mardi 30 décembre 2014

Trou-du-Diable aux Chaudières : demande de renseignements


Ajout (22 janv. 2015)

Hydro-Québec a répondu a ma requête. Voir plus bas le passage en rouge.

Ajout (28 janv. 2015)

Mais voir le Rapport de la CSST qui décrit les cavernes et failles dans le socle calcaire des Chaudières (billet du 28 janv. 2015).


Carte d'Austin (1882 ; détail). Au centre, le tourbillon du Trou-du-DiableDevil Hole») ; rivière des Outaouais, Hull (Gatineau), au Québec. La ligne irrégulière, à gauche, qui coupe l'image de haut en bas, est la chute de la Petite Chaudière. Le nord est à ± 2 heures.  

Titre original : Plan of the Lower Village of Hull, shewing its position relative to the city of Ottawa, the property of the heirs of the late Ruggles Wright Esquire. Surveyed by A.W. Austin, C.E., P.L. Surveyor. W.C. Chewett & Co. Lith. Toronto (1882). Bibliothèque et Archives Canada, no MIKAN 4126312. (Télécharger le pdf depuis le site de BAC.)


Photo © Google. Même site, cent trente ans plus tard.
1. Centrale Hull-1 (Hydro-Québec) ; 2. Centrale Hull-2 (Hydro-Québec ; hors photo) ; 3. Centrale Eddy ; 4. Ancien moulin à papier «A», Eddy ; 5. Ancienne fabrique d'allumettes et de seaux Eddy ; 6. Ancien complexe Eddy. TdD. Trou-du-Diable. À droite : pont de la Chaudière (rue Eddy), à Gatineau (Québec). Les centrales Hull-1 et Eddy sont érigées sur la chute de la Petite Chaudière.



Demande de renseignements adressée à Hydro-Québec en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (RLRQ, c. A-2.1), 4 décembre 2014.

L'affaire suit son cours et a déjà franchi les premières étapes. Le texte qui suit est une version adaptée pour le blogue de ma demande.


Objet : demande d’information sur le lieu-dit le Trou-du-Diable, centrales Hull-1 et Hull-2, Gatineau
Numéro de confirmation de la demande initiale d’information : [...]


[...]

Je suis membre de la Société d’histoire de l’Outaouais (SHO) et je tiens un blogue sur la géologie de la région de Gatineau (geo-outaouais.blogspot.ca). Depuis quelques temps, je mène des recherches personnelles sur le lieu-dit le Trou-du-Diable situé entre la centrale Hull-1 et le pont de la Chaudière, à Gatineau, sur la rivière des Outaouais. La centrale elle-même est construite sur la chute de la Petite Chaudière. (Voir carte et photo, plus haut.)

Plusieurs témoignages datant du XIXe siècle affirment qu’il existait au fond de la rivière une caverne ou un passage quelconque qui évacuait une partie des eaux qui tombaient de la Petite Chaudière, chute sur laquelle a été construite la centrale Hull-1.

Les premiers témoignages sur le Trou-du-Diable émanent de Bouchette (1797-1841), l’arpenteur bien connu, et de John MacTaggart (1791-1830), ingénieur qui a travaillé à la construction du premier pont de la Chaudière (Union Bridge). Ces personnes, par leur profession, tendaient vers une description exacte des choses et ne se seraient pas aventuré à propager des légendes ou des à peu près. (Annexe, plus bas.)

Si, par la suite, le folklore s’est emparé du phénomène et que les anecdotes plus ou moins sérieuses se sont accumulées à propos du Trou-du-Diable, cela n’affaiblit en rien la validité des premiers témoignages.

L’idée d’un passage sous la rivière peut paraître de prime abord invraisemblable. Signalons pourtant qu’il existe effectivement un réseau de cavernes long de plus de 10 km sous la rivière des Outaouais près de l’Île aux Allumettes («Ottawa River Caves»). Les spéléologues les connaissent bien. Jacques Schroeder (UQÀM) date leur formation de l’époque glaciaire (ref. plus bas).

Bref, j'en arrive à ma demande d'information peut s’articuler selon les points suivants :


  • Est-ce que Hydro-Québec confirmer ou infirmer l’existence d’un passage, d’une caverne ou d’un gouffre dans le lit de l’Outaouais à l’aplomb du Trou-du-Diable ? ;
  • Est-il possible d’obtenir une carte du fond de la rivière à cet endroit (les cartes bathymétriques ne donnent aucun renseignement pour cette zone) ? ;
  • Serait-il possible de visiter des centrales Hull-1 et Hull-2 et de rencontrer le personnel et la direction ?

J’espère qu’il sera possible de satisfaire à ma curiosité ou, du moins, de me fournir quelques pistes d'explications.

Veuillez recevoir, Madame, mes salutations distinguées.

Henri Lessard
[...]
Gatineau
Blogue geo-outaouais.blogspot.ca

Réponses d'Hydro-Québec, datée du 8 janvier 2015 (extrait) :

«En réponse aux points 1 et 2 de votre demande, nous vous informons qu'Hydro-Québec ne peut statuer sur l'existence d'un passage, d'une caverne ou d'un gouffre dans le lit de la rivière des Outaouais puisque aucune étude n'a été effectuée à cet effet. Également, Hydro-Québec ne détient aucune carte spécifique du fond de cette rivière. / Quant au point 3, nous vous indiquons qu'Hydro-Québec n'organise aucune visite publique de la centrale Hull-2.» [Remarque : les points 2 et 3 ont été inversés dans la réponse.]



Référence

Jacques Schroeder (UQAM), «Les cavernes : un patrimoine gravé par le temps», dans : Gilbert Prichonnet et Michel A. Bouchard (éditeurs), Actes du premier colloque du Patrimoine géologique du Québec, MB 2004-05, p. 77-84, Gouvernement du Québec, 2004.



p. j. 

Annexe. Descriptions du Trou-du-Diable





Annexe 1

Le Trou du Diable : descriptions

Textes tirés du billet du 7 octobre 2013 du blogue Géo-Outaouais, «Le Trou du Diable : persuasion par compilation». Certains passages ont été mis en gras :

Les références sont données à la fin de chaque passage cité.


1826

John McTaggart, ingénieur

«En 1826, l’ingénieur John McTaggart qui avait travaillé à la construction du premier pont sur les Chaudières, a rapporté qu’à un certain endroit [cf, le Trou-du-Diable] il a fait des sondages jusqu’à 300 pieds [90 m] de profondeur sans atteindre le fond de la rivière.»

