samedi 25 décembre 2010

Noël transparent

Pont couvert du ruisseau Meech dans la vallée du même nom, Chelsea (Québec)


Paysage d’hiver vu par transparence. Sous les pavés, la plage, et sous la neige, les verts pâturages.

En attendant que résonne à nouveau le chant de la chlorophylle, passez un joyeux Noël et entreprenez la nouvelle année d’un pas résolu !


PS – Oui, Madame, oui Monsieur, la chlorophylle chante. Mais faut prêter l'oreille.



lundi 20 décembre 2010

Météorisation : exemple islandais

Joints dans un marbre élargis par érosion. (Gatineau, Québec, juin 2010)


Je n'ai déniché cette étude (lien) dont je présente un extrait plus bas qu'après avoir publié mes billets sur les lichens de Kanata et le marbre de la rivière Gatineau. Elle concerne la météorisation postglaciaire de basaltes islandais et certains paramètres qui y sont considérés, dont l'haloclastie*, ne jouent aucun rôle dans notre région, mais, d'un point de vue plus large, les conclusions de l'auteur de cette étude sur la météorisation postglaciaire en «milieux froids», particulièrement sur l’importance des joints, voies d'accès privilégiées de la météorisation, et des agents biogéniques (lichens, par exemple) sont applicables, avec toutes les précautions et réserves qui s'imposent, à la partie tempérée du Bouclier canadien que nous habitons. De mon point de vue, c'est la confirmation (recherchée depuis longtemps) que les surfaces météorisées du Bouclier canadien ont bien été développées à partir du poli glaciaire.



Gneiss vert (en creux), quartzite blanc, et granite rose recoupant les deux premiers. Le gneiss météorisé forme piscine entre les parois abruptes du quartzite et du granite qui, eux, ont conservé leur «poli glaciaire». (Cantley, Québec, juillet 2010.)


EXTRAIT
Samuel ETIENNE. «Processus et vitesses de météorisation postglaciaire de surfaces basaltiques dans le sud de l’Islande», manuscrit de l’auteur, publié dans Environnements périglaciaires, vol. 24, no 8, 1999, p. 63-75. Pdf disponible dans Internet gratuitement.

Après avoir été longtemps dénigrés, les processus biogéniques se voient attribuer un rôle de plus en plus important dans la météorisation des milieux froids [...]. Parmi les organismes impliqués, les lichens ont catalysé une grande partie des recherches récentes [...] une des actions les plus significatives des lichens dans les roches basiques est l'extraction et la libération du fer qui entraîne une augmentation de la porosité de surface sur quelques millimètres, ainsi que nous l'avons observé [...] Ce processus agit strictement en surface : lorsque le plan rocheux poli est faiblement couvert (quelques centimètres d'épaisseur) par des dépôts superficiels, les lichens sont absents, la météorisation est nulle, le poli lisse et brillant ; en revanche, dès que la mise à l'affleurement est totale, la colonisation végétale (champignons, lichens) démarre et la météorisation (augmentation de la rugosité de surface) ne tarde pas à suivre [...]. La dégradation biogénique est plus efficace au niveau des fissures et des cupules car ce sont les sites privilégiés d’installation et de développement des lichens, microchampignons et autres bactéries [...]. Par ailleurs, il est clair qu'une couverture superficielle déliquescente ne suffit pas à bloquer l'onde de gel et ne saurait inhiber la microgélifraction. La microgélifraction reste inefficace tant que les surfaces polies sont couvertes parce que l'état initial des surfaces d'abrasion glaciaire ne lui est pas favorable ; une préparation préalable à sa mise en action est indispensable et il est de plus en plus évident que les processus biogéniques se posent en acteurs incontournables.

dimanche 19 décembre 2010

Kanata : au ras du lichen

2990. Austère paysage du Bouclier canadien ; roches poncées par les glaciers. Quelques bâtiments d'un centre d'achats se profilent à l'arrière-plan tandis que l'éclairage public tarde à se manifester. 
(Kanata Town Centre Core Park, Ottawa, décembre 2010)


Il est agréable d'arriver à l'étape du dernier billet d'une série de plusieurs. Tout a été dit, mais il reste encore à montrer.

Ce n'est pas de la paresse, on a travaillé fort pour en arriver là, disons plutôt une pause bien méritée.

Pour ce qui a été dit et qui reste nécessaire à la compréhension de ce qui suit, voir les billets précédents consacrés au même site.

Afin d'éviter les redites, je n'en dirai pas plus.

Toutes les photos : Kanata Town Centre Core Park, avenue Kanata, Ottawa, 4 décembre 2010.

2931. Vue aérienne embrassant un vaste secteur. Collines et vallées forment un système désordonné dans un gneiss granitisé ; les dépressions se sont inscrites à partir de la surface unie laissée par les glaciers, il y a 12 000 ans.

2914. Point de vue rapproché. Bosses arides et creux luxuriants ; dénivellations : quelques cm. 
Estimer le taux de météorisation* depuis le départ des glaciers. 
* Météorisation : altération des roches exposées aux agents atmosphériques. De façon plus large, c'est l'ensemble des processus (mécaniques, chimiques ou biologiques) qui attaquent les roches à la surface de la Terre. 

2917. Presque au ras des lichens, maintenant. Centre de la photo : piton résistant dégagé par météorisation. Variété incongrue de stalagmite : il s'est érigé, oui, mais sans s'élever, au fur et à mesure que son environnement s'abaissait*. Quelques brindilles à l'avant-plan.
* Inutile de me dire qu'un stalagmite se forme d'une tout autre façon : faut parfois être sensible à la beauté des paradoxes...


