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samedi 31 mai 2025

Carbonatite bréchique de l'autoroute 5 : 35 ans plus tard

Carbonatite bréchique constituée de calcite, chargée de fragments de gneiss enrobés de mica (phlogopite). Autoroute 5, Chelsea, au nord de Gatineau, Qc. Photo 17 juin 2000.

Elle avait fait l’objet d’une de mes premiers billets de ce blogue(1). Une brèche de calcite chargée de xénolites anguleux. Il était difficile de la rater, la couche de mica qui recouvrait les xénolites chatoyait au soleil dans un virage de l’autoroute 5, à Chelsea, au nord de Gatineau. À mon idée, il devait s'agir d'une carbonatite, une fois écarté l'hypothèse possible, mais moins séduisante, d'une mobilisation du marbre local sous les pressions tectoniques. Quand même, la chose était suffisamment visible pour ne pas échapper à l’attention des nombreux géologues qui étudiaient les carbonatites et fénites de la région, sources potentielles de minéraux stratégiques, tels le niobium et les ÉTR. L'un d'eux, m'apportant son avis autorisé, allait venir m'éclairer sur la chose.

La réponse s'est longtemps fait attendre, presque 35 ans - ma découverte de la chose remontant aux environs de 1990. Elle est venue dans un document paru en 2021(2) ; son titre, peu évocateur, explique que je n'en ai pris connaissance que ces derniers jours. Il s’agit bien d’une carbonatite bréchique, élément d'un ensemble d'intrusions apparentées au nord de Gatineau

  • (2) Marc Legault, Ludivine Da Rosa, Flore Parisot et Robin Potvin, MB 2022-01, Travaux de recherche sur les minéraux critiques et stratégiques réalisés par les stagiaires de l’École de terrain. Min. de l'Énergie et des Ressources naturelles, Québec. La partie qui concerne la région de Gatineau, intitulée « Évaluation du potentiel en éléments de terres rares associés aux dykes de carbonatites du secteur de l’Outaouais », signée L. Da Rosa, commence à la page 24. Lien pour télécharger le rapport.

Voir aussi, sur le même sujet :

  • Bouallal I.A.., Legault M.., Mvondo, H., Cartographie des carbonatites et des fénites au nord de Gatineau et leurs potentiels en éléments de terres rares (ÉTR), Province de Grenville. MB 2025-11, 2025. 61 pages. Lien pour télécharger le document.
  • Legault, M., Gaxotte, T., Dommesent, C., Travaux de recherche sur les minéraux critiques et stratégiques réalisés par les stagiaires de l'École de terrain. MB 2023-01, 2022. 50 pages. La partie qui concerne la région de Gatineau, intitulée « Évaluation du potentiel en éléments de terres rares associés aux dykes de carbonatites du secteur de l’Outaouais », signée T. Gaxotte, commence à la page 204. Lien pour télécharger le rapport.

Voir aussi (billets de ce blogue) :

La suite du billet est la reprise du contenu de mon billet de 2009 sur la brèche de l'autoroute 5, avec des mises au point apportées par la nouvelle documentation. Dans le texte de 2009, je parlais d'une intrusion de calcite, sans employer le mot brèche. De petites retouches au texte sont entre [crochets]. Un document visuel a été ajouté à la fin.

* * *

Une carbonatite, il est peut-être bon de le préciser avant d'e passer à la reprise du billet de 2009, est une roche magmatique composée de carbonates (calcite ou dolomite) ; elle a de ce fait la même composition que les marbres qui, ultimement, sont d'origine sédimentaire. Si ces derniers sont abondants dans la région, les carbonatites sont plus rares et affleurent sur des surfaces restreintes. Les carbonatites peuvent être des sources de minéraux stratégiques (niobium, ÉTR). Celles de l'Outaouais sont trop modestes et trop éparpillées pour être exploitées. Elles sont malgré tout l'objet de travaux d'exploration.

* * *

Intrusion de calcite à Chelsea (Québec), autoroute 5

Billet du 22 nov. 2009

Photo 18. – Vue d’ensemble de l’intrusion [ou brèche] de calcite. De gauche à droite : NW-SE. Autoroute 5, Chelsea, au nord de Gatineau, Qc.

Photos : 17 juin 2000.
Texte retouché le 25 juillet 2012 ; ajouts le 31 mai 2025.

Localisation

SNRC 31G/12. Autoroute 5, Chelsea (Québec), à 2,5 km au Sud de la sortie Tulip Valley ; 45°33'34.58"N ; 75°50'56.74"O.



Photo © Google Earth ; en surimposé, géologie (tirée de la carte SI-31G12-G3P-03B : compilation géologique 1 / 50 000, SNRC 31G12, Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Québec, 2007.) Réalisation de la carte : © Henri Lessard, 2009.
On distingue l'autoroute 5, la rivière Gatineau.
Carré blanc (au bout de l'autoroute, en haut à gauche) : sortie Tulip Valley.
Point rouge : l’intrusion de calcite [brèche] dans le paragneiss (M4), côté nord de l'autoroute 5.

Légende

M3a. – Orthogneiss, migmatite ; M4. – Paragneiss ; M7. – Gneiss à pyroxène ; M12. – Quartzite ; M13. – Marbre (abondant hors du secteur de la carte) ; I1Fa. – Aplite, pegmatite ; I2D. – Syénite ; I2J. – Diorite
Voir Géolo-chronologie pour mise en contexte globale.

