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jeudi 6 août 2020

Le canal oublié du lac Leamy

Il y a une suite à cet article : billet du 13 oct. 2020, « Brique écossaise du lac Leamy » : https://geo-outaouais.blogspot.com/2020/10/brique-ecossaise-du-lac-leamy.html 

Texte adapté de mon article du même titre paru dans Hier Encore, no 11, 2019 (p. 24-28).

Voir les billets précédents sur le même sujet :






Le lac Leamy : 1884-2018
1884
A : Old Canal (datant de 1848); B : New Canal (datant de 1865); C : Leamy’s Old Steam Mill; D : décharge du Lac Leamy dans l’Outaouais; E : entrée du cours d’eau intermittent qui s’écoulait dans le ruisseau de la Brasserie; RG : rivière Gatineau; pointillé dans la Gatineau : estacades.
Modifié du Plan of the government works at the mouth of the Gatineau River. Surveyed by W.J. Macdonald. P.L.S. Ottawa, Dec. 6th 1884. J.H. Roy (détail).
No MIKAN 4133993, Bibliothèque et Archives Canada.
2018, photo satellite (© Google).
I : île dans la Gatineau; LC : lac de la Carrière.


Un petit canal + un grand canal = un petit canal ?


ALLEZ FAIRE UN TOUR au lac Leamy, à Hull, en amont de l’embouchure de la Gatineau dans l’Outaouais. Sans compter sur vos doigts, combien de canaux voyez-vous déboucher dans le lac ? Les usagers du parc du Lac-Leamy, géré par la Commission de la capitale nationale (CCN), répondront qu’il n’y en a qu’un seul véritable, celui qui, au nord, assure la liaison avec la Gatineau dont une partie des eaux est ainsi distraite vers ce lac de 630 m de diamètre. Un pont l’enjambe et permet aux cyclistes et aux piétons de boucler le sentier récréatif qui fait le tour du lac. Long de 270 m, le canal est aujourd’hui la porte d’entrée du chenal de navigation du lac Leamy, créé en 1996 par la réunion du plan d’eau avec le bassin artificiel du lac de la Carrière, au sud. La chose est donc entendue, il n’y a qu’un seul canal historique au lac Leamy – en excluant le lien récent avec le lac de la Carrière. Il existe depuis si longtemps qu’il semble un élément naturel du paysage.

L’historien Lucien Brault (1948, p. 66) nous ramène à l’époque de sa création :


« Pendant plusieurs années, malgré le fort courant rencontré à l’embouchure de la Gatineau, les trains de bois se formèrent et s’organisèrent en face de notre village [Pointe-Gatineau]. Une estacade construite en travers de la rivière arrêtait les billes, qui étaient ensuite formées en radeaux et flottées jusqu’à leur destination canadienne. À plusieurs reprises l’estacade se brisa et causa d’énormes pertes. Pour remédier à cette difficulté les principaux marchands de bois demandèrent au gouvernement, en 1848(1), de creuser un canal entre la rivière Gatineau et le lac Leamy, soit sur une distance d’environ 500 pieds [150 m (sic)], pour y diriger les billes qui descendaient du haut de la Gatineau [mes italiques]. Les autorités se rendirent volontiers à cette requête. Là, dans une eau tranquille les convois pouvaient se préparer avec moins de risque. La décharge du lac dans la rivière Outaouais, ou le Pond Creek, fut également canalisée afin de permettre la descente des radeaux jusqu’à la rivière, où les trains de bois ou cages achevaient de se former. »

1. La pétition des marchands au gouvernement date en fait de 1847. Voir THÉRIAULT, 1994.

Dans un texte ultérieur, le même auteur (1950, p. 144) affirme qu’un certain Andrew Leamy, profitant des travaux entrepris par le gouvernement « dans les parages » – l’établissement d’une estacade et le « creusage du chenal » – je souligne –, a érigé vers 1854 une scierie ou un moulin à vapeur au bord du lac. En 1867, le moulin est détruit par l’explosion de sa chaudière. Couplé à une fabrique d’allumettes, le moulin connaît une reprise d’activités en 1873-1874 (Thériault, 1994, p. 35).

L’actuel canal au nord du lac serait donc celui creusé par le gouvernement en 1848, s’il faut en croire Brault. La Commission de toponymie du Québec, s’inspirant peut-être de cet historien, diffuse une semblable version des faits, en donnant toutefois au canal une longueur plus raisonnable, soit 300 m.


Andrew Leamy 1810 (Irlande) - 1868 (Hull, Québec). – D’abord employé de Philemon Wrigth, il épouse en 1833 la fille de Philemon fils, Erexina. En 1835, il achète la ferme Gatineau, premier établissement de Wright père dans la région. Nicholas Sparks et sa femme (Sarah Olmstead, veuve de Philemon fils) lui vendent en 1852 le Columbia Pond, futur lac Leamy, et les terres environnantes. Leamy œuvre avec le père Reboul à l’émancipation du système scolaire du comté de Hull. En 1866, il est élu premier président de la Commission scolaire indépendante du comté. Il meurt, victime, semble-t-il, de voleurs sur le chemin de son domicile, Leamy Road (rue Atawe). Il avait fait don à l’Église d’un terrain au sud du lac pour l’établissement d’un cimetière. C’est là, au cimetière Notre-Dame, qu’il repose. (Adapté de Thériault et de Wikipédia.)

SANS MON PENCHANT pour les cartes anciennes, je m’en serais sans doute tenu aux versions de Brault. Les cartographes, moins loquaces que les historiens, mais dont les travaux sont d’une compréhension plus immédiate, racontent en effet tout autre chose. (Voir les figures 1850 et 1884-2018 pour les références des deux cartes décrites ici.)

CARTE DE 1850 (les cartes et photos sont reproduites plus bas). – Cette carte qui recense les propriétés achetées par le gouvernement pour « des travaux » au lac Leamy est contemporaine des événements décrits par Brault. Le lac, nommé « Gatineau Pond », est réuni à la Gatineau par un canal qui contourne le plan d’eau par l’est pour le rejoindre au sud, près de l’entrée de sa décharge dans l’Outaouais. Il s’agirait, en toute logique, du canal creusé par les autorités en 1848. Si le canal actuel, au nord du lac, est absent de cette carte, vous chercheriez en vain le canal à l’est sur les relevés modernes.

CARTE 1884-2018. – Cette seconde carte, très détaillée, montre deux canaux : un Old Canal, à l’est du lac, et un New Canal, au nord. Un « Leamy’s Old Steam Mill » apparaît à l’embouchure du New Canal dans le lac, lequel a pris son nom définitif, Leamy.

Les pièces du puzzle se mettent en place. Le « Vieux-Canal », à l’est du lac, long de près de 700 m, serait celui creusé en 1848 par le gouvernement répondant à l’appel des entrepreneurs forestiers, tandis que le « Nouveau-Canal », au nord, le seul qui subsiste, aurait été creusé par Leamy vers 1854, sans doute pour alimenter son moulin en bois. Du moins est-ce une hypothèse raisonnable (d’ailleurs propagée par Wikipédia ).

Mais les historiens n’ont pas dit leur dernier mot ! En mai 1864, selon Thériault (1994, p. 33), l’accumulation de billots transportés par la Gatineau alors que le lac Leamy est encore gelé rompt l’estacade qui doit les diriger vers notre Vieux-Canal. Un second canal, long de 270 m, traversant un terrain de deux acres, don d’Andrew Leamy, est inauguré en 1865.

Il s’agit de notre Nouveau-Canal, vous l’avez compris. Sa fonction était tout simplement d’accélérer le dégel du lac par un courant venant de la Gatineau. Rien à voir avec le moulin de Leamy, pourtant à son embouchure (désolé, Wikipédia). Reste à savoir quand et comment le canal à l’est du lac (le Vieux-Canal) a disparu tant des mémoires que du paysage. Pour tenter de répondre à cette question, fidèle à mes habitudes, je me suis tourné vers les cartes et les photos aériennes.

En 1919, le ministère des Travaux publics cède la gestion de ses installations du lac Leamy à la Gatineau Boom Company. Celle-ci déménage activités et installations à l’embouchure de la Gatineau en 1927. Avec l’arrêt du tri et du transport du bois, le lac devient un lieu de villégiature, des habitations, des chalets sont construits. Le Vieux-Canal figure une dernière fois sur la carte topographique à un mille au pouce (1/63 360) en 1918. On peut interpréter comme un indice de sa désaffectation le fait que les éditions suivantes l’omettent. Une île, allongée dans la Gatineau, apparaît à quelques mètres de son entrée (carte topogr., 1923). Elle est souvent jointe à la rive sur les cartes plus récentes.