Source : Joseph Jolicœur, Histoire anecdotique de Hull, La Société historique de l’ouest du Québec, Inc., 1977, p 38.


1823

Philemon Wright, fondateur de Hull

« À son état naturel, sans barrage comprimant l'eau, sans moulin en appauvrissant le volume, la chute était beaucoup plus pittoresque qu'aujourd'hui. La description suivante de la Chaudière, par Wright, nous donne une autre idée de la chute que celle que nous en avons actuellement :

'' La Chûte [sic] Columbia qui avoisine le village du Township de Hull, est de nature curieuse. Une chaîne de rocher, qui s'étend d'un bord à l'autre de la rivière, force l'eau de tomber perpendiculairement de la hauteur de trente pieds ; et au haut de cette chûte se trouvent trois isles, dont l'une sépare le cours d'eau et fait qu'une quatrième partie de cette eau s'éloigne, tant soit peu, de son cours naturel et vient se décharger dans un abîme immense, lequel a été sondé jusqu'à la profondeur de 113 pieds ; cette eau se perd ensuite dans les entrailles de la terre, et personne n'a pu dé-couvrir où finalement cette eau se décharge. Cette chute offre d'immenses cavernes, de forme irrégulière, et d'environ trente pieds de profondeur ; le nombre de rochers et cavernes qui s'y rencontrent est très considérable. Les lits et couches varient et sont de forme curieuse et rare. 


Cette caverne entraîne vers elle aux hautes eaux du printemps une quantité d'arbres et autres bois ; et il est surprenant de voir avec quelle vélocité ces bois tournent à l'entour du gouffre, et ce par la force de l'eau qui forme et rassemble une quantité prodigieuse d'écume et brisans, de l'épaisseur de six ou huit pieds.'' (Journal, Assemblée législative, Bas-Canada, 1823-1824, appendice R). » (Brault, p. 24, note 8.)


Source : Lucien Brault, Hull 1800-1950, Éditions Université d'Ottawa, 1950, 266 p. + carte pliée.

Une version réduite de ce texte est parue dans : Edgar Boutet, journal Le Droit, Ottawa, 29 mars 1958, repris dans Asticou, cahier no 37, décembre 1987, p. 23-24.


1832

Joseph Bouchette, arpenteur, officier de marine

«Above the falls the river is about 500 yards [455 m] wide, and its scenery is agreeably embellished by small grove-clad islets, rising here and there amidst the waters as they gently ripple by or rush on with more or less violence, to the vortex of the Great and Little Chaudière. The bed of the river is composed of horizontal strata of limestone, and the chute is produced by its deep and sudden subsidence, forming broken, irregular, and extraordinary chasms, one of which is called the Great, and the other, the Little Kettle or Chaudière. The former derives its name from its semicircular form and the volume of water it involves; but the latter bears no similitude to justify its appellation, the waters being precipitated into a broad, elongated, and straight fissure, extending in an oblique position north-west of the Great Kettle, and being thus strikingly contrasted with it.

The principal falls are 60 feet [18 m] high, and their width is measured by a chord of 212 feet [65 m]. They are situated near the centre of the river, and attract by their forcible indraught a considerable proportion of the waters, which, strongly compressed by the circular shape of the rock that forms the boiling recipient, descend in heavy torrents, struggling violently to escape, and rising in spay-clouds which constantly conceal the lower half of the falls, and ascend at irregular intervals in revolving columns much above the summit of the cataract.

The Little Chaudière may without much difficulty be approached from the Lower Canada shore, and the spectator, standing on a level with the top of the fall and on the brink of the yawning gap into which the floods are headlong plunged, surveys the whole length of chute and the depths of a cavern. A considerable portion of the waters of the falls necessarily escapes subterraneously after their precipitation, as much greater volume is impelled over the rock than finds a visible issue. Indeed this fact is not peculiar to the Little Chaudière, but is one of those curious characters of this part of the Ottawa of which other singular instances are observed; the waters in various places being swallowed by deep but narrow rents and fissures, leaving their natural bed almost dry, to dash on through some subterranean passage that defies the search of the explorer.»

Source : Francine Brousseau, Historique du nouvel emplacement du Musée national de l’Homme à Hull, Musée nationaux du Canada, coll. Mercure, Histoire no 38, Ottawa, 1984, p. 11 et 15. (J’ai rétabli quelques coquilles d’après un pdf du texte original : J. Bouchette, The British Dominions in North America [...], p. 191-192.])


1890

En septembre 1890 un remous se forme dans l’amas de bran de scie et de planches qui tourbillonne à la surface du gouffre qui soudainement se vide partiellement. Mais jamais depuis le «Trou du diable» s’est ainsi vidé.»

Source : Edgar Boutet, journal Le Droit, Ottawa, 29 mars 1958, repris dans Asticou, cahier no 37, décembre 1987, p. 23-24.


1940

«Au cours de l’été 1940, Aimé Lapointe, plongeur renommé de Wrightville [quartier de Hull], est descendu à une profondeur de 75 pieds [23 m] dans le [Trou du Diable] qu’il a pu explorer à loisir jusqu’à l’endroit où se trouvait l’automobile dans lequel [sic] il a trouvé le cadavre de Gorman Edwards, d’Ottawa.»

Source : Joseph Jolicœur, Histoire anecdotique de Hull, La Société historique de l’ouest du Québec, Inc., 1977, p. 56.


2004

Pierre-Louis Lapointe, historien

«Car il s’agit bien de trois chutes d’eau; la Grande Chaudière, la Petite Chaudière et le trou du Diable, surtout, dont les eaux, emprisonnées dans un repli escarpé de la rivière, tournent sans fin, tourbillonnant et entraînant comme dans un entonnoir tout ce qui a le malheur d’être aspiré par son siphon. Un passage souterrain évacue ces eaux, qui surgissent plus loin, en aval, au fond de la rivière.»

Source : Pierre-Louis Lapointe, L’île de Hull : une promenade dans le temps, coll. «100 ans noir sur blanc», Les Éditions GID, 2004, p. 38.




