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mardi 20 décembre 2022

Draperies de pierre au fond des lacs des Laurentides

Photo 1. - Élégantes draperies de pierre au fond du lac Marie-Lefranc, dans les Laurentides. Chaque « draperie » est un lit silicaté insoluble dans un marbre composé de minéraux carbonatés qui ont été lentement dissous par l'eau. Photo © Jean-Louis Courteau.



Sauf mention contraire, les photos qui illustrent ce billet sont de Jean-Louis Courteau et elles ont déjà été diffusées dans ce blogue. Elles ne proviennent pas de l'article du Naturaliste canadien dont il est question ici et dont il est un des coauteurs.


Ce petit blogue a joué son petit rôle dans la révélation de ce qu’il faut bien appeler une découverte dans la géologie du Quaternaire de l'Outaouais et des Laurentides.

Il y a 10 ans, Jean-Louis Courteau m’avait contacté via ce blogue à propos de formations étranges qui peuplaient le fond du lac Tremblant, dans les Laurentides. Il faut dire que Jean-Louis est plongeur, en plus d’être peintre et écrivain. Quand on écrit, quand on dessine, on a l’œil, et on le conserve même dans les eaux brouillées des profondeurs des lacs. Surtout, on est curieux. 


Photo 2. - Restes d'inclusions insolubles ayant survécu à la dissolution de leur matrice de marbre. Comment ont-elles pu subir sans dommage le passage des glaciers ? Photo © Jean-Louis Courteau.


Jean-Louis m’avait décrit d’intrigants reliefs ; pieux ou rouleaux de pierre surgissant du plancher lacustre, fantomatiques draperies rocheuses sur les flancs de falaises sous-marines et il se questionnait sur leur origine. La seule réponse plausible que j'avais pu fournir était qu’il s’agissait sans doute d'inclusions rocheuses enclavées et plissées dans un marbre – chose commune en Outaouais comme dans les Laurentides, mais ces inclusions ne font jamais saillie sur la surface du roc au point que le décrivait Jean-Louis. Il fallait croire que l’immersion au fond d’un lac avait peu à peu dissout la matrice en marbre, fait de carbonates solubles, dégageant et laissant en relief les inclusions silicatées, les insolubles, comme on les appellera. La quiétude des fonds lacustres les a apparemment préservées. Sauf que...


Photo 3. - Ondulation de pierre au fond du lac Tremblant, dans les Laurentides. Photo © Jean-Louis Courteau.


Sauf que la dernière glaciation du Quaternaire, dite du Wisconsinien, a pris fin dans la région il y a 12 000 ans. Les glaces, à leur départ, laissaient derrière elles un continent raboté et poncé à fond par leur passage. Nos tenaces mais frêles insolubles n’auraient pas pu survivre à un tel épisode qui s'était étiré sur quelque 90 000 ans. Et, à moins de supposer un taux de dissolution improbable, les 12 petits millénaires écoulés depuis le départ des glaces ne permettaient pas le dégagement des éléments insolubles du marbre dans les proportions rencontrées au fond du lac Tremblant. Ces monstruosités lacustres n’auraient pas dû exister, tout simplement.

J’insiste : il s’agissait d’une véritable découverte, de quelque chose d’insoupçonné qu’on n’aurait pas cru possible ni envisageable dans notre contexte.

Et pourtant, ces impossibles formations existaient ! Pas seulement au lac Tremblant ; au lac Marie-Lefranc, au Lac-des-Seize-Îles aussi, tous des lacs du bouclier canadien, au NO de Montréal. Restait seulement à expliquer leur existence...


J’ai mis en ligne au cours des années dans mon blogue de nombreuses photos de ces « insolubles » fournies par Jean-Louis. Vous pouvez vous y référer pour suivre l’évolution des choses.


Photo 4. - Des plaques et des futs de colonnes un rouleau lithiques au fond du lac Tremblant, dans les Laurentides. Photo © Jean-Louis Courteau.


Je ne sais plus trop quand et comment j’ai mis en contact Jean-Louis avec Bernard Lauriol, professeur émérite à l’Université d’Ottawa. Bernard a confirmé mes conclusions tout en étant aussi étonné que moi des proportions que présentaient ces formations.


