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samedi 18 décembre 2021

Stromatolites et thrombolites de Westboro à Ottawa

Photo 1 (déc. 2011). - Qu'est-ce que cette grosse boule (à gauche) entre les strates de calcaire ? Un stromatolite errant ? Rive de l'Outaouais à Ottawa, près de la plage Westboro.


Petit hasard, du genre de ceux qui me font sourire.

Nehza et Dix (2012) et moi avons photographié séparément et en ignorant tout de nos existences mutuelles le même bout d'affleurement sur la rive de l'Outaouais à Ottawa, dans les environs de la plage Westboro.

La relecture de l'article de Nahza et Dix m'a fait rouvrir un dossier de vieilles photos prises dans le secteur. C'est ainsi que j'ai fait découvert la coïncidence, laquelle n'avait rien d'inévitable. Que tout le monde photographie le Rocher Percé ou les chutes du Niagara est une chose ; qu'un bout de strates calcaires perdu dans les broussailles attire l'attention de personnes qui ne se sont pas consultées en est une autre.

Selon Nehza et Dix, l'affleurement offre une belle vue en coupe d'un banc de stromatolites noduleux (photos nos 2 et 3). D'autres, tel Christopher Brett, parlent plutôt de thrombolites (section plus bas). Pour éviter les équivoques, j'emploie pour la suite la terminologie adoptée par M. Brett.


« Un stromatolithe ou stromatolite (du grec strôma, tapis, et lithos, pierre) est une roche calcaire et/ou une structure marine biogénique et organique laminée double-couche (On parle aussi parfois de « thrombolite »). » (Wikipédia (version périmée), citée par Termium.)


Photo 2 - Coupe d'un banc de stromatolites nodulaires (nodular stromatolites) ou de thrombolites dans un calcaire de la Formation de Pamelia à Ottawa, près de la plage Westboro ; figure 8E (retouchée) de Nehza et Dix (2012).
Note. - Les autres photos du billet sont de moi.

Photo 3 (nov. 2013). - Même affleurement qu'a la photo no 2, photographié de façon tout à fait fortuite par votre serviteur. On remarque l'empilement des masses grises des thrombolites. (Voir aussi photo no 5.)


Ces stromatolites en larges dômes (photos nos 1 et 6) et ces thrombolites prolongent le domaine des stromatolites du Transitway dont j'ai déjà parlé (liens paragraphes suivants), lesquels sont les jumeaux de ceux, bien connus, qui affleurent du côté québécois de la rivière et qui ont d'ailleurs été inscrits parmi les Sites géologiques exceptionnels du Québec (liens par. suivants). 

LIENS (articles du présent blogue)

Stromatolites du pont champlain à Gatineau

  1. 15 oct. 2013, « Stromatolites exceptionnels (enfin !) »
  2. 11 mars 2013, « Stromatolites exceptionnels (presque !) »
  3. 24 nov. 2009, « Stromatolites, suite »
  4. 8 nov. 2009, « Colonie de stromatolites à Gatineau »

Stromatolites du Transitway à Ottawa


Photos 4 (nov. 2013). - Vue générale de l'affleurement de la photo no 3.


Photos 5 (nov. 2013). - Dômes ou galettes de thrombolites (et de stromatolites ?) gris dans le calcaire, même secteur que la photo no 4. Ces structures me font penser à celles observées à la carrière Lang à Ottawa (billets des 10 et 16 nov. 2013).


Thrombolites

Le blogue « Fossils and Geology of Lanark County, Ontario » de Christopher Brett signale la présence de thrombolites aux côtés des stromatolites près de Westboro dans un billet mis en ligne récemment : 

Les thrombolites s'apparentent aux stromatolites par leurs agents d'édification, les cyanobactéries. Les thrombolites sont des structures à microtexture coagulées, dépourvues de lamines internes caractéristiques des stromatolites, édifiées par des cyanobactéries dans des calcaires sublittoraux. (Mon adaptation de la définition de A. Allaby et M. Allaby, Oxford Dictionnary of Earth Sciences, 1999.)

« What is less well known is that fossil thrombolites are also visible along the Ottawa River. While thrombolites and stromatolites are both microbial structures, stromatolites have a layered structure while thrombolites lack the layers and have a clotted structure. Most who write on stromatolites and thrombolites assign the presence of the structures to different facies, where the growth of the two structures was regulated by different microbial assemblages in response to changes in environmental factors including sea levels. » (Blogue de Christopher Brett)

Le billet de M. Brett, en plus d'une abondante bibliographie, contient aussi des données très intéressantes sur les stromatolites du pont Champlain à Gatineau. Comme son titre l'indique, le blogue de M. Brett s'intéresse avant tout aux fossiles, sujet où je me sens perpétuellement débutant. C'est un excellent site à consulter si le sujet  - les fossiles, mais aussi la stratigraphie et la géologie en général - vous intéresse.

Les stromatolites et thrombolites de la rivière des Outaouais et du Transitway affleurent dans un calcaire de la Formation de Pamelia (Ordovicien supérieur, 458-443 millions d'années) (Nehza et Dix, 2012) du Groupe d'Ottawa. Ces structures florissaient dans des eaux peu profondes, près du littoral. Leur présence signale donc l'existence d'un ancien bord de mer dans la région.

Source 

  • Odette Nehza, George R. Dix, « Stratigraphic restriction of stromatolites in a Middle and Upper Ordovician foreland-platform succession (Ottawa Embayment, eastern Ontario) », Revue canadienne des sciences de la Terre, 2012, vol. 49, no 10, p. 1177-1199, https://doi.org/10.1139/e2012-048
 

Photo 6 (nov. 2013). - Dômes de stromatolites qui bossèlent une strate de calcaire près de la plage Westboro, à Ottawa.


Photo 7  (déc. 2011). - Plancher de thrombolites ? Rive de l'Outaouais, près de la plage Westboro.



Photo 8 (déc. 2011). - Autre vue du plancher de thrombolites ? Rive de l'Outaouais, près de la plage Westboro.


