Remblai granulé ». On est loin des dépôts meubles ne dépassant pas 1 m de la 1506A...
Référence
Beauchemin-Beaton-Lapointe inc., 1962  – Pont MacDonald-Cartier : rapport sur les études techniques préliminaires. Conseil de Liaison, 144 p.




1965 : L'Atelier de l'Urbanisme (1 de 2). Coupe de l'Île-de-Hull (modifiée).
Photo prise à main levée avec inévitables distorsions. 
Coupe N-S de l’Île passant par le parc Fontaine : un tapis de sédiments quaternaires épais de 10 m recouvre le socle calcaire au nord du parc Fontaine.
L'échelle verticale est 20 fois exagérée (d'après mes calculs). La photocopie du rapport d'où cette reproduction est tirée n'est pas fameuse, comme on le constate. J'ai refait la typographie en ajoutant quelques détails, notamment la ligne horizontale qui traverse la coupe (« N.d.l.r.? ») pour indiquer le niveau (minimum) de la rivière, laquelle se tient approx. entre 135 et 147 pieds (41 et 45 m). Les altitudes sont en pieds : 220 pi. = 67 m ; 200 pi. = 61 m ; 180 pi. = 55 m ; 160 pi. = 49 m ; 140 pi. = 43 m ; 120 pi. = 37 m.
Le calcaire du groupe de Trenton (Ordovicien moyen et supérieur, 458 - 444 Ma) forme le socle de l'Île. L'argile silteuse a été déposée par la mer de Champlain ; le till glaciaire qui devrait se trouver entre le socle calcaire et l'argile n'apparaît pas. Le sable et gravier sont des sédiments laissés par le proto-Outaouais. Le parc Fontaine est sur le site d'un ancien lac (le lac Flora), comblé vers 1911 (« Remblayage »). (La page définissant la terre noire manque au rapport : ailleurs, on précise que les terres noires du SW du Québec se sont développées sur le site d'anciens lacs peux profonds qui ont succédé à la mer de Champlain (ou au proto-Outaouais, dans notre cas) par accumulation de résidus végétaux année après année. Les terres noires sont riches en matières organiques.) Voir la carte (figure suivante).
Référence
L'Atelier de l'Urbanisme Georges Robert, 1965 – Reconnaissance et appréciation des conditions urbaines, Hull, 1965 : Rapport numéro 1. Trois-Rivières, 27 pages + plans.


1965 : L'Atelier de l'Urbanisme (2 de 2). Carte des sols de l'Île-de-Hull (modifiée).
Cliquer sur l'image pour la voir à sa pleine grandeur. 
J'ai orienté la carte nord vers le haut pour une meilleure comparaison avec les autres et j''ai repris la légende dans le bon sens, en bas à gauche. La coupe ci-haut passe par le parc Fontaine. Ce dernier est dans la structure horizontale allongée, au sud, à l'intérieur de la zone délimitée par la ligne tiretée grasse. Autre repère : l'Imprimerie nationale, en haut, à gauche, hors des limites de la ligne tiretée. 
Je ne suis pas sûr que les unités de la légende soient classées dans l'ordre chronologique. Je corrige (?) ici la chose (en m'aidant de la coupe ci-haut) :
Légende (adaptée)
MO/R. - Matières organiques, tourbières, résidus. (Sols récents.)
SG. - Sable et gravier. (Alluvions post-Champlain ?)
TN. - Terre noire. 
AS. - Argile silteuse. (Argile de la mer de Champlain ?)
RBG. - Roche-mère, boulders et graviers.
(socle calcaire recouvert de till ?)
Référence.
Voir ci-haut.



1970 : Buckley. L'Île-de-Hull laissée en blanc (pas d'image).
Le document ne cartographie que la pointe NW de l’Île-de-Hull, rive du ruisseau de la Brasserie. Il donne des marécages pour cet endroit.
Référence
Buckley, J.T., 1970  – Surficial deposit and landform map of the Gatineau Park and vicinity. Commission géologique du Canada, Dossier public 36, 1 feuille.
Disponible en ligne.




1980 : carte de Bélanger et Harrison : Fig. 4. Drift Thickness Trend, Ottawa-Hull, Ontario and Québec (détail).
Un épais manteau pour l’Île-de-Hull.
L'Île-de-Hull est recouverte de sédiments non différenciés du Quaternaire de plus de 3 m d'épaisseur (10 pieds), à l’est de St-Rédempteur et au nord de Papineau. L’épaisseur maximale (15 m, ou 50 pi) est atteinte au NE de l’Île.
Intervalle des courbes de niveau : 10 pieds (3 m).
Référence
Bélanger, J. R.; Harrison, J. E., 1980 – Regional Geoscience Information : Ottawa-Hull. Commission géologique du Canada, étude 77-11, 18 p., avec 8 cartes [dont Fig. 4. Drift Thickness Trend, Ottawa-Hull, Ontario and Québec. 1 : 50 000].
Disponible en ligne.