Marbre et inclusions insolubles

Il est rare dans la région qu'un banc de marbre soit homogène et ne contiennent pas des couches ou des intrusions de roches autres. Ces inclusions ont souvent été plissées et disloquées par les pressions tectoniques (photos 8 et 9). Le marbre lui-même est constitué de carbonates de calcium, calcite ou dolomie, faciles à attaquer et sensibles à l'acidité des eaux. Les inclusions, formées de silicates divers et de quartz, sont plus résistantes. 

 



Photo 5. - Non, ce n'est pas une guenille,
mais un insoluble remonté sur la terre ferme. Dépliez mentalement la pierre chiffonnée pour lui redonner sa « planitude » originale. Lac-des-Seize-îles, Laurentides. Photo © Jean-Louis Courteau.



Mon résumé

Bref, après des années d’études, d'analyses, de mesures, de prélèvements et bien des plongées, un article cosigné par Benoit Faucher, Jean-Louis Courteau et Bernard Lauriol est publié dans la revue Le Naturaliste canadien : « Sous la surface des lacs des Laurentides : des témoignages de la dernière période glaciaire » (voir plus bas le résumé officiel de l'article et la référence). Il apparaît que le phénomène des insolubles est plus répandu qu’on le croyait dans nos lacs puisque les auteurs en rapportent des occurrences plus à l’ouest, près de Low et de Luskville.

Photo 6. - Un rouleau et autres aspérités au fond du lac Tremblant, dans les Laurentides. Photo © Jean-Louis Courteau.







Photo 7. - Jolies draperie, quel mouvement ! Et pourtant elles sont immobiles. Lac -des-Seize-Îles, dans les Laurentides. Photo © Jean-Louis Courteau.


Il apparaît aussi que les glaciers ont sans doute joué un rôle dans l'exhumation et la préservation de ces insolubles. (Dans le passage qui suit, je résume le contenu de l'article selon ma compréhension et selon ce qui me semble le plus important. J’espère ne pas trop déformer les propos des auteurs.)

On peut envisager la création de lacs sous-glaciaires dans des poches d’eau turbulente au sud de collines où les glaces, venant du nord, pesaient moins sur le roc. (Et, justement, nos trois lacs sont situés au sud de tels écrans protecteurs.) La turbulence de l’eau sous pression dans ces bassins, coincés entre plancher de roc et toit de glace, a fait ressortir les inclusions silicatées insolubles du marbre. Voilà que nos formes d’érosion en relief sont créées ! Par la suite, des sédiments fluvio-glaciaires fins ont pu les recouvrir et les protéger. Un lessivage subséquent des sédiments par des écoulements sous-glaciaires a pu ensuite dégager les formes en relief ou les détruire et les emporter avec des débris rocheux et autres blocs erratiques, comme il a été observé à Low et à Luskville (photo 11). Reste à préciser la chronologie des événements : érosion, sédimentation, dégagement : wisconsinien ou préwisconsinien ? Ces insolubles mettent aussi en lumière la possibilité de lacs sous-glacaires nombreux.

Le plus étrange, à la fin, n’est pas l’existence de ces formations en relief, mais le fait qu’on ait mis tant de temps avant de se rendre compte de leur existence. (C'est ma conclusion.)


Photos 8 et 9. - Les inclusions de roches diverses dans le marbre sont fréquentes dans l'Outaouais et les Laurentides. 
Photo 8. - Marbre gris contenant des inclusions sombres plissées et étirée. © Photo Henri Lessard, 2009 ; autoroute 50 au nord de Thurso, Qc. 
Photo 9. - L’érosion du marbre peut mettre en relief ces inclusions résistantes, mais elle le fait à des échelles modestes, au bord des rivières comme, par exemple, sur la rive de la Gatineau. © Photo Henri Lessard, 2010; île Marguerite, Gatineau, Qc.