Le Vieux-Canal est coupé de la Gatineau entre 1935 et 1948 (cartes topogr.) par un remblai, au nord – emprunté aujourd’hui par le sentier récréatif. Ouvrage qui n’empêche pas l’eau de continuer à s’y infiltrer (photo 1954). Les cartes du Rapport Gréber (1950) le qualifient toujours de « Canal » et il est représenté sur les cartes de la CCN jusque dans les années 1960. En 1960 et 1968, il figure sur la carte topographique au 1/25 000, mais seulement sa moitié nord, sous l’apparence d’un mince ruisseau rejoignant la Gatineau.

Le terrain de stationnement du parc du Lac-Leamy, inauguré en 1961, coupe en effet le Vieux-Canal en deux tronçons. En 1970, le lac est isolé des eaux polluées de l’Outaouais et de la Gatineau par l’installation de digues à l’embouchure du Nouveau-Canal et à l’entrée de sa décharge. La qualité des eaux de la région s’étant améliorée, l’actuel pont piétonnier, élément du chenal de navigation inauguré en 1996, a remplacé la digue dans le Nouveau-Canal. En outre, le confinement des eaux du lac les menaçait d’eutrophisation.

LE VIEUX-CANAL entaille une terrasse de sédiments meubles qui s’incline du nord au sud, passant d’une altitude de 45 m à moins de 43 m. Dans les années 1970, le sillon du Vieux-Canal au nord du terrain de stationnement se dessinait encore nettement sur les cartes à petite échelle. Sur l’une d’elles (2), l’eau qui le remplissait atteignait le même niveau que celle du lac, soit 41,5 m – équilibre assuré par la nappe phréatique, en l’absence d’apports de la Gatineau ? Au sud, avec son lit à plus de 42 m, le canal apparaissait déjà remblayé. Par la suite, la situation s’est rapprochée de celle qui prévaut actuellement. Aujourd’hui, le Vieux-Canal est comblé au nord du stationnement, même si une tranchée atténuée subsiste (Levés LiDAR et photo Avril 2018a). Le lit est partout au-dessus du niveau du lac (sauf durant les crues). Au sud, un petit ponceau sous le sentier récréatif reste nécessaire pour drainer le ruisselet que le canal peut toujours entretenir.

(2) Deux cartes à petite échelle provenant de rapports de la Commission de la capitale nationale et de la Société canadienne d’hypothèque et de logement ont été utilisées pour rédiger ce paragraphe : Fournier Sector Projet, Hull, Quebec, 1975, et Secteur Fournier : étude pour un projet de démonstration résidentiel, 1976. Les cartes peuvent décrire une situation antérieure à leur publication.

Le remblayage, au nord, est composé d’éléments hétéroclites (débris en béton, troncs d’arbres sciés, pierres taillées, briques, blocs rocheux et même un fragment tordu d’une balustrade rouillée). Il est plus propre et plus homogène au sud. Un grand arbre sur le point de basculer dans la rivière par érosion de la rive, près de l’entrée du Vieux-Canal, enserre dans ses racines un amas de briques rouges (photo Avril 2018b). (Observations personnelles, février-mai 2018.)


« Sur la rive est du lac Leamy, près du canal nord, des débris carbonisés d’un bâtiment de la scierie ont été localisés sous une épaisse couche de remblais en 1999. Non loin de là, des portions de plancher du bâtiment des machines sont observables sur le pourtour d’un important amoncellement de débris du même édifice, auxquels se mêlent sans doute les débris d’autres bâtiments du complexe industriel du XIXe et des chalets du XXe rasés lors de l’aménagement du parc. » (Laliberté, 2000, p.136.)

À noter, les talus qui longent les bords du canal (et du bois) au nord. Déjà présents dans les années 1970, ils accentuent par leur relief la tranchée résiduelle. Au sud, leur absence rend l’empreinte du canal moins distincte. Le canal et les talus, plantés d’arbres d’âges variés (érable argenté, frêne rouge et orme blanc ), souvent matures, se fondent dans les bois qu’ils traversent (photo Avril 2018a).

LE LAC et ses environs reposent dans la plaine inondable de l’Outaouais et de son affluent, la Gatineau, là où des alluvions recouvrent l’argile de la mer de Champlain. Creuser les canaux dans ce tapis de sédiments non consolidés n’a pas dû constituer une entreprise trop ardue. Au sud, un plateau calcaire dont les strates ont été exploitées jusqu’en 1975 affleure ; la carrière de la Canada Cement est devenue le lac de la Carrière, intégré, on l’a vu, au chenal de navigation. En son centre, le lac Leamy atteint la profondeur respectable de 16 m.

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, avant la percée des canaux, le lac Leamy ne recevait aucun apport de la Gatineau. Il communiquait avec la rivière des Outaouais via sa décharge. Durant les crues, il déversait son trop-plein dans le ruisseau de la Brasserie par un cours d’eau saisonnier, au sud (photo 1954). La partie aval de ce cours d’eau intermittent est aujourd’hui occupée par l’autoroute 50.

PASSÉ L'ÉPOQUE du flottage du bois au lac Leamy, le Nouveau-Canal de 1865, court (270 m) et rectiligne, facile à appréhender d’un seul coup d’œil, s’est-il révélé d’un usage et d’un entretien plus aisé que le Vieux-Canal, plus long (670 m) et à la trajectoire arquée ? Les remblayages, après la création du parc, semblent le fait d’une volonté délibérée de l’effacer du paysage.

L’existence même du Vieux-Canal est plus souvent qu’autrement passé sous silence dans les textes. On ne parle que du canal, celui qui, au nord, participe encore au paysage. Le Nouveau-Canal se trouve ainsi à assumer, sans personne pour relever les contradictions, le rôle des deux canaux.


Un petit canal + un grand canal = un petit canal ?


Je pourrais vous inviter à retrouver (sur les cartes) les ponts de bois qui, autrefois, traversaient les canaux près de la rive de la Gatineau. Ou, encore, vous proposer d’aller cueillir les débris des anciens chalets dans les remblais de la piste cyclable (Laliberté, 2000, p. 37). Certains pourraient s’intéresser à la ferme Gatineau, érigée en 1800 au nord du lac par Philemon Wrigth – premier établissement des Blancs dans la région. À moins que vous n’envisagiez de vous joindre aux archéologues qui ont mis au jour des preuves de la présence des Amérindiens remontant à 6000 ans. Le site est inépuisable, à chacun de choisir son angle d’attaque.

RÉFÉRENCES 


(Voir LESSARD (2019) pour les références complètes.)

  • BRAULT, Lucien. Hull 1800-1950. Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1950, 262p. 
  • BRAULT, Lucien. Histoire de la Pointe-Gatineau : 1807-1947. Montréal, École industrielle des Sourds-Muets, 1948, 182p.
  • GAGNON, Gagnon. Inventaire des ressources naturelles des boisés de la région de Hull. CCN, Contrat S&M 79-140, 1980.
  • LALIBERTÉ, Marcel. Recherches archéologiques dans le parc du Lac-Leamy : 1993-1999. Écomusée de Hull, 2000, 163p.
  • LESSARD, Henri, « Le canal oublié du lac Leamy ». Hier Encore, no 11, 2019, p. 24-28.
  • THÉRIAULT, Benoit, Étude de potentiel archéologique du Parc du lac Leamy volet historique : recherche sur l’occupation euro-canadienne du Parc du lac Leamy à Hull 1800-1960. Musée Canadien des Civilisations, 92f., 1994.






1850. – Carte originale et tracé pour plus de lisibilité. Land to be purchased from Ruggles Wright, 1850... [sic] (Gatineau Pond) Leamy Lake area. No MIKAN 4126298, Bibliothèque et Archives Canada.
Sur le tracé, le texte en italique est repris de la carte originale, ainsi que la frontière des cantons de Hull et de Templeton (ligne tiretée). J’ai ajouté la direction du nord et j’ai complété en partie la ligne du rivage de la Gatineau (ligne pointillé) pour plus de lisibilité. Le Canal à l’est du lac, le seul qui existait à l’époque, est celui creusé en 1848 par le gouvernement. La décharge du lac dans l’Outaouais (Ottawa River) était aussi qualifiée de canal.
Tracé Henri Lessard, 2019.



1954 (même légende que la carte 1884 + ajouts). – A : Vieux-Canal; au nord, il est obstrué, là où passe un chemin; BF : boul. Fournier; CC : Canada Cement; CND : cimetière Notre-Dame, sur un terrain cédé par Andrew Leamy; E : cours d’eau intermittent vers le ruisseau de la Brasserie (RB); I : île en face de l’entrée du Vieux-Canal; PLA : pont Lady-Aberdeen; RG et RO : rivières Gatineau et des Outaouais.
Photothèque nationale de l’air, Ressources naturelles Canada, photo A13986:20, 14 mai 1954, 1/15 000 (détail).