1986 : Théberge (détail) : Carte 1. Géomorphologie, géologie et épaisseur des dépôts meubles. Gatineau-Hull-Aylmer.) On voit très mal mais ça semble très intéressant. 
** Version plus lisible à venir. ** C'est fait, voir billet du 1er juin 2018 : https://geo-outaouais.blogspot.com/2018/06/depots-meubles-de-lile-de-hull-suite.html.
Roche en place (calcaire), till, sédiments marins (argile de la mer de Champlain), alluvions du proto-Outaouais et alluvions récents : il y a de tout dans l’Île-de-Hull !
Légende (adaptée)
(Nous avouons que cette carte n'est pas très lisible. C'est la version disponible en ligne. Si quelqu'un a quelque chose de mieux...)
Récent. – 10 : dépôts organiques ; 9 : dépôts fluviatiles ; gravier, sable, silt, matière organique
Dépôts du proto-Outaouais. – 8-7 : dépôts de chenaux abandonnés ; silt, sable.
Dépôts de la mer de Champlain. – 3 : faciès d'eau profonde ; argile, argile silteuse, silt, lentilles de sable. Dépôts glaciaires. – 1 : till de fond.
Paléozoïque. – R : roche en place ; calcaire et shale.
Les nombres sur des courbes de niveau (10, 20) indiquent la profondeur en m des dépôts quaternaires.
Référence
Théberge, J., 1986 – Cartographie géotechnique dans la région de Gatineau-Aylmer-Hull. Ministère de l’énergie et des ressources du Québec, MB 86-43. [Avec cartes au 1/20 000.]



Détail du MB 2015-02 (Daigneault et al., 2015) : retour à la 1506A ?
Légende (adaptée)
Postglaciaire
Sédiments organiques. - O (gris) : sédiments organiques non différenciés.
Sédiments alluviaux (incluent alluvions des chenaux du proto-Outaouais). - Ax (jaune) : alluvions des terrasses anciennes ; silt sableux, sable et gravier. Matière organique.
Sédiments glaciomarins (mer de Champlain). - MGa (bleu) : Sédiments fins d'eau profonde. Silt argileux et argile silteuse.
Pré-Quaternaire
Substrat rocheux. - Rs (rouge) : roches sédimentaires paléozoïques, calcaires, shales et dolomies.
Référence
Daigneault, R A, Roy, M, et al., 2015 - Rapport sur les travaux de cartographie des formations superficielles réalisés dans la portion est du territoire municipalisé de l'Outaouais en 2011-2012. MERN, MB 2015-02, 55 p. (8 cartes au 1/50 000).
Disponible en ligne.



Pour terminer, un témoignage au raz du sol de l'Île-de-Hull datant de 1952.
« Stony sandy soil formed on Pleistocene river gravel at the corner of Carillon and St. [sic] Streets about a quarter mile east of Brewery Creek in Ward 2. » Tirée de Brown (1952, p. 7, fig. 10). La seule rue St-... qu'aurait pu croiser la rue de Carillon à l'époque est l'ancienne rue Saint-Laurent, actuel boul. des Allumettières : l'affleurement est donc détruit.
Référence
Brown, Roger J. E., 1952 – An Urban Geographic Study of the City of Hull. A thesis presented in accordance with the accordance with the requirements of the degree bachelor of arts in the University of Toronto, 1952, 88 p..

dimanche 6 mars 2016

Failles, vallées et escarpements à Gatineau et Ottawa


Texte retouché les 3 et 4 novembre 2019. Tout ce billet gagnerait à être réécrit de façon plus claire...


Fig. 1. Géologie et tectonique de la région de Gatineau (31G/05). Détail modifié de Sanford et Arnott (2010). La carte est reprise à la fin du billet, avec une légende.


Note

La région dont il est question ici est toujours la région de Gatineau-Ottawa selon le SNRC 31G/05 (cf. fig. 1-3, 5). Les LIENS conduisent à d'autres billets du blogue.

Même si j'ai fait en sorte que cet exposé soit complet en lui-même, j'en ai entrepris la rédaction dans le but premier de répondre à des questions précises que je me posais sur la topographie du socle rocheux dans la région de Gatineau-Ottawa. Je ne me suis pas attardé à détailler des choses qui, pour moi, m'apparaissaient secondaires ou trop évidentes.

Le contenu de cet exposé est basé sur des cartes et des documents émanant de sources reconnues (voir « Références »). Certaines conclusions ou interrogations sont de moi et n'engagent que moi.



1. Intro : failles, plaines et vallées

Il n'y a pas dans la région de relation automatique et univoque entre les failles et la topographie (LIEN et LIEN). La tectonique propose, l'érosion dispose ; elle aplanit ou creuse, efface ou accentue les contrastes, ses agents (air, eau, glace) se succèdent où œuvrent de concert. Travail au résultat parfois occulte : l'épais manteau d'argile marine qui recouvre les trois quarts du territoire interdit une compréhension instantanée de la structure du socle rocheux.

Des failles discrètes découpent la région et traversent, imperturbables, les hauts et les bas du paysage, sans se faire remarquer le moins du monde. Une même faille peut, tout le long de son parcours adopter successivement différents faciès : insoupçonnable, discrète, escarpée, incisée, masquée ou à l'air libre... Bref, ce n'est pas simple ! Des failles voisinent des escarpements qui ne doivent rien à aucune manifestation tectonique alors que d'autres falaises sont le résultat incontestables d'une cassure du socle. L'érosion, qui a fait des basses terres de l'Outaouais une plate surface, s'amuse par endroits à entailler le plancher rocheux, quitte à y laisser saillir des cuestas – lesquelles, d'ailleurs, bordent, ou pas, une faille par un de leurs flancs. 

Si la dénivellation apparente entre le point culminant de la région, à 360 m (parc de la Gatineau)*, et la plaine d'argile marine au sud (env. 100 m) est de 260 m, le dénivelé réel mesuré à partir du fond des vallées comblées par l'argile est de plus ou moins... 360 m. L'altitude relative égale ainsi l'altitude réelle. Le socle de la région, chose surprenante pour une contrée à l'intérieur du continent, descend jusqu'au niveau de la mer, et même en dessous.
* 356 m, selon la carte topographique, pour être exact. J'avais d'abord cru, comme plusieurs sans doute, que le point culminant était le sommet du mont King, à 344 m.