2930, 2933. Même secteur que photos précédentes. Creux comblés par une étrange mixture. 
La photo 2930 a déjà été affichée ici.


2918 et 2920. Piste goudronnée et gneiss rubané en parallèle.

2952. Roche plus homogène. Ici et là, quelques éléments ont offert une meilleure résistance à l'érosion. Filon tenace, en diagonale, à gauche.

2924. Collection de feuilles mortes scellées sous verre. Voir seconde photo du billet du 5 déc. 2010 pour l'autre extrémité de la flaque gelée.

dimanche 12 décembre 2010

Dissolution à Gatineau : addendum à une suite

Photo © Google (octobre 2008) : île Marguerite sur la Gatineau, ville de Gatineau (Québec), extrémité ouest du secteur étudié dans le billet d'hier. Quelques failles appartenant aux principaux réseaux qui découpent le socle rocheux sont prolongées d'un trait blanc. L'astérisque indique l'ombre portée du «massif» des photos 1096 (billet d'hier) et 1107 (ce billet).

Dans mon billet du 11 décembre sur le marbre «dissous» de (et dans) la rivière Gatineau, j'écrivais que les failles* qui traversent la roche ne semblent suivre aucune direction privilégiée : en fait, il aurait été plus juste d'écrire qu'elles en suivent trop, ce qui, au niveau du plancher des vaches, amène un peu de confusion, même si le parallélisme de plusieurs ne peut échapper à l'observateur le moins attentif.

* Plus exactement des joints (cassures sans mouvement de la roche de part et d'autre de la rupture).

Me libérant des contraintes propres à la condition du piéton, j'ai prolongé, sur une photo satellite (ci-dessus), quelques-unes de ces failles d'un trait blanc. La superposition de plusieurs réseaux entrecroisés se constate aisément. Les plus évidents de ces réseaux sont, en négligeant les variations mineures, orientés NE, E-W et NNW. Un quatrième, orienté ± N-S, se manifeste, semble-t-il, de façon plus discrète.

Ces failles qui découpent le marbre sont autant de lignes de faiblesse que l'eau attaque avec grande d'aisance, d'où la création de ravines rectilignes entrecroisées (voir billet d'hier).

Le rubanement du marbre (alternance des bandes ou des anciennes couches sédimentaires) est orienté ± NE. Ceci explique l'impression (fausse), enregistrée sur le terrain, que certaine ravines seraient des rubans moins résistants à l'érosion.

(La rivière Gatineau suit une direction générale SE-NW ; dans le secteur immédiat du site concerné, elle s'infléchit pour s'orienter WNW-ESE.)

La conclusion générale de mon billet de la veille reste valable ce matin : la plupart des ravines dans le marbre, à cet endroit de la Gatineau, sont des joints agrandis par dissolution du marbre sous l'action des eaux courantes.

Photo 1107. (Voir astérisque sur la photo satellite.) Ravines entrecroisées. Cliché retiré du billet d'hier par manque de place. Aspect chaotique causé par la multiplication des enclaves résistantes dans le marbre – enclaves libérées et tombées confondues avec celles qui semblent surgir à sa surface. (Juin 2010)

samedi 11 décembre 2010

Dissolution à Gatineau : suite

Photo 1096. Marbre chargé d’enclaves de granite et de gneiss. La roche est traversée par de multiples réseaux entrecroisés de ravines. Des enclaves volumineuses forment un massif à gauche. (Juin 2010)

LOCALISATION
Gatineau (Québec) ; rive gauche de la rivière Gatineau, au N du pont Alonzo-Wright (secteur de l'île Marguerite).
SNRC 31G/05
Le site est sous les eaux de la rivière Gatineau une partie de l'année. L'endroit, interdit d’accès, présente un danger certain (variations brusques du niveau de l'eau causées par l'activité du barrage Chelsea en amont).

CONTEXTE GÉOLOGIQUE
Marbre de la province de Grenville ; roches vieilles d'un milliard d'années (voir Géolo-chronologie) ; érosion par l’eau courante, érosion différentielle.

INTRODUCTION
Billets précédents consacrés au même site : ici et ici. Les consulter pour plus de détails.

RAPPEL, RÉSUMÉ ET MÊME TOUT LE CORPS DU TEXTE EN TROIS BREFS PARAGRAPHES
Un marbre chargé d'inclusions résistantes (granite, gneiss) est exposé le long de la Gatineau. Les billets précédents parlaient du surgissement progressif de ces inclusions par dissolution du marbre que l'eau courante gruge à petit feu (ça se dit?). Aujourd'hui, je voudrais traiter de phénomènes d'érosion d'une autre nature.

Des ravines plus ou moins profondes traversent le marbre. Il n'est pas toujours évident d'attribuer leur présence à la canalisation du courant le long de certains trajets. En effet, la plupart, loin d'observer une quelconque direction favorisée, s'entrecroisent et semblent plutôt le résultat de l’élargissement par érosion de fractures rectilignes. On peut observer une progression, depuis les larges ravines aux bords arrondis jusqu’aux minces failles, nettes, aux arêtes tranchantes ou à peine émoussées.

Rappelons que la couleur rose-ocre du marbre (autrement de couleur blanche) est due à une altération superficielle.

CONCLUSION
L'aspect rectilignes de ces ravines, leurs bords parallèles indiquent qu'il s'agit de fractures attaquées de façon préférentielle par l'érosion (dissolution du marbre par les eaux courantes). La direction du courant, la structure du marbre (dont le rubanement est orienté NE), sont des phénomènes secondaires de ce point de vue, les failles, ou fractures, accélérant l'érosion selon certaines lignes.

