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samedi 18 février 2017

Retour aux Montagnes-Noires et à l'Eozoon canadense



Carte de Logan et Dawson (1875). Cliquez sur l'image pour la voir en pleine grandeur. Document (avec le texte qu'il accompagne) fournit par le Projet Gutenberg. Référence complète à la fin du billet.



Détail de la carte de Logan et Dawson (1875), depuis l'Outaouais, au sud, jusqu'aux lacs Montigny (Simonet), Viceroy et Barrière, au nord.


Bref retour à l'Eozoon canadense de St-André-Avellin et aux Montagnes Noires de Ripon. Et même, pourquoi pas, aux chutes de Plaisance.

La carte géologique qui illustre le billet est une version remaniée par Dawson (1875) d'une carte de Logan (1863). Obsolète dans ses principes (mais pas nécessairement toujours fausse), elle reste la première véritable carte géologique moderne de l'Outaouais entre Thurso et Grenville. Une sorte de monument historique, intéressant en soi, malgré ses limites.

J'avais déjà utilisée la version primitive, celle de Logan, pour localiser les chutes de Plaisance (voir billets des 16 et 18 août 2015).

Dawson (1875) a réutilisé la carte pour situer situer l'Eozoon canadense (voir le billet du 3 févr. 2017). Les Montagnes-Noires, dont il a été question récemment (billets des 22 déc. 2016 et du 25 janv. 2017) figurent aussi sur la carte. Façon de parler, puisqu'elles se confondent dans une bande de gneiss à orthoclase (en rose sur la carte) qui regroupe en fait un grand nombre de gneiss et de plutons non séparés.

L'Eozoon canadense, les Montagnes-Noires, les chutes de Plaisance... La région n'est pas dépourvue d'intérêt du point de vue géologique. Il y a là un potentiel insoupçonné...



Détail agrandi de la carte de Logan et Dawson (1875), avec modifications.
Légende partielle
Rose et brun : bandes de gneiss à orthoclase ; bleu : bande de marbre ; trait rouge : Eozoon, à Côte-St-Pierre ; LN : lac noir ; MN : Montagnes-Noires, pluton de syénite-diorite noyé dans le gneiss à orthoclase. Lac Montigny : Lac Simonet d'aujourd'hui.
Les bandes de gneiss à orthoclase englobent plusieurs roches (gneiss variés et plutons). La carte les distribue en les entrelardant de bandes de marbre selon des principes stratigraphiques qui ne s'appliquent pas à ces formations.


Référence


mardi 18 août 2015

Plaisance 1862



Logan, W. E.; Map showing the distribution of Laurentian rocks in parts of the counties of Ottawa, Terrebonne, Argenteuil & Two Mountains, CGC, 1862.


Résumé

Séquelle du billet précédent.



Petit voyage dans l'histoire.

La carte de sir Logan (fondateur et premier directeur de la Commission géologique du Canada (CGC)) reproduite ici est la plus ancienne (1862) à montrer de façon un tant soit peu détaillée la géologie des rives de l'Outaouais inférieur entre Plaisance et le lac des Deux Montagnes.

On peut retrouver beaucoup des contours de cette carte ou de leurs éléments sur les plus récentes. L'importance des bandes de marbre (les plus évidentes sont en en bleu) me semble exagérée ; elles ne forment pas en réalité des corps continus capables d'envelopper les quatre corps de gneiss à orthoclase (beige pâle à brun) identifiés sur la carte. Mais ne chipotons pas ; c'est facile de critiquer, café à la main, cet ouvrage ancien après avoir disposé les cartes récentes, forcément plus détaillées et plus exactes, tout autour de soi. Gneiss et marbre appartiennent à ce que Logan appelait le «Lower Laurentian», selon une conception stratigraphique du Précambrien obsolète depuis des lustres et des lustres.

(Ajout, 19 août 2015 : ces roches précambriennes appartiennent à la province de Grenville, un milliard d'années et plus. La «Limestone Grenville Band» de Logan – justement celle qui est en bleu –, en est l'ancêtre, mais je préfère fermer cette parenthèse avant de perdre du vue son point final.)