Photo 9 (oct. 2011). - Il n'y a pas que des stromatolites et des thrombolites près de la plage Westboro ; cône de céphalopode et ces terriers fossiles. La pièce de 2 dollars canadiens vaut deux dollars (of course) ou deux cents cents, et mesure 28 mm de diamètre.


samedi 26 juin 2021

L'Île Hull fracturée



L'Île Hull dans l'Outaouais, en face de l'Île-de-Hull, à Hull (Gatineau), vue depuis le belvédère de la Cour suprême, à Ottawa. Ce calcaire désolé (mais voyez la dernière photo) est un morceau émergé d'une plate-forme faisant partie du Groupe d'Ottawa, ou de Trenton, selon la nomenclature adoptée, datant d'il y a 465 millions d'années (Ordovicien moyen). Photo 31 juillet 2019.



Il a souvent été question dans ce blogue de l'Île Hull qui émerge des eaux de l'Outaouais à la hauteur de la Cour suprême (lien vers les billets sur le sujet), ne serait-ce que pour vous apprendre à ne pas la confondre avec l'Île-de-Hull(1) qui lui fait face et de ne surtout pas l'appeler l'île aux Mouettes comme le font des individus que je ne qualifierai pas ; certaines personnes tout aussi inqualifiables vont jusqu'à l'annexer à Ottawa, alors qu'elle est à Hull (Gatineau) (billet du 30 déc. 2020, « L'Île Hull à Ottawa ? »).

Sa forme en 8 est caractéristique. Sur certaines cartes, elle ressemble à une cacahuète. La dépression qui la coupe en deux la... coupe en deux lorsque l'eau de l'Outaouais monte assez haut pour l'envahir et faire de l'île des îlots jumeaux. 

(1) À propos de l'Île-de-Hull, voir par exemple le billet du 10 août 2013, « Île-de-Hull (Gatineau) : guide géologique ».

Je n'avais jamais remarqué avant les jours derniers que le réseau des diaclases ou joints dans le calcaire diffère dans les deux parties de l'île Hull. Une faille NO-SE, paralèlle à la dépression, traverse la rivière moins de 200 m en amont sans effleurer l'Île(2). Ce sont les cartes géologiques qui l'affirment, mais il faut savoir les interpréter. Ce qui est une simple faille sur papier se résout souvent sur le terrain en un faisceau de failles. Il est donc possible que l'île soit affectée par une faille secondaire non cartographiée (carte géologique plus bas), plus discrète. D'ailleurs, la faille qui passe à l'ouest a fait basculer les strates de calcaire sur la rive hulloise (photo janv. 2012 plus bas) alors que dans l'Île Hull, elles demeurent pratiquement horizontales.

(2) Dans d'autres billets, j'ai baptisé par commodité cette faille « faille Montcalm » ; elle a cependant été cartographiée par A.E. Wilson dans les années 1930. Réf. : Wilson A.E., 1946 – Geology of the Ottawa-St. Lawrence Lowland, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, Mémoire 241, 66 p. (+ cartes). La faille Montcalm est identifié par un F rouge sur la carte géologique plus bas.

Quoi qu'il en soit, la faille non cartographiée qui, je le soupçonne, coupe l'Île Hull, a peut-être juxtaposé deux compartiments du socle rocheux ayant chacun leurs réseau de joints particuliers. Il faut cependant remarquer que l'île tout entière fait partie de la même formation de calcaire de l'Ordovicien moyen (Groupe d'Ottawa ou de Trenton, 465 millions d'années), ce qui limite l'ampleur du rejet théorique de la cassure.

De tout ceci m'est venue l'idée d'aller jeter un coup d'oeil plus large voir si les systèmes de joints varient d'un secteur à l'autre de la région.

À suivre...


Saisie d'écran (Google) de l'Île Hull. 
En haut, certaines diaclases retouchées en rouge. 
Au nord, le réseau des diaclases est orthogonal. Au sud, des failles s'incurvent vers le NE. Elles semblent se superposr à un patron semblable à celui de la partie nord. 
L'inondation de la dépression au centre de l'Île l'a transformé en un couple d'îlots.

En bas, l'image intacte.
La dépression inondée entre les deux parties de l'Île Hull est paralèlle à la faille qui passe au SO de l'Île (voir la carte géologique).



Géologie de Hull (Gatineau) et d'Ottawa, séparées par la rivière des Outaouais. (Cliquer sur l'image pour l'afficher à sa pleine grandeur.)

Légende adaptée

  • Lignes noires ondulées (présentes sur la carte originale) : failles ;
  • X rouge ajouté : l'Île Hull, au milieu de la rivière des Outaouais ;
  • F rouge ajouté et segment de faille surligné en rouge : faille traversant la rivière au SO de l'Île Hull ;
  • Les couleurs (originales) : différentes formations du Paléozoïques de la plate-forme du Saint-Laurent que je ne détaille pas ici. Orangé : Groupe d'Ottawa ou de Trenton (Ordovicien moyen, 470-458 Millions d'années), calcaire et dolomie surtout ; autres couleurs : calcaire, dolomie, grès, shales (Ordovicien, 488-444 millions d'années).

Carte : A.E. Wilson, 1938 — Ottawa Sheet, East Half, Carleton and Hull Counties, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, carte 413A, 1 feuille (1/,63 360). 


Rive hulloise à l'ouest de l'Île Hull : strates de calcaire basculées par la faille notée par un F rouge sur la carte. Photo janv. 2012.





Île Hull, 7 juillet 2014. Un saule saulitaire domine herbes et arbustes. L'arbre n'a pas résisté à la grande crue de 2017. (Voir billet du 11 sept. 2019, « Désolation sur l'île Hull ».)


mardi 12 juin 2018

Roche intrusive (pyroxénite) dans le calcaire ordovicien, à Hull ?


Calcaire ordovicien de la formation Black River (Trenton), promenade du Lac-des-Fées, Hull (Gatineau), QC. Un calcaire grossier (à clastes et bioclastes) contient un élément flottant d'un lit plus fin. Photo 8 déc. 2013.


Résumé

On aurait trouvé une pyroxénite intrusive dans un calcaire ordovicien de la plate-forme du Saint-Laurent, à Hull, QC. La présence de cette pyroxénite dans cet horizon stratigraphique est étonnante (si confirmée).


Le sol et le sous-sol de l’Outaouais sont bien connus. 