Contexte géologique local 

Voir la carte. Bordure du batholite de syénite-diorite de Wakefield mis en place dans des métasédiments du groupe de Grenville (paragneiss, quartzite et marbre) [âgés de plus d'un milliard d'années]. Du granite, des pegmatites recoupent le tout. On trouve dans la région des filons de calcite-apatite-phlogopite (dans les métasédiments), des carbonatites, dont celles du lac Meech, à 7 km au S-W du site, et des fénites (Hogarth, 1997). La syénite et la diorite sont ± gneissiques dans le secteur.

Les roches des collines de l’Outaouais ont été formées à plus de 20 km de profondeur dans un contexte de collisions entre continents et autres compartiments de la croûte terrestre. En même temps que des magmas les envahissaient ou les découpaient, elles ont connu des massages et des triturages, subi des étirements jusqu’à la rupture. Ce dynamisme, figé (pétrifié, dirait-on, si l'on ne craignait pas le paradoxe) depuis un milliard d’années, affleure à présent au grand soleil. 

Découvrir l'Outaouais, c’est un peu parcourir les entrailles (autrefois) agitées de la croûte terrestre...

Intrusion de calcite

Exemple de cette agitation « intestine » : sur l’autoroute 5, à Chelsea (Québec), une masse de calcite large de 15 m s'est ouvert un passage à travers la roche locale (en surface, complexe de paragneiss gris et de granite blanc). Le mouvement d'expulsion vers le haut des fragments des roches hôtes dans une pâte de calcite est saisissant.

Au moins deux épisodes ont été nécessaires pour donner à cette intrusion sa configuration finale : d’abord l’injection d’une calcite grise, « sale », et chargée de xénolites – fragments arrachés aux roches encaissantes –, suivie de celle d’une calcite de couleur rose pâle, nette et libre de fragments étrangers, qui a envahi la calcite grise. Les xénolites, arrondis à anguleux, sont recouverts d’une couche de mica. Dans au moins un cas, le mica, à reflets rouges (hématite ?), est accompagné d’une amphibole verte.

Cette intrusion n’est que la plus spectaculaire d’une série de phénomènes plus discrets. De l’autre côté de la chaussée et plus au nord, toujours sur l'autoroute, des filons de calcite massive d’une épaisseur d’environ 30 cm à 1 m recoupent la syénite (voir photo 23, plus bas).

Photo 10. – Bordure NW de l’intrusion. Calcite « sale » ou noircie par les agents atmosphériques ? Elle remplace un granite blanc (pegmatite) qui recoupe lui-même un paragneiss gris, en haut à gauche (contraste peu marqué sur la photo).

La géologie régionale permet d’avancer trois hypothèses sur la nature de ces intrusions :

Hypothèse 1. — Le marbre, abondant dans la région, et constitué de… calcite, est une bonne source de… calcite !... Par fluage, en réponse aux contraintes tectoniques et torsions plus haut évoquées, il est arrivé que le marbre se soit injecté dans les roches voisines moins ductiles en plissant et disloquant les pans et fragments qu’il emportait (voir par exemple la photo 000522 de cet ancien billet).

Hypothèses 2 et 3 confondues. — Les filons et intrusions variées de calcite (souvent de couleur rose) dont certains ont été exploités pour l’apatite et le mica aux XIXe et XXe siècles, parsèment l'Outaouais et le Sud-Est de l'Ontario. Des carbonatites, roches magmatiques formées de carbonates (calcite ou dolomie), affleurent entre le lac Meech et le lac McGregor (Hogarth, 1997). Sur le terrain, la distinction n’est pas toujours facile à établir entre ces irruptions de calcite qui bluffent parfois même les pros.

[Dans toutes ces hypothèses, l'intrusion de la calcite amène la création d'une brèche par incorporation de fragments de la roche encaissante dans la masse de calcite.]

[Ajout (31 mai 2025) : l'avis de la géologue

Description de la brèche selon L. Da Rosa (sa fig. 20D dans MB2022-01, réf. plus haut) : « Brèche à matrice riche en calcite‐phlogopite montrant des fragments de gneiss fortement altérés en phlogopite dans leurs bordures. Cette brèche est recoupée par un dyke de carbonatite beige et un autre rose. »
Selon L. Da Rosa, les dykes de carbonatites au nord de Gatineau se composent de carbonates (calcite, ±dolomite), de feldspath, d’amphibole et de phlogopite (mica). La phlogopite forme des amas, se concentre aux épontes des dykes et autour d’enclaves de roche encaissante dans les brèches. L’amphibole est une amphibole sodique, soit de la magnésio-arfvedsonite et/ou de la richtérite en baguettes plurimillimétriques de couleur noire bleutée à verdâtre (Hogarth, 1997). ]

Conclusion

Les intrusions de la route 5 sont des phénomènes post-tectoniques : elles recoupent la structure des encaissants (gneissositée), ne montrent aucun signe de déformation et leurs contacts avec les roches hôtes sont nets. Elles ont sans doute pris place dans des fractures préexistantes. Il a fallu au moins deux injections de calcite pour créer la grande intrusion : cette montée par étapes concorde mieux, me semble-t-il, avec l’hypothèse d’un phénomène magmatique (carbonatite). Mais l’évidence plaide contre une origine lointaine (profonde) des xénolites ; la survie de fragments tabulaires, la persistance d’angles et de cassures non émoussés, etc. (Voir photo 12.) La calcite des intrusions proviendrait donc, selon nous, de marbre mobilisé. [À lire le rapport de L. Da Rosa, cette hypothèse serait très discutable. Je maintiens cependant que les xénolites n'ont pas fait beaucoup de chemin avant de s'immobiliser dans la pâte de calcite.]