Sous la surface des lacs des Laurentides : des témoignages de la dernière période glaciaire

Référence

Faucher, B., J.-L. Courteau et B. Lauriol, 2022. « Sous la surface des lacs des Laurentides: des témoignages de la dernière période glaciaire. » Le Naturaliste canadien, 146 (2): 19-25. https://doi.org/10.7202/1091885ar


Photo 10. - Tiens, on dirait que je viens de plier les serviettes propres. Lac Marie-Lefranc, dans les Laurentides. Photo © Jean-Louis Courteau. (La photo n'appartient pas à l'article cité.)

Les auteurs 

  • Benoit Faucher est scientifique du Quaternaire à la Commission géologique du Canada (Programme GEM-GéoNord, Ottawa) et enseigne la géographie au Département de géographie, environnement et géomatique de l’Université d’Ottawa (Ontario).  bfaucher@uottawa.ca.
  • Jean-Louis Courteau est auteur, artiste, coproducteur de documentaires vidéo et directeur du Centre d’interprétation des eaux laurentiennes à Lac-des-Seize-Îles, CIEL (Québec).
  • Bernard Lauriol est professeur émérite de l’Université d’Ottawa (Ontario). Il a récemment publié deux ouvrages sur l’Outaouais et son passé géologique.

Résumé tiré du Naturaliste canadien

De remarquables formes rocheuses insolubles se dressent dans le fond de lacs creusés dans le marbre de Grenville de la région des Laurentides, au Québec (Canada). Elles atteignent une hauteur pouvant aller jusqu’à plusieurs décimètres. Selon les études sur les taux de dissolution du marbre du Bouclier canadien, il est improbable que celles-ci aient été mises en relief seulement pendant l’Holocène. Nous proposons qu’une érosion hydrique dans des poches d’eau alimentées par l’eau de fonte de la dernière calotte de glace des Laurentides soit à l’origine de la mise en relief de ces roches insolubles. Nous envisageons aussi la possibilité que les roches insolubles aient été dégagées de leur matrice de marbre par une eau courante bien avant la dernière déglaciation, et que celle-ci ait été précédée par un ou des lacs sous-glaciaires.

 


Photo 11. - Bloc erratique de marbre gris avec une protubérance formée par un bloc de roche silicatée (Luskville, à l'ouest de Gatineau, Québec). Le cercle blanc est une intervention picturale contemporaine ! Photo Bernard Lauriol, tirée de l'article de Faucher, Courteau et Lauriol.
La situation initiale de cette roche devait ressembler à ce que l'on voit sur la photo 8.


Photo 12. - Jean-Louis Courteau en compagnie d'un insoluble plissé ramené du fond du Lac-des-Seize-Îles. © Jean-Louis Courteau. 

mardi 1 décembre 2015

Marbre et mise en plis


Pour faire plaisir à qui de droit, voici quelques inclusions tenaces qu'un peu de patience nous permettra de découvrir au fur et à mesure que l'érosion grignotera le marbre soluble qui les contient. Quelques millénaires devraient suffire.

Voir le billet du 28 oct. 2015 et suivre les liens pour en savoir plus.

Voir également le billet du 8 nov. 2015 sur le site du pont de pierre du Lac-des-Trente-et-Un-Milles où j'ai pris ces photos le 7 nov. 2015.



1a. Inclusion résistante dans un marbre poli par l'eau courante.



1b. Coupe des replis.



2a. Lits silicatés verts dans le marbre blanchâtre. Le marbre s'est introduit entre les lits (à droite).



2b. Même inclusion, vue par l'extrémité : un W style bubble gum.



3. Le chiffonnage de mes inclusions sont moins élaborés que celui des quelques échantillons remontés du fond d'un lac des Laurentides par Jean-Louis Courteau (voir aussi le premier des liens plus haut). Il y a quand même similitude dans le style de mise en plis : des M et des W. Lorsque l'eau attaque le marbre au fond d'un lac, en l'absence de vagues et à l'abri des aléas de la vie à l'air libre, les inclusions ne se brisent pas au fur et à mesure que l'érosion les dégage. Photo © Jean-Louis Courteau.




