Ligne de grains. Roman
Auteur : Henri Lessard
Auteur : Henri Lessard
Éditeur : Les Éditions L'Interligne
Collection : « Vertiges »
ISBN : 978-2-89699-744-2
Parution : printemps 2022.
Parution : printemps 2022.
Comment décrire Noëlle, héroïne des nouvelles de Grève des anges ? Sachez qu’elle entretient des relations étroites mais conflictuelles avec les pommes de laitue en plus de redouter que sa baignoire n’achève de la rende agoraphobe. Au début du recueil, elle termine ses études secondaires et affronte le rejet ; à la fin, elle est à l’université et travaille dans un café. Dans tous les cas, Noëlle ne quitte qu’à regret la pénombre des coulisses pour s’exposer aux feux de la rampe.
Coup de foudre assuré pour ce personnage attachant et (légèrement) névrosé.
Réponse. — Pourquoi ? Je suis majeure, la vie fait de moi ce qu’elle veut.
R. — À quoi tendons-nous à chaque instant ? À l’émerveillement, à la fureur, à l’ivresse, à la fusion (amoureuse, érotique, mystique), à tout ce qui nous extirpe, nous expulse, nous immerge ou nous absorbe. Être, quel ennui ! Vite, un livre, un paysage, une musique, des yeux, un corps pour m’oublier. Être ou ne pas être, pour moi, la question est vite réglée. Je préfère l’inconscience.
R. — Je romps séance tenante avec un gars dès qu’il devient mon chum. Je suis une fille à ex ; je m’entends tellement bien avec eux – et avec elles, car j’ai des « exes » aussi. Un ex, une exe, c’est de l’intimité semée ici et là, de la complicité éprouvée, de la tendresse disponible. On ne devient pas mon ex ou mon exe comme ça. Charles (le dernier de mes ex) avait toutes les qualités. Drôle, attentif, de l’assurance sans arrogance. Alors, j’ai cassé tout de suite avec lui. Depuis, nous ne nous quittons plus.
R. — Je prends toujours mon bain dans une eau mousseuse. Assise dans une baignoire remplie d’une eau plate, sans bulles ni broue, mon regard est immanquablement attiré, à travers la masse translucide, par la blancheur de l’émail et ses vastités glacées. Il en découle des méditations désolées qui rendent la baignoire inhabitable. À moins de convaincre le propriétaire de faire émailler ma baignoire en rose, je ne vois d’autre solution que d’user et d’abuser de la mousse de bain.
R. — Depuis mon logement du septième, il faut baisser les yeux pour voir s’envoler les oiseaux. Étrange changement de perspective ; ils ne s’élèvent pas, ils tombent sous mes fenêtres, plongeant d’un balcon de l’immeuble ou des corniches des constructions voisines ; jamais je ne les surprends dans l’effort de s’arracher du sol. Du coup, leurs manœuvres dans l’air me semblent une longue suite de glissades aisées.
R. — Tout n’est pas sujet à désinvolture.
R. — Une amie m’a récemment confié qu’elle rêvait de pouvoir se dédoubler quelques heures pour s’observer, se toucher, s’embrasser elle-même… Tout ça pour soi-disant connaître l’impression qu’elle donne aux autres, savoir le goût qu’elle leur laisse en bouche… « Faire l’amour avec son clone, inceste ou onanisme ? » que je lui ai répondu. Je ne suis pas sûre que ça me plairait de me dédoubler, moi. Si je ne m’aimais pas ? Je le découvrirais tout de suite dans mon regard, je veux dire dans celui de mon clone qui, lisant le même dédain sur ma figure, réagirait en conséquence, soupe au lait comme je le suis, et je réagirais à sa réaction, c’est-à-dire à la mienne…
R. — Personne n’est obligé de m’aimer.
R. — Je mène une vie indépendante de mon créateur. Je ne pense jamais à lui. En retour, il est très tolérant avec moi.