vendredi 24 décembre 2021

Variations sur un thème



Noël a aussi ses variants ; Noëlle, Noellet, Denoël, Natalis, Nathalie, Natacha, Nadalis, Nadal, Nadau(d), Nadeau...

Pensez aussi aux variants du mot « joyeux » : agréable, allègre, charmant, enjoué, exultant, jovial, jubilatoire, radieux...

Il y a bien mille variations possibles quand on envisage toutes les combinaisons.

Pour ma part, j’hésite entre vous souhaiter un Charmant Noellet !, une Allègre Nathalie ! ou un Agréable Nadeau !

Ce sera comme vous préfèrerez.

Même, pourquoi pas, le comble du comble, puisqu’au Moyen-Âge « Noël ! » était une exclamation de joie, un Noël Noël !

Une sorte de Noël au carré, quoi.

Pour l’année, il me suffira de vous la souhaiter bonne, heureuse ou favorable. Je ne veux pas épuiser mon dictionnaire des variants..., pardon, des synonymes.

Mais bref, pour en arriver enfin à l’essentiel :

Joyeux Noël et bonne année à toutes et à tous !

(Les bonnes vieilles formules restent souvent les meilleures.)

En espérant que le temps des retrouvailles ne tarde pas trop...,

Henri

samedi 18 décembre 2021

Stromatolites et thrombolites de Westboro à Ottawa

Photo 1 (déc. 2011). - Qu'est-ce que cette grosse boule (à gauche) entre les strates de calcaire ? Un stromatolite errant ? Rive de l'Outaouais à Ottawa, près de la plage Westboro.


Petit hasard, du genre de ceux qui me font sourire.

Nehza et Dix (2012) et moi avons photographié séparément et en ignorant tout de nos existences mutuelles le même bout d'affleurement sur la rive de l'Outaouais à Ottawa, dans les environs de la plage Westboro.

La relecture de l'article de Nahza et Dix m'a fait rouvrir un dossier de vieilles photos prises dans le secteur. C'est ainsi que j'ai fait découvert la coïncidence, laquelle n'avait rien d'inévitable. Que tout le monde photographie le Rocher Percé ou les chutes du Niagara est une chose ; qu'un bout de strates calcaires perdu dans les broussailles attire l'attention de personnes qui ne se sont pas consultées en est une autre.

Selon Nehza et Dix, l'affleurement offre une belle vue en coupe d'un banc de stromatolites noduleux (photos nos 2 et 3). D'autres, tel Christopher Brett, parlent plutôt de thrombolites (section plus bas). Pour éviter les équivoques, j'emploie pour la suite la terminologie adoptée par M. Brett.


« Un stromatolithe ou stromatolite (du grec strôma, tapis, et lithos, pierre) est une roche calcaire et/ou une structure marine biogénique et organique laminée double-couche (On parle aussi parfois de « thrombolite »). » (Wikipédia (version périmée), citée par Termium.)


Photo 2 - Coupe d'un banc de stromatolites nodulaires (nodular stromatolites) ou de thrombolites dans un calcaire de la Formation de Pamelia à Ottawa, près de la plage Westboro ; figure 8E (retouchée) de Nehza et Dix (2012).
Note. - Les autres photos du billet sont de moi.

Photo 3 (nov. 2013). - Même affleurement qu'a la photo no 2, photographié de façon tout à fait fortuite par votre serviteur. On remarque l'empilement des masses grises des thrombolites. (Voir aussi photo no 5.)


Ces stromatolites en larges dômes (photos nos 1 et 6) et ces thrombolites prolongent le domaine des stromatolites du Transitway dont j'ai déjà parlé (liens paragraphes suivants), lesquels sont les jumeaux de ceux, bien connus, qui affleurent du côté québécois de la rivière et qui ont d'ailleurs été inscrits parmi les Sites géologiques exceptionnels du Québec (liens par. suivants). 

LIENS (articles du présent blogue)

Stromatolites du pont champlain à Gatineau

  1. 15 oct. 2013, « Stromatolites exceptionnels (enfin !) »
  2. 11 mars 2013, « Stromatolites exceptionnels (presque !) »
  3. 24 nov. 2009, « Stromatolites, suite »
  4. 8 nov. 2009, « Colonie de stromatolites à Gatineau »

Stromatolites du Transitway à Ottawa


Photos 4 (nov. 2013). - Vue générale de l'affleurement de la photo no 3.


Photos 5 (nov. 2013). - Dômes ou galettes de thrombolites (et de stromatolites ?) gris dans le calcaire, même secteur que la photo no 4. Ces structures me font penser à celles observées à la carrière Lang à Ottawa (billets des 10 et 16 nov. 2013).


Thrombolites

Le blogue « Fossils and Geology of Lanark County, Ontario » de Christopher Brett signale la présence de thrombolites aux côtés des stromatolites près de Westboro dans un billet mis en ligne récemment : 

Les thrombolites s'apparentent aux stromatolites par leurs agents d'édification, les cyanobactéries. Les thrombolites sont des structures à microtexture coagulées, dépourvues de lamines internes caractéristiques des stromatolites, édifiées par des cyanobactéries dans des calcaires sublittoraux. (Mon adaptation de la définition de A. Allaby et M. Allaby, Oxford Dictionnary of Earth Sciences, 1999.)

« What is less well known is that fossil thrombolites are also visible along the Ottawa River. While thrombolites and stromatolites are both microbial structures, stromatolites have a layered structure while thrombolites lack the layers and have a clotted structure. Most who write on stromatolites and thrombolites assign the presence of the structures to different facies, where the growth of the two structures was regulated by different microbial assemblages in response to changes in environmental factors including sea levels. » (Blogue de Christopher Brett)

Le billet de M. Brett, en plus d'une abondante bibliographie, contient aussi des données très intéressantes sur les stromatolites du pont Champlain à Gatineau. Comme son titre l'indique, le blogue de M. Brett s'intéresse avant tout aux fossiles, sujet où je me sens perpétuellement débutant. C'est un excellent site à consulter si le sujet  - les fossiles, mais aussi la stratigraphie et la géologie en général - vous intéresse.