La carte montre la bande de marbre (bleu), continue ou non, qui passe par les chutes de Plaisance (voir le billet précédent ; voir détail de la carte, plus bas). Les gneiss locaux selon Logan (rose et brun) regroupent les paragneiss, gneiss granitique, tonalitique, etc., de nos cartes modernes.

La Petite-Nation est dite River Chaudiere or La Petite Nation sur la carte (voir détail). La Commission de toponymie du Québec fait allusion à une ancienne Chaudière pour ce cours d'eau. Voir aussi Bouchette (1831), cité dans Baribeau, p. 23.

Je ne décris pas la carte de Logan plus en détail. Ceux qui veulent l'examiner à leur aise peuvent la télécharger gratuitement à partir du site de la CGC (GEOSCAN). Rendez-vous à la «Recherche avancée» et utilisez une combinaison des mots-clefs suivants : auteur : Logan ; no de la carte : 54 ; année : 1862 ; Provinces : Québec et Ontario.



Mais bref...,

... là où je voulais en venir : dans le fond, cette carte vieille de 153 ans aurait (presque) suffit à interpréter la géologie des chutes de Plaisance (marbre et gneiss granitiques). Bon, je ne vous interdis pas (et à moi non plus !) de consulter des documents plus récents (voir «Références»).


Références

  • Baribeau, Claude, La seigneurie de la Petite-Nation 1801-1854 : le rôle économique et social du seigneur. Les éditions Asticou enr., 1983, 168 p.
  • Dupuy H., Sharma K.N.M. et al., 1989, Carte de la région de Thurso-Papineauville. MÉRQ, MB 89 08, 1/20 000.
  • Énergie et Ressources naturelles du Québec, carte interactive des données Sigéom.
  • Logan, W E; Map showing the distribution of Laurentian rocks in parts of the counties of Ottawa, Terrebonne, Argenteuil & Two Mountains, Commission géologique du Canada, Carte géologique polychrome 54, 1862; 1 feuille, doi:10.4095/123567





Détail (entre la Baie Noire et Montebello) et détail annoté de la carte de Logan (1862) ; saisie d'écran, je suis désolé de la «qualité» de l'image affichée à 400 %. Largeur de la zone représentée : env. 20 km.
  • Bleu : marbre ;
  • Rose et brun : gneiss à orthoclase ; pour les autres formations, voir le document original téléchargeable (instructions dans le texte) ;
  • X : les chutes de Plaisance sur la Petite-Nation ;
  • Trait blanc : chemins Papineau et Malo entre Plaisance et les chutes ;
  • * * : River Chaudiere or La Petite Nation.

dimanche 16 août 2015

Fluctuat nec mergitur à Plaisance



Fig. 1. La Petite-Nation, vue depuis le pont des chutes de Plaisance (Québec). À l'avant-plan, un «radeau» de granite (tonalite) gris dont nous reparlerons. Visée ± sud, photo 14 août 2015.


Résumé

Aux Chutes de Plaisance (Québec), un grand radeau de granite (tonalite) est immobilisé dans une formation de marbre ductile. Roches de la province de Grenville, âgées d'un milliard d'années et plus.
Localisation
Chutes de Plaisance (Québec)
45.641089, -75.133912
Ailleurs dans le blogue, sujet similaire
10 déc. 2009, «Marbre : plis et plissottements»
Sites Internet (Ville de Plaisance)
Centre d'interprétation du patrimoine de Plaisance
Chutes de Plaisance
http://www.chutesplaisance.ca/
Photos
14 août 2015


Il y a un milliard d'années et des poussières, à plus de vingt km de profondeur dans l'écorce terrestre, des forces tectoniques capables de déplacer les continents ont comprimé un marbre et un granite*.