Installations de l'ancienne papetière Eddy (à droite), jusqu'à récemment Domtar, maintenant Windmill Development Group, Ltd., et de la centrale Eddy Hull-2, (à gauche). Pour l'historique du site, consulter, entre autres, le Musée canadien des civilisations : lien et lien. Vue sur le Trou-du-Diable (sous l'eau, faut se pencher) depuis le pont de la Chaudière à Gatineau (Québec). Photo avril 2013.


mardi 23 décembre 2014

Les fêtes depuis le faîte




Certains n’hésitent pas à se jucher à des hauteurs improbables pour voir venir les fêtes.

Elles arrivent, rien ne sert de s’énerver. Elles arrivent et je vous les souhaite très bonnes et très belles.

Photo © Henri Lessard ; bonhomme de neige : anonyme.

jeudi 11 décembre 2014

Montréal sous les eaux (ajouts + p.-s. + ajout)


L'archipel de Montréal © Spatialities (lien).
...


C'est un billet de Vincent Destouches dans le site de L'actualité (« Montréal sous la neige les eaux ») qui a attiré mon attention sur cette carte réalisée par les Spatialities (version réduite).


« Et si la moitié des calottes glaciaires du monde fondait… ?
Il ne s’agit pas du point de départ d’un film catastrophe hollywoodien, mais plutôt de la prémisse d’une série de cartes visant à sensibiliser à la lutte contre les changements climatiques.
Après Los Angeles, Seattle, Portland, San Diego, Vancouver et Palm Springs, le site Spatialities a imaginé ce qu’il adviendrait du Grand Montréal si le niveau de la mer augmentait de 40 mètres. » (V. Destouches)


Un coup d'œil sur la carte suffira pour remarquer que le français semble destiné à souffrir tout particulièrement de la montée des eaux. Qu'est-ce, par exemple, que le « Courant du Prairies de la Mer » ? Mais les Spatialities avouent eux-mêmes leurs lacunes en français et se disent ouverts aux commentaires.

Il faut bien noter que la une hausse prévue du niveau des océans d'ici l'an 2100 n'est que de 0,50 à 1 m, « seulement ». C'est pas demain la veille donc que le Mont-Royal sera une île et que la rivière des Prairies servira de lit à un courant marin.

Bien sûr, la hausse des eaux ne cessera pas comme par magie le premier janvier 2101 : les eaux continueront à empiéter sur les continents. Certains parlent de 12 à 22 m supplémentaires, voire 70 m, si l'Antarctique-Est fondait (Wikiki)... Advenant ce scénario extrême (quand même lointain et hypothétique), que resterait-il de Montréal ? Rappelons que le Mont-Royal atteint les 234 m.

Ajout (11 déc. 2014). – La carte des Spatialities est une fiction dans la mesure où, si la mer monte de 40 m, il y aura forcément un léger enfoncement du continent sous le poids de l'eau, une remontée de même ampleur des Laurentides en réaction, de l'érosion ici, des dépôts de sédiments là, des côtes qui reculeront, des plages qui se développeront, des deltas aussi... Bref, les éventuels rivages ne ressembleraient qu'en loin à ce que montre la carte. Sans compter l'activité humaine.

Tout ça me donne d'entreprendre une carte semblable pour la région de Gatineau. Nous n'avons pas de Mont-Royal, mais le Mont-King, dans le parc de la Gatineau (plus de 350 m), au nord de la ville, ferait un remplaçant convaincant*...

* Autre ajout (11 déc. 2014). – J'aurais dû avoir la présence d'esprit de me rappeler que tout l'Outaouais (la rivière), à Gatineau, est au dessus de 40 m (rivage à 44 m à Orléans, Ottawa, et à la Upper Duck Island) et qu'une hausse du biveau des mers de 40 m n'aurait forcément pas le même impact qu'à Montréal. Du barrage de la Chaudière, à Gatineau, jusqu'au barrage Carillon, 105 km en aval, le niveau de la rivière ne change pratiquement pas et les rives contiennent les eaux sans leur laisser beaucoup de jeu (la ligne des 50 et même des 60 m n'est jamais loin du rivage).

Sous le barrage Carillon, la situation change rapidement. L'embouchure de la rivière Noire, à la Baie des Seigneurs, 6 km en aval, est à 25 m. Des îlots, immédiatement en amont de Montréal, ont leurs rives à 23 m. À la pointe est de l'île de Montréal, l'altitude des îles dans le fleuve descend jusqu'à 7 m (près de l'Île à l'Aigle).

Je ne m'étais jamais rendu compte à quel point Montréal, et tout le fleuve en aval, était «bas», et donc vulnérable à la montée des eaux. Habitant à 50 m au dessus du niveau de la mer, j'avais un peu l'impression que le plateau de l'Île-de-Hull se prolongeait jusqu’à l'Atlantique. (J'exagère.)

Conséquence immédiate : si je voulais faire une carte semblable à celle de Montréal pour Gatineau, je devrais supposer une hausse de 50 à 60 m du niveau des mers.

PS. – Merci à Flora Urbana d'avoir diffusé à son tour la carte de Montréal sous les eaux. 

Ajout (12 déc. 2014). – Au terme de calculs que l'honnêteté m'interdit de qualifier de savants parce que valeurs arrondies et négation de la complexité du réel ont eu beau rôle, j'en arrive à la conclusion que l'enfoncement de la croûte terrestre sous le poids d'une couche d'eau de 40 m serait de 3 m. 

Soyons clair cependant : mes calculs ne prétendent pas à la rigueur (je les détaillerai plus tard) et j'espère simplement être arrivé à un ordre de grandeur crédible.


mardi 25 novembre 2014

Gneiss droit


Exemple, pour l'édification d'un ami, de la continuité dont peut faire preuve la nature.

Photos. – Gneiss noir homogène, régulièrement rubané (gneiss droit), à carbonate blanc concordant ; des filons de granite discordants recoupent le tout. Route 7, à l'ouest de Maberly (Ontario). Les affleurements, de chaque côtés de la route, se poursuivent sur plusieurs centaines de m sans modification ou variation de l'aspect de la roche. Clichés 12 oct. 2014.


  • Haut. – Un filon de granite discordant, rectiligne, recoupe le gneiss droit qui se débite en blocs aux surfaces planes parallèles à la foliation et au rubanement.
  • Bas. – Même formation ; un mince filon de granite blanc déformé  dessine des méandres à travers la falaise.

Voir aussi billet du 13 octobre, «gabbro pincé» (même site, ou presque).