4. Nodule silicaté résistant faisant saillie à la surface du marbre.

mercredi 28 octobre 2015

Pierre froissée : suite et éclosion


Photo (et cueillette au fond d'un lac) : Jean-Louis Courteau, 2015. On peut s'amuser à défaire mentalement les plis pour retrouver le filon de granite plat original.


Encore (mais je ne m'en lasse pas) une roche chiffonnée remontée du Lac-des-Seize-Îles. Ça ressemble à une fleur en papier froissé. Pourtant, il s'agit d'un filon de granite* plissoté dans un vieux marbre que la lente dissolution dudit marbre a fait ressurgir (ou éclore ?) au fond d'un lac.

* Selon toute vraisemblance. Pourrait être un quartzite, mais je ne pense pas. En tout cas, le filon est riche en quartz et silicates résistants à l'érosion, au contraire du marbre, composé de calcite soluble. 

Photo et cueillette sous-marine : Jean-Louis Courteau, 2015. Voir aussi son blogue Aquadelic. Voir aussi mon billet du 17 sept. 2015 (et suivre les liens) pour en savoir plus.

Remarquez, j'aurais de bonnes raisons de me froisser aussi facilement que le granite et de me montrer un peu chiffonné. Quand une personne me complimente pour mon blogue, c'est presque immanquablement parce qu'elle a été impressionnée par les photos prises par Jean-Louis que j'y affiche, jamais pour les miennes. Heureusement, je suis au-dessus de ce genre de susceptibilité. (Et moi aussi je suis impressionné.)

jeudi 17 septembre 2015

Gneiss du fond du Lac-des-Seize-Îles


Photo et figuration © Jean-Louis Courteau, 2015.


Fragment de gneiss* plissé dégagé par la dissolution du marbre au fond du Lac-des-Seize-Îles, dans les Laurentides. Voyez comme l'attitude de la pierre lui donne la forme de la coque d'une chaloupe.

* Dans le sens le plus large et le plus généreux du terme en attendant plus de précisions.

Jean-Louis Courteau a rapporté du fond du lac cette sculpture précambrienne (un milliard d'années).

Voir les autres billets du blogue consacrés à ces roches plissées :



Mais, à tout plongeur tout honneur, rendez-vous d'abord au blogue Aquadelic de Jean-Louis Courteau.


Photo et figuration © Jean-Louis Courteau, 2015.


Ça pourrait être le reste d'une épave ; le gneiss rubané imite les planches vermoulues d'un ancien naufrage.

Photo © Jean-Louis Courteau, 2015.


Une élégance que plusieurs œuvres d'art moderne lui envieraient. Admirez le double mouvement de torsion et d'étirement.

jeudi 7 mai 2015

Filons plats et lits froissés


Quelques autres merveilles qui gisent au fond des lacs des Laurentides : marbre lardé d'inclusions résistantes se révélant à mesure que l'eau dissout le marbre soluble. Voir le billet du 17 janvier 2015 pour en savoir plus (et suivre les liens, en particulier celui vers le billet du 11 août 2012).

Les photos sont tirées du blogue Aquadelic de Jean-Louis Courteau. Plusieurs autres y sont affichées, et elles-y sont pour être contemplées, alors, allez-y voir !


1. Photo Jean-Louis Courteau (2015), aquadelic.blogspot.ca.
Photo 1. – Fins lits ou filons (quartzite ? granite ?) plats dans le marbre. Lac-des-Seize-Îles, au sud du Mont-Tremblant.


2. Photo Jean-Louis Courteau (2015), aquadelic.blogspot.ca.
Photo 2. – Inclusions froissées dans le marbre. Lac-des-Seize-Îles, au sud du Mont-Tremblant.

samedi 21 février 2015

Façonnement du relief des Laurentides


Sainte-Agathe-des-Monts (et non Saint-Agathe (sic) !) se trouve
du côté est du lac situé un peu au dessus du centre de la carte.

Document tiré de Bouchard et al., 2007.


Au cours de mes promenades, le paysage amène immanquablement le même genre de questions à se bousculer dans mon esprit : pourquoi une colline ici et une plaine là, un escarpement à cet endroit et une sablière à cet autre ? Pourquoi ceci, pourquoi cela ?...

