vendredi 22 juillet 2011

Mine Forsyth à Gatineau : récapitulation illustrée

AVERTISSEMENT. — Le site est dangereux (risques de chutes et de noyade), les clôtures qui «sécurisent» l'endroit sont parfois en très piètre état. Ne pas y aller seul, ne pas laisser les enfants sans surveillance.

Photo 1. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
«Le minerai, de couleur noire à vert foncé, à éclat mat, est constitué de gros cristaux (quelques centimètres) de magnétite, de sulfures de fer (pyrite, pyrrhotine) disséminés dans une gangue de silicate[s] ferrifère[s]. En outre, ça et là, on voit des paillettes flexueuses de graphite et des amas de mica noir (biotite).» Guilloux, 1969, p. 125.

Voir la carte plus bas pour situer les endroits photographier.

Autres billets sur le même sujet : lien.

Mine Forsyth, à Hull (Gatineau) : résumé-maison de la géologie de l'endroit
Le gisement de magnétite Forsyth (ainsi que les deux autres plus petits, situés dans la continuité de son axe, les gisements Baldwin et Lawless) forme une lentille verticale encaissée de façon concordante dans un banc de marbre typique de la province de Grenville (plus d'un milliard d'années).

Le minerai, une eulysite, d'une minéralogie complexe, est riche en magétite (oxyde de fer) à grain grossier.

Le gisement a été exploité à ciel ouvert (tranchée ENE qui suit le gand axe du gisement) et par un puits creusé à l'extrémité W de la tranchée. Un puits d'exploration, des galeries sousterraines et des carrotages ont permis de préciser les dimensions et formes du gisement. (Voir «Historique» dans ce billet.)

La magnétite proviendrait du métamorphisme d'une sidérose sédimentaire (ou sidérite, carbonate de fer FeCO3 ) déposée simultanément avec des calcaires sur un fond marin. Sidérite et calcaire auraient été métamorphisés (donnant l'eulysite et le marbre), plissés et redressés dans leur position actuelle. Âge de la sédimentation et du métamorpghisme : plus d'un milliard d'années.

La mine Forsyth a été exploitée de façon intermittence entre 1866 et 1918. À partir des années 1950, des travaux d'explorations ont permis de préciser le volume et la géométrie du gisement. Voir les passages qui suivent.

Quelques données supplémentaires
Minerai extrait depuis le début de l'exploitation : 23 000 t. Réserves : 3 500 000 t à une teneur de 48 % de fer. Il s'agit d'un modeste gisement. (Selon Guilloux, 1969.)

En 1976-1977, des entrepreneurs ont présenter des plans en vue de sa réouverture. Le projet a fait long feu.

La mine Forsyth, selon le géologue Louis Guilloux (1969)
«Le minerai est concentré dans un amas lenticulaire dont la puissance varie entre 10 et 40 m et qui affleure sur 290 m selon une direction N. 80. Cet amas est interstratifié dans un complexe de roches carbonatées dont les termes essentiels sont des skarns à diopside et scapolite, des roches calcosilicatées, des marbres [voir la carte plus bas]. L'axe d'allongement de la lentille est parallèle à la direction de la foliation des roches encaissantes. Le plan axial est un peu gauchi : son pendange varie de 87° à 70° N.

Les travaux miniers de reconnaissance et les sondages ont révélé que cette lentille présentait des renflements et des rétrécissements et qu'elle se terminait en ''quille de navire'' vers 250 m. [...]

L'axe de plongement (plonge) de la lentille est incurvé : d'abord vertical, il s'infléchit vers l'Est [...] pour devenir subhorizontal au fond.

Aux extrémité est et ouest de la lentille, on n'a pu démontrer l'existence de zones mylonitiques ni de failles. Ainsi le gisement de Forsyth ne semble pas être contrôlé par un accident tectonique.