Ajout (26 nov. 2014)

Site (plus de précision) : moins de 10 km à l'ouest de Maberly, sur la route 7, en Ontario. Entre les intersections avec Fall River Rd et McQuaid Rd.
44.803702, -76.653532
La roche noire correspond à l'unité 8b de la carte P3440 de la Commission géologique de l'Ontario : amphibolite (laves mafiques métamorphisées) contenant des couches et des horizons [concordants] de marbre calcaire [blanc]. [Le granite, discordant, est rose pâle à blanchâtre.] Métamorphisme : entre 1180 et 1165 millions d'années. (Curieux comme, avec le recul de plus d'un milliard d'années, une marge d'erreur de 15 millions d'années paraît peu de choses...)

Source : P3440 - Precambrian Geology, Sharbot Lake Area. Lien vers les cartes de la série P.




dimanche 23 novembre 2014

Discordance du lac Beauchamp : source négligée


Discordance Paléozoïque/Précambrien (haut/bas) : grès de la formation de Nepean (ca 500 millions d'années) déposé en discordance sur une syénite du Bouclier canadien (plus d'un milliard d'années). Parc du lac Beauchamp, Gatineau (Québec).


Mes archives recèlent des trésors inexploités. Voici que je viens de repêcher une description de la discordance Paléozoïque/Précambrien du lac Beauchamp, à Gatineau, qui m'aurait été utile à une certaine époque. Elle était pourtant à portée de main et de clic. Elle confirme la nature de la roche sous la discordance, soit une syénite blanche – parfois appelée granite ou gneiss dans d'autres travaux (voir anciens billets, liens plus bas). 

Photos Henri Lessard, novembre 2010.

«La discordance majeure Paléozoïque/Précambrien
Les affleurements du Parc du Lac Beauchamps [sic], Gatineau permettent d'observer cette discordance majeure. Le roc en présence est le grès de la Formation de Nepean reposant en discordance sur une syénite blanche, La zone de contact est formée de roc de très mauvaise qualité. Sous un mince lit de grès de la Formation de Nepean contenant des galets sub-arrondis, on retrouve un niveau d'environ 2 m d'épaisseur de roc altéré. Au sommet de ce niveau apparaît un horizon meuble de 6-8 cm formé de minéraux d'altération gris et verdâtre (fragments de roche altérée, minéraux argileux) provenant de la désagrégation par hydrolyse de la syénite. Sous cet horizon, la syénite est altérée et friable sur 1,5-2 m et l'intensité de l'altération diminue avec la profondeur.» (Théberge, J. 1986, Cartographie géotechnique dans la région de Gatineau-Aylmer-Hull, Ministère de l’énergie et des ressources du Québec, MB 86-43, p. 22.)

Le texte ajoute que «des venues d'eau importantes peuvent être associées à cette zone de roc de mauvaise qualité». Brandon (1961) souligne que les joints à la base et au sommet du grès de Nepean facilitent la circulation des eaux souterraines.
Brandon, L.V. 1961 - Rapport préliminaire sur l'hydrogéologie de la région d'Ottawa-Hull, Ontario et Québec. Commission géologique du Canada, Étude 60-23, 19 p. (carte 31-1960 et 4 fig.)

À lire en complément de ces deux anciens billets :

23 janv. 2011, «Lac Beauchamp : un milliard d'années inscrites dans la roche»
24 avril 2012, «Lac Beauchamp : petit frère et discordance»


Détail de la discordance : les galets dans le grès sont visibles (grumeaux clairs dans la roche grisâtre, en haut, et dans la roche friable orangée). Les couches orangée et verdâtre sous le grès : paléosol ou «minéraux d'altération gris et verdâtre provenant de la désagrégation par hydrolyse de la syénite» ?

mercredi 19 novembre 2014

Les chemins des erratiques (Ajouts)



Fig. 1. Blocs erratiques dans le parc Fontaine, Île-de-Hull, Gatineau (Québec) : point 2 sur la carte de la fig. 2. À l'avant-plan, un bloc du grès de Nepean – roche qui n'affleure pas au nord du Hull. Photo 15 nov. 2014.


Billet accidentellement mis en ligne avant d'être achevé. Je me suis contenté des retouches nécessaires à un minimum de cohérence. Voir la suite, billet du 10 janvier 2015.


Résumé

Blocs erratiques de grès dont le lieu de provenance repose sous un manteau d'argile marine (mer de Champlain)
Localisation
Île-de-Hull, à Gatineau (Québec)
45.430628, -75.715745
Billets connexes
8 nov. 2014, «Question aux pierres qui roulent»
15 juin 2014, «Erratique à rebours ?»
15 mars 2014, «Grès, gel et dégel»
Ajouts
16 févr. 2015, «Lambeaux de grès de Nepean à Gatineau»
10 janv. 2015, «Décompte des blocs de grès dans l'Île-de-Hull»


Pourquoi s'émouvoir de la présence de blocs erratiques provenant du grès de Nepean dans l'Île-de-Hull (Gatineau, secteur Hull) ? Parce que les affleurements les plus près de cette roche se trouvent à l'est (Gatineau, secteur Gatineau (lac Beauchamp*, parc de l'Oasis**) et au sud-ouest, à Nepean et Kanata (Ottawa), et que les glaciers, qui sont descendus du nord et du nord-ouest, ont été dans l'impossibilité de les transporter depuis ces endroits jusque dans l'Île-de-Hull.

* Lac Beauchamp
23 janv. 2011, «Lac Beauchamp : un milliard d'années...»
** Parc de l'Oasis
5 oct. 2013, «Grès de Nepean à Gatineau : safari-photo»
14 sept. 2013, «Grès de Nepean à Gatineau»

Le mot «affleurement» a été utilisé, et c'est à dessein. Le grès existe aussi au nord de Hull (fig. 2). Les glaciers ont donc pu en arracher des fragments qu'ils auraient abandonnés ensuite plus au sud (il doit en exister aussi de l'autre côté de la rivière, à Ottawa). Cependant, un épais tapis d'argile, souvenir de la mer de Champlain, occulte le banc de grès au nord de Hull. Le grès existe, mais il n'affleure pas. D'où l'absence du grès dans le paysage hullois. D'où, également, la surprise de celui qui, voyant ces blocs dans l'Île-de-Hull, habitué qu'il est à ne pas associer le grès au secteur qu'il habite, reste un instant interloqué devant l'énigme que pose leur présence dans son quartier.