Histoire de pouvoir en dire un peu plus long, j'ai étalé sur mon plancher les cartes topographiques, géologiques et tectoniques de la région pour me pencher, littéralement, sur la question. Je m'en suis tenu au seul feuillet d'Ottawa (SNRC 31G/05, 1/50 000) afin de concentrer mon attention sur un territoire bien circonscrit, ni trop grand ni trop petit. (Voir « Références ».)



2. La région en bref

La région Gatineau-Ottawa est partagée entre les roches métamorphiques et magmatiques du Précambrien (Bouclier canadien, collines de la Gatineau et de Carp ; 1200 milions d'années ou Ma) et les roches sédimentaires du Paléozoïque qui les recouvrent en partie (plate-forme du Saint-Laurent ou plaine : env. 500-440 Ma). L'épaisseur des sédiments de la plate-forme (grès, dolomie, calcaire et shales) atteint 850 m au SW de la région. Le fait tectonique et topographique majeur de la région est le graben d'Ottawa-Bonnechère (GOB), couloir effondré de l'écorce terrestre dont la bordure nord traverse le territoire d'ouest en est. Les failles du graben se sont activées épisodiquement du Paléozoïque jusqu'au Mésozoïque. On considère qu'elles sont inertes depuis plus de 100 Ma (LIEN). L'érosion a disposé de tout le loisir nécessaire pour libérer la majeure partie du Bouclier des roches sédimentaires qui le recouvraient* et araser tout relief qui aurait pu résulter du jeu des failles, sauf à souligner les contrastes de dureté entre les roches.
* Voir « Où sont passé les dinosaures de l'Outaouais ? » (LIEN).

Les strates des roches sédimentaires du Paléozoïque ont conservé leur attitude horizontale initiale, à moins qu'elles ne s'inclinent légèrement, selon le jeu des compartiments du socle découpés par des failles. Elles peuvent aussi être affectées de plis très ouverts ; près des failles, on observe des plis plus serrés tandis que les blocs disloqués s'inclinent vers le compartiment abaissé.

Les glaciations du Quaternaire (2,6 Ma) ont retouché, sans le modifier fondamentalement, le relief hérité de cette longue période d'érosion et d'accalmie. L'Outaouais coulait sans doute, avant les glaciations, au sud de l'actuelle ville d'Ottawa (LIEN).

Après le départ des glaciers (12 000 ans), la mer de Champlain a occupé la région, les eaux de l'océan s'avançant dans la vallée encore déprimée par le poids des glaces. Le relèvement isostatique a rapidement chassé les eaux marines (10 000 ans) et le proto-Outaouais, alimenté par les lacs glaciaires continentaux à l'ouest et au nord, plus ample que la rivière actuelle, a creusé de larges couloirs dans le tapis d'argile laissé par la mer de Champlain (plus de 100 m à certains endroits), atteignant le socle ou se traçant un système de terrasses emboîtées dans l'argile à mesure que son débit diminuait. Le réseau hydrographique s'est installé dans ses conditions actuelles il y a 4700 ans.


La rivière. - L'Outaouais coule vers le SE et s'élargit au contact de shales et des grès friables, créant le lac Deschênes. Le courant se butte ensuite au seuil des rapides Deschênes, la rivière fait un coude à angle droit, obliquant vers le NE et rencontre un calcaire résistant ; l'eau bondit d'un rapide à l'autre en passant au dessus de nombreuses failles. Aux chutes Chaudières, la rivière se rétrécit, passe entre plusieurs îles et prend une direction ENE pour longer les falaises de la Cour suprême et du Parlement. Elle fait un coude vers le N. En aval de la Gatineau, face à la falaise de Rockcliffe, la rivière tourne vers l'E et coule sur ses alluvions qui recouvrent l'argile marine. Des bancs alluviaux s'allongent dans la rivière (île Kettle, Upper Duck et Lower Duck Islands) tandis que des affleurements rocheux émergent de l'argile à l'écart des rives.



3. Les failles du GOB

Trois failles du graben Ottawa-Bonnechère (GOB), orientées SE à ESE, ont exercé une influence majeure sur la physiographie de la région : la faille Eardley (FE sur fig. 1), la faille Hull-Gloucester (FHG) et la faille Hazeldean (FH). Les failles dessinent de larges arc de cercle orientés vers le SE puis s'infléchissant vers l'est. Le rejet horizontal maximal s'observe au centre des arcs.

L'escarpement d'Eardley et la faille Hull-Gloucester délimitent le horst du parc de la Gatineau (HPG), plateau Précambrien qui domine la région au nord de la rivière. Le croisement de l'escarpement et de la faille Hull-Gloucester donne au plateau la forme d'un poinçon visant le SE (fig. 1). Du pied de l'escarpement (env. 110 m) au point culminant de la région (360 m), la dénivellation est de 250 m. L'alignement des lacs Meech, Mousseau et Philippe (hors-carte), de la section aval de la Gatineau, participent au même réseau de failles ou de joints NW-SE.

Au sud de l'escarpement d'Eardley, le plateau calcaire paléozoïque (110 m - 60 m) s'étend jusqu'à l'Outaouais (lac Deschênes ; LDC) ; puis viennent le horst de la rive droite de la rivière (120 m), la vallée du lac Constance (LC ; 61 m), le horst de Carp, nouveau sursaut du Précambrien (140 m), longé au sud par la faille Hazeldean et, enfin, insoupçonnable sous le manteau d'argile, au sud de la faille, la vallée rocheuse de la Carp (C). Dans l'angle SW de la carte, près de Stittsville, l'altitude du socle paléozoïque atteint les 150 m. Autant de hauts (horsts) et de bas (grabens) participant à la physionomie du GOB.