Pour avoir rencontré plusieurs olibrius de mon espèce, je peux témoigner de la grande fréquence de la maladie dans la population.

Comme contribution au soulagement des symptômes les plus irritants de ce syndrome, cette carte du secteur de Sainte-Agathe-des-Monts dans les Laurentides, Bouclier canadien (Bouchard et al., 2007). Aux plus atteints du syndrome «Pourquoi ?...», cette image soignera mille maux :

Le contours des collines se tient à l'intérieur des cases dessinées par le quadrillage des joints, diaclases et failles (lignes noires). Les effets de l'érosion se sont concentrées le long de ces lignes de faiblesse du socle. L'alignement désordonné des collines, la silhouette des lacs, le réseau hydrographique entier sont ainsi influencés par le treillis des fractures.

La plus grande partie du travail de l'érosion s'est faite avant les glaciations. Selon Bouchard et al. (2007), le relief actuel résulte du dégagement des altérites du Bouclier canadien datant du Tertiaire.

Pour plus de détails, voir le billet du 25 nov. 2012, «Paysage pré-glaciations».

Source de l'illustration

  • Mireille Bouchard, Serge Jolicœur, Jean-Pierre Peulvast, «Altération et évolution géomorphologique du bouclier canadien dans le sud-ouest du Québec», dans : Du continent au bassin versant. Théories et pratiques en géographe physique (Hommage au Professeur Alain Goudard), 2007, Press Universitaires Blaise-Pascal, p. 39-54.

samedi 24 janvier 2015

Draperies sous-marines, Lac-des-Seize-Îles


© Jean-Louis Courteau 2014







Draperies lacustres : lits ou filons de roches résistantes (quartzite, granite ou gneiss) dégagés du marbre par lente dissolution de ce dernier. Lac-des-Seizes-Îles dans les Laurentides, au nord-ouest de Montréal. Photo © Jean-Louis Courteau, 2014.




Même sujet :
Blogue Aquadelic de Jean-Louis Courteau
Le jardin des immortelles

Dans ce blogue :
11 août 2012, «Lac Tremblant : radiographie du marbre»
17 janv. 2015, «Plis et vieilles guenilles : la merveille»
29 oct. 2014, «Marbre, rideaux et vieilles guenilles : suite et persévérance»
26 oct. 2014, «Marbre, rideaux et vieilles guenilles : suite»
28 sept. 2014, «Marbre, rideaux et vieilles guenilles»
16 oct. 2012, «Lac Tremblant : retour au fond des choses»

samedi 17 janvier 2015

Plis et vieilles guenilles : la merveille


Qu'est-ce ? Vous pouvez en dire ce que vous voulez, ça ne froissera pas la chose.


Résumé

Inclusions silicieuses résistantes dégagées par dissolution du marbre qui les contient dans les lacs des Laurentides. Elles révèlent par leur surgissement la tectonique du marbre (marbre de la province géologique du Grenville, Bouclier canadien, âgé de plus d'un milliard d'années).
Billet consacré au même sujet, blogue Aquadelic de Jean-Louis Courteau
Le jardin des immortelles
Billets consacrés au même sujet (dans ce blogue; le plus important est placé en premier)
11 août 2012, «Lac Tremblant : radiographie du marbre»
29 oct. 2014, «Marbre, rideaux et vieilles guenilles : suite et persévérance»
26 oct. 2014, «Marbre, rideaux et vieilles guenilles : suite»
28 sept. 2014, «Marbre, rideaux et vieilles guenilles»
16 oct. 2012, «Lac Tremblant : retour au fond des choses»


Qu'est-ce au juste, que cette... chose ? Une pièce de chamois qui a servi à astiquer le casque de Goliath ? Ou à nettoyer le monocle du cyclope ? Le cuir d'un buffle blindé ? Le pan d'une veste pare-silex du Paléolithique ?

Vous ne voyez pas ?

Réponse : c'est une merveille.


Dans son milieu naturel, la chose (ou ses semblables) ont meilleure allure. Lits ou filons de roches silicieuses plissées dégagées par dissolution du marbre qui les contient. Lac-des-Seize-Îles dans les Laurentides. Photo © Jean-Louis Courteau, 2014.