PHOTOS
Toutes les photos : juin 2010

Photo 1066. Ravine serpentant dans la partie relativement libre d'enclaves d'un marbre. Phénomène fréquent partout sur le site, la rivière attaque le marbre par en dessous (bas de la photo, à gauche de la boussole). Ce travail explique(?) la fracture tardive, parallèle au rivage, par effondrement de la frange ainsi sapée. Noter les marmites.

Photo 1067. Détail de la photo précédente. La ravine contourne une enclave sombre tandis que la fracture tardive recoupe celle-là sans affecter celle-ci. En fait constituée d'un chapelet de marmites allongées, cette ravine est probablement(?) le résultat de la canalisation de l'eau de la Gatineau (le courant va de «haut» en «bas»), au contraire des autres illustrées dans ce billet. 

Photo 1069. Détail, encore. Autres fractures ± «fraîches».

Photo 1093. Érosion différentielle du marbre selon le degré de résistance des rubans ; ébauches de marmites (flaques circulaires).

Ajout (26 février 2012). – Lorsque l'action du ruissellement s'exerce sur une large surface, on observe le développement de rainures parallèles séparées par des arêtes vives, perpendiculaires à la rive et s'évasant vers le haut. (Source : Aubert de la Rüe, E., 1953, Rapport géologique 50 : région de Kensington, comtés de Gatineau et de Labelle. Québec, ministère des Mines, 1953, 50 pages, cartes 919 et 920 (1/63 360)) 

Le rubanement du marbre à l'île Marguerite, perpendiculaire à la rivière Gatineau, a facilité le développement de structures plus ou moins semblables (photo 1093).


Photo 1099. Coude : exploitation de fractures par l'érosion.

Photo 1189. Ravines entrecroisées (voir photo 1096, au début du billet), et marmites (à droite).


Photos 1103-1104. Dalle de marbre fracturée.
Déterminer l'âge relatif des cassures en fonction du degré d'usure de chacune.

lundi 6 décembre 2010

Hors-sujet : Kanata, glace et fer

Glace et fer : semblable développement de cristaux lamellaires ou aciculaires.

Mince couche de glace nouvelle et cristaux en forme de lames. (Voir ce billet récent.) 
Kanata Town Centre Core Park, Ottawa, 4 décembre 2010.

Météorite : enchevêtrement de cristaux de fer.
Légende originale :
Météorite métallique rare (type IID) retrouvée à Miller Butte. © MNA. Luigi Folco.
C'est la première fois que l'on retrouve une météorite de ce type en Antarctique. Ici, la surface été polie et attaquée pour révéler la structure métallique.

Détail de la première photo. Contraste accentué pour faire ressortir les cristaux aciculaires 
(en forme d'aiguilles) translucides.

dimanche 5 décembre 2010

Hors-sujet : grands espaces sauvages de Kanata

Quand j'ai affiché cette photo sur mon écran, je n'ai tout d'abord pas reconnu la scène. Pourtant, trois heures à peine séparaient la prise de vue de mon retour à la maison. Était-ce possible d'avoir déjà oublié cet impressionnant bassin rocheux inondé ? (Voir photo suivante.) 

Même endroit, vu d'en haut. Tout s'explique. Voyez, par exemple, la petite branche, en diagonale, en bas à gauche, qui se retrouve aussi dans le coin inférieur gauche de la photo précédente. Mon grand bassin n'est qu'une flaque d'eau, mes rochers ne sont que des irrégularités superficielles où se sont accumulés l'eau et les débris végétaux ! 
(L'aspect liquide de la glace, sur la première photo, provient de l'angle de réflexion de la lumière en conjonction avec un effet de flou. Les arbres et les arbustes, à l'arrière-plan, ont détruit l'effet de close-up en ramenant les éléments du premier plan à leur échelle. J'ai été victime d'un trucage dont j'étais l'auteur involontaire.)

Comparer avec la première photo. Invariance quelque soit l'échelle... 

Quelle étrange mixture se décante dans ces petits bassins ?

Si je décapsule le bouchon, qu'est-ce qui arrive ?

Mince couche de glace.

Détail ; on voit des espaces entre les longs cristaux de glace.

Autre image dont il est difficile de saisir l'échelle du premier regard : photo satellite ou est-ce que le photographe s'est contenté de regardé ce qu'il y avait à ses pieds ?

© Google ; région de l'Ungava, fosse du Labrador, Québec. Envergure de la zone (en largeur) : environ 200 km.

Toutes les photos (sauf la dernière) : Kanata Town Centre Core Park (Ottawa), 4 décembre 2010. (Voir cet autre billet.)

AJOUT, 5 déc. 2010. Certaines personnes ayant émis des doutes quand à l'identité des deux premières photos, je leur soumets les montages qui suivent. Cliquez sur les documents pour obtenir une image plus grande.



samedi 27 novembre 2010

Lac Beauchamp : suite

Affleurement de la discordance : quelques références 


(Complément à un récent post)

Les allusions à l'«affleurement de la discordance» Protérozoïque/Paléozoïque du lac Beauchamp dans les textes consacrés à la géologie outaouaise sont très éparses et désespérément... allusives. Il a fallu patienter jusqu'en 2003 pour obtenir la description d'une certaine conséquence que nous devons au défunt CIGG*. J'en ai reproduit des passages dans un récent post (utiliser le lien donné au début du texte et rendez-vous à la section «Propos empruntés»).

* Noms en gras : voir «Références» à la fin du post.

La géologie du secteur a été cartographiée par M.E. Wilson (1920). La démarcation Protérozoïque (ou Précambrien)/Paléozoïque apparaît sur sa carte, mais il s'agit probablement d'une ligne extrapolée à partir d'affleurements isolés.