Levés LiDAR (même légende que la carte 1884 + ajouts). – Le sillon du Vieux-Canal (A), coupé en deux par le stationnement du parc du Lac-Leamy (S), subsiste malgré les remblayages. Au nord, des talus parallèles le délimitent. LC : lac de la Carrière.
Levés LiDAR, Direction des inventaires forestiers du ministère des Forêts, de la Faune et des Parc, Québec, 2018.



Avril 2018a. – Coupe du Vieux-Canal, au nord (haut) et au sud (bas) du terrain de stationnement du parc du Lac-Leamy ; visée vers le nord chaque photo. La ligne horizontale blanche, à la hauteur des talus ou des rebords, permet d’appréhender le peu de profondeur qui subsiste du canal. Photos et montage Henri Lessard, avril 2018.



Avril 2018b. – Rive érodée de la Gatineau, près de l’entrée du Vieux-Canal : briques entrant dans la composition du terreau d’un arbre. Vestiges de l’époque d’avant le parc du Lac-Leamy. Photo Henri Lessard, avril 2018.

jeudi 27 décembre 2018

Low et chutes Paugan, Qc : archives vs archives



1948. - Photo Pierre Mauffette (le contraste de la photo a été accentué). Légende originale : « Contact entre les paragneiss et le calcaire [marbre] en aval du barrage des chutes Paugan, low [sic], comté Gatineau, noter les plis dans le calcaire au premier plan, Comté Gatineau. » Visée vers le sud ; la rivière qui serpente en bas est la Gatineau.
E6,S7,SS1,P71671, fonds ministère de la Culture et des Communications, Office du film du Québec, BAnQ Québec. http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3470386.



1999. - Même endroit, photo votre serviteur.



2010. - Amusant de voir que le bloc de marbre blanc isolé sur le gneiss noir, à gauche, était déjà là en 1948 et n'a apparemment jamais bougé. En tout cas, jusqu'en 2010.

Voir le billet du 3 août 2012, « Laves à Low ? » pour en savoir plus. Pour l'ensemble des billets consacrés au barrage Paugan, suivre ce  LIEN.

vendredi 23 février 2018

Le canal oublié du lac Leamy, Qc : fin ?


Mise au point - Important (3 mai 2019)

Depuis la parution de la série de billets sur le « canal oublié du lac Leamy », j'ai rédigé un article sur le sujet qui est sommaire du numéro 11 de la revue Hier Encore paru en avril 2019 (Lessard, 2019).
La primeur de l'article est pour les lecteurs de la revue. Désolé, je ne le reprendrai pas ici ! Mais comme je ne voudrais pas laisser en toute connaissance de cause des erreurs dans mon blogue, je résume ici l'essentiel des nouveautés contenues dans mon article.
En bref. - Le lac Leamy est relié à la rivière Gatineau par un étroit canal de moins de 300 m de longueur, inauguré en 1865. Ce canal est souvent confondu avec le « Old Canal » de 1848, long de 700 m, creusé à l’est du lac, aujourd’hui désaffecté et coupé par un parking.

Chronologie

  • 1848 : on creuse un canal qui joint la Gatineau à l’entrée de la décharge du lac Leamy (Gatineau Pond) pour le transit du bois flottant ; le canal passe à l’est du lac (Old Canal sur les vieilles cartes). Il a été désaffecté et comblé au XXe siècle. Il n’existe plus que sous forme de vestiges envahis par les bois et coupé par un parking ;
  • Vers 1854 : Andrew Leamy construit un moulin à vapeur sur la rive du lac ;
  • 1864-65 : « En mai 1864, selon Thériault (1994, p. 33 ), l’accumulation de billots transportés par la Gatineau alors que le lac Leamy est encore gelé rompt l’estacade qui doit les diriger vers notre Vieux-Canal. Un second canal, long de 270 m, traversant un terrain de deux acres, don d’Andrew Leamy, est inauguré en 1865. » (Lessard, 2019, selon Thériault, 1994.) Ce second canal (New Canal sur les vieilles cartes), au Nord du lac, est celui qui subsiste de nos jours. Il est souvent pris pour le premier, le Old Canal de 1848. L’erreur remonte sans doute à Brault (1948 et 1950) dont les travaux ont souvent été repris par d’autres historiens.

J'ai adressé une note à la Commission de toponymie du Québec afin qu'elle corrige sa notice sur le lac Leamy où le canal actuel (le court, celui de moins 300 m, qui date de 1865) est pris pour le canal de 1848 (le long, 700 m, datant de 1848), aujourd'hui disparu.

Sources
BRAULT, Lucien. Histoire de la Pointe-Gatineau : 1807-1947. Montréal, École industrielle des Sourds-Muets, 1948, 182p.
BRAULT, Lucien. Hull 1800-1950. Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1950, 262p.
LESSARD, Henri, « Le canal oublié du lac Leamy », Hier Encore, no 11, 2019, p. 24-28.
THÉRIAULT, Benoit, Étude de potentiel archéologique du Parc du lac Leamy volet historique : recherche sur l’occupation euro-canadienne du Parc du lac Leamy à Hull 1800-1960. Musée Canadien des Civilisations, 92f., 1994.

À partir d'ici, billet original de 2018 :


Suite des deux billets précédents :
22 févr. 2018, « Le canal oublié du lac Leamy, Qc : suite »
19 févr. 2018, « Le canal oublié du lac Leamy, Gatineau, Qc »

Tous les éléments et acteurs mentionnés dans ce qui suit sont présentés dans ces deux billets. Je vais tâcher d'éviter de multiplier les références et les renvois. Je vous prie de vous référer à ces premiers billets pour prendre connaissance de toute l'affaire.


Maintenant que j'ai mis en ligne des textes farcis de questions et lardés d'hypothèses contradictoires, je trouve enfin ce que je cherchais. L'ensemble de l'exposé risque de présenter un aspect un peu confus, c'est une sorte de work in progress qui arrive cahin-caha à son état d'achèvement (?)

En résumé :

Il y avait bien deux canaux au lac Leamy (Gatineau, Qc). Je les ai baptisés, faute de mieux, « canal Nord » et « canal Est ». Ce dernier a été construit par le gouvernement en 1848 à la demande des exploitants forestiers (voir billet du 19 février 2018).

En fait foi cette CARTE 1, jumelle d'une autre mise en ligne dans mon billet du 22 février 2018. Son titre est on ne peu plus clair (je souligne) : « Revised plan shewing the land taken by Government at the Gatineau For the use of the works. John A. Snow. Provl Land Surveyor. Hull, June 25th 1853. » Le canal que l'on aperçoit sur la CARTE 1 (à la droite du lac) correspond à mon « canal Est ».

Quant à la CARTE 2, datée de 1884, elle montre deux canaux : un « Old Canal » (« canal Est »), et un « New Canal », qui correspond à mon « canal Nord », creusé par Andrew Leamy. On y voit aussi le « Leamy's Old Steam Mill », celui détruit par une explosion de sa chaudière. Il a été érigé très logiquement à l'embouchure du canal de Leamy (« canal Nord »). C'est à cet endroit que le situaient Hughson et Bond (1987) (carte 1 du billet du 19 févr. 2018). J'ai un moment douté de ces auteurs, d'autres sources me laissant penser que le moulin avait été construit sur la rive sud du lac. Qu'ils me pardonnent mon incrédulité.

Cette dernière carte est un trésor pour l'amateur d'histoire de l'Outaouais tant elle contient des détails. Il faudrait des années pour épuiser ses ressources.

Le New Canal (« canal Nord ») est encore en usage pour la navigation de plaisance et fait partie du chenal de navigation du lac Leamy (lien), relié depuis 1996 au lac de la Carrière (ancienne carrière de la Canada Cement). L'autre, le Old Canal, est désafecté et est facile (trop ?) à escamoter du paysage et des esprits. Voir les deux billets précédents pour plus de détails.

(Désolé si je suis compliqué à suivre...)



CARTE 1. - Revised plan shewing the land taken by Government at the Gatineau For the use of the works. John A. Snow. Provl Land Surveyor. Hull, June 25th 1853. No MIKAN 4126338. Bibliothèque et Archives Canada.
J'ai accentué le contraste pour améliorer la lisibilité. Le premier canal, coloré en bleu pâle (mon « canal Est », est visible à l'est du lac (Pond). (J'ai publié une carte semblable semblable dans le billet du 22 févr. 2018.)



CARTE 2. - Plan of the government works at the mouth of the Gatineau River. Surveyed by W.J. Macdonald. P.L.S. Ottawa, Dec. 6th 1884. J.H. Roy. No MIKAN 4133993. Bibliothèque et Archives Canada.
Voir les détails qui suivent.



CARTE 2 (détail). - Voir détail suivant.