On peut comparer la région à un gâteau. Découpez-en un morceau, vous verrez de bas en haut, sur la tranche (MA = millions d'années) :


  • Le gâteau lui-même (partie la plus substantielle) figure ici le Bouclier canadien, formé de roches métamorphiques et plutoniques âgées de plus d’un milliard d’années ;
  • Le glaçage, en surface, incomplet ou entamé, correspond aux sédiments de la plate-forme du Saint-Laurent (grès, calcaires et schistes) datant du Cambrien tardif (515 -485 Ma) et de l'Ordovicien (485-444 Ma) ;
  • Le tout est saupoudré de sucre en poudre pour tenir lieu de la mince couverture de sédiments meubles glaciaires et d’argile de la mer de Champlain qui recouvre le gâteau et la glaçage.


Voilà de quoi notre gâteau est fait.

Pour être complet, il faudrait compter avec les dykes d'une carbonatite liée aux Montérégiennes qui recoupent le calcaire ordovicien, à Ottawa (carrière Blackburn), datant de 110-120 Ma (Hogarth et al., 1988). (Intrusion minuscule.) Toutes les autres roches intrusives de l'Outaouais et au-delà sont antérieures au dépôt du calcaire : dykes de diabase qui recoupent le Bouclier (600 Ma) ; pluton de Grenville-Chatham (530 ma), toujours dans le Bouclier, etc.

Pour les dates, voir mon billet du 5 déc. 2015, « Tableau des temps géologiques : Gatineau et ses environs ».

Tout enrichissement de la stratigraphie, toute irruption d'un nouvel ingrédient dans le gâteau serait une révolution.

Or, voilà que je tombe par hasard sur un rapport de forage vieux de vingt ans qui fait état d’une roche intrusive (une pyroxénite, roche plutonique mafique) dans le calcaire ordovicien, à Hull (Les laboratoires Gatineau, 1998).

Qu’est-ce que fait une pyroxénite à cet endroit ? Comment a-t-elle pris place dans le calcaire ? À quelle suite ou série plutonique l'assimiler ?

Selon le rapport, une étude des sols et du roc entre la rue Demontigny et la promenade du Lac-des-Fées rédigée en vue de la réalisation du futur boulevard des Allumettières (axe McConnell-Laramée), le socle rocheux du secteur est constitué de calcaire à grain fin de la formation Black River (Trenton), interlité de calcaire argileux et de shale argileux. Rien que du banal, rien que de l'attendu. Rien pour faire sursauter. Sauf cette roche dure, cet « intrusif verdâtre » rencontré dans la partie partie supérieure d'un forage (forage F4), entre 1,25 m à 1,50 m de profondeur. Le contact intrusif-calcaire est bien défini, cependant, l'orientation du contact n'est pas définie.

Le forage F4 a été réalisé à l'angle des rues Demontigny et Laramée (cette dernière absorbée depuis par le boulevard des Allumettières). En lame mince, l'intrusif se révèle équigranulaire (grains 0,5-1,0 mm), et est constitué à 75 % d'orthopyroxène (hypersthène) et de clinopyroxène (augite) en proportions égales. Le 25 % restant est composé de quartz, de calcite et de minéraux argileux [altérés ?] « Nous sommes donc en présence d'une pyroxénite. » (p. 13)

Le rapport de forage, rédigé avant l'examen de lame mince, est moins affirmatif. Il signale, à la profondeur de 1,25 m à 1,50 m sous la surface : « Calcaire vert grenu, minces horizons dolomitique (sic) (présence de cristaux). » La nature de la roche verte n'avait donc pas d'emblée été reconnue. Mais une identification sur le terrain est toujours sujette à caution et peut être revue après plus ample examen en laboratoire.

Si cette roche est bien ce qu'en disent les Laboratoires Gatineau, il est étonnant que sa découverte n'ait pas fait plus de bruit.  

Quelle est cette pyroxénite ? À quelle suite magmatique l'assimiler ?

La présence de cette pyroxénite dans notre calcaire ordovicien n'est pas une impossibilité ; simplement, telle chose n'a jamais été observée. Comme pour faciliter les choses, les Laboratoires Gatineau ne semblent plus exister. Je doute que des échantillons aient été conservés.


Références

  • Donald D. Hogarth, Peter Rushforth, Robert H. McCorkell, 1988 - « The Blackburn Carbonatites, Near Ottawa, Ontario: Dykes With Fluidized Emplacement. » Canadian Mineralogist, vol.26, pp. 377-390. http://rruff.info/doclib/cm/vol26/CM26_377.pdf
  • Les Laboratoires Gatineau, 1998. Étude de caractérisation des sols et du roc : boulevard St-Laurent - Laramée, Hull - secteur DeMontigny au Lac-des-Fées. Projet 20-6672-8385-A - Rapport final. Gouvernement du Québec, Ministère des Transports.


mercredi 26 juillet 2017

Adieu, stromatopores de la promenade Sussex



Fig. 1. - Deux stromatopores datant de l'Ordovicien (485-443 Ma), promenade Sussex, à Ottawa, révélés par l'altération du calcaire. Photo 28 janv. 2012. Voir fig. 2a et 2b.


Ce blogue a eu l'occasion déjà de déplorer des disparitions. Celle des pagaies du monument des Voyageurs (13 juillet 2017), du saule de l'Île-Hull (8 juin 2017) et de la falaise de calcaire du boulevard Maisonneuve (20 mai 2014), toutes ayant eu pour cadre la Ville de Hull (Gatineau). En voici une nouvelle, d'une moindre ampleur, touchant la Ville d'Ottawa cette fois.

Les stromatopores de la façade du 459, promenade Sussex, à Ottawa (voir le billet du 1er nov. 2012 pour en savoir un peu plus sur ces fossiles), préservés jusqu'à récemment dans un calcaire ordovicien (485-443 Ma), n'ont pas survécu aux travaux de restauration qui se tiennent cet été. J'ignore si les vieilles pierres ont été remplacées ou si on s'est contenté de retravailler leur surface (je penche pour la première hypothèse : comparez les fig. 3 et 4). Le résultat dans les deux cas est le même : les stromatopores ont disparus. La perte n'est pas immense au point de vue scientifique. C'est un deuil strictement personnel, ces charmants fossiles étaient devenus des points de repère familiers dans mes promenades.