Référence

Hogarth D.D., Carbonatites, fenites and associated phenomena near Ottawa. GAC/MAC, Joint Annual Meeting, Ottawa, Field Trip Guidebook A4, 1997, 21 p.

12. – La calcite neuve (claire) repousse vers le haut la calcite grise chargée de xénolites. Le xénolite allongé n’aurait pas pu supporter un long transport sans se briser… [Jolie brèche, en tout cas.]



13. – On constate un certain alignement des petits fragments allongés parallèlement à une direction empruntée par un courant de calcite propre.

16. – Calcite « sale », chargée de xénolites. Contact avec roches encaissantes (en haut). [Les fragments semblent ici usés, un peu arrondis ?]



23. – [L’un des] filons de calcite recoupant la syénite [de Wakefield près de la brèche]. Un ciseau (15 cm, le long du contact supérieur du filon, premier tiers à gauche) donne l’échelle. Le contact avec la syénite est souligné de diopside (?) vert. Ce filon contenait de la fluorine violette – aux cristaux quelconques.

Supplément (mai 2025, avec matériel de 2009)




Échantillon de la bordure d'un xénolite de la carbonatite bréchique de l'autoroute 5 à Chelsea (à gauche). Mica (phlogopite), amphibole verte, calcite rosâtre ; pyrite. Les reflets rouge (hématite ?) des cristaux de mica ne sont pas apparents sur la photo.
Petit échantillon. – Calcite à hématite spéculaire. Recueilli dans une poche de calcite (carbonatite) contenue dans un paragneiss vert, sur le bord de l'autoroute 5, à l'ouest de la carbonatite bréchique. 
Échelle. – 2,5 km = 1 cm (sic). La règle photographiée du mauvais côté, est graduée au 1/250 000. 


dimanche 18 juin 2023

Conglomérat déposé sur un quartzite grenvillien à Gatineau (ajout)

Mise au point (8 août 2023). - Un retour au site du grès de Nepean du lac Beauchamp (affleurement de la discordance Bouclier/plate-forme) m'a montré que le conglomérat qui se trouve à sa base ne se distingue pas de celui de la station Labrosse* dont il est question dans les lignes qui suivent. Les deux conglomérats contiennent des éléments anguleux à arrondis de quartz, leur seule différence notable étant l'absence de clastes de feldspath dans celui du lac Beauchamp. 

* Je n'avais pas donné d'indices clairs sur l'emplacement du conglomérat jusqu'ici parce qu'il se trouve sur un terrain privé interdit d'accès. Disons que je l'ai découvert au nord de la station Labrosse du Rapibus. 

Les interrogations que soulève ce billet sont donc obsolètes : je n'ai pas découvert un conglomérat pré-Nepean comme je l'ai un instant cru, mais une nouvelle occurrence d'un conglomérat Nepean, tout simplement. Ce qui est suffisant en soi pour justifier mon contentement.

Photos. - Pièce du conglomérat Nepean du lac Beauchamp à Gatineau ramassé au sol  : clastes de quartz anguleux à arrondis. 5 août 2023.






Complément au billet du 7 juin 2023, « Conglomérat à la surface d'un quartzite ».


Quartzite grenvillien â
gé de plus d'un milliard d'années sous le gris manteau d'argile de la mer de Champlain (10 000 ans). 
Moins de deux pieds carrés du quartzite sont couverts par les restes d'un conglomérat feldspathique vieux d'au moins 500 millions d'années. Auriez-vous pu le trouver au travers de ce fatras de débris ?
Gatineau, Qc, juin 2023.




Résumé

Conglomérat contenant des débris anguleux de feldspath reposant à la surface d'un quartzite de la province de Grenville (1 Ga), à Gatineau (Québec). Le conglomérat, très rouillé, devait se trouver à la base du grès de Nepean déposé en discordance (500 Ma) sur le quartzite. Il pourrait également s'agir des restes de la formation de Covey Hill qui a précédée le Nepean. (Le grès n'est pas exposé au site même.)

 


J’ai fait une découverte. Ma place est réservée dans les manuels de géologie (en tout petit, dans une note de bas de page, mais une place quand même).

Grâce à moi la stratigraphie de Gatineau va s’enrichir d’une formation pré-Nepean en contact direct avec le socle précambrien. Ce n’est pas rien.

Avant de voir la chose elle-même, voyons le contexte dans lequel elle s’inscrit par un examen rapide des unités ou des ensembles de roches qui forment le sous-sol de Gatineau et d’Ottawa.


Quartzite grenvillien (plus d'un milliard d'années). Le manque de contraste ne le rend pas très photogénique. 
Photo juin 2023.