Les cartes nouvelles publiées après celle de Wilson n'en sont que des adaptations et elle reste le document original le plus récent disponible pour la compréhension de la géologie (roches en place) des environs du lac Beauchamp (détail de la carte : voir le lien donné en début de post).

Durant les années 1930 et 40, le site a été le siège d'une carrière de silice pour ensuite accueillir, jusqu'à une date avancée des années 1960, un dépotoir municipal. Ces vocations ont sans doute influencé l'allure de l'endroit et son accessibilité... Ceci explique que A.E.Wilson assurait (1946) que la discordance Précambrien/grès de Nepean (Paléozoïque) n'était observable nulle part dans la région, à la presque exception de ces affleurements du canton de March (Kanata, Ottawa), où grès de Nepean (Paléozoïque) et Précambrien percaient le sol meuble à quelques pieds l'un de l'autre, sans que leur contact soit véritablement visible. Cette configuration subsiste encore de nous jours (voir ce post).


Tiré de : Sanford, B.V. et Arnott, R.W.C., 2010, p.61.
Comparez la photo en a) avec celle que j'ai prise en novembre 2010.


Baird (1968), dans son guide de la géologie régionale, s'attarde brièvement à décrire le site du lac Beauchamp :
«Nepean sandstone in fairly massive form occurs in the ridge* with quarries of various sizes and ages scattered along it. Just beyond the edge of the Nepean ridge, Precambrian rocks outcrop, and the ridge boundary is the northern boundary of the Paleozoic rock plains to the south.» (P.144-145)
* Le tracé de cette crête qui borde la rive sud-est du lac est visible sur la carte en fin de post.

Hogarth (1962) est le premier, à ma connaissance, à avoir accordé un peu d'attention à l'«affleurement de la discordance» («unconformity») :
«Small exposures of unconformities can be seen at the west side of Wabassi or Beauchamp Lake (Nepean Sandstone - Precambrian granite) and along an abandoned railway west of Ste. Rose de Lima (Nepean Sandstone - Precambrian quartzite).» (P. 41 et 43)
Après cette sèche recension, Hogarth consacre un long développement à une autre «discordance», sise à moins de 20 km à l'est du lac Beauchamp, à Masson (maintenant Gatineau, secteur Masson-Angers), entre des roches du Précambrien, principalement du marbre (avec gneiss, schiste, quartzite et pegmatite), et un grès de Nepean (Paléozoïque). Le grès, qui surmonte un conglomérat truffé de galets de quartzite bien arrondis, est lui-même recouvert par un calcaire ordovicien et survient à différents niveaux, en couches horizontales, comme s'il s'était déposé sur une surface érodée. Le point le plus intéressant est que des inclusions de quartzite de nature semblable à celle des galets du conglomérat, mais plus volumineuses tout en y étant plus parcimonieusement distribuées, sont incluses dans le marbre. Le quartzite étant une roche très répandue dans les formations du Précambrien, l'origine exacte des galets du conglomérat est impossible à retracer. Reste que les inclusions du marbre incitent à rêver (c'est là ma conclusion que le texte ne propose pas explicitement).

Ce conglomérat et ces galets évoquent très fortement la discordance du lac Beauchamp.

Je n'ai pu arriver à localiser les affleurements de Ste-Rose-de-Lima à partir des indication très succinctes de Hogarth, non plus que je serais parvenu à découvrir à quel «abandoned railway» cet auteur faisait allusion. La discordance de Masson-Angers, sur les rives de la Blanche, au S du pont de chemin de fer, est sans doute d'accès restreint (variation du niveau de la rivière en aval de barrages) et je ne l'ai jamais visitée.

Sanford et Arnott (2010, p. 60-61) donnent une descriptions courte mais fouillée du site (voir photos plus haut). Le grès du lac Beauchamp («high-energy subaqueous dunes»), de teinte blanche, s’altère en gris foncé ou en brun-roux sombre. La partie inférieure, à grain moyen, contient de nombreux galets de quartzite. Les stratifications entrecroisées indiquent un transport des sédiments vers le SE. Un mouvement vers le NW, mineur, est aussi discernable.

Les stylolites (voir un exemple local à la dernière photo de ce post) sont fréquents, en particulier le long des plans de stratification. Leur formation aurait été favorisée par la présence de biofilms, lesquels, en outre, auraient concentré les éléments et les substances insolubles dans l'eau. Des traces de fossiles abondent : Diplocraterion, Skolithos et Rosselia.

Toutes ces caractéristiques sont des indices d’une déposition dans un milieu marin de haute énergie remué par le va et vient des marées. Des rib-and-furrow structures (il ne semble pas y avoir d'équivalent français), laissées par la migration de dunes sous-marines sont encore apparentes à la surface du grès (figure 66-b).