CARTE 2 (détail). - De gauche à droite : « New Canal » (mon « canal Nord ») ; « Leamy's Old Steam Mill » ; « Old Canal » mon (« canal Est »). Le Old Canal est systématiquement négligé par les historiens qui décrivent le site, comme si seul le New Canal avait existé. L'écluse au nord du canal n'existe plus ; le pont piétonnier actuel est à l'embouchure du canal.


Ajout (23 févr. 2018)


Comparaison entre la carte de 1884 et une photo satellite (© Google). 
Le nord est à env. 11 h (40 degrés à gauche).
A : une digue (?) sur la carte semble correspondre à la ligne du rivage actuel, une île dans la Gatineau s'allonge parallèlement au rivage ; B : écluse du New Canal (« canal Nord »), aujourd'hui disparue ; C : la pointe actuelle du rivage semble s'avancer d'avantage dans le lac au sud de la position de l'ancienne scierie à vapeur (Leamy's Old Steam Mill) ; D : le sentier actuel semble suivre de près l'ancien rivage à l'est de la scierie ; E : l'embouchure du Old Canal (« canal Est ») et tout le canal avec sont aujourd'hui recouverts par un bois.

Ajout (28 févr. 2018)



Vue un peu plus large.
La légende de A à E est la même que celle de la carte précédente (E a été abaissé). 2 (détail) de mon billet du 23 février dernier (lien plus haut).
E' : embouchure de l'Old Canal (« canal Est ») : aujourd'hui désaffecté, il est dans un boisé et coupé par un parking ; F : décharge du lac Leamy (ruisseau Leamy) ; G : ouverture de l'ancien ruisseau intermittent qui se déversait dans le ruisseau de la Brasserie ; maintenant coupé par l'autoroute 50 ; H : chemin (sur photo Google) semblant suivre la limite des lots ; I : plage actuelle ; LC : lac de la Carrière (ancienne carrière de la Canada Cement) ; RG : riv. Gatineau. Flèches pointillées : sens du courant vers la riv. des Outaouais.

jeudi 22 février 2018

Le canal oublié du lac Leamy, Qc : suite


Mise au point - Important (3 mai 2019)

Depuis la parution de la série de billets sur le « canal oublié du lac Leamy », j'ai rédigé un article sur le sujet qui est sommaire du numéro 11 de la revue Hier Encore paru en avril 2019 (Lessard, 2019).
La primeur de l'article est pour les lecteurs de la revue. Désolé, je ne le reprendrai pas ici ! Mais comme je ne voudrais pas laisser en toute connaissance de cause des erreurs dans mon blogue, je résume ici l'essentiel des nouveautés contenues dans mon article.
En bref. - Le lac Leamy est relié à la rivière Gatineau par un étroit canal de moins de 300 m de longueur, inauguré en 1865. Ce canal est souvent confondu avec le « Old Canal » de 1848, long de 700 m, creusé à l’est du lac, aujourd’hui désaffecté et coupé par un parking.

Chronologie

  • 1848 : on creuse un canal qui joint la Gatineau à l’entrée de la décharge du lac Leamy (Gatineau Pond) pour le transit du bois flottant ; le canal passe à l’est du lac (Old Canal sur les vieilles cartes). Il a été désaffecté et comblé au XXe siècle. Il n’existe plus que sous forme de vestiges envahis par les bois et coupé par un parking ;
  • Vers 1854 : Andrew Leamy construit un moulin à vapeur sur la rive du lac ;
  • 1864-65 : « En mai 1864, selon Thériault (1994, p. 33 ), l’accumulation de billots transportés par la Gatineau alors que le lac Leamy est encore gelé rompt l’estacade qui doit les diriger vers notre Vieux-Canal. Un second canal, long de 270 m, traversant un terrain de deux acres, don d’Andrew Leamy, est inauguré en 1865. » (Lessard, 2019, selon Thériault, 1994.) Ce second canal (New Canal sur les vieilles cartes), au Nord du lac, est celui qui subsiste de nos jours. Il est souvent pris pour le premier, le Old Canal de 1848. L’erreur remonte sans doute à Brault (1948 et 1950) dont les travaux ont souvent été repris par d’autres historiens.

J'ai adressé une note à la Commission de toponymie du Québec afin qu'elle corrige sa notice sur le lac Leamy où le canal actuel (le court, celui de moins 300 m, qui date de 1865) est pris pour le canal de 1848 (le long, 700 m, datant de 1848), aujourd'hui disparu.

Sources
BRAULT, Lucien. Histoire de la Pointe-Gatineau : 1807-1947. Montréal, École industrielle des Sourds-Muets, 1948, 182p.
BRAULT, Lucien. Hull 1800-1950. Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1950, 262p.
LESSARD, Henri, « Le canal oublié du lac Leamy », Hier Encore, no 11, 2019, p. 24-28.
THÉRIAULT, Benoit, Étude de potentiel archéologique du Parc du lac Leamy volet historique : recherche sur l’occupation euro-canadienne du Parc du lac Leamy à Hull 1800-1960. Musée Canadien des Civilisations, 92f., 1994.

À partir d'ici, billet original de 2018 :

Ce billet étant une suite, autant commencer par la lecture de la première partie : billet du 19 févr. 2018.

Il y a une suite à cette suite (une fin ?) : billet du 23 févr. 2018.



Photo 1. - Secteur du lac Leamy à Hull (Gatineau), 1954. Le nord est à moins de 2 h.
Photothèque nationale de l'air (PNA), photo A13986-9, 14 mai 1954, 1/10 000 (détail).
Légende adaptée de la carte 2 du billet précédent :
CE : « canal Est » ; CN : « canal Nord » ; D : décharge du lac Leamy (ou ruisseau Leamy) ; RB : ruisseau de la Brasserie ; RI : ancien ruisselet intermittent (maintenant toujours à sec) ; RO : rivière des Outaouais. Les amas blancs sur les rivières sont des billes de bois rassemblées pour flottage. Entre guillemets : mes appellations.


Carte 1a. - Région du lac Leamy, Gatineau, Qc : relief par lidar.
Même légende que la carte précédente, avec ajout :
CE : « canal Est » ; CN : « canal Nord » ; D : décharge du lac Leamy (ou ruisseau Leamy) : P : parking du parc du lac Leamy ; RB : ruisseau de la Brasserie ; RI + ligne pointillée : ruisseau intermittent maintenant coupé du RB par l'autoroute.
Le « canal Est » subsiste toujours dans la topographie. Il est coupé en deux par le parking du parc : voir carte 1b. Le canal entre le lac Leamy et le lac de la Carrière est artificiel et récent (1996).
Entre guillemets : mes appellations.
Carte à partir de levés LiDAR, Direction des inventaires forestiers du ministère des Forêts, de la Faune et des Parc. (J'ai exagéré le contraste.)


On a vu dans le billet précédent que le lac Leamy a été relié vers 1850 par deux canaux à la rivière Gatineau. Les textes que j'ai consultés ne parlent toujours que d’un seul canal, sans le décrire, ce qui nous laisse chaque fois dans l'ignorance duquel il est question. La position du moulin (ou scierie) à vapeur qu’Andrew Leamy a érigé vers 1853 pourrait nous aider à y voir plus clair. Selon les sources, il est tantôt sur la rive nord du lac, à l’embouchure du « canal Nord* », tantôt sur la rive sud, près de l'embouchure du « canal Est* ». (Billet précédent pour plus de détails, lien plus haut.) Selon la Commission de la capitale nationale (CCN), qui gère le parc du Lac-Leamy, le moulin était à l'embouchure du « canal Nord » (photo 5). (AJOUT : le moulin a bien été érigé à l'embouchure du « canal Nord » ; voir billet du 23 févr. 2018.)

* Entre guillemets : mes appellations, employées pour clarifier l'exposé, en l'absence de toponymes acceptés.

Est-ce que nos historiens se seraient laissés abuser par le fait qu’il n’y a plus qu’un seul canal apparent, le « canal Nord », aujourd'hui relié à la voie navigable du Lac-Leamy, et que chacun l’a pris pour celui dont parlait les sources qu'il consultait ? Il existe donc bien un canal oublié au lac Leamy, le « canal Est » (voir cartes). Il a pourtant continué de figurer sur les cartes topographiques jusqu'en 1964.

Il demeure d'évidents vestiges du « canal Est » dans la topographie (cartes 1a et 1b) : fossé linéaire bordé ou non de talus, embouchure au sud du lac, etc. Le lit du canal est semé d'arbres qui ne se distinguent pas de ceux des boisés qu'il traverse, preuve qu'il n'est plus en eau depuis longtemps, sauf son embouchure, encore susceptible d'être inondée. J'ai pu suivre le canal (22 févr. 2108) sur la plus grande partie de son parcours. Les photos que j'en ai prises ne sont guère parlantes, la couverture neigeuse offrant trop peu de contraste pour saisir la topographie. Je préfère ne pas les afficher.