Le 457-459 Sussex fait partie des bâtiments patrimoniaux de la Ville d'Ottawa. Il a été construit en 1850 par l'architecte King Arnoldi. L'édifice avait vocation d'accueillir des commerces et des bureaux. Il est propriété de la Commission de la capitale nationale (CCN) depuis 1961. (Voir Wikipedia (l'édifice porte le no 4715) et Lieux patrimoniaux du Canada.)

La pierre calcaire abonde à Ottawa et les environs, les carrières étaient nombreuses autrefois (voir le billet du 9 sept. 2015 sur les carrières à Hull). On a utilisé le calcaire local pour construire les édifices de la promenade Sussex. Je me demande cependant d'où provient le calcaire neuf utilisé pour la restauration. Je ne serais pas surpris d'apprendre qu'il a été plus simple de le faire venir d'ailleurs. C'est comme si le Sahara importait du sable. Quant à interroger la CCN... La Commission semble avoir les Portugaises ensablées quand je m'adresse à elle.

Savez-vous que le site de l'Eozoon canadense est menacé par un développement domiciliaire ? (Voir billet du 3 févr. 2017.) La suite dans un prochain billet.



Fig. 2a. - Gros plan du gros stromatopore en dôme de la fig. 1. Largeur de l'individu : env. 20 cm. La rouille a dû contribuer à la desquamation du calcaire et à la mise au jour du fossile.



Fig. 2b. - Gros plan du petit stromatopore de la fig. 1. 



Fig. 3. - État des lieux le 28 janv. 2012. Les stromatopores sont au centre de la photo.



Fig. 4a. - État des lieux le 25 juillet 2017. La vieille pierre a été remplacée par neuve, fraîchement bouchardée.



Fig. 5. - Le 457-459 promenade Sussex, Ottawa. Photo Margaret Coleman, Canadian Parks Service, 1988.


AJOUT (8 mai 2019)
459, prom. Sussex, 6 mai 2019.


La pierre qui portait le stromatopore est marquée d'un X. Photo 6 mai 2019.

mardi 9 juin 2015

Pêche aux céphalopodes à Val-Tétreau



Fig. 1a. Segment de l'orthocône d'un céphalopode découvert en creusant le sous-dol d'une maison du quartier Val-Tétreau, à Gatineau (Québec). Âge : Ordovicien moyen (env. 465 millions d'années). Largeur du cône env. 8 cm. J'ignore si un spécimen de cette taille est exceptionnel dans la région. Photo Rémi Lemieux (blogue «En usant mes bottines...»), juin 2015.


Ce qui est bien aujourd'hui, c'est que tout le monde est au moins aussi savant que Wikipedia. Pourquoi se casser la tête à rédiger un texte exhaustif puisque vous savez déjà (virtuellement) tout sur le sujet (qu'importe le sujet). En conséquence, je n'ai pas besoin de vous apprendre que les céphalopodes forment l'une des nombreuses classes de l'embranchement des mollusques. Les pieuvres, calmars, seiches et autres nautiles appartiennent à cette population apparue dans les mers de la fin du Cambrien il y a 500 millions d'années. C'est dire que les céphalopodes ont toutes les raisons de regarder de haut les nouveaux venus que nous sommes sur Terre.

Si un nautile a une coquille enroulée en spirale de forme caractéristique (cf. les ammonites, mais Wikiki et vous savez déjà ça...), les céphalopodes illustrés ici, non moins caractéristiques, possédent un cornet, pardon, une coquille droite et effilée. Les plus grands de ces orthocônes atteignaient 5 m de long.

Pour les amateurs, le quartier Val-Tétreau, à Gatineau (Québec), semble un terrain de chasse propice à la chasse (pêche ?) aux céphalopodes. Durant les étiages, la rivière se retire d'une plate-forme de calcaire attachée à la rive du parc Brébeuf (45.417740, -75.744836) et il n'y a qu'à se pencher pour voir les spécimens (fig. 3). On peut aussi creuser le sous-sol des maisons du quartier et faire d'impressionnantes découvertes (fig. 1a-c) ! L'accord du propriétaire est toutefois un préalable indispensable à l'entreprise de ces fouilles résidentielles, à l'abri du soleil.

Le calcaire de Val-Tétreau (partie de la plate-forme du Saint-Laurent) remonte à l'Ordovicien moyen (472-461 Ma) et appartient au groupe d'Ottawa (calcaire de Trenton).



Fig. 1b. Raboutage du spécimen. Photo Rémi Lemieux, juin 2015.



Fig. 1c. Vue en coupe. Photo Rémi Lemieux, juin 2015.



Fig. 2. Deux orthocônes de céphalopodes ramenés de la rivière des Outaouais, Val-Tétreau, par Jocelyne Pelletier, en sept. 2007. Longueur des spécimens : un peu plus de 15 cm.



Fig. 3. Mes propres trouvailles sont moins spectaculaires. Plate-forme calcaire du parc Brébeuf, rivière des Outaouais, Val-Tétreau, Gatineau (Qc). Photo (contraste accentué) nov. 2007. La pièce de cinq cents canadiens mesure 21 mm de diamètre.

mercredi 5 décembre 2012

Pot-de-fleurs aux Chaudières


Mise en page revue le 31 mai 2020. Menues retouches au texte.



Chaudière Falls, Philemon Wright's on the Ottawa, John Elliott Woolford, 1821 ; 14,9 x 23,8 cm, aquarelle [...] ; Musée des Beaux-Arts du Canada, no 23440 (lien). Un pot-de-fleurs, couronné de végétation, subsiste, tout droit à l'aplomb en aval des chutes.


Ce billet a une suite qui nuance certaines affirmations.

Il semble qu’il existait au début du XIXe siècle un pot-de-fleurs sur la rivière des Outaouais, en aval des chutes des Chaudières, entre les actuelles villes d’Ottawa et de Gatineau.