Lac Beauchamp : cartographie des dépôts meubles
Détail de : Richard, S.H. (1982)
Légende (adaptée)
QUATERNAIRE
Dépôts postérieurs à la mer de Champlain
- Dépôts organiques
7 : humus et tourbe (régions marécageuses)
- Dépôts alluviaux
6a : sable silteux, silt, sable et argile
6b : sable moyen, lité, pafois silteux
Sédiments de la mer de Champlain
- Sédiments marins d'eau profonde
3a : argile et silt
PALÉOZOÏQUE (plate-forme du Saint-Laurent)
R (rose) : grès et calcaire
PROTÉROZOÏQUE ou PRÉCAMBRIEN (Bouclier canadien, province de Grenville)
R (rosé) : roches métamorphiques et magmatiques
Astérisque blanc : «affleurement de la discordance»
Flèches bleues : chenaux de l'Outaouais abandonnés (sens du courant)
Ligne dentelée : escarpement dans la roche en place
Ligne hérissée : talus de terrasse et rebords de versant raides dans les dépôts meubles
Marteaux entrecroisés : carrière (roche)
Pelles entrecroisées : sablière ou gravière



RÉFÉRENCES
Baird D.M., Guide to the Geology and Scenery of the National Capital Area, Commission géologique du Canada, rapports divers no 15, 1968, 188 p.
Centre d'Interprétation de la géologie du Grenville (CIGG), Plan de développement intégré : sites et circuits du patrimoine naturel de la région de l'Outaouais, 2003, 188 p.
Hogarth D.D., «A Guide to the Geology of the Gatineau-Lièvre district», in : The Canadian Field-Naturalist, vol. 76, no 1, p. 1-55, janv.-mars 1962. Des tirés à part ont été imprimés.
Richard, S.H., Surficial geology, Ottawa, Ontario-Québec / Geologie de surface, Ottawa, Ontario-Québec, Commission géologique du Canada, carte série «A», 1506A, 1982, 1 feuille (1/50 000)
Sanford, B.V. et Arnott, R.W.C., Stratigraphic and structural framework of the Potsdam Group in eastern Ontario, western Quebec, and northern New York State, Commission géologique du Canada, Bulletin 597, 2010, 83 p. (+ cartes)
Wilson A.E., Geology of the Ottawa-St. Lawrence Lowland, Ontario and Quebec, Commission géologique du Canada (CGC), Mémoires 241, 1946, 66 pages (+ cartes).
Wilson, M.E., Geology of Buckingham, Hull and Labelle Counties, Quebec, Commission géologique du Canada, carte 1691 (1/63 360), 1920.

Ne jetez pas la pierre au géologue

La compréhension de ce billet peut être facilitée par la lecture de celui-ci, consacré au site du lac Beauchamp, à Gatineau (Québec).

Photo 2831. Séparés par quelques mètres de mort-terrain, un grès de Nepean (Paléozoïque, 540 million d'années) et des gneiss (Protérozoïque, un milliard d'années), avenue Kanata, à Ottawa. La même combinaison qu'au lac Beauchamp, excepté que le contact entre les deux roches, l'une deux fois plus âgées que l'autre, n'est pas visible. J'ai voulu explorer la colline boisée (Kanata Town Centre Core Park) à la recherche d'un affleurement montrant le grès reposer en discordance sur le gneiss (27 novembre 2010).

Photo 2835. Gneiss affleurant au NW du grès, avenue Kanata (Ottawa, 27 novembre 2010).

LOCALISATION
SNRC 31G/05
Kanata Town Centre Core Park, avenue Kanata, Ottawa, angle Earl Grey Dr. (côté N de l'avenue, à l'W de l'intersection).

EN BREF
Sédiments du Paléozoïque de la plate-forme du Saint-Laurent (grès de Nepean, Cambro-ordovicien), près de gneiss du Bouclier canadien (province de Grenville, Protérozoïque). Le contact (discordance d'érosion) du grès sur les gneiss n'est cependant pas visible.

Déconvenue
Petit complément à mon billet sur la «discordance du lac Beauchamp», à Gatineau.

Après tout, j'avais quelques chances de succès dans mon entreprise (voir la légende de la photo 2831). L'affleurement de grès est récent, quelques années, tout au plus*, et le secteur est en plein développement immobilier. S'il y avait d'autres affleurements neufs qui ne demandaient qu'à être interprétés ?

* Le gneiss est en effet très altéré en surface ; le grès, plus frais, a sans doute été mis au jour récemment lors du tracé de l'avenue Kanata (j'ignore la date exacte).

Photo 2849. Le grès de Nepean d'un autre angle. Le grès, au pied de la colline, près de son contact avec le gneiss, se conforme à l'attitude de la pente ; quelques m plus loin, les couches deviennent horizontales. Même la grille des égouts suit la déclivité générale... (Avenue Kanata, Ottawa, 27 novembre 2010)

Peine perdue. J'y suis accouru, j'ai vu et je fus déconvenu. (Je sais, ça ne se dit pas, mais ça s'écrit.) Toutes les roches au dessus et de part et d'autre du grès «neuf» sont des gneiss incontestables. Au S, de l'autre côté de l'avenue Kanata, se trouve il est vrai d'autres affleurements de grès «neuf», en bordure d'un centre d'achats, mais de contact Protérozoïque/Paléozoïque, point du tout.

Photo 2851. Gneiss sous la neige, au dessus du grès, Kanata Town Centre Core Park (Ottawa, 27 novembre 2010).

Où je voulais en venir :
Tout ceci renforce le caractère exceptionnel du site du lac Beauchamp, à Gatineau, le seul où, dans la région, est exposé le contact Protérozoïque/Paléozoïque (Bouclier canadien/plate-forme du Saint-Laurent).