La vallée de la Carp est considérée comme un lit pré-glaciaire de l'Outaouais (LIEN) obstrué par l'argile marine et autres sédiments quaternaires. À Kinburn, dont l'altitude est de 90 m (immédiatement à l'ouest de la région, hors-carte), le socle rocheux est à env. 130 m de profondeur sous l'argile. La vallée descend donc sous le niveau de la mer.

Le lac Deschênes, couloir rocheux emprunté par la rivière actuelle, se ferme à un goulot rocheux. Une tranchée longitudinale profonde de 49 m court le long de sa rive droite. Si l'on tient compte du niveau moyen de ses eaux, 61 m, le fond du lit n'est qu'à env. 12 m au dessus du niveau de la mer.

D'autres vallées échappent à la vue, tapies sous l'argile marine. Il existe, sous la Gatineau, une vallée de plus de 75 m de profondeur. Pareillement, une autre vallée court au pied de l'escarpement d'Eardley (90 m d'argile à Breckenridge).

L'érosion fluviatile tend à amener le lit d'un cours d'eau au niveau zéro, mais jamais plus profondément. Un surcreusement par les glaciers est la seule explication à ces profondeurs (Blanchard, 1949). Quelle est la part de l'érosion fluviatile pré-glaciaire et de l'érosion glaciaire dans l'allure des vallées parallèles du GOB ? Je n'ai jamais pu trouver de réponses à cette question pourtant élémentaire.

Les glaces, qui ont d'abord franchi le graben lors de la dernière glaciation sans dévier de leur trajectoire vers le sud, ont, dans une phase ultérieure, suivi une direction SE parallèle aux vallées du GOB. Comme il y a eu plusieurs glaciations au cours du Quaternaire, il est délicat d'évaluer la part de chacune dans le façonnement et le surcreusage de ces vallées. (Jamais trouvé de précisions à ce sujet.)



4. L'Outaouais en aval du lac Deschênes

La rivière se répand ou s'encaisse selon qu'elle est contenue par des berges tendres (shales, grès) ou résistantes (calcaire, dolomie). Au sortir du seuil ou du verrou glaciaire qui ferme le renflement du lac Deschênes (rapides du même nom), l'Outaouais s'infléchit vers le NE et coule sur un lit postglaciaire rétréci jusqu'à la Gatineau. La rivière, à partir de Westboro, longe un escarpement (ou cuesta s'inclinant vers le sud) festonné (11 km x 35 m de haut ; cf. Colline du Parlement) orientée ENE-NE, qui domine la rive droite. Elle croise se faisant un faisceaux de failles NW-SE (fig. 2 et 3) qui créent de nombreux rapides jusqu'au goulot des Chaudières (CC) qu'elle perce par les chutes et des chenaux entre des îles. Toujours suivant la ligne de la cuesta, la rivière fait ensuite un coude vers le nord jusqu'à l'embouchure de la Gatineau.

Il faut noter qu'aucune faille ne coïncidence avec la cuesta de la rive droite. Jonhston (1917) souligne que les escarpements dans le Paléozoïque ne sont pas directement liés aux failles, mais résultent plutôt de la météorisation et de l'érosion fluviatile pré-glaciaires. C'est sans doute vrai pour la cuesta du Parlement, moins pour d'autres. Ainsi, vis-à-vis l'embouchure de la Gatineau, l'escarpement - et la rivière avec, faisant un nouveau coude - suit une faille (ou un système de failles) E-W. Plus à l'est encore, demeurant parallèle à la rive droite, il s'en éloigne et n'est plus perceptible que par la terrasse d'argile qui joint des affleurements rocheux distants, calés sur des failles ESE parallèles. Même si, passé Rockliffe et l'embouchure de la Gatineau, l'Outaouais coule entre des berges taillées dans l'argile marine et ses alluvions, le contrôle du socle rocheux se fait ainsi sentir. (Fig. 2.) C'est ainsi qu'on observe en aval de la Gatineau des îles, presqu`^iles et des baies derrière des langues de terres dans l'Outaouais.

AJOUT (4 nov. 2019). - Wilson (1937) place à cet endroit une quatrième faille majeure, la faille Rockcliffe. De direction ESE, rompue en plusieurs sections disposés en échelon, elle est parallèle à la faille Eardley dont elle serait peut-être un segment décalé.

Des escarpements E-W existent aussi sur la riche gauche, face tournée vers le nord, sous forme réduite, dans l'Île-de-Hull et au sud du lac Beauchamp.



5. La plaine d'argile et les plateaux rocheux

La plaine au sud de la rivière est illusoire, dans la mesure où elle réalise un niveau faiblement ondulé entre 76 m et 99 m d'altitude masquant les accidents du socle sous-jacent. Des plateaux rocheux émergent de cette mer d'argile, en cuestas festonnés ou en éperons regardant le nord. Ils ne s'élèvent à jamais plus de 15 m de la plaine environnante, voisinant ou longeant une faille par un escarpement. Deux crêtes de sédiments meubles fluvioglaciaires s'élèvent jusqu'à 23 m. (Marshall et al., 1979.)

Le cœur de la ville d'Ottawa a été nettoyé de son manteau d'argile par le proto-Outaouais qui, de façon inégale, a gagné jusqu'au till glaciaire ou jusqu'au socle rocheux. Tout le secteur est traversé par un éventail de failles, celles-là même responsables des rapides en amont des Chaudières, la faille Hull-Gloucester comprise, se déployant de Brittania à la Cour suprême (fig. 2).

Sur l'autre rive, l'ancienne ville de Hull a été en partie débarrassée de ses sédiments quaternaires jusqu'au socle rocheux. La ville repose à la pointe NW d'un compartiment du socle qui s'allonge en Ontario vers l'ESE. Cette écaille, délimitée à l'ouest par la faille Hull-Gloucester [et au nord par la faille Rockliffe], s'est abaissée par rapport aux compartiments voisins, mais à un moindre degré au NW (en « touche de piano »). Nous reviendrons sur ce sujet.