Pot-de-fleurs : pilier résiduel résultant du démantèlement d’une formation rocheuse par l’action érosive de l’eau et des vagues. Souvent, la végétation prend racine à leur sommet, d’où ce surnom. Les monolithes bien connus du parc national de l'Archipel-de-Mingan, au Québec, sont des sortes de pots-de-fleurs, la plupart chauves. (Voir aussi la Flowerpot Island, dans la Baie Georgienne, en Ontario.) Pour la justesse de ce terme dans ce contexte, voir aussi les commentaires à la fin du billets.

C’est en cherchant de vieilles représentations de la région de l'Outaouais dans Internet que j'ai découvert la thèse de Louise Nathalie Boucher, Interculturalité et esprit du lieu : les paysages artialisés des chutes des Chaudières (Univ. d'Ottawa, 2012), document qui m'a mené à une seconde découverte, celle de notre pot-de-fleurs local. Il apparaît sur deux aquarelles de John E. Woolford, réalisées en 1821 (Boucher, fig. 4 et 19, pages 44 et 89 ; l'une d'elles est reproduite au début de ce billet.)

Cette potiche fleurie a dû s'écrouler très tôt après l'exécution des aquarelles, puisqu'il semble n'en exister aucun autre témoignage, du moins à ma connaissance, pas même pour en rappeler l'existence. [Voir le billet du 8 juin 2014.]

Les chutes, hier...

« [...] Il y a quantité de petites îles qui ne sont que rochers âpres & difficiles [...] L'eau tombe à un endroit d'une telle impétuosité sur un rocher, qu'il s'y est encavé par succession de temps un large & profond bassin : si bien que l'eau courant là dedans circulairement, & au milieu y faisant de gros bouillons, a fait que les Sauvages l'appellent Asticou, qui veut dire chaudière [Le saut de la Chaudière]. Cette chute d'eau mène un tel bruit [...] qu'on l'entend de plus de deux lieues. Les Sauvages passant par là, font une cérémonie [...] » (Tiré des Voyages [...] de Champlain, 1613.)
« Le point le plus historique de l’Ottawa [de l’Outaouais] est sans doute la chute de la Chaudière. [...]
Le premier saut se nomme la grande Chaudière d’après la forme de l’endroit où l’eau se précipite. Juste au-dessus de celle-ci, l’eau se contracte dans une passe étroite et le courant devient très rapide. Plusieurs îles obstruent le passage et la rivière prend une apparence formidable, l’eau bondissant de rocher en rocher après avoir passé par-dessus un mur de roc qui semble fermer la rivière à cet endroit. La plus grande partie de l’eau passe et tombe d’un rocher, qui a la forme de deux tiers de cercle, dans un gouffre qui a plus de trois cents pieds [90 m] de profondeur. À l’extrémité nord se trouve comme une caverne (1) formée dans le roc du rivage et nommée petite Chaudière ou trou du diable ; l’eau y coule dans un souterrain pour sortir plus loin dans la rivière. Du côté sud s’écoule un peu d’eau par le Chenal perdu. Aujourd’hui les usines qui y sont construites de chaque côté masquent et défigurent la beauté de cette chute si vantée par les anciens voyageurs (2). » (Lucien Brault, Ottawa : capitale du Canada de son origine à nos jours. Les Éditions de l’Université d’Ottawa, Ottawa, 1942, p. 32-33.)
(1) Cette intrigante caverne, signalée encore dans un autre témoignage qui suit immédiatement, n’a jamais été décrite, à ce que je sache.
(2) La rive ontarienne a été aménagée depuis la parution de ce texte, sans rendre les chutes mieux visibles.

« ‘‘À la fonte des neiges [relate Henry (3)] ou au cours des périodes de pluie, un remous, une accumulation d’écume, à un endroit particulier du gouffre, m’ont fait soupçonner l’existence, dans le fond, d’une ouverture par laquelle l’eau se fraie un passage souterrain.’’ Ce passage souterrain où l’eau s’engouffrerait pour retourner à l’Outaouais un peu plus bas, en a intrigué plus d’un. Un homme y aurait même été englouti pour en ressortir vivant et raconter son aventure (4).
Henry attribue le nom de chaudière à la poussière d’eau qui se dégage de la chute sous forme de nuage, comme la vapeur d’une bouilloire. ‘‘Son nom est motivé par le brouillard, la vapeur, qui s’en dégage,’’ dit-il. Il appelle la chute ‘‘the great kettle’’, littéralement la grosse bouilloire, le gros chaudron. C’est d’ailleurs ce que voulait dire le nom indien d’Asticou, que Champlain n’a fait que traduire quand, s’arrêtant à cet endroit, il lui a donné le nom de Chaudière.
Le chevalier de Troyes [en 1686] nous fournit une autre explication de ce toponyme. Il faudrait l’attribuer, selon lui, à la présence d’un trou en forme de chaudière qui se serait creusé avec le temps sous l’action de l’eau tombant sur les rochers(5). Citons ce passage du journal de l’expédition à la baie d’Hudson : ‘‘… portage de la Chaudière que les voyageurs ont ainsi nommé, parce qu’une partie de la rivière qui tombe parmi une confusion affreuse de rochers, se jette dans un trou d’une de ces roches faite en forme de chaudière dont l’eau s’écoule par dessus.’’ » (Guillaume Dunn, Les forts de l'Outaouais. Éditions du Jour, Montréal, 1975, p. 76-77.)
(3) Alexander Henry, Travels and Adventures in Canada and the Indian Territories between the Years 1760 and 1776, cité par Dunn.
(4) Revoici cette caverne, toujours aussi énigmatique. On sait qu’il existe des cavernes dans le lit de l’Outaouais, beaucoup plus en amont, près de l'île aux Allumettes, dont la formation remonterait à la dernière glaciation. À propos de celle des chutes des Chaudières, on en dit pas grand mot : la région est pleine de ces choses à peine décrites que déjà oubliées... [Voir le billet du 15 décembre 2012 à propos de ces cavernes.] Quant à l'anecdote de l'homme rescapé de son passage dans la caverne, sorte de Jonas après la lettre, qu'il me soit permis d'exprimer mes doutes...
(5) S'agirait-il d'une... marmite ? [Voir mon billet sur la marmite des Allumettières.]