Photo 2866. Le boisé au dessus du grès, avenue Kanata, Ottawa. La clôture suit peut-être le contact Protérozoïque/Paléozoïque... (27 novembre 2010)

Remarque lapidaire
Tous ces grès «neufs» vont nous obliger à retoucher la carte géologique de l'endroit qui, dans le secteur immédiat, place la limite Protérozoïque/Paléozoïque environ 150 m plus au S. Ne jetez pas la pierre au malheureux géologue qui l'a dressée : elle date de 1962 et le résultat d'un tel travail dépend des affleurements disponibles au moment où on l'entreprend. Correction, 30 nov. 2010. La superposition de la carte géologique de 1962 avec la carte routière actuelle m'avait amené à rédiger le passage rayé. Mais la consultation d'autres cartes géologiques datant de 1900 à 1940 m'oblige à plus de réserve, sinon à une piteuse rétractation. Il semble bien qu'à protéger des pierres le «malheureux géologue» de 1962, je me sois exposé à essuyer quelques tirs... En fait, M. Kirwan, le géologue en question, a correctement tracé la limite Protérozoïque/Paléozoïque. Mais le réseau routier moderne de Kanata a complètement oblitéré la structure originelle de l'endroit qui remonte au XIXe s. Les sinueuses rues de la banlieue des années 2000 n'ont aucun rapport avec le quadrillage régulier des chemins de rangs de son bucolique avatar de 1850 ou même de 1962. Il est très difficile de localiser à 100 m près un point du secteur en passant d'une carte ancienne (de ce point de vue, la carte de 1962 est d'un âge vénérable) à une carte moderne, et vice versa. Ce qui ne m'excuse pas pour autant d'avoir versé ainsi dans le vice de la précipitation.


(BRÈVE) BIBLIOGRAPHIE
Kirwan J.L., 1962 — «Geology of part of the township of March, Huntley and Nepean, Carleton county, Ontario», Canadian Field Naturalist, vol. 76, p. 108-115.

Affleurements sous la neige, Kanata Town Centre Core Park. La neige, outre ses incontestables bons côtés, possède au moins deux défauts qui ne sont pas sans conséquences. Elle s'accumule, alors que l'eau, plus timorée, ne demande qu'à fuir, et elle est opaque. Pire que la visite de la célèbre chanson, elle réussit à la fois l'exploit de rester et de revenir (Ottawa, 27 novembre 2010).

samedi 20 novembre 2010

Discordance et glaces à Gatineau

Nouvelle version (15 janvier 2011) retouchée et augmentée.



Affleurement-clé de l’histoire géologique de l’Outaouais, et même au-delà, bouton qui résume un milliard d'années en quelques mètres cubes de roc, au parc du lac Beauchamp, à Gatineau (Québec). Près de 500 millions d’années séparent les roches de part et d’autre de la «ligne de discordance» qui tranche la formation. Nous admettons cependant sans peine que le spectacle ne présente rien d'exceptionnel à un œil non averti...
(Photo novembre 2010)


LOCALISATION
SNRC 31G/05
Parc du lac Beauchamp, Gatineau (Québec), 741, boul. Maloney Est (route 148).
Lien extérieur : site officiel du parc du Lac-Beauchamp.



* Astérisque rouge : «affleurement de la discordance».
Cliquez sur l'image pour l'agrandir. 
Carte modifiée de : CIGG, Centre d'Interprétation de la géologie du Grenville, Plan de développement intégré : sites et circuits du patrimoine naturel de la région de l'Outaouais, 2003, p. 95, fig. 6.3.


RÉSUMÉ
Le site du lac Beauchamp est sans rival, du point de vue géologique, dans tout le sud-ouest du Québec. On peut y observer le contact, ou la discordance, entre le socle continental, vieux d'un milliard d'années, et les «jeunes» sédiments qui ont commencé à le recouvrir il y a plus de 500 millions d'années. Une paroi rocheuse, à l'ouest du lac, offre une vue en coupe de la surface de notre continent, telle qu'elle était à cette époque, avec les cailloux qui la jonchaient.

Des traces du passage des glaciers, lesquels ont quitté le sud de l'Outaouais il y a 12 000 ans, sont présentes dans tout le secteur.


PARTIE 1 : DISCORDANCE
Ruminations géologiques
Le territoire de l'Outaouais est partagé entre deux entités géologiques distinctes, le Bouclier canadien, plus précisément sa frange sud-est que les géologues ont baptisée «province de Grenville», vieille d'un milliard d'années, et la plate-forme du Saint-Laurent, couche de roches sédimentaires plus jeunes (515-445 millions d'années), déposée au fond d'une mer qui a empiété peu à peu sur le continent.

Dans la région, les sédiments de la plate-forme du Saint-Laurent, principalement des grès surmontés de calcaires, affleurent dans la vallée de la rivière des Outaouais. Ils reposent directement sur les racines de la chaine de montagnes de Grenville qui, entre son apogée, il y a un milliard d'années, et l'amorce du dépôt des sédiments amenés par l'invasion marine, 500 millions d'années plus tard, avait été demantelée par l'érosion. Celle-ci avait disposé d'un intervalle de temps amplement suffisant pour niveler les reliefs et abraser le continent, le réduisant à l'état de pénéplaine.

C'est ainsi qu'il nous est possible de fouler aujourd'hui, au nord de la rivière des Outaouais, des roches formées dans les profondeurs de l'écorce terrestre, recristallisées sous hautes pressions (roches métamorphiques ; gneiss, quartzite, marbre) ou provenant de magmas refroidis (roches magmatiques ; granite, syénite, gabbro).

Le contraste entre la plate-forme et le Bouclier est donc structural (couche sédimentaire en discontinuité – les géologues disent «en discordance» – avec le socle décapé qu'elle recouvre) et génétique (sédiments accumulés au fond d'une mer peu profonde et roches recristallisées à l'intérieur de la coûte terrestre).

La couche sédimentaire qui a recouvert tout le Bouclier n'a pu éviter, son heure venue, d'être elle aussi la proie de l'érosion. En fait, sa destruction, non encore achevée – la plate-forme du Saint-Laurent n'en est qu'un reliquat –, a exhumé le Bouclier pour amener de nouveau l'antique surface de la pénéplaine à l'air libre. Retour à la case départ ! Nos gentilles vaches ignorent à quel point le proverbial plancher qui les supporte, elles et leurs ruminations, peut être ancien...