Il serait donc temps de cesser de parler du canal du lac Leamy.


Héritage

Après la fonte des glaces il y a 12 000 ans et le retrait de la mer de Champlain il y a 10 000 ans, l’Outaouais, dont le débit était beaucoup abondant (plus de 200 fois le débit actuel ; voir billet du 8 mars 2016) s'écoulait sur le site de l’actuel lac Leamy. La marque de plusieurs chenaux (naturels) abandonnés, orientés vers l'est est encore visible entre le lac et l'Outaouais (carte 1b).

La décharge du lac Leamy, ou ruisseau Leamy, ne serait que l'un de ces chenaux, annexé par le lac. La Gatineau, à la hauteur du lac Leamy, s'incurve pour adopter une attitude parallèle à celle des chenaux. Elle s'est peut-être contenté, à mesure que l'Outaouais se retirait pour atteindre son volume actuel, de suivre et de creuser l'un des chenaux délaissés. (Voir ces billets de « géologie fiction » du 1er février et du 11 mars 2014.)

Le lac Leamy et le réseau hydrographique environnant sont donc l'héritage direct de l'époque glaciaire. Ce système, en particulier à l'est du lac, repose sur une épaisse couche de sédiments quaternaire et récents. La profondeur du lac, près de 16 m, lui permet-elle d'atteindre le socle rocheux ? Le roc affleure près de ses berges, au sud, vers l'ancienne carrière de calcaire (lac de la Carrière).



Carte 1b. - Détail de la carte 1. Le trajet de « canal Est », coupé par le parking, est bien visible à la droite du lac.
À l'est du lac, subsistent encore les traces de bras abandonnés de la rivières des Outaouais. La décharge du lac et même le cours de la Gatineau (et le dernier tronçon du ruisseau de la Brasserie, non visible ici) sont parallèles à ces anciens bras.
La décharge du lac ayant été canalisée vers 1850 lors du creusement du « canal Est » (billet précédent, lien plus haut), sa régularité et son ampleur ne reflètent peut-être pas son allure primitive.
Carte à partir de levés LiDAR, Direction des inventaires forestiers du ministère des Forêts, de la Faune et des Parc. (J'ai exagéré le contraste.)



Photo 2. - Le « canal Est », au nord du parking (voir Carte 1) ; visée vers l'est. On reconnaît un fossé peuplé d'arbres comme les terrains aux alentours, les talus qui le bordent. Photo 22 février 2018.



Photo 3. - Le « canal Nord », depuis le pont qui l'enjambe, visée vers le nord, vers la Gatineau. Photo 22 févr. 2018.



Photo 4. - Le lac Leamy, depuis le pont qui enjambe le « canal Nord », et l'embouchure de ce dernier, visée vers le sud, avec pêcheurs sur glace. Photo 22 févr. 2018.



Photo 5. - Panneau d'interprétation de la CCN sur le bord du lac. Le texte indique que la scierie (ou moulin) d'Andrew Leamy était situé à l'embouchure du canal (mon « canal Nord »). Il ne parle pas d'un autre canal.
« Un canal de 213 mètres fut creusé afin de relier la rivière Gatineau à la scierie Leamy (à l'embouchure intérieure de la rivière [Sic : il faudrait lire : « à l'embouchure intérieure du canal», la version anglaise (originale ?) étant correcte.] ). »
Cliquer sur l'image pour l'afficher à sa pleine grandeur.
Photo 22 févr. 2018.


Ce qu'en montrait le Rapport Gréber

Les cartes du peuplement de la région publiées dans le Rapport Gréber (1950) permettent de suivre la transformation du secteur du lac Leamy à de larges intervalles de temps. (Voir le billet du 6 juillet 2017, « Gatineau et Ottawa : cartes et anachronismes ».) La grande échelle de ces cartes oblige à la prudence quant à leur interprétation.
Jacques Gréber, 1950, Projet d’aménagement de la capitale nationale. Imprimeur du Roi. Disponible en ligne : https://qshare.queensu.ca/Users01/gordond/planningcanadascapital/greber1950/index.htm



  • Cartes de 1810 et de 1835. - La décharge du lac Leamy apparaît comme un mince ruisseau. Le lac est indépendant.
  • Carte de 1845. - Apparition du « canal Est » ; la décharge du lac a été élargie sur toute sa longueur. Occupation de la rive sud du lac près de la bouche du canal, à l'entrée de la décharge.
  • Absent des cartes : « canal Nord », creusé vers 1853. Il n'apparaît inexplicablement que sur la carte de 1912.
  • Carte de 1865. - Même situation que sur la carte de 1845.
  • Carte de 1876. - Disparition du point de peuplement ou d'occupation au sud du lac...
  • Carte de 1890. - ... qui réapparaît ici.
  • Carte de 1912. - Ouverture du « canal Nord » (sûrement une erreur : il date de 1853, voir le texte). Disparition du point de peuplement ou d'occupation au sud du lac.
  • Cartes de 1925 et de 1945 (la dernière). - Situation inchangée. Les deux canaux subsistent.




Documents d'archives

Au moment de mettre ce billet en ligne, j'ai découvert ces documents visuels dans le site de Bibliothèque et Archives Canada. Les images disponibles gratuitement en ligne ne sont pas très détaillées. D'ici à ce que j'en obtienne de meilleurs fichiers, si toutefois je décide de les commander, nous devrons nous en contenter.


Photo 6. - Titre original : Gilmour & Hughson Ltd.'s Lumbering Activities in Ottawa and Outaouais, ca. 1910 - "Gilmour & Hughson Ltd. showing use of Leamy's Lake outlet for storage of overflow logs".
No MIKAN 5006559. Bibliothèque et Archives Canada.



Carte 3. - Le lac Leamy est identifié sous le nom de Gatineau Pond. Un seul canal est visible (mon « canal Est »). Noter l'embranchement du canal près de son embouchure, détail qui figure sur quelques cartes ultérieures. Titre original : Land to be purchased from Ruggles Wright, 1850... (Gatineau Pond) Leamy Lake area.
No MIKAN 4126298. Bibliothèque et Archives Canada.



Carte 4. - Les deux canaux apparaissent sur cette carte de la fin du XIXe s.
Titre original : Part of City of Hull. Quebec. 28 Nov. 1881 (Signed) E. E. Taché, Assistant Commissioner of Crown Lands. To accompany J. R. Roy's report re. Leamy's claim, dated 5th July 1909.
No MIKAN 4138191. Bibliothèque et Archives Canada.

lundi 19 février 2018

Le canal oublié du lac Leamy, Gatineau, Qc


Mise au point - Important (3 mai 2019)

Depuis la parution de la série de billets sur le « canal oublié du lac Leamy », j'ai rédigé un article sur le sujet qui est sommaire du numéro 11 de la revue Hier Encore paru en avril 2019 (Lessard, 2019).
La primeur de l'article est pour les lecteurs de la revue. Désolé, je ne le reprendrai pas ici ! Mais comme je ne voudrais pas laisser en toute connaissance de cause des erreurs dans mon blogue, je résume ici l'essentiel des nouveautés contenues dans mon article.
En bref. - Le lac Leamy est relié à la rivière Gatineau par un étroit canal de moins de 300 m de longueur, inauguré en 1865. Ce canal est souvent confondu avec le « Old Canal » de 1848, long de 700 m, creusé à l’est du lac, aujourd’hui désaffecté et coupé par un parking.

Chronologie

  • 1848 : on creuse un canal qui joint la Gatineau à l’entrée de la décharge du lac Leamy (Gatineau Pond) pour le transit du bois flottant ; le canal passe à l’est du lac (Old Canal sur les vieilles cartes). Il a été désaffecté et comblé au XXe siècle. Il n’existe plus que sous forme de vestiges envahis par les bois et coupé par un parking ;
  • Vers 1854 : Andrew Leamy construit un moulin à vapeur sur la rive du lac ;
  • 1864-65 : « En mai 1864, selon Thériault (1994, p. 33 ), l’accumulation de billots transportés par la Gatineau alors que le lac Leamy est encore gelé rompt l’estacade qui doit les diriger vers notre Vieux-Canal. Un second canal, long de 270 m, traversant un terrain de deux acres, don d’Andrew Leamy, est inauguré en 1865. » (Lessard, 2019, selon Thériault, 1994.) Ce second canal (New Canal sur les vieilles cartes), au Nord du lac, est celui qui subsiste de nos jours. Il est souvent pris pour le premier, le Old Canal de 1848. L’erreur remonte sans doute à Brault (1948 et 1950) dont les travaux ont souvent été repris par d’autres historiens.