... et aujourd'hui

Harnachées, environnées par des installations industrielles vétustes, les chutes sont peu visibles, de la rive gauche comme de la rive droite de l'Outaouais. L'hémicycle formé par le barrage en ferme la vue depuis l'amont et les côtés ; en aval, une vue platement frontale est possible entre des poutres d'acier, depuis le pont des Chaudières, lieu peu propice à l'observation. [Voir le billet du 9 décembre 2012, « Invisible nombril ».]

Les chutes des Chaudières, autrefois splendides, aujourd'hui domptées et cachées...

Un peu de géologie cassante

Une faille d’importance régionale, la faille Hull-Gloucester, coupe les calcaires ordoviciens env. 1 km en amont des chutes des Chaudières, du NW vers le SE. Tout le secteur est d'ailleurs traversé par des failles secondaires, d'orientation diverses. Aucune cependant ne semble expliquer la dénivellation des chutes des Chaudières, ni le « profond bassin » décrit par Champlain.



Carte : Wilson, A E, 1938, Ottawa Sheet, East Half, Carleton and Hull Counties, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, Carte 413A, 1 feuille (1/,63 360) doi:10.4095/107511.
Géologie d'une partie de la ville de Hull (aujourd'hui Gatineau), au Québec, et d'Ottawa, en Ontario.
Les couleurs et les nombres renvoient aux différentes variétés de roches sédimentaires du Paléozoïque (calcaire, shales, grès) qu'il est inutile de détailler ici. Les minces lignes ondulées représentent des failles. La plus importante, la faille Hull-Gloucester, traverse le secteur du NW vers le SE à l'extrémité ouest de la carte ; elle passe entre les « Little Chaudière Falls » et les « Chaudière Falls » (en haut, à gauche) et du lac Dow (en bas, au centre). L'astérisque noir est placé au pied de la Colline du Parlement, près des écluses du Canal Rideau. Faut-il préciser que la rivière en haut est la rivière des Outaouais et que le courant s'écoule de la gauche vers la droite ?...



...
© Google Map 

La carte de Wilson (1938) et une vue moderne, par satellite, du secteur des chutes des Chaudières.
GC : Grande Chaudièere, sous le barrage en hémicycle ; PC : pont des Chaudières. La construction du pont Union (nom originel) a probablement causé la perte du pot-de-fleurs. Voir le billet du 8 juin 2014.


[Ajout, 19 déc. 2012 : le rôle de ces failles est à revoir dans un contexte plus large. Affaire à suivre... En attendant, voir mon billet du 19 décembre sur l'origine des Chutes.]

On sait que l’Outaouais, dans le secteur des Chaudières, coule sur un lit « tout neuf », inauguré après que les grandes glaciations soient venues perturber le paysage. L’actuelle rivière a commencé à tracer son chemin dans l’argile de la mer de Champlain il y a 10 000 ans et s’écoule par endroits directement sur un socle rocheux dénudé, mal adapté à l’écoulement paisible des eaux. D’où de multiples rapides et les chutes des Chaudières.

Pour terminer, la terminologie...

On pourrait chicaner à propos de l'appellation pot-de-fleurs que je donne au pilier de calcaire représenté au centre de l'aquarelle de Woolford. Peut-être n'est ce qu'un trognon d'île, mais aucun lexique géomorphologie ne relève cette expression...

À ma connaissance, les aquarelles de Woolford reproduite dans Boucher (2012) sont les plus anciennes représentations des chutes des Chaudières qui existent (affirmation à vérifier) et aucune de celles qui lui sont postérieures (toujours à ma connaissance) ne montre ce pot-de-fleurs solitaire. Les quelques recherches que j'ai faites pour trouver d'autres représentations de cette formation et, ainsi, pouvoir mieux estimer l'époque de sa disparition. n'ont rien donné. Affaire à suivre... [Voir le billet du 8 juin 2014.]

AJOUT (6 décembre 2012). – Roger Latour, de Flora Urbana, s'est permis (quelle audace) de « laver » l'aquarelle de Woolford, pourtant propriété de Sa Gracieuse Majesté et entreposée dans son Musée des Beaux-Arts. Le résultat, comparé à ce qu'une octogénaire espagnole a fait à la figure du Christ, est plein de respect et d'un professionalisme indéniable !



Woolford (1821), revu par Latour (2012).



Henry DuVernet, Vue du moulin et de la taverne de Philemon Wright aux chutes des Chaudières, à Hull, sur la rivière des Outaouais, Bas-Canada, 1823. (Bibliothèque et Archives Canada, 1989-402-1) Le bâtiment au clocheton sur le toit est visible à l'arrière-plan de l'aquarelle de Woolford. [Voir, dans les Commentaires, la précision apportée par Louise N. Boucher.]

jeudi 1 novembre 2012

Stromatolite, stromatopore ou stromato-stroumph ?


Stromatolite(s) et/ou stromatopore(s) exposés dans la pierre d'édifices à Ottawa (calcaire ordovicien, 488-444 millions d'années). Si quelqu'un pouvait m'éclairer sur la nature de ces fossiles bizarrement exhibés, parce que, dans certaines conditions, il n'est pas facile de distinguer entre stromatotruc et stromatochose...

Merci d'avance.


Deux stromato-choses, un grand, à gauche, et un petit, à droite. Ottawa, 459, promenade Sussex. (Photo 28 janvier 2012.)


Zoom sur le «grand» ; largeur : env. 20 cm.


Gros plan du «petit».


Ottawa, rue Cumberland, près de la rue Guigues. Outre le stromato-stroumph au centre, il semble y en avoir un autre, coupé en deux, sur le côté gauche de la pierre. (Photo 25 novembre 2011.)


Gros plan ; longueur : env. 8 cm. (Photo 1er novembre 2012.)