Affleurement de la discordance
La «chose» n'offre pas grand chose de spectaculaire aux promeneurs : un pan de roches rouillées ou altérées, certaines plus ou moins désagrégées, sur le bord d’un chemin. Rien d'imposant ou d'extraordinaire : une muraille de moins de 100 m carrés qu’une ligne vaguement oblique parcourt.

Voici pourtant l’affleurement-clé de la région, celui qui résume à lui seul un milliard d’années de l’histoire de notre morceau de continent.



La fameuse discordance (C) : elle coupe l'affleurement en deux. Dessous (A), se trouve des roches vieilles d'un milliard d'années ; au dessus (B), de 500 millions d'années. Tout au sommet, à la surface actuelle (D), surface affichant un poli glaciaire (voir plus bas la «Partie 2» pour des exemples plus évidents). Un milliard d’années d'histoire géologique en un seul regard !
Légende
A) Roches métamorphiques et magmatiques vieilles d’un milliard d’année (Bouclier canadien, province de Grenville : gneiss et granite, etc.) Ces roches se poursuivent, débarassées de leur couverture sédimentaire (B), immédiatement au nord du site pour former les collines de la Gatineau avant de se joindre, plus loin encore, au reste du Bouclier canadien ;
B) Sédiments consolidés âgés de 500 millions d’années (grès, formation de Nepean, associé à un conglomérat de galets de quartzite à la base) ;
C) Discordance d’érosion : une couche de roche d'une épaisseur de plus de 20 km à été enlevée par érosion aux roches en A avant le dépôt des sédiments en B ;
D) Surface du grès, aplanie et polie par le passage des glaciers, lors de la dernière glaciation (80 000 - 12 000 ans). Le phénomène n’est pas très évident sur cette photo : voyez plutôt la seconde partie de ce post.
(Voir la légende de la carte géologique plus bas pour quelques autres précisions.)


Escales
Masqué qu'il est sous les dépôts très récents (ces deux mots prennent tout leur sens dans le contexte) laissés par les glaciers en retraite et les événements subséquents (environ 12 000 - 10 000 ans dans la région), le contact entre le Bouclier et sa couverture sédimentaire résiduelle est la plupart du temps invisible.

D'où l'importance de préserver le «bouton rocheux» du lac Beauchamp, seul endroit du sud-ouest du Québec à rendre accessible en une seule coupe verticale, roches et discontinuités incluses, toutes les escales d'un voyage à travers l'histoire de notre continent.

(Admirons en passant le hasard qui place cette discordance au milieu du milliard d'années que représente l'affleurement qu'elle coupe, lui aussi, par le milieu.)


Carte géologique du secteur du lac Beauchamp (détail ; Wilson, 1920)

Légende toponymique (en italique, noms actuels)
Wabassi Lake : lac Beauchamp
Scarf Road : boul. Labrosse
Au S du lac Beauchamp : boul. Maloney Est rue Notre-Dame
À l'E du lac Beauchamp : boul. Lorrain

Astérisque blanc : position approximative de l'«affleurement de la discordance». Des changements dans la forme du lac après la publication de la carte compliquent la localisation exacte de l'affleurement.

Légende géologique (adaptée)
QUATERNAIRE
10 000 ans ; jaune très pâle (se confondant avec le fond jauni du papier) : argile, sable et graviers de la mer de Champlain. On constate à quel point le manteau d'argile laissé par la mer de Champlain oblitère la géologie dans la vallée de l'Outaouais ;
12 000 ans ; jaune vif : argile à blocaux, blocs, gravier et sable (till glaciaire).
PALÉOZOÏQUE (Cambrien moyen - Ordovicien inférieur)
515 000 000 - 480 000 000 d'années ; brun et vert foncé : grès et calcaire ;
PROTÉROZOÏQUE
1 000 000 000 et plus ; Bouclier canadien (province de Grenville) : bleu pâle : paragneiss à grenat, quarzite ; vert pâle : syénite, gabbro, etc., à pyroxène ; bleu foncé : marbre ; rose : granite, pegmatite.

Détail modifié de : Wilson, M. E., 1920, Geology of Buckingham, Hull and Labelle Counties, Quebec, Commission géologique du Canada, carte 1691. (Il s'agit de la carte géologique du secteur la plus récente qui existe. Les autres publiées depuis n'en sont que des adaptations.)



Détail de la discordance. L'altération des roches (météorisation*) complique l'interprétation de l’affleurement. En haut, le grès, truffé de galets de quartzite arrondis (conglomérat) ; l’un d’eux est pointé par la flèche. Il est fascinant de penser que nous voyons, emprisonnés dans une matrice de sable consolidé, des cailloux qui jonchaient une plage ou un plancher marin peu profond il y a 500 millions d’années. (Photo nov. 2010)
* Voir «Propos empruntés», plus bas.




Deux autres vues rapprochées de la discordance. J'ignore si la roche friable de couleur orangée (limonite*) et bleue contenant des galets de quartzite est un paléosol qui existait à l’époque de la sédimentation du conglomérat et du grès ou si elle est le résultat d’une altération postérieure de la roche précambrienne (voir «Propos empruntés», plus bas). (Photos juillet 2007)
Ajout, 22 oct. 2011. – La première hypothèse est la bonne, il s'agit bien d'un paléosol résultant de l'altération du socle continental. Voir ce billet (et sa mise à jour de juin 2018).
* Voir «Propos empruntés», plus bas.