Ce rectangle tout plissé de roche – un granite ou un quartzite – revient de loin. Il a toute une histoire.

Loin dans le temps, mais aussi loin – ou profond – dans l'espace.

Il s'est formé il y a plus d'un milliard d'années, à plusieurs km de profondeur à l'intérieur de l'écorce terrestre. Les pressions tectoniques ont plissé et trituré le banc de marbre à l'intérieur duquel il avait trouvé place. Notre granite/quartzite a pris un pli, même plusieurs ; bons ou mauvais plis, il les a conservé jusqu'à aujourd'hui.

Je passe rapidement les millions d'années, les centaines de millions d'années. L'érosion amène le marbre tout près de la surface. Les glaciations du Quaternaire rabotent et polissent le socle continental. Les glaces, il y a 10 000 ans, se retirent, l'eau s'installe dans un bassin de marbre poli. Voici bientôt un joli lac, entouré de feuillus et de conifères. Au fond, l'eau dissous peu à peu la calcite (le marbre, quoi) ; les inclusions siliceuses – granite, quartzite et gneiss –, résistantes, font saillie et sont peu à peu dégagées.

Vers 2012, des plongeurs plongent explorer les lacs des Laurentides. Ils en rapportent des photos de paysages fantastiques. Des rouleaux de pierre, pareils à des pieux, sortent de la roche, des murs se dressent, des draperies ondulent - ou plutôt n'ondulent plus, elles ont pris leur plis il y a  longtemps.

Ces paysages lacustres (ou sous-lacustres) sont à peu près totalement ignorés. Il doit s'en trouver partout dans les Laurentides et en Outaouais, partout où il y a du marbre.

C'est un scandale que ces merveilles soient soit si peu connues. Comme elles reposent au fond des eaux, il y a peu de chance que la publicité autour de leur existence ne les exposent au vandales !

Ce morceau de silicates rouillé m'a été apporté par Jean-Louis Courteau qui l'a ramassé au fond du Lac-des-Seize-Îles, au NW de Montréal, dans les Laurentides. (Voir, en autres, les billets d'octobre 2014, liens plus haut.)

Il figure à une place de choix dans mes collections. Qui d'entre vous, chers lecteurs, a eu le privilège de tenir en main une plaque de roche qui s'est fait froisser à plus de vingt km sous terre ? Qui ?


Je manque d'indices – et, disons-le, d'expertise – pour interpréter la coupure nette entre la partie rouillée et la partie noire (manganèse?).


Quel beau pli serré !


Comptez les plis et replis à droite, contre mon petit doigt.


C'est vraiment de la pierre. Infroissable - ou plutôt, indéfroissable !


La nature de la roche est difficile à déterminer avec certitude. Filon de granite ? Lit de quartzite ? La roche (d'après un autre échantillon) est silicieuse, rouillée, et contient des grains de sphène(?) et de diopside(?). Ces deux minéraux se rencontrent souvent dans les granites qui interagissent avec le marbre.


C'est pas son meilleur profil.


Gênant que la mise au point soit faite sur le mur du fond plutôt que sur l'échantillon... Je suis très mal installé pour la photographie.


Photos suivantes : fond du lac Tremblant dans les Laurentides (photos © Jean Louis Courteau, Le jardin des immortelles, blogue Aquadelic). Exemples de paysages créés par dissolution du marbre : les piquets et les murs sont des inclusions insolubles que la quiétude des profondeurs lacustres préserve des bris et des ruptures.





mercredi 29 octobre 2014

Marbre, rideaux et vieilles guenilles : suite et persévérance


Fig. 1. Rideau pétrifié : strate ou mince filon plissé dans un marbre, au fond du Lac-des-Seizes, dans les Laurentides (Québec). La lente dissolution du marbre fait ressurgir l'inclusion, moins soluble dans l'eau. L'effet est assez spectaculaire, je dirais même féérique !
Photo Jean-Louis Courteau, oct. 2014.