À la base, tout en bas, se trouve le Bouclier canadien (bouclier précambrien, province de Grenville), complexe de roches métamorphiques et plutoniques âgé de plus d’un milliard d’années. Voilà les fondations sur lesquelles s’est édifié tout le reste – et, bien souvent, au nord de l’Outaouais par exemple, il n’y a que le Bouclier, sans rien d’autre dessus que les débris laissés par les glaciations ou, dans les vallées, l’argile de la mer de Champlain.

Plus tard, bien plus tard, sur cette base cristalline, sont venues se déposer les sédiments de la plate-forme du Saint-Laurent. Les plus anciens, ou les plus précoces, sont les grès de la fin du Cambrien (510 Ma ou millions d’années), suivis des calcaires, dolomies et shales de l’Ordovicien (485-444 Ma). (Je ne détaillerai pas d’avantage, voyez mon « Tableau des temps géologiques : Gatineau et ses environs »), mais grosso modo, la séquence sédimentaire témoigne de l’avancée et de l’approfondissement d’une mer qui gagnait sur le continent. Dans la région, l’arrivée de l’eau salée s’est faite par un bras de mer à la faveur de l’ouverture de l’océan Iapetus (une sorte de préquel de l’Atlantique). C’est le rentrant d’Ottawa (Ottawa Embayment), contenu par les hauteurs du Bouclier à Perth (Ontario), au nord de l'Outaouais (Laurentides) et au sud du Saint-Laurent (Adirondacks).

Note. Les âges des divisions géologiques sont souvent révisés : il peut donc y avoir des incohérences à travers les billets du blogue. Ces raffinements n’affectent pas le fond du discours.

Retenons simplement pour la suite que les premiers sédiments à se déposer dans la région sont les grès de la formation de Nepean. Le grès est une roche formée de sable lithifié (consolidé). Les sables de Nepean, composés de quartz presque pur, ont tapissé le fond et les bords du rentrant d'Ottawa.

Entre le Bouclier érodé (en dessous) et les sédiments nouveaux venus (au-dessus), existe ce qu’on appelle une discordance (discordance d’érosion). Elle est visible au lac Beauchamp (Gatineau) où l’on voit dans une coupe à flanc d’une butte le Bouclier (sous la discordance) et le grès de Nepean (au-dessus). Plus de 500 Ma séparent les roches de part et d’autre de la discordance. (Voir mon billet du 23 janvier 2011, « Lac Beauchamp : un milliard d'années inscrites dans la roche ».)


Conglomérat reposant sur le quartzite à  Gatineau : fragments (clastes) de feldspath blanc dans une matrice de sable vitreux (quartz).


Ailleurs dans le rentrant d’Ottawa, le grès de Nepean a été précédé par les conglomérats de Covey Hill. (Conglomérat : roche sédimentaire formée d'éléments de tailles hétéroclites.) On ne les trouve pas dans notre région. Ou bien ils ne se sont pas déposés chez nous, ou bien ils ont été érodés avant le dépôt du Nepean (hypothèse la plus probable). Mais bref, le résultat est que, dans la région de Gatineau et d’Ottawa, le Nepean repose directement sur le Bouclier, sans le tapis rugueux du Covey Hill. [Corr. : le Covey Hill affleure à Kanata, dans l'ouest d'Ottawa.]

Des points essentiels distinguent le Covey Hill du Nepean. La formation de Nepean est composée de grès et de conglomérats à cailloux arrondis de quartz. Le tout s'est déposé sur le fond et les marges du rentrant d'Ottawa. La formation de Covey Hill a une origine continentale (ses constituants proviennent de l'érosion du Bouclier) et ses éléments ont connu un transport fluvial. Elle est formée de grès et de conglomérats feldspathiques à éléments anguleux.



Le conglomérat, in situ. Fallait être attentif pour ne pas passer sans le voir. Ni sa couleur ni la rouille omniprésente ne contribuent à le distinguer du quartzite hôte. (Surface mouillée pour mieux faire ressortir les contrastes.)
Photos juin 2023.


Il faut retenir de ce qui précède que le Nepean a été édifié par des sédiments matures, triés et arrondis par un long transport. Ils ont donc une origine distale. Le Covey Hill a accumulé des éléments immatures tels les clastes (brisures) de feldspath anguleux qu’un long transport aurait émoussés ou détruits. Leur origine est donc locale. Ils proviennent de l'érosion du Bouclier proche. (Le feldspath en particulier est, contrairement au quartz, un minéral vulnérable absent des sédiments mobilisés. Sa présence dans un dépôt trahit une origine locale.)

La découverte

Or, j’ai découvert un conglomérat riche en clastes de feldspath blanc anguleux déposés directement sur le Bouclier (sur un quartzite) à Gatineau. Le conglomérat, d'aspect variable, contient en outre des clastes arrondis de feldspath et de quartz ainsi que des galet arrondis dans une matrice de grès quartzeux. Conglomérat et quartzite sont fortement rouillés.



Le conglomérat : un galet arrondi s'est détaché de la roche. 
(Non, le blogue n'est pas commandité par World of Maps.)


La présence d’une forte proportion de fragments de feldspath anguleux témoigne de l'origine locale (au moins partiellement) du conglomérat. Le secteur où je l'ai découvert abonde justement en quartzite et en granite blanc qui auraient pu fournir les clastes anguleux de quartz et de feldspath – ce dernier provenant surtout du granite.