Pourtant, il n'y a pas lieu de se creuser outre mesure les méninges. Les glaciers sont venus, ont arrachés et entraînés au sud des blocs du grès de Nepean, la mer de Champlain est venue ensuite recouvrir de son épais manteau d'argile les affleurements sources pour que, quelques 10 000 ans plus tard, un billet de ce blogue leur soit consacré.

Les cartes ne signalent à ma connaissance qu'un seul affleurement de grès de Nepean au nord de Hull, dans le lit d'un ruisseau qui a érodé la couche d'argile jusqu'au socle rocheux. J'en parle dans le billet du 15 juin 2014 (lien plus haut). La carte de Sandford et Arnott (2010) que j'ai utilisée ici (fig. 2) montre au nord de Gatineau (incluant Hull) deux bandes exagérément continues et régulières de grès de Nepean. Les «?» que j'ai ajoutés à la carte visent des endroits où, selon les travaux récents ou anciens, aucun grès de Nepean n'affleure – à la place, on trouve de l'argile ou des roches métamorphiques et plutoniques du Bouclier canadien. Sandford et Arnott me semblent avoir amplifié et schématisé l'importance du grès de Nepean.

Mais bref, tout est normal. Le grès de Nepean existe au nord de Hull – non pas affleurant, mais caché sous un manteau de glaise ou éparpillé en blocs et galets erratiques à travers la ville.



Fig. 2. Détail modifié de la carte de Sandford et Arnott, 2010.
Légende très simplifiée
Précambrien ; province de Grenville du Bouclier canadien, plus d'un milliard d'années
  • Blanc : roches métamorphiques et plutoniques. 
Plate-forme du Saint-Laurent ; Cambro-ordovicien et Ordovicien, ca 515-445 millions d'années
  • Jaune : grès de Nepean. Orangé, teintes de bleu et de gris: calcaire, dolomie, grès et shales.
Lignes noires : failles.
Annotations (H. Lessard, 15 nov. 2014)
Flèches noires : exemples de trajectoires possibles des glaciers (NW-SE ou N-S). Lignes tiretées bleues et Q : Quaternaire, épais dépôts d'argile de la mer de Champlain masquant le socle rocheux. G : rivière Gatineau. O : rivière des Outaouais. 1. Affleurement de gneiss signalé par Hogarth (1970) ; 2. bloc erratique de grès (billet du 15 juin 2014*) ; 3. Source possible du bloc du point 4 (Île-de-Hull) en supposant un mouvement des glaces plein sud ; 4. Blocs erratiques de grès de l'Île-de-Hull (fig. 1 et 3, billets des 15 mars et 8 nov. 2014*) ; 5. Parc de l'Oasis (billet du 14 sept.*) ; 6. Lac Beauchamp (billet du 23 janv. 2011*). ? : endroits où ne se trouve pas de grès de Nepean, contrairement à ce que montre la carte (voir texte).
Remarques. – Plusieurs blocs de grès sont visibles dans l'Île-de-Hull (autres billets*) ; par commodité, ils sont tous représentés par le point 4 sur la carte, l'échelle rendant inutile un surcroît de précision.
Les flèches qui partent des points 1 et 3 ne dessinent que quelques trajets possibles parmi tous ceux qui, venant du nord ou du N-W, ont pu aboutir aux points 2 et 4. Les erratiques de l'Île-de-Hull et du parc de la Gatineau ont pu provenir d'autres sites que ceux-là.
Strictement parlant, la direction N-S (flèche entre les points 3 et 4) n'a été enregistrée que dans la partie est du secteur représenté ici. J'extrapole peut-être un peu en supposant ce mouvement possible à partir du point 3. Les erratiques du point 4 proviendraient plus probablement des alentours du point 1 (mouvement vers NW-SE).
* Liens plus haut, au début du billet.


Références

  • Hogarth, D.D., 1970, Geology of the southern part of Gatineau Park, National Capital Region, GSC, Paper 70-20, 8 p., map 7-1970.
  • Sanford, B.V. et Arnott, R.W.C., Stratigraphic and structural framework of the Potsdam Group in eastern Ontario, western Quebec, and northern New York State, Commission géologique du Canada, Bulletin 597, 2010, 83 p. (+ cartes)


Ajout (22 nov. 2014)

Il y a un second bloc de grès dans le groupe de blocs du parc Fontaine. Je ne l'avais pas remarqué lors de mon premier passage. Tous ces blocs ont sans doute été déplacés lors de l'aménagement du parc. Il ne faut pas supposer qu'ils sont exactement à l'endroit où les glaciers les ont déposé.
Le till glaciaire de la moitié nord de l'Île-de-Hull ne contient, en fait de galets et blocs, que du calcaire, à l'exclusion, semble-t-il, de tout autre type de roche. Cette affirmation ne prétend à aucune rigueur scientifique, d'autant plus que mon intérêt pour la question est tout nouveau. Le grès est rarissime, les gneiss et granites semblent surtout des roches décoratives qu'on ne s'est pas donné la peine d'éliminer des pelouses ou des parcs. Il faudrait des observations systématiques pour commencer à être affirmatif.

Ajout (13 janv. 2015)

Dans bien des cas de figure, le retour aux sources est une solution. J'ai donc pensé, un peu tardivement, à consulter des textes anciens sur les dépôts glaciaires de l'Île-de-Hull. Je n'y ai récolté que des indices par défaut, par absence de mention sur ce qui m'intéressais (le grès), ce qui est quand même un résultat.

Wilson (1898) décrit des moraines qui traversaient l'Île-de-Hull de l'ouest vers l'est à partir du ruisseau de la Brasserie, à peu près à la hauteur de l'actuel boul. des Allumettières. (J'en ai parlé dans un billet daté du 23 juillet 2013.) On y trouvaient des blocs tabulaires de calcaire ainsi que des «Laurentian Boulders» provenant du Bouclier canadien : granite et gneiss. Du grès de Nepean, aucune mention.

Johnston (1917) note que les sédiments glaciaires sont un reflet du socle sous-jacent et qu'à 5 milles (8 km) au du Bouclier canadien, les blocs de granite et de gneiss se raréfient. Aucun mot sur des blocs de grès dans l'Île-de-Hull – aucun mot sur leur absence non plus !