Sur la carte géologique, on voit, par ailleurs, que les failles orientées sensiblement nord-sud, nord[-]est, nord[-]ouest présentent au Sud [de la carrière principale] ne ''traversent'' pas la lentille de minerai.
 
Photo 2. — Mine Forsyth. Niveaux de paragneiss plissés et fracturés dans des marbres.
(Photo Guilloux et al., 1972).
Voir un autre exemple local de fluage à la photo 1112 de ce billet.

On peut concevoir que cette lentille ne serait que le fragment d'un niveau plus important ayant joué le rôle d'un ''banc compétent'' vis-à-vis des formations carbonatées encaissantes dont la plasticité, lors des contraintes tectoniques, est en particulier responsable des phénomènes de fluage spectaculaires observés dans les parements des galeries. [Voir la photo 2.] Les ''banc'' supposé de minerai aurait ainsi été tronçonné, boudiné. 

[... En outre, les] petits amas minéralisés de Baldwin et de Lawless se situent dans le prolongement ''stratigraphique'' de celui de Forsyth.»
Guilloux, 1969, p. 187


Photo 3. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Entrée du tunnel. Condamnée par un mur de béton, semble-t-il. Les moustiques ne m'ont pas laissé le loisir d'examiner cette question dans le calme et le recueillement nécessaires. Les photos sont prises à travers la clôture grillagée qui ceint la «piscine».
La densité de moustiques atteint la cinquantaine par pied cube d'air. Ils ne me laissent aucun repos ; mes photos seront floues, mal cadrées et mes observations réduites au minimum.

Photo 4. — Mine Forsyth, Gatineau, 17 juillet 2011.
Berline abandonnée sur le sentier menant à la carrière principale.
Je ne crois pas qu'elle remonte plus loin que l'époque des travaux entrepris à la fin des années cinquante. 

Photo 5. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Mur S de la carrière principale. E à gauche. Probablement du marbre rouillé avec, peut-être, quelques roches calco-silicatées. À vérifier en l'absence de moustiques.

Photo 6. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Mur N de la carrière principale. E à droite. Notez les tiges de fer fichées dans le marbre gris.


Photos 7a et 7b. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Puits, à l'extrémité W de la carrière principale, creusé dans le minerai.
Site de l'arrêt no 2 lors de la visite guidée organisée par Michel Prévost, le 17 juillet 2011.
Il paraît qu'une berline repose au fond de l'eau. Je n'ai fait aucun effort pour vérifier : è pericoloso sporgersi !


Photos 8a et 8b. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Extrémité W de la carrière principale. Muraille de marbre gris.

Photo 9. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Mur S de la carrière principale : mousse orangée.
Son intérêt géologique est nul, mais, du point de vue esthétique, elle est tout à fait réussie.


Photos 10a et 10b. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Clôture de blocs au S de la carrière principale, parallèle avec celle-ci.
Photo 10b : bloc attaché par un câble d'acier : on craignait qu'il se sauve ?

Photo 11. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Fondations d'un bâtiment (coin NE).
Lors de mes visites précédentes, vers 1995, ces vestiges étaient complètement dégagés. Plusieurs des clôtures de broches plantées un peu partout sur le terrain, le long des bords des falaises de la carrière principale par exemple, datent de cette époque, sans que je puisse préciser exactement l'année.


Photo 12a et 12b. — Mine Forsyth, Gatineau, 19 juillet 2011.
Site de l'arrêt no 1 lors de la visite guidée du 17 juillet 2011 menée par Michel Prévost.
Photo 12a : failles entrecroisées dans le marbre dans la roche calco-silicatée massive ou rubanée («skarn à diopside et scapolite» de la carte de Guilloux, plus bas). (Correction : 8 oct. 2011.)
Photo 12b (à droite de la paroi photographiée en 12a) : roches rubannées : roches calcolisicatés et marbre interlitées. Le rubannement est presque vertical. Le gisement de fer partage à peu près la même attitude : lentille ENE concordante, presque à pic dans le marbre.
Remarque d'ordre général : la présence de roches rouillées n'impliquent nullement la proximité d'un gisement de fer. Rien n'est plus fréquent un peu partout dans la région, suffit d'un peu de pyrite ou de pyrrothine dans la roche... Voyez l'arche de marbre à graphite rouillé du lac Pink, 1,5 km au SW.