Le contours des plaines rocheuses et des plateaux/cuestas sont souvent irréguliers, sauf là où un escarpement rectiligne trahit la présence d'une faille. Même dans ces cas, le lien entre tel ou tel escarpement et une faille est à établir. Quelques exemples. — Entre Kanata et Bells Corners, un éperon rocheux dans le dur grès de Nepean pointe vers le nord (érosion différentielle) ; l'éperon s'enracine vers le SE, vers Fallowfield, par un plateau rocheux aux contours irréguliers à cheval sur la faille Hazeldean. — Dans l'angle SE de la carte, près de Greely, le flanc NW-SE d'un plateau coïncide avec la faille Hull-Gloucester. — Au NE, à Blackburn, deux cuestas faisant face au nord sont calés sur des failles ESE.

Enfin, sans les énumérer tous, plusieurs cuestas ou plateaux, à Ottawa, ont fait obstacle au proto-Outaouais par leur flanc ouest. Les flots les ont contournés pour se réunir en aval, laissant un triangle d'argile marine intact à l'ombre du relief.

Les traits physiologiques du socle sont en une large part le résultat de processus de la météorisation et de l'érosion fluviatile durant les temps pré-glaciaires. S'il est évident que l'érosion glaciaire a modifié ces traits jusqu'à un certain point, il y a peu de doute que les traits principaux de la topographie pré-glaciaire n'ont pas été altérés par les glaces. (Adapté de Jonhston, 1917, p. 7.)



6. La faille Hull-Gloucester

La faille Hull-Gloucester, orientée NW-SE, joue un rôle majeur dans la physionomie de la région. Le socle, au NE de la faille, s'est effondré. Le rejet vertical maximal atteint 550 m, au SW SE de la carte (fig. 1 et 2) où l'enfoncement, en « touche de piano », est le plus profond. Le compartiment du socle, à l'ouest de la faille, s'incline vers le NW ; celui à l'est, vers le SE. (L'inclinaison des strates de la Colline du Parlement témoigne de cette inclinaison.)

Sur la rive gauche de l'Outaouais, effet de cet effondrement, le socle calcaire, à l'ouest de la faille Hull-Gloucester (plateau d'Aylmer), atteint l'altitude moyenne de 122 m alors qu'à l'est (Île-de-Hull et Gatineau)l'altitude est de 53 m (Allard, 1977). Le horst du parc de la Gatineau est tout entier du côté ouest. En Ontario, les formations à l'est de la faille Hull-Gloucester où prédominent les shales (en gris sur la fig. 1) représentent le bloc effondré par rapport aux terrains à l'ouest (où domine les carbonates, en orangé et en bleu sur la fig. 1). La dénivellation de 5 à 20 m, souvent masquée par l'argile marine, entre les compartiments, représente le résultat de l'érosion préférentielle des shales friables du compartiment enfoncé. L'érosion ne nivelle pas nécessairement tout au même niveau.

Autre contraste entre les deux faces de la faille Hull-Gloucester, la descente du Précambrien vers le Paléozoïque se fait par une pente régulière à l'est de la faille, et non par un escarpement comme celui d'Eardley, à l'ouest. La faille Hull-Gloucester peut-être considérée comme une charnière entre deux volets contrastés du GOB. 

L'Outaouais se rétrécit aux Chaudières et s'écoule entre plusieurs îles par des chenaux. La déclivité des chutes correspond à la cassure entre la partie ouest, haute, et est, basse, séparées par la FHG. (Cette dernière est plutôt un faisceau de failles parallèles plutôt qu'une faille unique ; elle passe « officiellement » à plus d'un km à l'ouest des chutes.) Les Chaudières participent ainsi à la dénivellation W-E.. 

On a vu le rôle de la faille Hull-Gloucester dans le plateau rocheux de Greely. Ajoutons que l'une des crêtes fluvioglaciaires s'allonge parallèlement à la faille entre Greely et l'aéroport d'Ottawa (en brun-orangé sur la fig. 3).

La faille Hull-Gloucester délimite, comme il a été dit, le rebord NE du horst du parc de la Gatineau. Le horst est prolongé au SE par la vallée du Lac-des-Fées (LF ; Gatineau) et du lac Dow's (LD ; Ottawa). On perd la trace de la vallée sous les sédiments du Quaternaire, même si l'on sait qu'elle se poursuit sous le campus de l'Universite Carleton, sous le till glaciaire ; à cet endroit, des chenaux creusés par l'érosion (pré-glaciaire ?), vestiges d'une ancienne rivière, sont couvertes de galets d'origine fluviatile (Wilson, 1990).

La vallée du lac Dow's est perceptible sur la fig. 1 (LD) par le patron de bandes parallèles à la faille Hull-Gloucester que l'érosion différentielle a créé aux dépens roches de dureté variée. (Les baies Squaw (Québec) et Lazy (Ontario) et le chapelet d'îles entre les deux marquent l'endroit où la faille traverse la rivière ; c'est le lieu pour observer des strates plissées ou basculées.) 

Ici, la faille Hull-Gloucester se manifeste par un effondrement tectonique, là par des vallées et chenaux creusés par l'érosion fluviatile, ailleurs un seuil par quoi se manifeste la différence de résistance des roches à l'érosion. Les choses ne sont jamais simples !



7. Le proto-Outaouais

Le proto-Outaouais, qui progressait à mesure que les eaux de la mer de Champlain se retiraient vers l'est, passait par le lac Deschênes et la vallée du lac Constance. D'abord pincé par l'éperon de Kanata - Bells Corners, il s'est ensuite évasé dans la plaine d'argile. L'impression qui ressort de l'examen des cartes est que le proto-Outaouais, au sortir des vallées SE du GOB, s'est contenu à l'intérieur d'un réseau de failles +/-E-W.