* Les roches des chutes de Plaisance et de leurs environs sont principalement le marbre et plusieurs «granites» plus ou moins gneissiques (tonalite, monzonite, etc.). Ces savantes distinctions ne sont pas essentielles à l'exposé et nous nous contenterons d'employer le mot granite dans son sens le plus large. On trouve aussi du paragneiss et du quartzite.

La coexistence forcée de ces deux roches à accentué leurs différences de comportements. Le granite, solide, cassant, a résisté ou s'est rompu en éclats ; le marbre, ductile, souple, s'est plissé, insinué ici et là et a emporté avec lui des fragments du granite et d'autres roches.

Nous voyons maintenant ici, aux chutes de Plaisance, figé dans la pierre (forcément), les conséquences de ces querelles de voisinage dans les profondeurs de l'écorce terrestre.

Une longue période d'érosion, entre un milliard et 600 millions d'années, a amené le marbre et le granite à affleurer à la surface.



Le «radeau» de granite


C'est ainsi, qu'immédiatement en aval du pont au dessus des chutes, formant un îlot, un «radeau» de granite flotte au dessus d'un marbre plissé et runabé. Le granite chevauche le marbre depuis un milliard d'années et n'a pas bougé depuis ni d'un pouce ni d'un cm !

Joli rafting immobile. C'est pas demain que le radeau risque de chavirer ! Fluctuat nec mergitur (Il est battu par les flots mais ne sombre pas.)



Interprétation des photos

  • Bruns variés, noir, aspect feuilleté ou rubané, souvent plissé, semé de fragments de roches en relief : le marbre ;
  • Gris uni, aspect massif, toujours en relief par rapport au marbre : le granite (tonalite) ;
  • Divers, en relief dans le marbre, parfois rouillés : les fragments de roches dans le marbre peuvent être de natures variées : granites (dont la tonalite, bien sûr), paragneiss, quartzite, etc.

Note. – Dans un parc naturel, on ne recueille pas de fragments de roches à coup de marteau (de géologue ou non).



D'abord, le marbre et ses petites et moyennes enclaves



Fig. 2. Plissements du marbre (brun pâle, noir) vus du pont sur la Petite-Nation, soulignés par les fragments de roches plus résistantes à l'érosion qu'il transporte.


Fig.3. Beaucoup d'enclaves dans le marbre sont plissées de façon serrée. Elles soulignent ainsi les déformations subies par le marbre. Le nord est à droite, comme l'indique la boussole.


Fig. 4. Plusieurs fragments de roche «plongent» littéralement dans le marbre, vers l'ouest (flèche rouge). Les géologues recherchent les indices de ce genre pour recomposer les mouvements de la croûte terrestre.


Ensuite, les contacts entre le marbre et le granite gris







Fig. 5, 6 et 7. Contacts entre le marbre plissé et le granite gris massif sous le pont de la Petite-Nation. Les contorsions de bandes de granite les font ressembler parfois à de la guenille froissée (fig. 5 et 6). (Rappelez-vous, le granite est en relief par rapport au marbre, facilement érodé.) Les fractures parallèles sur le bord du granite ne se prolongent pas dans le marbre.


Enfin, le radeau de granite qui «flotte» sur le marbre.



Fig. 8. À droite : «radeau» ou couvercle de granite gris, immédiatement en aval du pont de la Petite-Nation ; sous le granite massif, on aperçoit le marbre plissé et rubané qui le supporte (à droite du centre de la photo : voir photos suivantes).



Fig. 9. Le marbre sombre, rubané et plissé est ici mieux visible. Il supporte la masse de granite gris clair. L'érosion du marbre par l'eau, en laissant en relief les parties plus résistantes, fait ressortir la structure de la roche. Le granite, moins grignotable, se rompt blocs ou éclats selon des joints ou des plans de cassures. Il est possible que l'intervention humaine ait eu un rôle à jouer, si près du pont.



Fig. 10. Autre vue du «radeau» de granite avec, dessous, le marbre, plus sombre. À droite, le marbre, visible à l'air libre. Granite et marbre épousent un grand plis qui fait ployer le radeau vers le sud (vers la gauche).