Les stromatolites et thrombolites de la rivière des Outaouais et du Transitway affleurent dans un calcaire de la Formation de Pamelia (Ordovicien supérieur, 458-443 millions d'années) (Nehza et Dix, 2012) du Groupe d'Ottawa. Ces structures florissaient dans des eaux peu profondes, près du littoral. Leur présence signale donc l'existence d'un ancien bord de mer dans la région.

Source 

  • Odette Nehza, George R. Dix, « Stratigraphic restriction of stromatolites in a Middle and Upper Ordovician foreland-platform succession (Ottawa Embayment, eastern Ontario) », Revue canadienne des sciences de la Terre, 2012, vol. 49, no 10, p. 1177-1199, https://doi.org/10.1139/e2012-048
 

Photo 6 (nov. 2013). - Dômes de stromatolites qui bossèlent une strate de calcaire près de la plage Westboro, à Ottawa.


Photo 7  (déc. 2011). - Plancher de thrombolites ? Rive de l'Outaouais, près de la plage Westboro.



Photo 8 (déc. 2011). - Autre vue du plancher de thrombolites ? Rive de l'Outaouais, près de la plage Westboro.


Photo 9 (oct. 2011). - Il n'y a pas que des stromatolites et des thrombolites près de la plage Westboro ; cône de céphalopode et ces terriers fossiles. La pièce de 2 dollars canadiens vaut deux dollars (of course) ou deux cents cents, et mesure 28 mm de diamètre.


lundi 1 novembre 2021

Calcaire faillé dans l'Île-de-Hull : enfin visible !




Photo no 1 (18 oct. 2021). - Flèches tiretées : inclinaisons opposées des strates de deux compartiments du socle calcaire séparés par la faille Eddy (il n'y a pas de continuité entre les strates soulignées de part et d'autre de la faille) ; 1 : brèche de faille où des éléments du calcaire sont cimentés par de la calcite blanche ; 2 : bande sombre amorphe (roche broyée et pulvérisée par la faille (?) - il faudrait un examen in situ pour en savoir plus) ; 3 : mince veine de calcite blanche dans une fracture - il y en a d'autres, non visibles sur photo. Des plaques de calcite orangée et des taches de rouille couleur ocre, non visibles sur photo, accompagnent des fractures verticales dans les strates. Les 1 et 2 correspondent à la FE comme telle. Le creux dans le mur de roc correspond au lit d'une vallée comblée au début du XXe siècle.
Le nord est donné par la flèche blanchâtre à droite. Les formations ont depuis été entièrement recouvertes d'un crachis de béton et ne sont plus visibles.


Enfin, la faille Eddy (FE) est visible sur le plancher et l'un des murs des fondations du WE-2, excavées rue Eddy, dans l'Île-de-Hull. Résumons. - La  FE court du NO vers le SO à travers les strates du socle calcaire de la ville. Les travaux d'excavation des fondations d'un édifice (le WE-2) ont permis de la localiser sous le remblayage d'une ancienne vallée comblée au début du XXe siècle. La FE sépare un compartiment de calcaire plongeant vers le SO d'un autre qui plonge vers le NE. Mais reportez-vous à ces billets pour plus de détails :

 
La FE est donc visible, ou plutôt était visible, devrais-je dire, et partiellement. Était, parce que sitôt exposées au jour, les parois de calcaire ont été recouvertes de béton pour prévenir les chutes de roc et les irrégularités du plancher ont été comblées par de nouveaux épandages de béton. Partiellement, parce que la faille dans le mur de roc sous la rue Wright a, sitôt dégagée, été masquée à la vue par des installations et la machinerie. Je n'en ai que de mauvaises photos (photos 17 et 19 du billet du 3 août 2021, lien plus haut). Je crois que les gens du chantier en ont terminé avec le dynamitage et que travaux d'excavation sont achevés. Ce qui était à voir dans le chantier a été vu. De mon point de vue très subjectif, du moins.

Mais bref, la FE existe, elle est visible. L'essentiel de ce que j'ai écrit jusqu'ici demeure valable même si je compte revenir pour préciser certains détails.

Pour ajouter à ma satisfaction, je peux annoncer la découverte d'une brèche de calcite blanche cimentant la faille. Bon, ce n'est pas quelque chose d'exceptionnel, mais quand on doit identifier les roches au marteau suisse*, le moindre bonheur est amplifié par la difficulté et la rareté.

* Examen de formations rocheuses au loin, à la jumelle. J'ignore l'origine de cette expression. Expression s'expliquant par l'abondance de belles parois bien lisibles dans les Alpes en Suisse. (Mais il n'y en a pas qu'en Suisse, de telles parois...)

Note. - Les photos et les observations, à l'oeil nu ou aux jumelles, ont été faites depuis le trottoir, autour du chantier, aux endroits où cela était possible, le chantier étant interdit aux visiteurs, même bien intentionnés. La précision de mes interprétations a évidemment souffert de cet état de fait.