Tout ça mis ensemble aide à comprendre pourquoi on ne voit pratiquement, dans l'Île-de-Hull (bâtie sur un socle calcaire, rappelons-le) que des blocs de calcaire, quelques blocs de granite ou de gneiss et de rares blocs de grès. Le centre de l'Île est à 7 km au sud du Bouclier canadien et à une distance de 6 km de la ceinture de grès de Nepean. Rapprochons ces chiffres de celui fourni par Johnston (8 km) ; la relative rareté ou l'absence de blocs provenant du Bouclier ou de la bande de grès dans l'Île s'explique. Pensons aussi que le Bouclier est très vaste et qu'il a pu, les glaciers aidant, déverser dans l'Île beaucoup plus de blocs que la mince bande de grès que je soupçonne Sandford et Arnott (2010) d'avoir exagérée.
 

Références
W.A. Johnston, Pleistocene and Recent Deposits in the Vicinity of Ottawa, With a Description of the Soils. Commission géologique du Canada, Mémoires 101, 69 pages, 1917, avec carte 1662 (1/63 360).
Wilson W.J., «Notes on the Pleistocene Geology of a Few Places in the Ottawa Valley», The Ottawa Naturalist, vol. XI, March 1898, no. 12, p. 209-220.



Fig. 3. Gros plan sur le bloc de grès de la fig. 1. En plein novembre, la couleur chaude du sable... On dirait qu'on s'en est découpé un morceau, à droite. Photo 15 nov. 2014.

samedi 15 novembre 2014

Marbre et gneiss à Wakefield



Fig. 1. Géologue amateur, prudemment vêtu de rouge pour ressortir du décor, en stase méditative devant un affleurement spectaculaire. Marbre clair et lentille de gneiss gris dans une sablière au nord de Wakefield. Photo 10 juillet 2014.


Résumé court et contexte géologique

Marbre blanc contenant un boudin de gneiss gris dans une sablière, au nord de Wakefield (Québec).
Roches de la province de Grenvile du Bouclier canadien (plus d'un milliard d'années) ; sable et gravier : cône de déjection fluvio-glaciaire (env. 13 500 ans).
Localisation
Route 105 et chemin Echo Dale, au nord de Wakefield (Québec). Propriété privée.
45.707149, -75.923874
Photos
10 juillet 2014.


Résumé plus développé qui tient lieu d'exposé

Marbre blanc contenant un boudin (fragment arraché à un corps rocheux par étirement) de gneiss gris à biotite rouillé contenant lui-même une masse de calcite orangée. L'ensemble gneiss-calcite est recoupé par des filons felsiques (granite blanc) qui ne se prolongent pas dans le marbre. Les contacts marbre/gneiss sont tectoniques (le boudin de gneiss a été emporté par et dans le marbre) : un indice de déplacement senestre vertical est visible près du contact (en clair : le gneiss «montait» dans le marbre). La calcite rose massive a été injectée dans le gneiss à une étape antérieure de la séquence des événements.

Le gneiss (paragneiss ?) pourrait être un fragment arraché à un banc de gneiss voisin du marbre ou une partie d'un banc de gneiss inclus dès l'origine dans le marbre.

Lorsque les roches ont pris leur configuration actuelle à plusieurs km de profondeur dans la croute terrestre, il y a plus d'un un milliard d'années, le marbre, ductile, a flué sous les pressions tectoniques comme une «pâte», emportant et dispersant des fragments de roches incluses ou voisines (ici, le gneiss gris). La calcite orangée provient sans doute d'une «injection» précoce du marbre, décidément très sensible aux pressions, dans le gneiss.

Les étapes de la formation de l'affleurement sont donc, dans l'ordre (il y a un peu plus d'un milliard d'années) :


  • Formation du marbre et du gneiss à l'intérieur de la croute terrestre ;
  • Injection de calcite orangée provenant sans doute du marbre dans le gneiss ;
  • Du granite blanc découpe le gneiss et la calcite orangée ;
  • Sous les pressions tectoniques, un fragment du gneiss est emporté par le marbre, la plus ductile des roches en présence ;
  • Les filons de granite n'ont pas été affectés par le transport du gneiss dans le marbre ; cependant, dans la masse de calcite orangée, plus malléable, des cassures sans déplacement appréciable sont visibles (fig. 8) ;
  • Longue période d'érosion amenant les roches à affleurer aujourd'hui.



Fig. 2. De gauche à droite : marbre clair, gneiss gris rouillé, inclusion de calcite orangée dans le gneiss.
Des lentilles de gneiss flottent dans la calcite ; des filons felsiques blancs (granite à tourmaline) découpent le gneiss et la calcite sans pénétrer dans le marbre clair.



Fig. 3. Aspect rubané du marbre près du contact avec le gneiss (à gauche). La rouillé se concentre le long des contacts marbre/gneiss et filons/gneiss.



Fig. 4. Détail du contact marbre/gneiss rouillé. À la gauche du centre, une inclusion sombre flotte dans le marbre. Près du contact avec le gneiss, le marbre prend une teinte rosée.



Fig. 5. Détail de l'inclusion (fig. 4). Deux lits sombres qui en partent dessinent des courbes qui évoquent les sbires d'une galaxie spirale (rotation senestre vers le haut). Le spire de gauche n'était pas très clair et mon schéma force peut-être un peu la réalité. 



Fig. 6. Attention : photo prise au sommet de l'affleurement en visant vers le bas. Le gneiss, à gauche ; à droite, dans le marbre, de minces lits sombres parallèles contiennent des renflements fusiformes symétriques (l'un d'eux visible à la gauche du centre) ; indices de l'écrasement et de l'étirement du marbre pressé contre le gneiss.



Fig. 7. Suite de la photo précédente prise dans les mêmes conditions (au sommet de l'affleurement, visée vers le bas). Le filon felsique à tourmaline noire qui traverse le gneiss, à gauche, est coupé par le marbre. Le gneiss paraît «délavé» le long du filon.



Fig. 8. Rupture d'un filon blanc dans la calcite orangée ; une calcite décolorée, grise, semble avoir rempli l'espace entre les deux segments du filon. La rouille ici, provient de la calcite. Ailleurs, c'est surtout le gneiss qui est touché par le phénomène.



Fig. 9. Calcite rose grossière, à l'abri dans des golfes du gneiss fortement rouillé.

mercredi 29 octobre 2014

Marbre, rideaux et vieilles guenilles : suite et persévérance


Fig. 1. Rideau pétrifié : strate ou mince filon plissé dans un marbre, au fond du Lac-des-Seizes, dans les Laurentides (Québec). La lente dissolution du marbre fait ressurgir l'inclusion, moins soluble dans l'eau. L'effet est assez spectaculaire, je dirais même féérique !
Photo Jean-Louis Courteau, oct. 2014.