Il est donc parfaitement légitime de se demander s’il ne s’agirait pas d’un (petit) lambeau de Covey Hill ayant échappé à l’érosion.

À la lueur de cette découverte, la colonne stratigraphique de la région serait donc :

Ordovicien : 485-444 Ma

  • Sédiments carbonatés et shales témoignant de l’avancée et de l’approfondissement de la mer (non répertoriés en détail ici : voir mon tableau des temps géologiques)

Cambrien moyen – Ordovicien inférieur : 509-497 Ma

  • Formation de Nepean du groupe de Potsdam ; origine marine et margino-marine, dépôt sur le fond et les marges du rentrant d’Ottawa : grès et conglomérat à cailloux arrondis de quartz
Discordance d’érosion à l'intérieur du groupe de Potsdam

Protérozoïque supérieur  (avant 539 Ma) – Cambrien moyen : 539-498 Ma

  • Formation de Covey Hill du groupe de Potsdam ; dépôts origine continentale (transport fluvial) : grès et conglomérats feldspathiques
Discordance d’érosion Protérozoïque-Paléozoïque (cf. lac Beauchamp, Gatineau)

Protérozoïque moyen : 1,6 – 1,0 Ga (milliard d’années)

  • Bouclier canadien, province de Grenville
  • Roches métamorphiques et plutoniques

Mes moyens et connaissances ne me permettent pas de trancher la question s’il s’agit de Covey Hill ou non. L’important est la place qu’occupe mon conglomérat dans la stratigraphie. Il est pré-Nepean et il repose directement sur le Bouclier. Il pourrait même représenter des sédiments encore plus anciens que le Covey Hill ? Pourquoi pas ?

Si cette origine plus ancienne ne s’avérait pas, il resterait que mon conglomérat étendrait vers le nord, au Québec, la zone couverte par le Covey Hill dans le rentrant d’Ottawa.

Ce n’est pas rien.

À moi la médaille Logan !

Ajout (23 juin 2023). 

Informations qui dormaient dans mes filières mais sur lesquelles je n'ai mis la main (et posé les yeux) qu'après la rédaction du mon billet.

Le conglomérat, au centre, et la glauconite gris-vert friable et terreuse, de chaque côté (la photo rend mal les teintes). Photo juin 2023.

 

Bernius (1996) signale la présence d'un conglomérat à quartz-feldspath de 5 cm d'épaisseur sur le Bouclier précambrien à la base du Paléozoïque dans des forages à Bell's Corners, Nepean (ouest d'Ottawa). Il ne précise pas si le conglomérat fait partie du Nepean (qui le surmonte), mais son texte permet de le supposer. 

La partie supérieure du Bouclier sous le conglomérat est fortement altérée et météorisée (saprolite) et Bernius plusieurs minéraux résultant de l'altération des roches, dont une glauconite gris-verdâtre, sont présents. « La glauconite est répandue dans les roches sédimentaires accumulées dans la mer [...], dans des secteurs proches des côtes. »

Ceci conforte ma première hypothèse selon laquelle mon conglomérat ferait partie du Nepean (et non du Covey Hill). La glauconite vert terne friable affleure sur le quartzite près de mon conglomérat.







Clastes anguleux de quartz et de feldspath.


Notes

Le site où j’ai découvert le conglomérat au fond d’une excavation dans une propriété privée non gardée et non clôturée. Il est probable que l'excavation précède des travaux de construction et que le conglomérat sera détruit ou qu'il deviendra inaccessible. La partie visible du conglomérat, blanc rouillé, sur un plancher de quartzite blanc rouillé lui aussi et recouvert de cailloux, n’excédait pas deux pieds carrés. Il m’a fallu un peu de visu et beaucoup de chance pour ne pas le manquer.

La nomenclature des sédiments du Paléozoïque de la plate-forme du Saint-Laurent varie selon les auteurs et les régions (Ontario, Québec ou État de New York). Les controverses entretenues par les géologues professionnels dépassent mes compétences. J’ai utilisé les termes Covey Hill et Nepean un peu librement, mais correctement, il me semble. Que les pros me pardonnent mes approximations !

Les formations de Covey Hill et de Nepean font partie du groupe de Potsdam. Selon certains, une discordance d’érosion sépare les deux formations et leur réunion dans un même groupe est problématique. Encore une fois, je ne suis pas en mesure de participer à ce savant débat.

 


Clastes, vides et matrice de sable vitreux (quartz). Sans oublier la rouille.

 


Pour en savoir plus

  • G.R. Bernius, 1996, Borehole Geophysical Logs from the GSC Borehole Geophysics Test Site at Bell's Corners, Nepean, Ontario. GSC, Open File 3157.
  • Sanford, B.V. et Arnott, R.W.C., Stratigraphic and structural framework of the Potsdam Group in eastern Ontario, western Quebec, and northern New York State, Commission géologique du Canada, Bulletin 597, 2010, 83 p. (+ cartes)
  • Williams, D. and P.G. Telford, 1986. Paleozoic Geology of the Ottawa Area. Geological Association of Canada, Mineralogical Association of Canada, Canadian Geophysical Union, Joint Annual Meeting, Ottawa '86, Field Trip 8: Guidebook, 25 p.
  • Williams, D.A., P.G. Telford, A.D. McCracken and F.R. Brunton, 1992. Cambrian-Ordovician Geology of the Ottawa Region. Geological Association of Canada, Canadian Museum of Nature, CPC-II Ottawa '92, Canadian Paleontology Conference, Field Trip Guidebook No. 2, 51 p.
  • A. E. Wilson, Geology of the Ottawa-St. Lawrence Lowland, Ontario and Quebec, Commission géologique du Canada (CGC), Mémoires 241, 1946, 66 pages + cartes 413A et 414A.