Photo no 2 (30 oct. 2021). - FE : faille Eddy à travers le plancher du chantier ; flèche tiretée à double pointe : largeur de la FE ; lignes tiretées parallèles : bords de la FE ; B et lignes pointillées : brèche de calcite blanche et de fragments de calcaire (sa bordure, à droite est masquée en partie par de la rocaille) ; c'est la continuation au sol de la brèche visible dans le mur de la photo no 1.
Le pendage (ou plongement) des strates dans le socle calcaire de part et d'autre de la FE et dans la FE est indiqué. 
Le nord est donné par la flèche blanchâtre en haut à gauche.
Forme pâle au liseré blanc : masque des éléments au premier plan qui rendaient la photo confuse.
Ces roches ne sont plus visibles, on a entrepris de combler les irrégularités du plancher avec du béton et on a coulé des fondations dans la « piscine ».


Photo no 3 (30 oct. 2021). - Vue un peu différente de la précédente, avec un peu plus de recul. B : la brèche de calcite blanche ; flèche blanche à double pointe : largeur de la FE.



Photo no 4 (30 oct. 2021). - Autre vue, sans plus d'annotations ; noter à gauche la brèche de calcite blanche aux bordures parfaitement parallèles, la même que celle visible sur la photo no 1.







Photo no 5 (cadre large et détail ; 30 oct. 2021).  - Vue dans l'autre sens. B : brèche de calcite et de fragments de calcaire. Détail. - Flèche blanche : plongement accentué des strates dans la faille est bien visible - comparez avec le plongement des strates à gauche de la FE à la photo no 1. Le nord est donné par la flèche blanchâtre en haut à droite de la vue générale. La section du mur commentée à la photo no 1 est à gauche de la toile jaune, dans la prolongation de la brèche de calcite.

dimanche 10 octobre 2021

Crises de nerfs, géologie et Énergie noire




Colline de gneiss sur le bord de la 307, à Cantley, Québec, 1989.
Jean-Marie Cossette, 1989. Photos de Cantley, Farrelton, Low et Wakefield ; photo no 58. 
BAnQ, notice détaillée : P690,S1,D89-165. 
Permalien : http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/3156226.


Je l'ai déjà dit (voir ce billet), il suffit qu'un site attire mon attention pour que les cartes géologiques l'ignorent ou le couvrent à une échelle trop grande qui oblitère tous les détails utiles. Si des cartes détaillées sont disponibles, le site est inaccessible ou bien, encore plus enrageant, il se trouve sur un blanc de la carte, à un endroit que le géologue n'a pas couvert pour une raison ou une autre. Il suffit également que je parte en expédition pour que je découvre, une fois arrivé au but, qu'on vient de bâtir une maison exactement sur l'affleurement rare, près d’un chemin perdu dans les bois, qui avait motivé mon déplacement. Faut le faire exprès.

J’hésite ; s’agit-il de sadisme ou de simples taquineries de mauvais goût ? Une telle persévérance ne peut être que volontaire.

Autre exemple de perversité :

Je cherche des photos d'une colline de gneiss sur le bord de la route 307, à Cantley, au nord de Gatineau. J'en possède plusieurs, prises par moi-même, mais j'en voudrais une montrant le site comme il l'était encore vers 1990, avant qu'un détail particulier et très intéressant ne soit recouvert par du remplissage.

Justement, Bibliothèque et Archives nationales du Québec conserve une série de photos prises à basse altitude depuis un avion en 1989. L'appareil (l'avion) a survolé la route depuis Gatineau jusqu'à Farrelton et Low en passant par Wakefield et Cantley. L'appareil (photographique) a pris plusieurs séquences continues de clichés durant le vol. Miracle, je vais avoir ma photo !

Je les passe une à une à l'écran, en suivant l'ordre, du sud vers le nord ; l'affleurement qui m'intéresse apparaît, la partie sud de la colline se pointe sur un cliché ; c'est le cinquante-huitième du lot. La prochaine photo, la cinquante-neuvième, sera la bonne !

Non ! Une nouvelle séquence débute au cinquante-neuvième cliché. La partie centrale de la colline, celle qui m'intéresse, n'a pas été photographiée. Une photo de plus et j'aurais été satisfait. Le photographe a pris une pause (et non une pose) exactement au mauvais moment, au mauvais endroit. La séquence de photos, qui couvre plusieurs km, s'interrompt précisément à quelques mètres de l'endroit qui m'intéresse.

C'est de la méchanceté pure, de la cruauté mentale caractérisée, de la délectation dans le mal.

Encore récemment, voyez :

Je visite régulièrement un chantier dans l'Île-de-Hull (billet du 3 août 2021). On creuse le calcaire pour établir les fondations d'un building. Les bords de l'excavation, qui représentent mis bout à bout des dizaines de mètres de contour, sont tous visibles. Tous ? Non, LA zone intéressante, là où une faille coupe les strates du calcaire, est masquée. Elle ne représente que quelques mètres dans les centaines du pourtour des fondations. Ces quelques mètres, moins de dix, sont invisibles, masqués de tous les angles possibles par : a) des panneaux de bois entourant une partie de chantier, b) un renflement dans le contour du dit chantier et c) une rampe d'accès en pierres...

Notez bien que c'est le seul endroit du chantier ainsi rendu inaccessible aux regards des curieux. Le seul.

Quelqu’un, quelque part a tout planifié pour me faire enrager. J’aimerais faire sa connaissance pour lui parler entre quatre-z-yeux.


Chantier du WE 2, rue Eddy, à Hull (Gatineau). Le X noir à gauche, indique la position du site qui m'intéresse, au pied du mur de soutènement en bois. Une rampe d'accès le masque ; de tous les angles possibles, l'endroit est caché par quelque chose. 
Photo 4 oct. 2021.

Ma théorie est qu'un surplus d'énergie emplit l'Univers et que ce dernier doit lui trouver des exutoires pour la dissiper. Sinon, tout risque de sauter, un nouveau Big Bang emportera tout. Le moyen le plus efficace, apparemment, c’est de nous causer des crises de nerfs. À moi, à vous, à tout le monde. C'est peut-être ce que les astrophysiciens appellent l'énergie noire ?