Jean-Louis Courteau, décidément très persévérant, a rapporté du fond du Lac-des-Seize-Îles cette nouvelle photo d'une inclusion résistante dégagée par la dissolution du marbre qui l'enferme. On croirait voir un rideau de pierre naturel, avec plis et replis.

Voir, pour plus de détails, ces deux précédents billets :

26 oct. 2014, «Marbre, rideaux et vieilles guenilles : suite»
28 sept. 2014, «Marbre, rideaux et vieilles guenilles»


Des formations semblables peuvent être aperçues au bord des rivières. J'ai sorti de mes archives ce rideau pétrifié dont j'ai déjà parlé dans un billet daté du 20 juin 2010 (lien). Dans ce cas, l'action de l'eau courante a permis à l'eau de concentrer ses attaques à des endroits particuliers :

Île Marguerite, Gatineau (Québec) : marbre érodé par l'eau courante (rivière Gatineau). Sous une inclusion résistante plissée, les tourbillons ont creusé des cupules dans le marbre. 
Photos, Henri Lessard, juin 2010.


Fig. 2. Bande de gneiss (?) sombre dans un marbre blanc (le rose est dû à une altération superficielle). La bande de gneiss est plissée ; la dissolution lente du marbre (érosion par l'eau courante) a dégagé le gneiss qui apparaît comme la bordure d'un rideau pétrifié émergeant de la pierre. Le stylo bleu, partiellement visible en haut, à droite, donne l'échelle.


Fig. 3. Remarquez les cupules (flèches) sous les arches (ou anticlinaux, parlons savant) du gneiss, creusées par l'eau piégée tourbillonnant entre le marbre, roche soluble, et la voûte résistante. La rivière Gatineau coule à peu près dans la direction indiquée par les flèches. (À l'époque de la publication de ce document dans le blogue, j'avais l'habitude de numéroter les photos. Habitude fastidieuse que j'ai abandonnée.)


Fig. 4. Gros plan du «rideau» et d'une cupule. Celle-ci s'est approfondie en progressant vers l'aval, sous le gneiss, et semble présenter deux niveaux.

dimanche 26 octobre 2014

Marbre, rideaux et vieilles guenilles : suite


Fig. 1. Inclusion rocheuse dégagée par la dissolution du marbre au fond du Lac-des-Seize-Îles (Laurentides). Photo et cueillette sous-marine, Jean-Louis Courteau, 2014.


Suite du billet du 28 sept. 2014, «Marbre, rideaux et vieilles guenilles».


Malgré les apparences, il ne s'agit pas d'un morceau de feutre tout juste retiré de la laveuse (fig. 1 et 2), mais bien d'une inclusion remontée du fond du Lac-des-Seize-Îles par Jean-Louis Courteau.

Le marbre des Laurentides est une roche bien inclusive, mais qui se froissait facilement à l'époque de sa jeunesse*. Les inclusions (granite, gneiss...) qui la traversaient ont gardé quelques faux plis de cette époque. La dissolution du marbre au fond des lacs par l'action de l'eau dégage peu à peu ces inclusions chiffonnées, plus résistantes à l'érosion.

J'ai beau en avoir déjà vu, c'est toujours le même étonnement.

* Marbre de la province de Grenville, plus d'un milliard d'années.


Blogues de Jean-Louis Courteau

Voir aussi les articles du blogue liés au libellé «Marbre (fluage)».


Fig. 2. L'inclusion de la fig. 1, vue par la tranche. Admirez les plis serrés... Photo ; Jean-Louis Courteau, 2014.


Fig. 3. La roche mère, au fond du Lac-des-Seize-Îles, d'où provient l'inclusion. Tout n'est pas parfaitement identifiable. On remarque quand même, au centre, les plis que forme une mince strate rocheuse. Photo Jean-Louis Courteau, 2014.


Fig. 4. Exemple plus local : inclusions plissées dans un marbre «aérien» : il suffirait de laisser le massif rocheux tremper au fond d'un lac quelques centaines d'années et plus pour que les inclusions ressortent en relief.
Parc de la Gatineau, chemin Dennison (piste 5), 12 juillet 2012.

samedi 25 octobre 2014

Le chenal Bronson au régime sec


Fig. 1. Fond asséché du chenal Bronson, à l'est du pont de la Chaudière, à Ottawa : restes du glissoir qui l'occupait autrefois ? Photo Louise Nathalie Boucher, 1er sept. 2014. Mme Boucher est  professeure à l'Université d'Ottawa ; elle est l'auteure de Interculturalité et esprit du lieu : les paysages artialisés des chutes des Chaudières (Univ. d'Ottawa, 2012).


Résumé

Travaux au chenal de l'ancien glissoir Bronson qui date du XIXe, à Ottawa, dans le secteur des Chaudières.
31G/05
45.418773, -75.716419
Autres billets reliés au sujet
8 juin 2013, «Chutes des Chaudières : voir la suite»
17 mars 2013, «Trou du Diable numéro bis et chenal perdu»
7 mars 2013, «Cave ou caverne ?»


On mène au moins depuis la fin août des travaux dans le chenal de l'ancien glissoir Bronson, entre l'île Victoria et la rive droite de la rivière des Outaouais, à Ottawa.

Le chenal à l'origine, est naturel, de même que la dénivellation, aujourd'hui occupée par l'écluse fixe (ça existe ?) qui le ferme en aval. Le lit et les rives du chenal ont été tant «améliorés» qu'il est difficile de se faire aujourd'hui une idée de la topographie originelle. Les strates du calcaire ordovicien (488-444 millions d'années) qui forment le socle rocheux ont aidé les ouvriers par leur disposition horizontale à obtenir un fond plat et régulier. Je vous renvoie à cet égard à mes billets de mars et du juin 2013 (liens plus haut).

L'assèchement du chenal permet de voir les différentes étapes de son évolution, le rehaussement des murs, le creusement d'un chenal dans le chenal...

Je vous reviendrai avec quelques détails historiques sur le chenal.