J'ai adressé une note à la Commission de toponymie du Québec afin qu'elle corrige sa notice sur le lac Leamy où le canal actuel (le court, celui de moins 300 m, qui date de 1865) est pris pour le canal de 1848 (le long, 700 m, datant de 1848), aujourd'hui disparu.

Sources
BRAULT, Lucien. Histoire de la Pointe-Gatineau : 1807-1947. Montréal, École industrielle des Sourds-Muets, 1948, 182p.
BRAULT, Lucien. Hull 1800-1950. Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1950, 262p.
LESSARD, Henri, « Le canal oublié du lac Leamy », Hier Encore, no 11, 2019, p. 24-28.
THÉRIAULT, Benoit, Étude de potentiel archéologique du Parc du lac Leamy volet historique : recherche sur l’occupation euro-canadienne du Parc du lac Leamy à Hull 1800-1960. Musée Canadien des Civilisations, 92f., 1994.

À partir d'ici, billet original de 2018 :


Ce billet a une suite  : billet du 22 février 2018, et même une conclusion (une fin ?)


CARTE 1. Détail, Anthony Swalwell, 1837 ou date ultérieure, dans Evans (1978).
En rouge, mes annotations. (Les mots entre guillemets : mes appellations).
1837 (encerclé) : date d'une transaction, pas nécessairement celle de la confection de la carte. Il n'est pas clair si le « canal Nord » a été ajouté après la réalisation du document. En effet, son tracé est interrompu pour ne pas rayer une inscription et il se confond avec celui d'un chemin (Road) ; de plus, le « canal Est » est ombré alors que le « canal Nord » est demeuré en blanc. Enfin, le « Boom » (estacade) qui retenait les billes de bois qui descendaient la Gatineau apparaît conçu pour les amener dans la courbe du « canal Est ». Il est aussi le seul des deux canaux à voir ses extrémités notées (A et B). Mon hypothèse est que le canal Nord a été dessiné après la confection de la carte. M : moulin (scierie) à vapeur d'Andrew Leamy (position selon Hughson et Bond (1987)).
Ne pas tenir compte des chiffres encerclés (en noir) qui sont des annotations d'Evans.


Résumé

Combien de canaux a compté le lac Leamy à Gatineau, QC ? Celui qui en cherche un en trouve deux, encore qu'il n'en reste plus qu'un seul de visible et en usage.


La position ou le rôle du lac Leamy dans le réseau hydrographique de la ville de Gatineau, au Québec, est pour le moins étrange (voir les cartes). Une partie des eaux de la rivière Gatineau qui, pour le reste, rejoignent l'Outaouais, 2 km à l'est, pénètre dans le lac par un canal au nord de ce dernier. Les eaux du lac s'écoulent ensuite par une décharge dont le cours est parallèle à celui de la Gatineau et rejoignent l'Outaouais à leur tour. En période de crues, il arrivait autrefois que le trop plein du lac se déverse dans le ruisseau de la Brasserie par un ruisselet intermittent aujourd'hui asséché, au sud du lac (RI sur la Carte 2). Le ruisseau de la Brasserie, on le sait, se jette aussi l'Outaouais.

Le bilan comptable des mouvements des eaux est facile à établir. Elles aboutissent toutes, directement ou non, à l'Outaouais, quasiment au même endroit. Les embouchures de la Gatineau, de la décharge du lac Leamy et du ruisseau de la Brasserie se succèdent en effet sur une distance de moins de 2 km (Carte 2).

Une partie de ce réseau est cependant artificiel. Le lac Leamy était en effet autrefois indépendant de la Gatineau.

Son petit canal à soi

Les canaux qui relient le lac Leamy à la Gatineau sont artificiels et datent des environs de 1850. Je dis bien « les canaux » puisqu'il y en a eu deux. Pour simplifier l'exposé, nommons-les « canal Nord » (déjà évoqué) et « canal Est » (Cartes). Le premier n'est plus utilisé aujourd'hui que pour la navigation de plaisance. Un petit pont l'enjambe et permet aux piétons et aux cyclistes d'emprunter la piste qui fait le tour du lac (parc du Lac-Leamy). Le second n'existe qu'à l'état de vestiges, on le verra plus loin, et n'est plus un acteur du réseau hydrographique.

S'il faut en croire Lucien Brault (1948), un canal a été creusé par le gouvernement pour répondre aux doléances adressées en 1848 par les exploitants forestiers. (Sans doute le gouvernement du Canada-Uni, ou une autorité subalterne, le texte de Brault ne l'indique pas.) Jusqu'alors, les billes de bois qui descendaient la Gatineau étaient assemblées en radeaux à son embouchure où une estacade les empêchait de poursuivre leur périple jusque dans l'Outaouais (à l'exemple du boom de la Carte 1). Il arrivait que l'estacade se rompe et le bois - et les profits avec - s'en allait au fil du courant. Le canal, selon Brault, procura un accès direct aux eaux du lac où il était possible d'assembler les radeaux en toute quiétude. La décharge naturelle du lac Leamy dans l'Outaouais fut canalisée pour faciliter leur descente vers l'Outaouais.

Wikipedia présente cependant une autre histoire :


« En 1853, [Andrew] Leamy a lancé sa propre entreprise en construisant une scierie à vapeur sur la rive sud du lac appelé Columbia Pond et devenu par la suite le Leamy Lake. Ensuite, Leamy a creusé un canal pour relier le lac à la Rivière Gatineau pour faciliter le transport de billes de bois à sa scierie. Le moulin, qui était la première scierie à vapeur dans la région – une des deux seules ayant jamais fonctionné – fut plus tard détruit par l'explosion de la chaudière à vapeur et n'a jamais été reconstruit. » (Les italiques sont de moi ; source : Wikipedia.)

Les deux récits s'ignorent mutuellement et chacun ne parle que d'un unique canal, de son petit canal à lui.

Trop de canaux ?

Brault écrit encore (1950) qu'Andrew Leamy, profitant des travaux entrepris par le gouvernement - l'établissement d'une estacade et le « creusage du chenal (p. 144) » - c'est moi qui souligne -, pour établir vers 1854 une scierie, ou moulin, sur la rive du lac qui portera son nom. Le moulin a été détruit par l'explosion de sa chaudière à vapeur vers 1885. À se fier uniquement aux textes de Brault, il n'y avait qu'un seul chenal ou canal au lac. Andrew Leamy, qui n'aurait pas eu à le creuser, n'aurait eu qu'à construire son moulin à son embouchure. Mais où était-il, au nord ou à l'est ?

Une carte dessinée à la main par le sous-arpenteur Swalwell, datée au plus haut de 1837 (d'après la date d'une transaction qui y est reportée, mais le document est postérieur), montre deux canaux. Une reproduction de la carte se trouve dans Evans (1978) (Carte 1). Le canal Nord y est indiqué par deux traits parallèles qui donnent l'impression d'avoir été ajoutés après coup : leur tracé s'interrompt pour ne pas rayer une inscription, le canal se confond avec un chemin (Road) tandis qu'il n'est pas autrement identifié. En comparaison, le canal Est est légendé (« Canal ») et semble en outre avoir été colorié. La reproduction de la carte dans Evans est en noir et blanc et il est difficile de distinguer les interventions manuscrites de ce dernier de ce qui appartient au document original. Evans précise cependant que le canal Nord est bien celui qui a été creusé par Leamy (Evans, p. 149 et 150).

Une carte de 1887 (Snow & Son) qualifie le canal Est de « Old canal ». Il aurait donc bien précédé le canal Nord. Malheureusement, la carte ne montre que la moitié sud du lac. Le canal Nord n'y figure donc pas. (La région du lac Leamy est rarement bien traitée dans les cartes du XIXe s., quand elle n'y est pas tout simplement ignorée.)

Deux canaux et un moulin ?

D'une part, le canal Est semble être le plus ancien des deux, conclusion qu'impose la carte de Snow & Son, tandis que le creusage d'un canal est précisément ce qui amena Andrew Leamy à construire sa scierie sur le bord du lac. D'autre part, Evans affirme que le canal Nord est le fruit de l'initiative de Leamy, ce que laisse précisément penser la carte de Swalwell. Les choses s'éclaircissent peut-être enfin. Le canal Est a été creusé en 1848 par le gouvernement qui répondait à l'appel des entrepreneurs forestiers et le canal Nord, le seul qui subsiste, rappelons-le, a été construit par Leamy vers 1853-1854.

Hughson et Bond (1987) placent très logiquement le moulin de Leamy sur la rive nord du lac, à l'embouchure de son canal. Mais le canal Est aurait été le mieux placé pour amener les billes au moulin de Leamy s'il avait été érigé au sud du lac, comme l'affirment Wikipedia et d'autres sources. Difficile de concilier les sources ! (AJOUT : le moulin a bien été érigé au nord, comme l'affirment Hughson et Bond, à l'emplacement reporté sur la Carte 1 ; voir le billet du 23 févr. 2018.)