Bon, si l'équilibre de la création en dépend, j’accepte de souffrir en silence. Et je cesse de me me sentir personnellement visé.


jeudi 7 octobre 2021

Autopromotion : ligne de grains


Bientôt, dans les meilleures librairies (et les autres, qu'il ne faut pas décourager) :

Ligne de grains. Roman

Auteur : Henri Lessard
Collection : « Vertiges »
ISBN : 978-2-89699-744-2
Parution : printemps 2022.


Résumé

Le contenu du billet a été déménagé dans cet autre site : LIEN.

samedi 28 août 2021

Le pont au-dessus du ravin de la rue Wright (ajout)

La rue Wright à Hull dans les années 1920 ou 1930 (BAnQ Outaouais ; cote P32-137 : photo recadrée et redressée ; document communiqué par Raymond Ouimet). On voit le garde-fou d'un pont qui semble enjamber un ravin dont on ne peut évaluer la profondeur (voir version retouchée plus bas). S'il s'agit du pont de la rue Wright entre Saint-Rédempteur et Eddy (voir le billet du 3 août 2021), nous voyons le côté nord de la rue ; le photographe tournait le dos à la rue Saint-Rédempteur et la chaussée montait vers l'est, vers la rue Eddy.


Complément à mon billet du 3 août dernier, « Calcaire faillé dans l'Île-de-Hull ». Il y était question de travaux d'excavation et de la mise au jour d'un ravin qui coupait les rues du l'Île-de-Hull au début du XXe s. Il avait nécessité la construction d'un pont sur la rue Wright entre les rues Saint-Rédempteur et Eddy (carte de 1908 ; noms de rues actuels).

La photo plus haut montre la rue Wright dans les années 1920 ou 1930. Elle m'a été communiquée par l'historien Raymond Ouimet. On voit le garde-fou d'un pont qui semble enjamber un ravin dont on ne peut évaluer la profondeur (photo retouchée plus bas). S'il s'agit du pont de la rue Wright entre Saint-Rédempteur et Eddy, nous voyons le côté nord de la rue, le soleil étant au sud ; le photographe tournait le dos à la rue Saint-Rédempteur et la chaussée montait vers l'est, vers la rue Eddy.

Le fouillis des plans et des constructions sur la photo complique la tâche de l'identification des bâtiments avec ceux des cartes de 1908 et 1928. Le ravin de la rue Wright apparaissant comblé et construit sur la carte de 1928, la photo est forcément antérieure. Une photo aérienne du quartier datant de 1925, malheureusement d'une résolution insuffisante, montre une situation semblable à celle de 1928. Est-ce que la photo pourraît dater d'avant 1920 ?


« Au point de vue de l'égoutement ou du drainage, la ville de Hull, coupée de ravins et de ruisseaux, et semée de lacs, présentait à son début, de nombreux problèmes. Qui ne se souvient du pont au-dessus du ravin qui traversait la rue Dupont [rue Eddy], entre les rues Wellington et Wright, et qui coupait ensuite la rue Wright, près de la rue Ravine [rue de Carillon] ? » (Lucien Brault, Hull 1800-1950. Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1950, p. 103)

 

Brault plaçait le pont de la rue Wright près de la rue Ravine (rue de Carillon actuelle). Or, il n'y avait déjà aucune trace de pont près de cette intersection sur la carte de 1908*. De plus, l'arrière de la rue Wrigth (au nord) à cet endroit donnait sur le lac aux Vairons (Minnow Lake ; parc Sainte-Bernadette actuel), bas-terrain où les constructions étaient éparses. Situation contraire à celle de la photo qui montre l'arrière de maisons resserrés sur les hauteurs de la rue Hôtel-de-Ville (rue Albert en 1908), au nord de la rue Wright.

* Hypothèse personnelle : le pont sur la rue Ravine aurait plutôt été à l'embranchement de la rue Morin avec les rues Gagnon et Pilon (noms actuels), dans le prolongement du ravin de la rue Wright (voir billet du 5 févr. 2016).

Le ravin aurait été comblé en partie avec des débris de verre provenant de l'explosion de la fabrique d'explosifs de 1910 et de rejets de l'atelier de traitement de mica de la rue Montcalm (billet du 3 août 2021, lien au début du texte). Pour en savoir plus, il faudrait lancer un avis de recherches afin d'interroger le petit garçon de la photo. Il doit être âgé de 100 et quelques années aujourd'hui. Il a sûrement beaucoup de choses à raconter...

Ne pas confondre ce pont avec celui en pierre qui enjambe le ruisseau de la Brasserie, rue Wright, construit ou reconstruit en 1896.




Cartes de 1908 et de 1928 (détails retouchés). - La carte de 1928 utilise les noms de rues actuels sauf la rue Dupont : maintenant rue Eddy et la rue St. James : rue Saint-Jacques. Ombre bleue : ravin qu'enjambe le PONT rue Wright. (Le ravin se poursuivait sous la rue Eddy ; voir photo 13 du billet du 3 août 2021.)

Sources 

Chas. E. Goad (éd.), – Hull & Vicinity, Que., January 1903, revised May 1908. Toronto, Montreal, London, 1 map on 44 sheets[, feuillet no 177 (détail)]. Bibliothèque et Archives Canada.

Underwriters Survey Bureau Limited, Hull, Que. 1928. BAnQ Québec, feuillet no 7 (détail).


Photo  retouchée :  : le garde-fou du pont est ombré en rouge ; son mur de planche en pignon protège peut-être les piétons contre une chute dans un ravin profond (?). Le ravin lui-même se distingue mal (on devine une partie du talus à droite du poteau, à travers le parapet ; un enfant en vêtements sombres et au chapeau blanc est à gauche du potau, au bord de l'autre talus (?).