Bien plus, le proto-Outaouais, en aval du lac Deschênes, semble s'être confiné à la zone riche en shales (bleu et gris, fig. 1), évitant les formations de calcaire et dolomie plus résistantes, au sud (orangé).

À Blackburn, on l'a vu, le socle faillé, émergeant à 100-110 m de la plaine d'argile, a agit comme un môle qui a divisé les eaux du proto-Outaouais en deux branches, la branche nord, conservée jusqu'à nos jours, et la branche sud (Mer Bleue LIEN et LIEN), abandonnée. Une bande de sédiments delataïques ou estuairiens de la mer de Champlain s'allonge vers l'est à partir du môle.

Les points les plus bas de la plaine se trouvent dans la vallée entre Ottawa et Orléans (43 m - 58 m). Dans l'ouest d'Ottawa, la vallée est plus haute (58 m - 76 m), et encore d'avantage au sud des chenaux du proto-Outaouais (61 m - 122 m). (Marshall et al., 1979.)



8. La Rideau

La Rideau coule tout droit du sud vers le nord en incisant l'argile marine, insensible aux failles E-W sous-jacentes qu'elle croise (fig. 2). Près de son embouchure, à Ottawa, les failles de «l'éventail» lui font faire quelques coudes en amont des chutes Rideau par lesquelles elle se jette dans l'Outaouais.



9. Conclusion

Le trait dominant de la topographie de la région, l'escarpement d'Eardley, est l'aboutissement d'une longue période d'érosion différentielle (100 Ma) sur un socle faillé passif. La topographie du reste du territoire serait le résultat du surcreusement glaciaire local (vallées SE) d'un paysage pré-glaciaire (plateaux et cuestas). L'ampleur de l'érosion post-glaciation n'a jamais quantifiée (voir «Addendum»).

À l'ouest, les structures du graben Ottawa-Bonnechère contrôlent la topographie par une série de horsts et de grabens orientés vers le SE.

Au sud, la plaine d'argile marine laisse émerger de basses cuestas faisant face au nord, des plateaux et des plaines rocheuses. Le patron festonné des cuestas résulte du jeu complexe des failles et de l'érosion préférentielle selon les contacts lithologiques.

Ainsi, la cuesta du Parlement résulte du recul normal, par l'érosion, de la couverture sédimentaire qui recouvrait le Bouclier canadien.

L'Outaouais suit la structure du graben, à l'ouest (lac Deschênes), longe l'escarpement du Parlement pour, en aval de Rockliffe, couler vers l'est, dans la plaine d'argile, parallèlement aux failles et escarpements ±E-W.

Le fond du lac Deschênes est proche du niveau de la mer et la vallée de la Carp, au sud, comblée par l'argile marine, en dessous.

Cohabitent donc dans la région des reliefs devant leur origine à des agents tectoniques anciens (GOB) exposés à une longue période d'érosion normale, 100 Ma et plus (cuestas). L'érosion glaciaire du Quaternaire est venue retoucher cette topographie et amener le fond de certaines vallées sous le niveau de la mer. Sauf les structures du GOB, la région a été, à une échelle globale, nivelée par l'érosion pré-glaciaire.

Une même faille peut se manifester par des contrastes de reliefs d'origine tectonique ou érosive et par des chenaux creusés par l'érosion fluviatile.



Addendum

«The exposed Palæozoic rocks and the unconsolidated glacial and marine sediments have been considerably modified by more recent erosion* along Ottawa and St. Lawrence Rivers and their long, winding tributaries (Wilson, 1946, p. 32).» * « More recent » : depuis le départ de la mer de Champlain.

Jusqu'à quel point le socle paléozoïque a-t-il été modifié par l'érosion depuis la fin des glaciations, c'est justement ce qu'on aimerait savoir ! J'ai rédigé ce billet pour préciser une affirmation imprécise, il se termine sur une autre, tout aussi vague. Au moins, cette fois, le vague n'est pas de moi.


«The principal fall in the Ottawa river occurs at Chaudiere falls at Ottawa where the water falls over a low escarpment of Trenton limestone. A series of narrow gorge-like channels below the falls, the largest one being occupied by the main volume of the river, shows the distance the falls have receded in post-Glacial time. The total distance is only about one-quarter mile [400 m]. The maintenance of the falls is owing to the well jointed character of the rocks which permits large masses to be separated by widening of the joints and finally to be worn away, leaving a still nearly vertical front over which the water falls. The general uniformity of hardness of the beds, however, has prevented a rapid recession of the falls (Johnston, 1917 ; p. 8-9).»