PROPOS EMPRUNTÉS
Le texte qui suit est extrait de : CIGG, Centre d'Interprétation de la géologie du Grenville, Plan de développement intégré : sites et circuits du patrimoine naturel de la région de l'Outaouais, 2003, pages 96-97. Il représente une excellente synthèse de la géologie du site.

«Le Bouclier canadien est ici représenté par un paragneiss* très bien folié, mais ayant subi une météorisation. Cette météorisation a transformé les minéraux originaux, comme les feldspaths, en limonite donnant ainsi cette couleur brun terreux à la roche.


Deux types de roches sédimentaires sont présents. Premièrement, un conglomérat basal d’une dizaine de centimètres d’épaisseur qui se retrouve au dessus du gneiss. Le conglomérat est composé d’un amalgame de fragments arrondis de roches du bouclier précambrien. Deuxièmement, tout de suite au-dessus de ce conglomérat se retrouve le grès quartzeux de la Formation de Nepean d’une épaisseur de cinq mètres. Un grès est une roche sédimentaire composée de grains arrondis de la taille de grains de sable. Les grains de sable sont composés de quartz et sont cimentés ensemble par du quartz, ce qui en fait une roche très dure. Des structures sédimentaires sont visibles dans le grès et informent sur le milieu de déposition de ces sables quartzeux. La présence de laminations entrecroisées, typiques de dunes de sable et la présence de terriers fossiles de Diplocraterion et de Skolithos suggèrent que ces sables se sont mis en place dans un milieu profond près d’une plage**.»

* D'autres sources parlent de granite. Le terme granite gneissique (dont la structure a été déformée par le pression à l'intérieur de la croûte terrestre) serait sans doute plus juste.
** D'autres sources interprètent «près d'une plage» comme signifiant «en eaux peu profondes» agitées par le va et vient des marées.




Deux photos du grès conglomératique. Haut : le contraste entre la matrice de sable consolidé (grès) et le galet de quartzite, anguleux, est marqué par la différence dans l'intensité de l'altération des surfaces. Bas : galets plus émoussés. Sable et galets de quartzite proviennent de l'érosion du socle continental (Bouclier canadien) sur lequel ils se sont déposés, il y a 500 millions d'années. (Photos nov. 2010)


PARTIE 2 : PASSAGE DES GLACES
Avec les glaciations du Quaternaire, nous quittons le passé éloigné, les centaines de millions et les milliards d'années, pour traiter d'événements «tout récents». De nombreuses traces de la dernière glaciation, dite du Wisconsinien (80 000 - 12 000 ans), subsistent tout autour du lac Beauchamp.



Broutures concaves dans le grès au sud-est de l'«affleurement de la discordance». On distingue, grâce à la petite branche (photo du bas), le plan incliné dû au départ d'un éclat de roche du côté concave du croissant (côté en amont du déplacement du glacier, de la gauche vers la droite, soit du NW vers le SE). Voir le schéma explicatif, plus bas. (Photos nov. 2010)




Trains de fractures de broutage dans le grès au sud-est de l'«affleurement de la discordance». Les croissants pointent cette fois leur face convexe en direction de l'amont, selon le sens de l'écoulement du glacier (du NW vers le SE). (Photo nov. 2010)



Schéma : broutures concaves et fractures de broutage
Adapté par mes soins d'un document (pdf) anonyme (J. Vaillancourt ?), en nov. 2009.

Lorsque un bloc emprisonné à la base d'un glacier progresse par à-coups, la succession des épisodes de pression et de relâchement sur le socle rocheux se traduit par la formation d'un chapelet de marques en forme de croissant, fractures de broutage ou broutures concaves, selon le degré d'énergie dissipée. La fracture de broutage est une simple fracture, sans éclats enlevés.
Sous une pression plus élevée, il se forme des broutures concaves ; une première fracture est créée à l'arrière de la future brouture ; une seconde cassure vers l'aval vient croiser la première, amenant le détachement d'une esquille en forme de croissant de lune.
Brouture ou broutage, la structure plonge toujours dans la direction du mouvement de la glace. Les pointes d’une brouture indiquent l’amont alors que celles d’une fracture de broutage visent l’aval. Ces marques se retrouvent le plus souvent en chapelet, ou en train.



Stries glaciaires dans le grès. La flèche noire indique le nord tandis que la flèche blanche donne la direction du mouvement de la glace, vers le SE. Il est fréquent qu'un second système de stries se superpose à un plus ancien, enregistrant ainsi un changement dans la direction de l'écoulement du glacier. (Photo nov. 2010)



L'un des nombreux blocs erratiques, morceaux de gneiss ou de granite entraînés par le glacier et abandonnés lors de son retrait, qui parsèment les bois entourant le lac Beauchamp. (Photo nov. 2010)


PARTIE 3 : CONCLUSION
Qui entreprendrait une expédition vers le nord en partant de la rivière des Outaouais verrait le pays rajeunir tout autour de lui au fur et à mesure de sa progression.

D'abord, s'il négligeait les très récents dépôts meubles que nous devons passage des glaciers et au bref épisode de la mer de Champlain, poussières à l'échelle des temps géologiques (80 000 - 10 000 ans), il foulerait d'emblée les roches sédimentaires de la plate-forme du Saint-Laurent (dates régionales : 445 - 515 millions d'années) pour aborder ensuite la pénéplaine du Bouclier canadien (plus de 500 millions d'années), foulant, par la même occasion, des roches métamorphiques transformées dans les profondeurs de l'écorce terrestre (un milliard d'années).

Pour les amateurs de solutions ramassées, reste la possibilité de parcourir, au lac Beauchamp, ces étapes en une seule escale. L'affleurement de la discordance mettra au moins ce genre de personnes d'accord...