Carte de 2021. - Ombre bleue : ravin de la rue Wright (approx., il est délicat de superposer des cartes disparates). Plusieurs bâtiments ont été construits au-dessus du ravin. Ligne de niveau plus grasse à gauche : 60 m ; à droite : 65 m.

Il y a une coïncidence partielle entre le ravin et la ligne de niveau des 60 m ; le sol a été bien nivelé après remplissage du ravin.

 Source : Carte interactive (Atlas de Gatineau) ; détail retouché.


AJOUT (28 août 2021)

Comme il arrive souvent, je découvre de nouveaux éléments juste après la mise en ligne d'un billet. Les deux extraits qui suivent sont de : Goad, Chas. E. (Charles Edward), 1887. Bibliothèque et Archives Canada, R6990-327-5-E, images téléchargées à partir de BAnQ.


1887a. - Détail retouché d'une carte de C.E. Goad ; même cadrage que les cartes précédentes (consulter celle de 2021 pour les noms de rues actuels). Ombre bleue : ravin avant la construction du pont sur la rue Wright ; il se prolongeait jusqu'à la rue Eddy (noms modernes) où il apparaît coupé net. En fait, il se continuait sous cette rue (photo 13 du billet du 3 août 2021). Une section de la rue Wright apparaît suspendue au-dessus du ravin.

1887b. - Provenant du même source, ce détail retouché d'une carte plus générale. Cadre rouge : emplacement de la carte précédente ; ombres rouges : ravins et escarpements ; 1 : lac aux Vairons ou Minnow Lake (actuel parc Sainte-Bernadette) ; 2 : lac Flora (actuel parc Fontaine) ; 3 : ruisseau de la Brasserie ; 4 : rivière des Outaouais ; X : escarpement résiduel rue Saint-Rédempteur (photo suivante). L'escarpement de la rue Ravine (de Carillon et Morin actuelles) est isolé, à l'ouest du lac aux Vairons (1). 

Les billets suivants développent le sujet de ce réseau de lacs et de ravins :




Escarpement calcaire rue Saint-Rédempteur (X sur la carte précédente), vestige du réseau de ravins et d'escarpements qui coupaient l'Île-d-Hull. Photo avril 2014.


mardi 3 août 2021

Calcaire faillé dans l'Île-de-Hull : suite (ajouts et retouches)



Carte no 1 : sites nos 1 et 4. - Source : Atlas de la Ville de Gatineau (détail).

Ligne pointillée noire : faille Montcalm (FM ; selon Wilson, 1938 ; réf. : voir carte no 2) ; les triangles noirs pointent le compartiment SW effondré du socle calcaire. Les flèches noires indiquent le plongement apparent des strates du calcaire dans les fondations des sites nos 1 et 4. Une flèche à deux pointes indique des strates horizontales. La longueur des flèches n'a aucune signification. Le plongement réel des strates du calcaire, déduit des plongements apparents, est approximativement donnés.

La ligne pointillée rouge indique une faille jamais cartographiée que je baptise ici faille Eddy ; FE. La FE sépare deux compartiments du socle du site no 4 : l'un à plongement vers le NE, l'autre, vers le SW. Le prolongement de la FE vers le site no 1 est problématique (? rouge), mais voir photo no 13.

Note. - La carte a été retouchée le 29 sept. 2021. De nouvelles observations donnent une FE pratiquement paralèlle à la FM, plus que sur les premières versions de la carte.


Suite du billet du 5 avril 2014, « Calcaire faillé dans le Vieux-Hull » qui traite des sites nos 1 et 2 (voir les cartes.) Le site no 3 est l'objet du billet du 11 août 2015, « Bassin dans le calcaire de l'Île-de-Hull ».

Le présent billet traite du site no 1 et d'un nouveau, le no 4. Il remplace ceux du 28 juillet et du 30 juillet 2021.

Toutes les photos, sauf la photo no 13 prise au site no 1, ont été prises au site no 4.

Ce billet a été réécrit le 17 septembre 2021 pour mieux intégrer les éléments ajoutés depuis sa mise en ligne. Les noms officiels de mes sites nos 1 et 4 sont WE 1 et WE 2. Je vais continuer à utiliser ma propre nomenclature.

CONCLUSION temporaire à cette affaire dans le billet  du 1er nov. 2021, « Calcaire faillé dans l'Île-de-Hull : la faille est (enfin) visible ! »


Un nouveau chantier de construction est actif sur la rue Eddy, au sud de l'Île-de-Hull (site no 4 sur les cartes) et les travaux d'excavation des fondations sont avancés. Le chantier occupe le quadrilatère bordé à l'W et à l'E par les rues Saint-Rédempteur et Eddy, au N et au S par les rues Wright et Wellington. Le rectangle ainsi défini fait face au chantier du site no 1, étudié en 2014 (lien au début du texte), du côté E de la rue Eddy.

(Notes. - Je n'ai pris connaissance de l'existence du chantier qu`à la mi-juillet. Les premiers états m'ont donc échappé et plusieurs données précieuses n'ont ainsi pas pu être récoltées.)

Le socle rocheux de l'Île-de-Hull est formé du calcaire de la Formation de Hull du Groupe de Trenton. Ces roches datent de l'Ordovicien moyen, soit d'environ 465 millions d'années. Les strates, horizontales à l'origine, lors de la déposition des sédiments, ont été dérangées, plissées, fracturées et basculées par des événements tectoniques subséquents.


Photo no 1. - Angle Eddy (à gauche) et Wellington (au fond) ; visée vers le S. Voir photo no 2. (Photo 17 juillet 2021.)