Références
  • Michel Allard, 1977 – Le rôle de la géomorphologie dans les inventaires bio-physiques : l'exemple de la région Gatineau-Lièvre. Univ. McGill, départ. de géographie, thèse (Ph.D.), 540 p.
  • Raoul Blanchard, «Études canadiennes (Troisième série). III. ― Les pays de l'Ottawa.» Revue de géographie alpine, 1949, vol. 37, no 2, p. 135-272. doi: 10.3406/rga.1949.5460
  • J.W. Goldthwait, J. Keele and W.A. Johnston, 1913 – Excursion A10. Pleistocene : Montreal, Covey Hill and Ottawa, in : Geological Survey, Guide book no.3, Excursions in the neighbourhood of Montreal and Ottawa (excursions A6, A7, A8, A10, A11), Ottawa : Government Printing Bureau, 1913, 162 p. (with maps).
  • W.A. Johnston, 1917 – Pleistocene and Recent Deposits in the Vicinity of Ottawa, With a Description of the Soils. Commission géologique du Canada, Mémoires 101, 69 p., avec carte 1662 (1/63 360).
  • Marshall, I.B., Dumanski, J., Huffman, E.C. et Lajoie, P.G., Soils, Capability and Land Use in the Ottawa Urban Fringe, Land Resource Research Institute, Research Branch, Agriculture Canada, Ontario Ministry of Agriculture and Food, 1979.
  • Medioli, B E; Alpay, S et al., Integrated data sets from a buried valley borehole, Champlain Sea basin, Kinburn, Ontario, Commission géologique du Canada, Recherches en cours no. 2012-3, 2012; 20 pages, doi:10.4095/289597
  • Richard, S H, 1982 – Surficial geology, Ottawa, Ontario-Québec / Géologie de surface, Ottawa, Ontario-Québec. Commission géologique du Canada, Cartes série «A» 1506A, 1 feuille. [1/50 000]
  • L.W. Schut, E.A. Wilson, 1987, The Soils of The Regional Municipality of Ottawa-Carleton (excluding the Ottawa Urban Fringe) Volume 1, Ministry of Agriculture and Food, Ontario, Agriculture Canada, Research Branch
  • Williams, D.A., Rae, A.M., and Wolf, R.R. 1984; Paleozoic Geology of the Ottawa Area, Southern Ontario, Ontario Geological Survey, Map P.2716, Geological Series-Preliminary Map, scale 1:50 000. Geology 1982.
  • Wilson, A.E., 1937 – Report on the Paleozoic Rocks of the Ottawa Area. ÉRNQ. GM 15284.  
  • Wilson A.E., 1946 – Geology of the Ottawa-St. Lawrence Lowland, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada (CGC), Mémoire 241, 66 p. (+ cartes).
  • Wilson, Heather C., 1990. The hydrogeology of the Carleton University campus, Ottawa, Ontario. Carleton University, Thesis, M.Sc.



Fig. 1. Géologie et tectonique de la région de Gatineau (31G/05). Seules les principales failles sont représentées. Détail modifié de Sanford et Arnott (2010). Zone couverte : 36 km x 27,5 km. C : vallée de la Carp ; CC : chutes des Chaudières ; FE : faille d'Eardley ; FHG : faille Hull-Gloucester ; G : la Gatineau ; HPG : horst du parc de la Gatineau ; LC : lac Constance ; LD : lac Dow's ; LDC : lac Deschênes ; LF : lac des Fées ; O : l'Outaouais ; R : la Rideau.
Ne pas tenir compte de la ligne blanche qui traverse la carte.
Légende très simplifiée, du plus ancien au plus récent : blanc : Précambrien (Bouclier canadien ; 1200 Ma), les couleurs, le Paléozoïque (plate-forme du Saint-Laurent ; env. 500-440 Ma) : jaune et orangé vif : grès ; orangé : dolomie et calcaire ; bleus : calcaire, dolomie et shales ; gris : shales ; lignes noires : failles (les traits terminés par de petits cercles noirs sont du côté effondré des failles).
Pour aider à la lecture : les formations sont d'autant plus récentes à la surface d'un compartiment faillé que celui-ci a été abaissé.



Fig. 2. Williams et al., 1984, géologie et tectonique du Paléozoïque de la région d'Ottawa (31G/05). Les réseaux de failles sont ici beaucoup plus développés que sur la fig. 1 (même zone représentée). Publiée par le gouvernement de l'Ontario, cette carte a cependant l'inconvénient de laisser le Québec en blanc. Les petites flèches perpendiculaires aux failles pointent le compartiment effondré. Remarquez l'éventail de failles traversant Ottawa, au centre. Le sujet ne sera pas développé ici, mais si on constate que les contacts lithologiques coïncident souvent avec des failles.



Fig. 3. Montage de la carte des dépôts superficiels (couleur ; Richard, 1982) et de celle des failles en Ontario (en noir ; Williams et al., 1984 ; cf. fig. 2). Des éléments non géologiques (routes, frontières, légendes) apparaissent aussi avec les failles. À cette échelle de réductions, les escarpements dans la roche en place (roses) ne sont pas visibles.
Légende très simplifiée, du plus ancien au plus récent : les roses : socle rocheux ; vert clair : till glaciaire ; brun-orangé : dépôts d'eau de fonte glaciaires ; les bleus : sédiments de la mer de Champlain* ; orangé : sédiments deltaïques et estuairiens de la mer de Champlain : les jaunes : alluvions récents.
* En particulier, le bleu le long de la rivière : chenaux du proto-Outaouais.
Le contrôle des failles sur la topographie est à la fois évident et discret.



Fig. 4. Coupe de la vallée de la Carp, près de Marathon, Ontario, modifiée de Schut et Wilson, 1987. Le horst du Précambrien (granite-gneiss, en orangé), au nord, est rehaussé le long de la faille Hazeldean par rapport au Paléozoïque (calcaire, ou limestone, en gris). La véritable vallée, comblée par des dépôts d'argile marine et autres sédiments du Quaternaire, (clay, silt et loam, en mauve) ne se laisse pas soupçonner. L'ancêtre de la rivière des Outaouais a coulé, avant les glaciations, dans cette vallée. La coupe ne montre pas de faille pour «justifier» la colline de calcaire au sud. Cependant, la fig. 2 montre assez de failles +/-E-W au sud de la faille Hazeldean pour que l'hypothèse d'un horst soit posée. (Même si Marathon est à plus de 10 km à l'ouest des limites de la zone couverte par les fig. 1-3, cette coupe demeure valable pour la région de Gatineau et d'Ottawa. Notez qu'une couche de till glaciaire (en rouge) devrait apparaître à la base de l'argile.) La ligne en bas montre le relief dans ses proportions réelles (1:1), le Précambrien et le Paléozoïque mis en noir pour une meilleure lisibilité. Ne reste plus grand chose de nos collines...