Fig. 2. Secteur des Chaudières (les chutes, à sec, ou presque, sont visibles à gauche, sous le barrage en hémicycle), entre Gatineau (nord) et Ottawa (sud). Les X indiquent les deux sections du chenal Bronson, de part et d'autre du pont de la Chaudière. Le X' marque l'écluse qui ferme le chenal (photos 9-12). Photo : © Bing.


Sauf indication contraire, les photos qui suivent sont de Henri Lessard et datent du 25 oct. 2014.


Fig. 3. Le chenal Bronson, tronçon à l'ouest du pont de la Chaudière. Il s'agit d'un chenal double, un muret, à droite, le sépare du chenal qui alimente une station électrique en aval.


Fig. 4. Strates de calcaire ordovicien, bord sud du chenal.


Fig. 5. Section du chenal à l'ouest du pont de la Chaudière. Les strates de calcaire horizontales ont fourni un plancher uniforme au lit du chenal. Le mur nord a été rehaussé à une certaine époque.


Fig. 6. Section du chenal Bronson à l'est du pont de la Chaudière. Un «trottoir» en bois recouvre une tranchée creusée dans le lit du chenal : les restes de l'ancien glissoir (fig. 13) ?


Fig. 7. Le «trottoir».


Fig. 8. Le «trottoir», encore, et le mur nord, avec son rehaussement bien visible.


Fig. 9. L'extrémité aval du chenal. D'après les strates visibles à droite (au sud), il est évident que le relief original a été retravaillé. On voit à gauche le «chenal dans le chenal», sans le trottoir qui le recouvre ailleurs. Des branches d'arbres sont demeurées coincées (en haut, au centre) dans l'ouverture où s'écoule normalement le surplus d'eau. Au loin, à droite, la Bibliothèque du Parlement (voir fig. 13.)


Fig. 10. Même vue que la fig. 9, avec le Parlement à l'arrière plan. (Voir fig. 13.)


Fig. 11. L'écluse qui ferme le chenal, vue de l'autre sens (visée vers l'ouest, vers l'amont) : la forme noire verticale au centre de la photo est le plan sur lequel le surplus d'eau s'écoule. Photo mai 2013.


Fig. 12. L'écluse, mais avec de l'eau. Photo juin 2013.


Fig. 13. Glissoir «des chutes Chaudières» (sic), vers 1880-1900. En fait, le glissoir du chenal Bronson. Sous le pont de bois, la pente fait un brusque dénivelé. Le bâtiment avec la double rangée de fenêtres, à droite, est occupé de nos jours par le Mill St. Brew Pub (photo 11 ; billet du 8 juin 2013, lien au début du billet). On voit la Bibliothèque du Parlement et le Parlement lui-même (l'ancien, avant l'incendie de 1916) au loin. Comparer avec les fig. 9 et 10.
Famille Bronson, Bibliothèque et Archives Canada, PA-147886
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/cd/Timber_slide_Chaudiere_Falls.jpg

dimanche 19 octobre 2014

Nouveau retour à l'erratique de Chelsea


Bloc erratique de la piste 1 du parc de la Gatineau, à Chelsea (Québec), 19 oct. 2014. Hauteur apparente : env. 3 m ; circonférence : env. 20 m.


Le document appuyé sur le sac à dos, à gauche, format papier lettre, donne l'échelle ; 6 août 2011.


Le même, tel qu'il était le 22 mai 2000.


Le bloc erratique du parc de la Gatineau, à Chelsea (Québec), continue de monter la garde près de la piste 1, à quelques dizaines de mètres de la promenade.

Il a peu changé au cours des dernières années. Cet erratique semble avoir oublié la signification de son épithète. Il ne bouge plus, ce qui permet au moins de savoir où le retrouver.

Plus de détails dans ces anciens billets.

lundi 13 octobre 2014

Gabbro pincé




Lentille de gabbro à hornblende pincée dans des gneiss droits (détail). Les cristaux de hornblende (en noir) ont l'allure de têtards glissant les uns sur les autres.
Zone de cisaillement de Maberly, route 7, à l'est de Maberly (Ontario), 12 octobre 2014.



Version (un peu plus) longue, 30 mars 2015.

jeudi 2 octobre 2014

Eaux, glaces et cavernes


Saisie d'écran, © Éditions MultiMondes
Eaux, glaces et cavernes
Bernard Lauriol* et Pierre Bertrand**
Éditions MultiMondes, Québec, 2014
* Professeur titulaire en géographie physique à l'Université d'Ottawa
** Photographe et graphiste


Eaux, glaces et cavernes ; un livre magnifique de Bernard Lauriol et Pierre Bertrand ; des photos exceptionnelles, un texte texte précis et accessible.

L'eau tantôt fluide, tantôt solide ; la calcite, soluble dans l'eau... Les auteurs se sont employés à étudier et répertorier les milles et une formes plus ou moins stables que prennent l'une et l'autre à l'entrée des cavernes de la vallée de l'Outaouais. Depuis l'écume gelée, les bulles d'air autogène et exogène, les draperies de glaces (éphémères) et les draperies de calcite (durables) en passant par le lait de lune et les pipkrakes, leurs divers avatars cristallins ou amorphes sont admirablement décrits et illustrés.

On se demande si certains scientifiques ne sont pas avant tout de grands poètes...

Pour ceux à qui une vison grosso modo du monde ne suffit pas et que quelques gros plans de merveilles remplissent d'aise.

Ce livre sublime (puisqu'il y est question de l'eau dans tous ses états...) s'adresse à tous ceux qui s'intéressent à la nature, de l'Outaouais en premier lieu, mais aussi d'ailleurs. Ils se précipiteront se le procurer, bien sûr...


Ce qui suit est tiré du site Internet des Éditions MultiMondes (LIEN).


Saisie d'écran, © Éditions MultiMondes

«Ce livre offre une extraordinaire description de l'eau et des glaces rencontrées à l'entrée des cavernes qui s'ouvrent dans les forêts de l'est du Canada. De remarquables photographies et des commentaires écrits dans un style clair et concis transmettent aux lecteurs une compréhension d'un univers qui fascine par sa beauté et sa diversité.»


Données techniques

Catégorie : Environnement
Parution : 2014-09-01
Format : 23 cm x 28 cm
Pages : 144
Reliure : souple
ISBN : 978-2-89544-476-3
Format papier : 34,95$
Format Pdf : 24,99$


Table des matières

Les cavernes de l'Outaouais
L'écoulement concentré
La condensation
La percolation
Remontées capillaires et mouvements pelliculaires
Conclusion