Avec les observations colligées dans les chantiers des sites nos 1 et 4, il est possible d'obtenir une coupe du socle rocheux longue de 160 m. Aux deux endroits, les excavations permettent de suivre (ou l'ont permis : l'édifice du site no 1 est achevé et le roc de ses fondations n'est plus visible) l'attitude des strates du calcaire et d'observer les plissements ou dislocations qui les ont affectées.

Les failles

Le passage au N des chantiers d'une faille majeure déjà cartographiée qui coupe en diagonale l'Île-de-Hull (Wilson, 1938 ; réf. carte no 2), la faille Montcalm (FM ; billet du 5 avril 2014, lien plus haut) fait du secteur un sujet d'étude particulièrement intéressant. La FM, d'orientation NW-SE, est une faille normale, c'est-à-dire une faille d'extension (rupture par étirement) ; le compartiment au SW de la rupture s'est effondré par rapport au compartiment au NE. Est-ce que la tectonique que nous découvrons dans les sites 1 et 4 suit le patron de la FM ?

L'interdiction d'entrer sur les chantiers, l'impossibilité de prendre des mesures directes m'obligent à me contenter d'observations et de photos faites depuis le trottoir. Le plongement des strates du calcaire donnés ici (carte no 1 et texte) est donc approximatif. (Je le souligne !)


Photo no 2. - Visée vers le SW, même site que photo no 1. Les strates du calcaire s'inclinent vers l'E le long de Wellington et vers le N le long d'Eddy. Le plongement apparent se résout à un plongement réel (mais approximatif) NE. (La perspective nuit à l'appréciation des angles par rapport à l'horizontal ; voir la photo no 3.) (Photo 12 juillet 2021.)


La presque totalité du site no 4 est occupé par un compartiment du socle plongeant faiblement vers le NE ; en revanche, l'angle à l'intersection des rues Wright et Eddy est occupé par un compartiment qui plonge de façon plus marquée vers le SW. Une faille orientée NW-SE, non cartographiée jusqu'à aujourd'hui et que je baptise ici faille Eddy, ou FE, sépare ces deux compartiments. (Voir «Ajout » du 4 sept., plus bas, sur la possibilité d'un plis plutôt qu'une faille.) Le passage de la faille serait souligné par une « tranchée » rectiligne dans le plancher du chantier, tranchée qui relie deux interruptions murées par des panneaux de bois soutenus par des piliers dans les parois de roc des fondations. Ces interruptions seraient les vestiges d'un ancien ravin creusé dans le roc, ainsi qu'il est expliqué plus bas. 

On trouve aussi des strates plongeant vers le SW au site no 1. Cependant, la présence de strates horizontales sur trois des quatre parois de ses fondations (carte 1 et billet du 5 avril 2014) s'intègre mal dans le schéma général. Une interruption dans la paroi calcaire W des fondations du site no 1, elle aussi murée par des panneaux de bois, prolonge malgré tout celles du site no 4, ce qui tend à prouver que le ravin au site no 4 se prolongeait sous la rue Eddy sur les deux sites (photo no 13). 

Le plongement vers le SW, visible dans les deux sites, est compatible avec la tectonique de la FM dont le compartiment SW s'est effondré. Le plongement vers le NE du compartiment plus éloigné de la FM serait le résultat d’ajustement à la cassure principale. Sur les cartes, les failles se résument le plus souvent à une ligne simple ; sur le terrain, on est plutôt en présence d'un faisceau ou d'un couloir de failles et de fractures embranchées. Rien n'empêche dans ces conditions que ma FE soit en réalité la FM...


Photo no 3. - Angle Wright et Eddy (à gauche) ; visée vers l'E. Fines lignes rouges pointillées : inclinaisons apparentes des strates du calcaire. À l'angle Wright et Eddy, les strates s'inclinent vers le SW. À droite, les strates le long de la rue Eddy plongent vers le N (voir photos nos 1 et 2). (Il n'y a pas de continuité entre les strates soulignées de part et d'autre de la faille ou de la rupture.) Au fond, le building rouge et gris s'élève sur le site no 1. Le mur de panneaux de bois représente la section d'un ancien ravin dans le socle calcaire. En l'absence du roc, il soutient le remplissage sous la rue Eddy. Selon Brault (1950 ; citation plus bas), un pont enjambait autrefois le ravin. (Photo 26 juillet 2021.)


La tranchée et le ravin

Avant l’ouverture du chantier, rien ne laissait soupçonner l’existence du ravin : le sol avait été nivelé, des constructions et un parking occupaient le terrain (carte no 1). Le ravin avait donc été comblé à un moment ou l’autre de l’histoire du quartier.

Avec la fin des vacances de la construction, j'ai pu interroger début août l'un des contremaîtres du chantier du site no 4. Il m'a confirmé que la tranchée dans le plancher des fondations préexistait aux travaux du chantier. Elle ne serait donc pas totalement d'artificielle, même si je pense que les travaux actuels (et passés ?) ont affecté son allure. J'expose mes conclusions à ce propos plus loin.