Ce n'est pas très visible sur photo, mais voici le seul échantillon à montrer un litage dans la disposition des grains et des clastes. Leur disposition est parallèle au bord inférieur de l'échantillon.

mercredi 7 juin 2023

Conglomérat à la surface d'un quartzite


Excavation au nord du terminus Labrosse du Rapibus, à Gatineau (Québec), début avril 2023. Le cratère était à sec lors de ma dernière visite, début juin. 
Sous le tapis d'argile grise de la mer de Champlain (12 000 - 10 000 ans), le quartzite du Bouclier canadien (plus d'un milliard d'années).



Un billet plus complet a été publié le 18 juin 2023.

Résumé


Conglomérat contenant des débris de feldspath anguleux reposant à la surface d'un quartzite de la province de Grenville (1 Ga), à Gatineau (Québec). Le conglomérat, très rouillé, devait se trouver à la base du grès de Nepean, déposé en discordance (500 Ma) sur le quartzite. (Le grès n'est pas exposé au site même.)


C'est souvent au retour d'une expédition, en examinant les échantillons recueillis, que l'on fait ses découvertes les plus surprenantes.

Échantillon du conglomérat. S'il ne paye pas de mine sous son revêtement rouillé, dites-vous qu'il s'agit là d'un morceaux du sol tel qu'il était il y a 500 millions d'années.

Un exemple : ce conglomérat extrait d'un coup de marteau d'un quartzite du groupe de Grenville âgé de plus d'un milliard d'années. Il méritait mieux que le regard distrait que je lui avais accordé en le récoltant, intrigué par son aspect tacheté. Il constitue un témoin rare de l'époque qui a précédé le dépôt en discordance du grès de Nepean sur le quartzite il y a 515 millions d'années. La présence dans le conglomérat d'éléments sous-millimétriques et de fragments anguleux ou allongés de feldspath blanc mesurant jusqu'à 15 mm indique que ses constituants se sont accumulés à proximité de leur roche mère : un transport sur de longues distances, par l'eau ou le vent, n'aurait laissé que de petits grains de sable quartzeux bien arrondis et mieux triés.

Si mon conglomérat rouillé ne paye pas de mine, dites-vous qu'il s'agit là d'un morceaux du sol tel qu'il était il y a 500 millions d'années ! Ça mérite un peu de respect.

Le granite blanc, abondant dans le secteur (paragraphe suivant), a pu fournir le feldspath et le quartz du conglomérat.

Granite blanc provenant du secteur. Il aurait pu fournir le feldspath (blanc) et le quartz (gris) du conglomérat.


Plus à l'est, à 1,5 km, la séquence complète granite/discordance/grès de Nepean est exposée au bord du lac Beauchamp (voir billet du 23 janvier 2011). La discordance à cet endroit contient en plus un paléosol altéré entre les deux roches et des galets de quartz de plusieurs cm apparaissent à la base du grès. Des centaines de millions d'années en un seul affleurement !


Détail de la photo précédente cadré sur les fragments de feldspath blanc anguleux. Noter la taille hétérogène des clastes. En bas, à gauche : vide long d'une dizaine de mm laissé par la chute d'un élément ovale.


L'interface quarzite/grès a pu canaliser les eaux souterraines, ce qui peut expliquer la rouille et l'altération des minéraux à ce niveau.

Le quartzite sur lequel j'ai recueilli le conglomérat est exposé dans une excavation creusée dans l'argile de la mer de Champlain au nord du terminus Labrosse du Rapibus, à Gatineau (terrain privé). Des traces de travaux anciens sont visibles dans le roc et la surface naturelle u quartzite n'a pas intégralement été préservée.



Affleurement de la discordance, lac Beauchamp, Gatineau, Qc.
Photo nov. 2010.

Coupe de l'affleurement
A) Granite de la province de Grenville (Bouclier  canadien), âgé de plus d'un milliard d'années.
B) Discordance d'érosion : elle coïncide avec la surface du continent telle qu'elle était avant le dépôt du grès (C).
C) Grès (sable consolidé) ; sédiments déposés au bord d'une mer peu profonde, il y a 515 millions d'années.
D) Surface du grès, polie par le passage des glaciers, lors de la dernière glaciation (80 000 - 12 000 ans).

Avec cet « affleurement de la discordance », nous disposons d'une coupe qui témoigne de plus d'un milliard d'années de l'histoire de notre continent. (Tiré du billet du 23 janvier 2011.)


Autre face de l'échantillon du conglomérat. Un feldspath long de 15 mm est visible à droite.

mardi 20 décembre 2022

Draperies de pierre au fond des lacs des Laurentides

Photo 1. - Élégantes draperies de pierre au fond du lac Marie-Lefranc, dans les Laurentides. Chaque « draperie » est un lit silicaté insoluble dans un marbre composé de minéraux carbonatés qui ont été lentement dissous par l'eau. Photo © Jean-Louis Courteau.