Fig. 5. Détail modifié de : Characterization of Ottawa’s Watersheds: An Environmental Foundation Document with Supporting Information Base, 2011 March, «Map 1A», Ottawa, 2008.
http://ottawa.ca/cs/groups/content/@webottawa/documents/pdf/mdaw/mdgy/~edisp/cap083402.pdf
Figure ajoutée en fin de la rédaction. Comparez avec la fig. 3 pour voir ce qui revient au socle rocheux et au sédiments glaciaires et post-glaciaires.

lundi 6 juillet 2015

Petit Poucet du Quaternaire


Fig. 1. Sablière dans un delta édifié dans la mer de Champain à l'embouchure d'une rivière alimentée par l'eau de fonte des glaciers, il y a 13 000 ans. La succession des épisodes d'accumulation/érosion/accumulation/... se déchiffre par le recoupement des strates entrecroisées. Au nord de Calumet (Québec), à l'ouest de Grenville-sur-la-Rouge. Visée approx. nord ; photo 2 juillet 2015.


Résumé

Delta sablonneux construit par l'eau de fonte des glaciers dans la mer de Champlain il y a env. 13 000 ans. Quelques dropstones(?) s’inscrivent mal dans la variation de la granulométrie des sédiments.
Localisation
Chemin Whinfield, Grenville-sur-la-Rouge (Québec), au nord-est de Calumet, à moins de 4 km de la rivière des Outaouais.
45.674108, -74.629445
Photos
2 juillet 2015


Je laisse plus qualifié que moi décrire cette sablière dans la région de Calumet, au nord de la rivière des Outaouais :

«Sédiments deltaïques et estuairiens : sable moyen à fin, fossilifère à certains endroits ; se présente le plus souvent sous forme de plaines deltaïques sableuses construites à l'embouchure des rivières dans la mer [de Champlain] au fur et à mesure que son niveau s'abaissait.» (St-Onge, 2009, carte 2140A ; version française tirée de Richard, 1991, carte 1670A.)

Dans un estuaire, les sédiments (ici, sable et gravier) sont le jouets des courants et des marées. Les stratifications entrecroisées, visibles ici (fig. 1-2a-b), témoignent de la succession des épisodes de dépôt et d'érosion des sédiments tout autant que de la direction changeante des eaux. Au sommet, des strates horizontales riches en galets et blocs recouvrent l'ensemble de ce château de sable (fig. 2-4).

Je demeure un peu perplexe devant les blocs de grandes dimensions, jusqu'à plus d'un m, qui se retrouvent à un niveau distinct de l'accumulation (fig. 5).

Ça pourrait être des dropstones (n'appelez pas l'Office de la langue française du Québec, c'est le terme accepté). Des icebergs, petits ou grands, détachés du glacier en retrait, tout proche, au nord, ont pu suivre le courant, fondre en relâchant les blocs de pierre qu'ils contenaient, et les semer chemin faisant vers le sud, vers la mer de Champlain. C'est l'histoire du Petit Poucet, version du Quaternaire. Notez, à ma connaissance, on attend toujours l'iceberg qui reviendrait au bercail grâce à ces indices...

Je n'assure rien quant à cette explication (celle des dropstones, pas celle du Petit Poucet !) – qui me paraît quand même la seule plausible.


Fig. 2a. Vue rapprochée. Les couches de sables riches en galets, au sommet, ont coiffé les plus anciennes. Les variations dans les angles et la granulométrie des strates témoignent des changements de la force et de la direction des marées et des courants.


Fig. 2b. Un-deux-trois : les trois systèmes de strates se suivent dans cet ordre. Les strates 1 et 2 s'inclinent vers le sud, vers le spectateur. La couche 3 semble mieux d'aplomb, bien à l'horizontale.


Fig. 3. Même endroit que la fig. 3, autre angle.


Fig. 4. Au sommet, le till ou le diamicton, ici un peu dérangé, est chargé de blocs d'une trentaine de cm de diamètre.


Fig. 5. Au tiers supérieur de la pente, une couche riche en blocs de bonnes dimensions (jusqu'à un m et plus) : des dropstones ? Les blocs anguleux, en bas à gauche, proviennent d'ailleurs et n'ont aucun rapport avec les sédiments du delta.


Références

  • Serge Occhietti et Pierre J.H. Richard, «Effet réservoir sur les âges 14 C de la Mer de Champlain à la transition Pléistocène-Holocène : révision de la chronologie de la déglaciation au Québec méridional», Géographie physique et Quaternaire, vol. 57, n° 2-3, 2003, p. 115-138. http://id.erudit.org/iderudit/011308ar  DOI: 10.7202/011308ar
  • St-Onge, D A; Surficial geology, lower Ottawa Valley, Ontario-Quebec / Géologie des formations en surface, basse vallée de l'Outaouais, Ontario-Québec. Commission géologique du Canada, Carte série "A" 2140A, 2009; 1 feuille, doi:10.4095/247486
  • Richard, S H; Surficial Geology, Lachute-Arundel, Québec-Ontario / Géologie des formations en surface, Lachute-Arundel, Québec-Ontario. Commission géologique du Canada, Carte série "A" 1577A, 1984; 1 feuille, doi:10.4095/120010 
  • Richard, S H; Géologie des formations en surface, Buckingham, Québec-Ontario / Surficial geology, Buckingham, Québec-Ontario. Commission géologique du Canada, Carte série "A" 1670A, 1991; 1 feuille, doi:10.4095/183823