La carte no 3 (1908) montre qu'un ravin a bel et bien existé, au moins jusqu'au début du XXe s. à l'emplacement de la tranchée ; il se prolongeait vers le NW de l'autre côté de la rue Wright sous laquelle il passait. Le ravin a été creusé dans le roc par un agent naturel. L'attaque d'une faille par l'érosion fluviatile ou sous-glaciaire peut très bien expliquer la présence du ravin qui représente l'extrémité d'un système de ravinement plus vaste (voir à ce sujet le billet du 10 août 2013, « Île-de-Hull : guide géologique », carte no 5.) Deux ponts enjambaient le ravin, l'un rue Wright et l'autre rue Eddy aux endroits où se trouvent les murs de panneaux de bois :

« Au point de vue de l'égouttement ou du drainage, la ville de Hull, coupée de ravins et de ruisseaux, et semée de lacs, présentait à son début, de nombreux problèmes. Qui ne se souvient du pont au-dessus du ravin qui traversait la rue Dupont [Bridge Street sur la carte no 3 ; maintenant rue Eddy], entre les rues Wellington et Wright, et qui coupait ensuite la rue Wright, près de la rue Ravine [rue de Carillon] ? » (Lucien Brault, Hull 1800-1950. Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1950, p. 103)

Remplissage, bouteilles et paillettes

J'ai vu les travaux élargir la tranchée avec la reprise des activités début août. Mon idée est que le ravin de la carte de 1908 (carte 3), cause des interruptions (murées par des panneaux de bois) dans les parois de calcaire des fondations, est une formation naturelle masquée par l'urbanisation. La tranchée et les longues cassures rectilignes dans le plancher des fondations seraient le résultat du travail des humains (travaux actuels ou antérieurs.) À quoi ressemblait le ravin avant l'intervention humaine ? Ce genre de détails est perdu

Selon le contremaître, les gens du chantier ont cru être en présence d'un ancien lac qui aurait été rempli avec un peu n'importe quoi. Un bulldozer était en train de vider la tranchée le 2 août d'une terre noire où j'ai cru voir une planche de bois. Le contremaître a utilisé les termes sol contaminé pour décrire le remplissage qui contenait beaucoup de bouteilles, souvent intactes, du genre de celles utilisées autrefois dans les pharmacies, ainsi que des bouteilles de bière. J'avais déjà constaté les jours derniers la présence de larges paillettes de mica ambré (phlogopite), parfois aussi larges que des plats, dans le remplissage rejeté sur le côté du chantier. La phlogopite, ou mica ambré, a été autrefois exploité dans la région (voir billet du 7 mars 2012, « Histoire minière de l'Outaouais II » ). (Les paillettes de mica passent inaperçues sur les photos qui capturent mal leurs reflets : voir quand même la photo no 11.) On remarque toutefois que ce quireste du remplissage ne suffirait pas, et de loin, à combler le ravin. Une partie avait peut-être déjà été retirée quand j'ai pris connaissance du chantier. Il y avait des constructions au dessus du ravin avant l'ouverture du chantier. Le ravin a donc été comblé entièrement. (Rue Wright, les constructions au-dessus du ravin comblé sont toujours là ; voir cartes de 1908, 1928 et de 2021 du billet du 28 août 2021.)


Photo no 13 15 (la numérotation n'est pas suivie). - Bulldozer remuant le remplissage noir gorgé d'eau dans la tranchée de la faille Eddy. (Photo 2 août 2021.)


Or, la carte de 1908 (carte 3)  atteste de la présence de l'Ottawa Mica Co. et d'une Mica Shop rue Montcam, entre les rues Gagnon et Charles-Bagot (noms actuels), à 400 m au NW du chantier ; les rejets de l'atelier sont peut-être entrés dans la composition de remplissages, là ou ailleurs, lorsqu'il s'est s'agit de niveler le sol et de bâtir au-dessus des inégalités du relief

Quant aux bouteilles, il y avait d'ailleurs une pharmacie (Drugs[tore]) à l'ange SE des rues Eddy et Hôtel-de-Ville (rues Bridge et Albert ; carte de 1908*) et plusieurs hôtels sur la rue Eddy, des Sal[oons(?)] et des Groc[eries(?)]. Mais l'approvisionnement en bouteilles de bière n'a jamais dû être un souci**... Il semble bien que le ravin ait servi de dépotoir sauvage.

* Carte de 1908, mais aussi de 1887 et 1928, billet du 28 août 2021, « Le pont au-dessus du ravin de la rue Wright ». 

** J’avais d’abord compris que le remplissage était plein de débris de verre dont j’avais attribué la présence aux conséquences de l'explosion de la General Explosives Company of Montreal Ltd, le 8 mai 1910. L'explosion avait brisé les vitres jusqu';a Ottawa et Pointe-Gatineau. Mais puisqu’il s’agit de bouteilles, et non d'éclats de vitres, mon hypothèse ne tient plus (voir le blogue de l'historien Raymond Ouimet).

Les murs de soutènement de panneaux de bois le long des rues Eddy et Wright sont du type servant à contenir les sols de type remplissage (je n'ai pas les termes techniques ; conversation avec un contremaître, 15 sept. 2021). Ces panneaux délimitent des sections du ravin primitif (retouché ou non par des travaux anciens ou actuels). Les murs de bois dessinent le profil d’une vallée en U largement évasée. (Mais tenir compte des altérations dues aux travaux.) 

Enfin, j'ai appris par le contremaître que l'excavation allait se poursuivre encore 140 pieds plus profond (env. 40 m).


Photo no 14 (l’ordre des photos ne suit pas la numérotation). - Bulldozer descendu dans la tranchée de la faille Eddy. Les murs de panneaux de bois dessinent le lit de l'ancien ravin. Les panneaux descendent jusqu'au niveau du roc sain ; ils soutiennent le remplissage sous la rue Eddy. Le profil de la vallée qu’ils révèlent est largement évasé. (Photo 2 août 2021.)


Tout confirme l'existence d'une faille - faille Eddy ou comme il vous plaira de l'appeler -, zone fragile du socle rocheux qui explique à son tour celle du ravin de la carte de 1908 et de la tranchée. Il aurait été intéressant de voir l'état du calcaire sur les bords du ravin avant les travaux (ceux de cette année et ceux du début du XXe s.) afin d'examiner l'état primitif de la roche sur ses bords et d'y chercher des signes d'érosion par l'eau. Ces renseignements sont aujourd'hui perdus, de même que le détail du réseau de ravins qui, partant de la rue Morin aboutissait rue Eddy et auquel appartenaient les berges rocheuses du lac aux Vairrons, lui aussi comblé (parc Fontaine). (Voir les billets du 7 août 2013, « Hull : lacs et vairons éponymes » et celui du 5 février 2016, « Qui a façonné l'Île-de-Hull ? ». Voir aussi la carte 1887a du billet du 28 août 2021.)