Sauf mention contraire, les photos qui illustrent ce billet sont de Jean-Louis Courteau et elles ont déjà été diffusées dans ce blogue. Elles ne proviennent pas de l'article du Naturaliste canadien dont il est question ici et dont il est un des coauteurs.


Ce petit blogue a joué son petit rôle dans la révélation de ce qu’il faut bien appeler une découverte dans la géologie du Quaternaire de l'Outaouais et des Laurentides.

Il y a 10 ans, Jean-Louis Courteau m’avait contacté via ce blogue à propos de formations étranges qui peuplaient le fond du lac Tremblant, dans les Laurentides. Il faut dire que Jean-Louis est plongeur, en plus d’être peintre et écrivain. Quand on écrit, quand on dessine, on a l’œil, et on le conserve même dans les eaux brouillées des profondeurs des lacs. Surtout, on est curieux. 


Photo 2. - Restes d'inclusions insolubles ayant survécu à la dissolution de leur matrice de marbre. Comment ont-elles pu subir sans dommage le passage des glaciers ? Photo © Jean-Louis Courteau.


Jean-Louis m’avait décrit d’intrigants reliefs ; pieux ou rouleaux de pierre surgissant du plancher lacustre, fantomatiques draperies rocheuses sur les flancs de falaises sous-marines et il se questionnait sur leur origine. La seule réponse plausible que j'avais pu fournir était qu’il s’agissait sans doute d'inclusions rocheuses enclavées et plissées dans un marbre – chose commune en Outaouais comme dans les Laurentides, mais ces inclusions ne font jamais saillie sur la surface du roc au point que le décrivait Jean-Louis. Il fallait croire que l’immersion au fond d’un lac avait peu à peu dissout la matrice en marbre, fait de carbonates solubles, dégageant et laissant en relief les inclusions silicatées, les insolubles, comme on les appellera. La quiétude des fonds lacustres les a apparemment préservées. Sauf que...


Photo 3. - Ondulation de pierre au fond du lac Tremblant, dans les Laurentides. Photo © Jean-Louis Courteau.


Sauf que la dernière glaciation du Quaternaire, dite du Wisconsinien, a pris fin dans la région il y a 12 000 ans. Les glaces, à leur départ, laissaient derrière elles un continent raboté et poncé à fond par leur passage. Nos tenaces mais frêles insolubles n’auraient pas pu survivre à un tel épisode qui s'était étiré sur quelque 90 000 ans. Et, à moins de supposer un taux de dissolution improbable, les 12 petits millénaires écoulés depuis le départ des glaces ne permettaient pas le dégagement des éléments insolubles du marbre dans les proportions rencontrées au fond du lac Tremblant. Ces monstruosités lacustres n’auraient pas dû exister, tout simplement.

J’insiste : il s’agissait d’une véritable découverte, de quelque chose d’insoupçonné qu’on n’aurait pas cru possible ni envisageable dans notre contexte.

Et pourtant, ces impossibles formations existaient ! Pas seulement au lac Tremblant ; au lac Marie-Lefranc, au Lac-des-Seize-Îles aussi, tous des lacs du bouclier canadien, au NO de Montréal. Restait seulement à expliquer leur existence...


J’ai mis en ligne au cours des années dans mon blogue de nombreuses photos de ces « insolubles » fournies par Jean-Louis. Vous pouvez vous y référer pour suivre l’évolution des choses.


Photo 4. - Des plaques et des futs de colonnes un rouleau lithiques au fond du lac Tremblant, dans les Laurentides. Photo © Jean-Louis Courteau.


Je ne sais plus trop quand et comment j’ai mis en contact Jean-Louis avec Bernard Lauriol, professeur émérite à l’Université d’Ottawa. Bernard a confirmé mes conclusions tout en étant aussi étonné que moi des proportions que présentaient ces formations.


Marbre et inclusions insolubles

Il est rare dans la région qu'un banc de marbre soit homogène et ne contiennent pas des couches ou des intrusions de roches autres. Ces inclusions ont souvent été plissées et disloquées par les pressions tectoniques (photos 8 et 9). Le marbre lui-même est constitué de carbonates de calcium, calcite ou dolomie, faciles à attaquer et sensibles à l'acidité des eaux. Les inclusions, formées de silicates divers et de quartz, sont plus résistantes. 

 



Photo 5. - Non, ce n'est pas une guenille,
mais un insoluble remonté sur la terre ferme. Dépliez mentalement la pierre chiffonnée pour lui redonner sa « planitude » originale. Lac-des-Seize-îles, Laurentides. Photo © Jean-Louis Courteau.



Mon résumé

Bref, après des années d’études, d'analyses, de mesures, de prélèvements et bien des plongées, un article cosigné par Benoit Faucher, Jean-Louis Courteau et Bernard Lauriol est publié dans la revue Le Naturaliste canadien : « Sous la surface des lacs des Laurentides : des témoignages de la dernière période glaciaire » (voir plus bas le résumé officiel de l'article et la référence). Il apparaît que le phénomène des insolubles est plus répandu qu’on le croyait dans nos lacs puisque les auteurs en rapportent des occurrences plus à l’ouest, près de Low et de Luskville.