Le canal Est apparaît une dernière fois sur une carte topographique en 1964 - mais les cartes antérieures négligeaient souvent de le figurer, indice de sa désaffectation. Le parking du parc du lac Leamy a été construit sur son parcours dans les années 1960 (parc du Lac-Leamy). Il reste des vestiges de ses extrémités nord et sud dans la topographie. (Subsiste-t-il partiellement recouvert sous terre et sous l'asphalte ? La saison ne me permet de vérifier.)

Ruisseau intermittent et carrière ennoyée

Dernière complication. À l'origine, lors des crues, les eaux du lac déversaient leur trop plein dans le ruisseau de la Brasserie par un ruisselet naturel intermittent, au sud (RI, Carte 2). Il est à sec depuis au moins 1912, semble-t-il. (Voir billet du 12 juin 2017, « Trait d'union lac Leamy - ruisseau de la Brasserie » et celui du 6 juillet 2017, « Gatineau et Ottawa : cartes et anachronismes ».)

Le canal Nord est encore en usage pour la navigation de plaisance et fait partie du chenal de navigation du lac Leamy (lien), relié depuis 1996 au lac de la Carrière (ancienne carrière de la Canada Cement).

Le lac Lemay n'a pas de bassin rocheux : il repose dans une épaisse couche de sédiments quaternaires, notamment d'argile de la mer de Champlain, qui comblent une vallée dans le socle (billet du 5 février 2016, « Qui a façonné l'Île-de-Hull ? » : voir paragr. 8). Il n'a pas dû être trop difficile de creuser les canaux dans ce tapis de sédiments meubles. Au sud du lac, le plateau rocheux affleure et les strates calcaires ont été exploitées durant plusieurs décennies. La carrière de l'ancienne Canada Cement est devenue le lac de la Carrière, intégré, on l'a vu, au chenal de navigation du lac Leamy.


Deux de trop ?

On ne peut s'empêcher de remarquer que trois affluents parallèles - la Gatineau, la décharge du lac Leamy et le ruisseau de la Brasserie, c'est beaucoup pour un seul endroit. Je me demande si le lac et sa décharge ne sont pas les vestiges du delta de la Gatineau à l'époque où, immédiatement après le départ des glaces, il y a 10 000 ans, la rivière avait un débit supérieur à celui de nos jours. L'épaisse couche d'argile marine que traverse la Gatineau à partir du pont Alonzo-Wright, 5 km en amont de son embouchure, a peut-être favorisé la multiplication de bras secondaires et la formation d'un lac résiduel : le lac Leamy ? (Hypothèse personnelle.) (AJOUT, 20 févr. 2018. - Hypothèse que je corrige tout de suite : le lac Leamy et les terrains entre le lac et l'Outaouais ont été modelés par l'Outaouais lui-même après le départ de la mer de Champlain, à l'époque où la rivière était beaucoup plus large qu'aujourd'hui. Un billet à venir en dira plus. En attendant, voir ces billets de « géologie fiction » du 1er février et du 11 mars 2014.)

Qui dira que l'histoire de la région est pauvre ? On cherche un canal, on en trouve deux et, comme on ignore lequel est lequel, il y en a finalement deux de trop.


Lac Leamy à Gatineau, Qc. Carte © Google.
CE : canal Est (trajectoire corrigée le 23 févr. 2018 : en réalité, les ouvertures des canaux sur la Gatineau sont plus éloignées que sur la carte de Swalwell); CN : canal Nord ; D : décharge du lac Leamy ; LC : lac de la Carrière ; RB : ruisseau de la Brasserie ; RG : rivière Gatineau ; RI : ancien ruisseau intermittent maintenant à sec.

Références


  • Lucien Brault (1948) - Histoire de la Pointe-Gatineau : 1807-1947. Montréal : École industrielle des Sourd-Muets, 182 p.
  • Lucien Brault (1950) - Hull 1800-1950. Presses de l'Université d'Ottawa.
  • Patrick M. O. Evans (1978 ?) - The Wrights : a genealogical study of first settlers in Canada's National Capital Region, Ottawa : National Capital Commission, 255 p.
  • Hughson, John W. et Courtney C.J. Bond (1987) - Hurling Down The Pine. The story of the Wright, Gilmour and Hughson Families, Timber and Lumber Manufacturers in the Hull and Ottawa Region and on the Gatineau River, 1800-1920. Chelsea, Historical Society of the Gatineau, 3e édition, révisée, (1ère éd. 1964), 130 p.
  • John A. Snow and Son (1887) - Map of the City of Ottawa, P. Ontario, and the City of Hull, P. Quebec, and Their Adjacent Suburbs. Compiled by John A. Snow and Son, Provincial Land Surveyors and C.E.ng's from Personal Surveys and Official Records. Scale 660 Feet to One Inch.


samedi 11 février 2017

Carte postale : le pont couvert de Gracefield, 1948




Le pont couvert de Gracefield sur la Gatineau, QC, carte postale, s.d. (cachets de la poste 27 et 29 juillet 1948).

À l'endos de cette carte postale, l'expéditeur nous donne les précisions suivantes : «Ceci est le plus long pont couvert de la Province. - Mais il a entièrement brûlé il y a deux semaines.» Deux cachets estampillent la carte (bureau de poste de Gracefield, à l'endos, 27 juillet 1948, et de Saint-Lazare-de-Vaudreuil, sur le devant, 29 juillet - on avait déjà inventé le concept de traçabilité à l'époque !)

Comme on trouve pas la date exacte du sinistre dans Internet (voir ce blogue sur les ponts couverts du Québec) ou ailleurs (dernier paragraphe du billet), nous pouvons maintenant dire avec quelque assurance que le pont a brûlé dans la première moitié de juillet 1948.

C'est bien la première fois que je fais œuvre d'historien !... Bon, suffirait d'aller consulter les journaux de l'époque pour avoir la date exacte. Y a-t-il des volontaires ?

La carte postale est tirée d'un lot de photos et documents que je tiens de mes parents (voir ce billet). L'expéditeur des cartes était mon futur paternel qui écrivait à sa future qu'il allait épouser l'automne 1948 et qui ne savait pas qu'elle était ma future mère. Ceci pour la (très, très) petite histoire et pour situer les choses.

Le pont de Gracefield, dit aussi pont de Northfield, s'écroule en 1929, quatre ans après son inauguration. Reconstruit en 1930, il est l'objet de réparations urgentes en 1942 et 1946. En 1948, il est détruit par le feu. Le pont de fer actuel, construit 1956, s'est partiellement effondré en 1981. Depuis, il est interdit aux poids lourds. (Adapté de L'Autre Outaouais : guide de découverte du patrimoine, de Manon Leroux, Société Pièce sur pièce, p. 394.)

Le pont a été reconstruit d'août 2013 à septembre 2015 et rebaptisé pont Alexandre-Martin.


mercredi 29 octobre 2014

Marbre, rideaux et vieilles guenilles : suite et persévérance


Fig. 1. Rideau pétrifié : strate ou mince filon plissé dans un marbre, au fond du Lac-des-Seizes, dans les Laurentides (Québec). La lente dissolution du marbre fait ressurgir l'inclusion, moins soluble dans l'eau. L'effet est assez spectaculaire, je dirais même féérique !
Photo Jean-Louis Courteau, oct. 2014.


Jean-Louis Courteau, décidément très persévérant, a rapporté du fond du Lac-des-Seize-Îles cette nouvelle photo d'une inclusion résistante dégagée par la dissolution du marbre qui l'enferme. On croirait voir un rideau de pierre naturel, avec plis et replis.

Voir, pour plus de détails, ces deux précédents billets :

26 oct. 2014, «Marbre, rideaux et vieilles guenilles : suite»
28 sept. 2014, «Marbre, rideaux et vieilles guenilles»


Des formations semblables peuvent être aperçues au bord des rivières. J'ai sorti de mes archives ce rideau pétrifié dont j'ai déjà parlé dans un billet daté du 20 juin 2010 (lien). Dans ce cas, l'action de l'eau courante a permis à l'eau de concentrer ses attaques à des endroits particuliers :

Île Marguerite, Gatineau (Québec) : marbre érodé par l'eau courante (rivière Gatineau). Sous une inclusion résistante plissée, les tourbillons ont creusé des cupules dans le marbre. 
Photos, Henri Lessard, juin 2010.


Fig. 2. Bande de gneiss (?) sombre dans un marbre blanc (le rose est dû à une altération superficielle). La bande de gneiss est plissée ; la dissolution lente du marbre (érosion par l'eau courante) a dégagé le gneiss qui apparaît comme la bordure d'un rideau pétrifié émergeant de la pierre. Le stylo bleu, partiellement visible en haut, à droite, donne l'échelle.