Liens
Stromatolites
http://geo-outaouais.blogspot.ca/search/label/Stromatolites
http://geo-outaouais.blogspot.ca/2009/11/colonie-de-stromatolites-gatineau.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Stromatolithe
Stromatopores
http://www2.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s4/stromatopores.html
http://www.geoforum.fr/topic/22784-les-stromatopores-stromatoporoide-ou-stromatporoidea/


 Stromatolite du Transitway, à Ottawa (voir ce billet et suivre les liens qu'il contient). (Photo 29 octobre 2011.)

jeudi 25 octobre 2012

Séismes : je pompe, je fracture, tu trembles


«Selon une étude publiée hier dans Nature Geoscience par Pablo Gonzalez, chercheur à l’Université Western Ontario, le séisme de 5,1 sur l’échelle de Richter qui a fait 9 morts à Lorca, en Espagne, en 2011, a probablement été provoqué par la baisse du niveau de l’eau dans une nappe phréatique, entrainée par des décennies de pompage pour l’agriculture et l’élevage.» (Extrait de «Gaz de schiste, mines, agriculture: comment provoquer des séismes ?», blogue de Valérie Borde. Se rendre à son billet pour, premièrement, le lire, mais aussi pour les liens qu'il contient.)

Voir aussi mon billet sur les gaz de schistes à Ottawa.


Détails de : Commission géologique de l'Ontario, 1991, Bedrock Geology of Ontario, Southern Sheet, Commission géologique de l'Ontario, carte 2544, échelle 1:1 000 000. (Cette carte peut être téléchargée gratuitement (format pdf ou jpg) au site de la CGO.)
Aperçus de la répartition des shales* de la formation de Billings (Ordovicien supérieur, 461-444 millions d'années), la formation gazifère continue la plus importante de l'Est de l'Ontario (52b ; la bande gris sombre qui s'étend vers l'est à partir d'Ottawa presque jusqu'au Québec). Lignes bleues : failles.

* «Gaz de shales» serait plus juste que «gaz de schistes», mais l'expression étant entrée dans l'usage... Voir cette chronique de Jean-François Cliche.

lundi 1 octobre 2012

Saint-André-Avellin et Maryhill : vieilles pierres


Église de Saint-André-Avellin. Façade en pierre calcaire taillée, murs en «pierre du pays» (blocs erratiques du Bouclier canadien). Photo © Henri Lessard, janvier 2012.


Au début de l'année, j'ai publié un billet sur l'église de Saint-André-Avellin, dans l'Outaouais, m'attardant à décrire les pierres qui avaient servi à l'édification de ses murs et à me questionner sur leur origine.

Or, voici que je découvre les indices de préoccupations semblables aux miennes dans un document intitulé Glacial Features of Maryhill, document que nous devons à la plume (et à l'appareil photo) de Peter Russell (PDF d'environ 8 Mb, téléchargement un peu lent.)

Ce document traite, entre autres, des pierres qui ont servi à la construction de l'église catholique St. Boniface de Maryhill, village situé à un peu plus de 10 km à l'ouest de Guelph, à l'ouest du lac Ontario. (Certaines sources parlent plutôt d'une cathédrale.)

L'auteur décrit une situation qui ne nous appataît pas totalement exotique par rapport à la nôtre. La même glaciation a affecté nos régions respectives, les glaces laissant derrière elles les même débris (till, blocs erratiques, etc.) arrachés au même secteur du Bouclier canadien (soit la province de Grenville).


Mur de l'église de Maryhill, à l'ouest de Guelph (Ontario) : blocs erratiques (gneiss, granite ou syénite, diabase). Source : Glacial Features of Maryhill, Peter Russell (capture d'écran ; lien donné plus haut).


Mur de l'église de Saint-André-Avelin, en Outaouais (Québec) : blocs erratiques (gneiss granitiques et mafiques). Photo © Henri Lessard, janvier 2012.


Les deux églises (Saint-André-Avellin et Maryhill) semblent avoir été construites selon une philosophie similaire : murs constitué d'un appareil de blocs erratiques disponibles un peu partout (les fieldstones de M. Russell) et parement de la façade en pierres de taille provenant d'une carrière : calcaire ou dolomie de l'Ordovicien (488-444 Ma) dans le cas de Saint-Andrée-Avellin, dolomie du Silurien (444-416 Ma) dans le cas de Maryhill.

L'église de Maryhill date de 1877, celle de Saint-André-Avellin, de 1886. C'est à se demander si on ne s'échangeaient plans et contremaîtres entre paroisses catholiques à cette époque.

M. Russel, à propos de la façade de l'église de Maryhill ne s'avance pas trop quant à la carrière qui aurait fourni les pierres de taille :

«The front of the church is composed of rectangular blocks of stone. Some of these rocks appear to be calcium magnesium carbonate (dolostone), which probably comes from the local bedrock.»
Je serai le dernier à lui jeter la... pierre pour ce flou dans son exposé, ne me souvenant pas avoir été plus précis moi-même au sujet de l'église de Saint-André-Avellin dans mon billet (lien plus haut), y suggérant Grenville, Hull ou Montréal comme lieux possibles d'origine des pierres calcaires de la façade...

Le texte de M. Russell décrit bien les fieldstones utilisées dans la construction de l'église de Maryhill : pegmatite, syénite, gneiss variés, rien de bien exotique qu'on ne trouverait pas à Saint-André-Avellin, se sont les mêmes raclures (pardonnez mon irrespect) du Bouclier canadien auxquelles nous avons affaire.

La principale différence entre les deux villages est que Saint-Andrée-Avellin est située sur le Bouclier canadien, tout près de la plate-forme du Saint-Laurent tandis que Maryhill, à l'inverse, est à l'intérieur de la plate-forme du Saint-Laurent, à un peu moins de 150 km au sud du Bouclier canadien.

Les vieilles pierres n'en finissent pas de faire parler d'elles...


Une église vue du ciel : St. Boniface de Maryhill, Ontario. Le regard céleste est un peu oblique... Photo © Google.


jeudi 27 septembre 2012

Stromatolites : du sérieux


Stromatolites du Transitway, à Ottawa. Photo © Henri Lessard, 29 octobre 2011. L'endroit correspond au site no 9 de Nehza et Dix (2012) ; voir en particulier leur photo 7D.


Mes stromatolites du pont Champlain à Gatineau et du Transitway à Ottawa font enfin l'objet d'une publication scientifique :

Stratigraphic restriction of stromatolites in a Middle and Upper Ordovician foreland-platform succession (Ottawa Embayment, eastern Ontario), O. Nehza et G.R. Dix, 2012 ; résumé plus bas.

Je dis « mes » stromatolites», parce que je les ai un peu adoptés à force de les photographier et de les décrire. N'empêche que cet article, c'est du sérieux, en tout cas autre chose que mes petits billets...