Photo 6. - Un rouleau et autres aspérités au fond du lac Tremblant, dans les Laurentides. Photo © Jean-Louis Courteau.







Photo 7. - Jolies draperie, quel mouvement ! Et pourtant elles sont immobiles. Lac -des-Seize-Îles, dans les Laurentides. Photo © Jean-Louis Courteau.


Il apparaît aussi que les glaciers ont sans doute joué un rôle dans l'exhumation et la préservation de ces insolubles. (Dans le passage qui suit, je résume le contenu de l'article selon ma compréhension et selon ce qui me semble le plus important. J’espère ne pas trop déformer les propos des auteurs.)

On peut envisager la création de lacs sous-glaciaires dans des poches d’eau turbulente au sud de collines où les glaces, venant du nord, pesaient moins sur le roc. (Et, justement, nos trois lacs sont situés au sud de tels écrans protecteurs.) La turbulence de l’eau sous pression dans ces bassins, coincés entre plancher de roc et toit de glace, a fait ressortir les inclusions silicatées insolubles du marbre. Voilà que nos formes d’érosion en relief sont créées ! Par la suite, des sédiments fluvio-glaciaires fins ont pu les recouvrir et les protéger. Un lessivage subséquent des sédiments par des écoulements sous-glaciaires a pu ensuite dégager les formes en relief ou les détruire et les emporter avec des débris rocheux et autres blocs erratiques, comme il a été observé à Low et à Luskville (photo 11). Reste à préciser la chronologie des événements : érosion, sédimentation, dégagement : wisconsinien ou préwisconsinien ? Ces insolubles mettent aussi en lumière la possibilité de lacs sous-glacaires nombreux.

Le plus étrange, à la fin, n’est pas l’existence de ces formations en relief, mais le fait qu’on ait mis tant de temps avant de se rendre compte de leur existence. (C'est ma conclusion.)


Photos 8 et 9. - Les inclusions de roches diverses dans le marbre sont fréquentes dans l'Outaouais et les Laurentides. 
Photo 8. - Marbre gris contenant des inclusions sombres plissées et étirée. © Photo Henri Lessard, 2009 ; autoroute 50 au nord de Thurso, Qc. 
Photo 9. - L’érosion du marbre peut mettre en relief ces inclusions résistantes, mais elle le fait à des échelles modestes, au bord des rivières comme, par exemple, sur la rive de la Gatineau. © Photo Henri Lessard, 2010; île Marguerite, Gatineau, Qc.

Sous la surface des lacs des Laurentides : des témoignages de la dernière période glaciaire

Référence

Faucher, B., J.-L. Courteau et B. Lauriol, 2022. « Sous la surface des lacs des Laurentides: des témoignages de la dernière période glaciaire. » Le Naturaliste canadien, 146 (2): 19-25. https://doi.org/10.7202/1091885ar


Photo 10. - Tiens, on dirait que je viens de plier les serviettes propres. Lac Marie-Lefranc, dans les Laurentides. Photo © Jean-Louis Courteau. (La photo n'appartient pas à l'article cité.)

Les auteurs 

  • Benoit Faucher est scientifique du Quaternaire à la Commission géologique du Canada (Programme GEM-GéoNord, Ottawa) et enseigne la géographie au Département de géographie, environnement et géomatique de l’Université d’Ottawa (Ontario).  bfaucher@uottawa.ca.
  • Jean-Louis Courteau est auteur, artiste, coproducteur de documentaires vidéo et directeur du Centre d’interprétation des eaux laurentiennes à Lac-des-Seize-Îles, CIEL (Québec).
  • Bernard Lauriol est professeur émérite de l’Université d’Ottawa (Ontario). Il a récemment publié deux ouvrages sur l’Outaouais et son passé géologique.

Résumé tiré du Naturaliste canadien

De remarquables formes rocheuses insolubles se dressent dans le fond de lacs creusés dans le marbre de Grenville de la région des Laurentides, au Québec (Canada). Elles atteignent une hauteur pouvant aller jusqu’à plusieurs décimètres. Selon les études sur les taux de dissolution du marbre du Bouclier canadien, il est improbable que celles-ci aient été mises en relief seulement pendant l’Holocène. Nous proposons qu’une érosion hydrique dans des poches d’eau alimentées par l’eau de fonte de la dernière calotte de glace des Laurentides soit à l’origine de la mise en relief de ces roches insolubles. Nous envisageons aussi la possibilité que les roches insolubles aient été dégagées de leur matrice de marbre par une eau courante bien avant la dernière déglaciation, et que celle-ci ait été précédée par un ou des lacs sous-glaciaires.

 


Photo 11. - Bloc erratique de marbre gris avec une protubérance formée par un bloc de roche silicatée (Luskville, à l'ouest de Gatineau, Québec). Le cercle blanc est une intervention picturale contemporaine ! Photo Bernard Lauriol, tirée de l'article de Faucher, Courteau et Lauriol.
La situation initiale de cette roche devait ressembler à ce que l'on voit sur la photo 8.


Photo 12. - Jean-Louis Courteau en compagnie d'un insoluble plissé ramené du fond du Lac-des-Seize-Îles. © Jean-Louis Courteau.