Fig. 3. Remarquez les cupules (flèches) sous les arches (ou anticlinaux, parlons savant) du gneiss, creusées par l'eau piégée tourbillonnant entre le marbre, roche soluble, et la voûte résistante. La rivière Gatineau coule à peu près dans la direction indiquée par les flèches. (À l'époque de la publication de ce document dans le blogue, j'avais l'habitude de numéroter les photos. Habitude fastidieuse que j'ai abandonnée.)


Fig. 4. Gros plan du «rideau» et d'une cupule. Celle-ci s'est approfondie en progressant vers l'aval, sous le gneiss, et semble présenter deux niveaux.

jeudi 9 août 2012

À l'est de Low


Laconique complément au billet du 4 août 2012.


Carte géologique schématique de la région du lac Sainte-Marie (Langlais, 1994)
(L'image peut être agrandie ; cliquer dessus.)



Légende (adaptée)
Le point rouge, en bas, à l'est de Low, indique le site du déversoir du barrage Paugan, à la limite de la formation de marbre (lignes ondulées fines, unité B) et de paragneiss (motif en pointillé, unité H).

Protérozoïque supérieur
J : diabase*

Protérozoïque moyen
X : charnockite
I : Granitoïde et pegmatite
H : quartzite, paragneiss quartzeux et gneiss quartzo-feldspathique**
G : Paragneiss alumineux supérieur**
F : Marbre calcitique supérieur**
E : quartzite et gneiss quartzeux**
D : marbre calcitique hybride moyen**
C : paragneiss alumineux inférieur**
B : marbre calcitique inférieur**
A : orthogneiss rose et gris et amphibolite

* Les minces dykes de diabase (unité J) qui recoupent le socle selon une direction E-W à ESE-WNW ne figurent pas sur cette carte.
** Métasédiements du supergroupe de Grenville.



RÉFÉRENCES
  • Langlais, Louise, Géologie de la région du lac Sainte-Marie - Comté de Gatineau. Ministère des Ressources naturelles du Québec, MB 93-51, 210 pages, avec 3 cartes (2 x 1/20 000 et 1 x 1/250 000), 1994.
  • Langlais, Louise, Géologie de la région du lac Sainte-Marie - Grenville Ouest. Ministère des Ressources naturelles du Québec, DP 88-08, carte annotée au 1/20 000 [ne couvre que la moité nord de la carte géologique reproduite ici et tirée de Langlais (1994)].

vendredi 3 août 2012

Laves à Low ?


Vue de la Gatineau depuis le barrage Paugan, à Low. Paragneiss sombre, à gauche, et marbre blanc, à droite. (Juillet 2010.)


Une étrange légende urbaine (rurale, plutôt), semble courir à propos des «roches noires» des environs du barrage Paugan, à Low, sur la Gatineau. (Voir cet ancien post.)

Selon plusieurs personnes – entendues à la télévision et dans des conversations privées – il s'agirait de laves, de basaltes, précisent certains.

Or, les cartes géologiques de l'endroit indiquent, pour ces affleurements, du paragneiss (mêlé à des quantités mineures de quartzite et de migmatites). Voir celle-ci par exemple :


Carte de la région de Low et de Paugan Falls (Mauffette, 1950) : détail. – La flèche rouge indique l'endroit où j'ai pris mes photos, au sommet du déversoir du barrage Paugan. On distingue la partie sud du lac Sainte-Marie (le «Réservoir» – l'altitude du plan d'eau est donnée en pieds : 460'', soit 140 m).

LÉGENDE (adaptée)
Échelle : 1 mille = 1609 m.
Pléistocène et Récent :
Trame pointillée : gravier, sable, argile
Précambrien :
Intrusions du post-Grenville. – Trame en X : syénite et granite ; traits noirs épais *: dykes de diabase
Série de Grenville. – Hachures horizontales : marbre / hachures obliques : paragneiss / Q : quartzite

* Deux petits affleurements de ces dykes sont visibles sur ce détail sous la forme de courts traits noirs ; l'un traverse la route 1/2 mille au nord de Low, l'autre touche la rive est de la Gatineau immédiatement au sud de Paugan Falls.

Le chiffre 5 dans un cercle, environ 3/4 de mille au SE de Paugan Falls, indique la présence d'un gisement d'amiante (asbestos). Le chiffre 4, plus au sud, un gisement de mica.



Noir, c'est noir, mais pas toujours
Paragneiss et quartzite sont des sédiments métamorphisés (recristallisés sous hautes pressions et hautes températures à grandes profondeur), argiles diverses pour le paragneiss, sable pour le quartzite.

À l'origine et au départ donc, nulle lave, basaltique ou non, ici.

Les «roches noires» de Paugan sont trop visibles, trop accessibles, depuis trop longtemps connues et cartographiées pour que plusieurs générations de géologues se soient trompées sur leur nature.

D'ailleurs, elles ne sont pas vraiment si noires que ça, mais altérées et noircies, et seulement en surface (rouille, météorisation).


Vue rapprochée du paragneiss ; le rubanement, vestige du litage horizontal originel des sédiments, a été redressé à la verticale par la tectonique. (Juillet 2010.)


Détail du marbre, tout aussi «vertical» (voyez les bandes grises et blanches sur le flanc de la roche là où elle est fracturée) que le paragneiss dont des éléments épars ont été promenés et dispersés dans la matière ductile du premier. (Juillet 2010.)


Couché et debout
Sur les photos, on voit que des morceaux du paragneiss ont été emportés dans la masse du marbre ; le contact paragneiss/marbre n'est pas tel qu'il était à l'origine (horizontal), mais tel que l'ont transformé les pressions et triturations qu'ont subi ces roches il y a un milliard d'années. On observe ainsi que le litage original des ces roches, horizontal, a été redressé par les forces tectoniques et qu'il est à présent à la verticale.

Les contacts intermixés du paragneiss et du marbre ne sont donc pas l'effet d'une lave se répandant à travers les roches comme une mélasse fluide sur du gravier...

À la rigueur, s'il s'était s'agit de laves à l'origine, le métamorphisme, intense à cet endroit, aurait oblitéré leur aspect natif et les auraient transformées en amphibolites, roches noires (vraiment noires) qui se retrouvent effectivement dans la région. L'ennui, c'est qu'il faut des analyses chimiques pour distinguer une amphibolite d'origine volcanique d'une autre d'origine sédimentaire.

Sauf qu'il ne s'agit pas d'une amphibolite ici, mais de paragneiss.


Détail du contact paragneiss sombre/marbre clair. (Juillet 2010.)


Le dernier mot
Il existe bien dans la région des dykes de diabase, roche sombre plus ou moins apparentée au basalte/gabbro, mais ces dykes sont minces et «récents» (600 millions d'années ; voir ce billet dans ce blogue), ils n'ont subi aucune déformation et ils ont découpé leurs roches hôtes comme à la scie, tout droit, selon une direction est-ouest.

Il ne s'agit pas de ça non plus ici.

Je suppose que quelqu'un, trompé par la couleur noire apparente des roches en contact avec le marbre, leur non moins apparente intrusion dans la roche claire, a supposé qu'il s'agissait de coulées de laves. Ses propos ont été repris par d'autres qui les ont répétés à leur tour...

Mais laissons le dernier mot à des géologues professionnels :

«La partie ouest de l'affleurement est composée d'un marbre blanc, formé à 95 % de calcite, tandis que la partie est se compose d'un gneiss calco-silicaté noir, entremêlé de fins lits de quartzite. De petites lentilles (30 à 50 cm) de sulfures massifs, probablement de la sphalérite et de la galène, sont présentes dans le gneiss.» (CIGG, p. 123)

Ces sulfures expliquent l'altération rouillée que présente le gneiss.

Bref, pas de lave. Je vous le disais bien (même si j'ai laissé le dernier mot à d'autres que moi).


Photo tirée du rapport du CIGG (2003), p. 124. Le barrage Paugan vu du bas du déversoir. La légende originale dit : «Le barrage de Paugan et la zone de contact entre le marbre blanc et le gneiss.» (C'est moi qui souligne.) Le litage vertical du paragneiss, à droite, est bien visible. Les détails de la roche sont aussi moins affectés à cet endroit par les altérations de la surface : rien de tout ça ne ressemble à des laves...


RÉFÉRENCES
Centre d'interprétation de la géologie du Grenville (CIGG), Plan de développement intégré : sites et circuits du patrimoine naturel de la région de l'Outaouais, 2007, 187 p.
Mauffette, Pierre, Région de Denholm-Hincks. Ministère des Mines, Québec, rapport préliminaire no 235, 1950, 7 p., accompagné de la carte 830, échelle : 1/63 360.