MINE FORSYTH : CARTE DE GUILLOUX (1969)
Complément à la légende


Cliquer sur la carte pour l'afficher à sa pleine grandeur.


L'eulysite, en noir massif, est le minerai de fer (magnétite) recherché.
En orangé : mes interventions.
Une version moins gribouillée de la carte se trouve dans le billet qui précède.


Lignes orangées : sentiers (tracé très approximatif) ;
Numéros orangés : se rapportent aux photos de ce billet ; 
placés au mieux de ma connaissance. Quelques remarques :
2 : photo prise dans une des galeries souterraines auxquelles mène le puits.
7* : l'astérsique indique la position approx. du puits.


Références
Guilloux L., 1969 — Étude pétrogénétique et métallogénique du gisement de magnétite de Forsyth et de son enveloppe, Hull, province de Québec, Canada. Thèse de IIIe cycle, Université de Grenoble.
Guilloux L., Blais R.A., Coy-Yll R., 1972 — «L’origine métasédimentaire du gisement de magnétite de Forsyth, Province de Québec, Canada.» Mineralium Deposita, vol. 7, p. 154-179.

2 commentaires:

  1. Je me rappelles, j'avais 13 ans vers 1963 et on prenais nos bicyclettes pour aller a la mine en empruntant le chemin Cameron et en fourchant sur la gauche sur Mine rd.Des chemins de concession en terre et la ferme au coin de la rue Therrien et D'Orsonnens. De bons souvenirs de la mine et son entree principale, le gros batiment blanc a deux etages avec les bouilloires Volcanos...et a environs 100pieds, la grande tour de bois et son ascenseur. J'ai parler au contracteur qui devais faire la demolition et il m'a demander si un D10 pouvair faire le travail en attachant des cables au sommet...Je n'etais pas certains que je comprenais....Je me rappelles aussi de l'entree secondaire du cote Ouest...Il y avait un viel autobus Blue Bird au sommet de la cote.....Dans ses annees la, je suis entrer aussi dans la mine au lac Pink et j'ai visiter les galeries...le niveau de l'eau etais certainement plus bas car on voyais les rails de chemin de fer se diriger vers la sortie pour disparaitre dans le lac....le petit barrage au sud a surement elever le niveau d'eau au moins de 20 pieds.....et le vieux chemin de la grande cote sortaient au Mine rd, pres du grand barrage aujourd'hui sentier pedestre , rue Citee des Jeunes...Souvenirs de ma jeunesse... a.lamothe1@gmail.com

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  2. Quand j'ai connu le chemin de la Mine dans les années 70, il était à peu près déjà dans l'état actuel, moins le pavage. Plus jeune encore, la rue Corbeille marquait la limite de la zone construite, derrière s'étendaient les champs...

    Je me souviens être entré (1970 ?) dans la mine du lac Pink ; il faisait noir, il fallait marcher dans l'eau, je n'ai vu aucun rail et il y avait encore de la neige en juillet (là, je ne garantis pas l'exactitude de mes souvenirs). J'ai souvent essayé d'au moins repérer l'entrée : j'ai l'impression que la CCN a fourni beaucoup d'efforts pour la cacher. Le niveau du lac plus élevé : je n'avais pas pensé à cette explication, mais c'est tout à fait plausible.
    Souvenir souvenir...

    Bon, évidemment, c'était le bon temps, puisqu'on étaient plus jeunes !

    Je n'ai jamais entendu parle de la grande tour de bois et des bouilloires Volcanos. Merci pour ces renseignements, et si jamais vous en avez d'autres, vous êtes le bienvenu !

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