On ne peut cependant nier que, durant presque un an (octobre 2011 à septembre 2012), ce blogue a détenu une exclusivité mondiale et même universelle (rien de moins) sur les stromatolites du Transitway d'Ottawa : en effet, les seules photos et descriptions disponibles se trouvaient ici, dans le blogue que vous consultez. (Moment de légitime fierté.)  

L'article en question est payant (25 $) et très très technique. Avis aux amateurs, faut vraiment être mordu. Il nous apprend que les stromatolites de l'est de l'Ontario datent de l'Ordovicien moyen et supérieur (soit 470-443 millions d'années). Comme la stratigraphie de l'Ordovicien dans la région est chose discutée, que la nomenclature change d'un auteur à l'autre, je préfère m'abstenir de tout développement. Ne soyez donc pas surpris si ces stromatolites semblent passer d'une formation à l'autre selon les auteurs ou les cartes consultés. Disons que selon Nehza et Dix, les stromatolites d'Ottawa et Gatineau surviennent à différents niveaux de la formation de Pamelia (shales, calcaire, dolomie) de l'ordovicien supérieur (458-443 millions d'années).

Voici le résumé de l'article (gratuit), à vous de décider s'il en vaut la dépense, le résumé à lui seul étant pour le moins complexe et aride... (Article retouché le 17 déc. 2021 : correction des dates des formations de l'Ordovicien.)


Stratigraphic restriction of stromatolites in a Middle and Upper Ordovician foreland-platform succession (Ottawa Embayment, eastern Ontario)
Odette Nehza, George R. Dix
Revue canadienne des sciences de la Terre, 10.1139/e2012-048
Article publié sur le Web le 27 septembre 2012, manuscrit reçu le 10 mars 2012 (primeur électronique, pagination non finale).

RÉSUMÉ
Les stromatolithes sont abondants et largement disséminés dans deux minces intervalles stratigraphiques de strates de l’Ordovicien moyen (Darriwilien) et supérieur (Turinien inférieur) de l’intérieur de l’avant-pays laurentien dans le rentrant d’Ottawa de l’est de l’Ontario. Ces marqueurs lithostratigraphiques coïncident avec l’inondation rapide d’origine tectonique de l’intérieur de l’avant-pays et pourraient représenter une réponse microbienne opportuniste à la charge en nutriments associée au remaniement marin peu profond (péritidal, infratidal) de systèmes terrestres ou côtiers riches en nutriments. Le reste de la séquence (Chatfieldien–Edenien) de plate-forme-avant-pays représente une sédimentation à plus grande profondeur en réponse à des taux accrus de subsidence le long de la marge laurentienne. Si les stromatolithes sont absents de ce milieu plus énergique, de la calcite d’origine microbienne est préservée sous forme de microincrustations d’allure cocciforme sur des débris squelettiques. Les stromatolithes d’âge darriwilien sont dolomitiques, sont trouvent dans la Formation de Carillon et font partie d’une séquence régionale de recouvrement transgressif (de plus de 200 km) de sédiments péritidaux mise en place au début de l’orogénèse taconique. Des dômes stromatolithiques stratiformes à imposants (2 m de diamètre) mais de faible relief contiennent des lamines rythmiques de dolomie microscopique riche et pauvre en inclusions regroupées par des surfaces d’érosion tachées d’oxydes de fer. Les dômes contiennent également des microstructures thrombolitiques. La distribution des lamines et des isotopes stables (C, O) suggère un équilibre entre la production abiotique et microbienne de carbonates, vraisemblablement influencée par la profondeur et la température de l’eau. Les stromatolithes d’âge turinien sont calcitiques et forment une mince ([inférieur à] 8 m*) unité biostromale infratidale d’envergure régionale (plus de 80 km) à la base de la Formation de Pamelia. Leur présence définit une transition verticale abrupte d’une séquence intra-bassin de roches silicoclastiques et carbonatées phosphatiques infratidales transgressives vers une séquence inter-bassin de mudstone calcaire péritidal. Des lamines arythmiques de packestone péloïde microbien, contenant possiblement des moules d’algues eucaryotes et, localement, des microstructures de spongiostromates évaporitiques, indiquent que la salinité et l’énergie étaient des contrôles majeurs de la sédimentation. L’association stromatolithes–?eucaryotes est semblable à certaines microstructures infratidales modernes et fait partie de la diversification des communautés récifales durant l’Ordovicien.

* Il m'a été impossible d'inscrire le symbole « inférieur à » sans avoir des problèmes avec les balises html.


Stromatolites du pont Champlain à Gatineau (lien au début du billet). © Photo Henri Lessard, octobre 2007. À l'époque, je prenais encore le temps de numéroter mes photos... 
L'endroit correspond au site no 8 de Nehza et Dix (2012) ; voir en particulier leur photo 7B.


Ajout, 28 sept. 2012, après lecture de l'article de Nehza et Dix (2012)

Les stromatolites calcitiques du pont Champlain et du Transitway se retrouvent dans la formation de Pamelia (Ordovicien supérieur, 458-443 millions d'années) de plate-forme du Saint-Laurent, rentrant d'Ottawa. Ils se sont développés dans des sédiments péritidaux. Il existe deux niveaux de stromatolites, séparés par moins de 2 mètres, ce qui confirme pour l'essentiel (à 2 mètres près...), les corrélations que j'avais tentées entre ceux du pont Champlain (niveau inférieur) et du Transitway (niveaux inférieur et supérieur).


Stromatolites du Transitway, à Ottawa, formation de Pamelia. Photo © Henri Lessard, 29 octobre 2011. Reprise (en entier) de la photo qui ouvre ce billet.
S : stromatolites du niveau supérieur (à droite du S, la partie montrée en détail au début de ce billet) ;
I : stromatolites du niveau inférieur : le dôme clair à la droite du I est sans doute l'un des stromatolites de ce niveau qui correspondent à ceux du pont Champlain, à Gatineau. Ces stromatolites du niveau inférieur du Transitway avaient échappé à mon attention. Il est vrai que je n'ai pas eu accès au parois, interdites au public, à l'inverse de Nehza et Dix qui on pu aller chatouiller ces stromatolites in situ...