Jean-Louis Courteau, décidément très persévérant, a rapporté du fond du Lac-des-Seize-Îles cette nouvelle photo d'une inclusion résistante dégagée par la dissolution du marbre qui l'enferme. On croirait voir un rideau de pierre naturel, avec plis et replis.

Voir, pour plus de détails, ces deux précédents billets :

26 oct. 2014, «Marbre, rideaux et vieilles guenilles : suite»
28 sept. 2014, «Marbre, rideaux et vieilles guenilles»


Des formations semblables peuvent être aperçues au bord des rivières. J'ai sorti de mes archives ce rideau pétrifié dont j'ai déjà parlé dans un billet daté du 20 juin 2010 (lien). Dans ce cas, l'action de l'eau courante a permis à l'eau de concentrer ses attaques à des endroits particuliers :

Île Marguerite, Gatineau (Québec) : marbre érodé par l'eau courante (rivière Gatineau). Sous une inclusion résistante plissée, les tourbillons ont creusé des cupules dans le marbre. 
Photos, Henri Lessard, juin 2010.


Fig. 2. Bande de gneiss (?) sombre dans un marbre blanc (le rose est dû à une altération superficielle). La bande de gneiss est plissée ; la dissolution lente du marbre (érosion par l'eau courante) a dégagé le gneiss qui apparaît comme la bordure d'un rideau pétrifié émergeant de la pierre. Le stylo bleu, partiellement visible en haut, à droite, donne l'échelle.


Fig. 3. Remarquez les cupules (flèches) sous les arches (ou anticlinaux, parlons savant) du gneiss, creusées par l'eau piégée tourbillonnant entre le marbre, roche soluble, et la voûte résistante. La rivière Gatineau coule à peu près dans la direction indiquée par les flèches. (À l'époque de la publication de ce document dans le blogue, j'avais l'habitude de numéroter les photos. Habitude fastidieuse que j'ai abandonnée.)


Fig. 4. Gros plan du «rideau» et d'une cupule. Celle-ci s'est approfondie en progressant vers l'aval, sous le gneiss, et semble présenter deux niveaux.

dimanche 26 octobre 2014

Marbre, rideaux et vieilles guenilles : suite


Fig. 1. Inclusion rocheuse dégagée par la dissolution du marbre au fond du Lac-des-Seize-Îles (Laurentides). Photo et cueillette sous-marine, Jean-Louis Courteau, 2014.


Suite du billet du 28 sept. 2014, «Marbre, rideaux et vieilles guenilles».


Malgré les apparences, il ne s'agit pas d'un morceau de feutre tout juste retiré de la laveuse (fig. 1 et 2), mais bien d'une inclusion remontée du fond du Lac-des-Seize-Îles par Jean-Louis Courteau.

Le marbre des Laurentides est une roche bien inclusive, mais qui se froissait facilement à l'époque de sa jeunesse*. Les inclusions (granite, gneiss...) qui la traversaient ont gardé quelques faux plis de cette époque. La dissolution du marbre au fond des lacs par l'action de l'eau dégage peu à peu ces inclusions chiffonnées, plus résistantes à l'érosion.

J'ai beau en avoir déjà vu, c'est toujours le même étonnement.

* Marbre de la province de Grenville, plus d'un milliard d'années.


Blogues de Jean-Louis Courteau

Voir aussi les articles du blogue liés au libellé «Marbre (fluage)».


Fig. 2. L'inclusion de la fig. 1, vue par la tranche. Admirez les plis serrés... Photo ; Jean-Louis Courteau, 2014.


Fig. 3. La roche mère, au fond du Lac-des-Seize-Îles, d'où provient l'inclusion. Tout n'est pas parfaitement identifiable. On remarque quand même, au centre, les plis que forme une mince strate rocheuse. Photo Jean-Louis Courteau, 2014.


Fig. 4. Exemple plus local : inclusions plissées dans un marbre «aérien» : il suffirait de laisser le massif rocheux tremper au fond d'un lac quelques centaines d'années et plus pour que les inclusions ressortent en relief.
Parc de la Gatineau, chemin Dennison (piste 5), 12 juillet 2012.