Relief et tectonique

La pente descendante de la rue Wright suit le plongement vers l'W des strates à l'angle de la rue Eddy (photo no 4)*. Voilà un des rares cas où le relief s'explique par la tectonique. Mais toute la colline de la rue Wright, isolée au sud de la plate-forme de l'Île-de-Hull, et tout le plat terrain de part et d'autre sont traversés par la FM. La FM correspond donc tantôt à un « haut », incluant le point culminant de l'Île (71 m, rue Wright), tantôt à des « plats ». Le lien entre tectonique, failles et relief n'est donc pas automatique.

* AJOUT (11 août 2021). - La montée de la colline s'accentue brusquement à l'angle NE du quadrilatère du site 4, ce qui correspond à l'attitude des strates du calcaire qui s'élèvent vers le NE (ou plongent vers le SW) à cet endroit. Par contre, le plongement vers le NE des strates partout ailleurs sur le site est à contre-sens du relief qui s'abaisse doucement vers le S et vers l'W.


Photo no 4. - Angle Wright et Eddy ; visée vers le N. Le relief de la colline suit l'inclinaison des strates, rue Wright (le point culminant de l'Île-de-Hull, à 71 m d'altitude, est sur la rue Wright, à l'E des limites de la photo). À l'avant-plan, à droite, les strates le long de la rue Eddy (voir photos 1, 2 et 3). Les murs de panneaux de bois marquent l'emplacement de l'ancien ravin. 



Conclusion

Il est remarquable du moins que, dans l'Île-de-Hull, partout où la roche affleure le long du parcours de la FM, les strates du calcaire sont dérangées. Même les chutes du ruisseau de la Brasserie se plient à ce patron local (billet du 19 mars 2017, « Néotectonisme au ruisseau de la Brasserie ? »).

AJOUT (4 sept. 2021). - Les différences de l'inclinaison des strates d'un coin à l'autre du chantier pourraient aussi bien être le résultat du plissement du socle calcaire. [Non, il s'agit bien de failles : voir « Ajout » du 2 oct. 2021.] Cependant, la présence sur le site d'un ravin linéaire renforce la possibilité qu'une faille coupe le roc à cet endroit. Si le ravin a été creusé par l'action de l'eau (à l'air libre ou sous un glacier), une faille, outre la vulnérabilité du roc fracturé qu'elle implique, aurait été plus apte à canaliser le courant et à en subir l'érosion qu'une simple flexure du socle. Enfin, l'orientation du ravin est proche de celle de la faille Montcalm, qui passe quelques dizaines de m au NE du chantier. Le système de ravins qui coupaient l'Île-de-Hull est exposé dans le billet du 5 février 2016, « Qui a façonné l'Île-de-Hull ? » Le billet du 28 août 2021, « Le pont au-dessus du ravin de la rue Wright », donne une carte plus fiable de ce système de ravins et d'escarpements : voir les cartes de 1887, réalisées avant que le sol de la ville ne soit régularisé et nivelé au point que bien de ses caractéristiques originales soient maintenant insoupçonnables.


Carte no 2. - Île-de-Hull

Annotations © Henri Lessard, 2014, 2021 ; fond de provenance inconnue.

CC : chutes des Chaudières (mars 2017 + suites) ;

CE : château d'eau et chutes du ruisseau de la Brasserie (mars 2017 + suites) ;

F : failles anonymes (Wilson, 1938*) ;

FA : faille des Allumettières (Lessard, 2009) ;

FM : faille Montcalm (selon Wilson, 1938*) ;

MA : marmite des Allumettières (Lessard, 2009) ;

1 : chantier angle Eddy et Wellington (avril 2014, lien au début du billet) ;

2 : strates inclinées (avril 2014, lien etc.) ;

3 : chantier rue Montcalm (août 2015, lien au début du billet) ;

4 : chantier juillet 2021 (ce billet).

*A.E. Wilson, 1938 — Ottawa Sheet, East Half, Carleton and Hull Counties, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, carte 413A, 1 feuille (1/,63 360).

AJOUT (28 déc. 2023)

Raymond (1913) décrit une faille traversant le calcaire Trenton à la Axe Factory quarry de Hull. Le décalage entre les deux côtés de la faille se mesurait à 4,5 m, le côté est étant abaissé. Il n'est pas clair à lire le texte original s'il existait un dénivelé correspondant à la faille ou si le socle avait été nivelé par l'érosion. La Henry Walters & Sons Axe Factory était située sur la rive ouest du ruisseau de la Brasserie, face à la chute du château d'eau (CE sur ma carte). On peut supposer qu'il existe un lien entre la faille de la Axe Factory et la chute du ruisseau. Voir les billets suivants à ce propos :

Pour le propos du présent billet, il est probable que la faille de la Axe Factory quarry ait été reprise et prolongée par Wilson sur sa carte (1938 ; op. cit.) C'est cette faille que j'ai baptisée faille Montcalm (FM) sur ma carte 2. La Axe Factory quarry pourrait être la carrière désaffectée anonyme U3 sur ma carte des carrières de calcaire de la ville de Hull. Voir mon billet du 9 sept. 2015.

Source. - Percy E. Raymond (1913). « Ordovician of Montreal and Ottawa. Excursion A 11 » dans : Canada, Department of Mines. Guide Book No. 3 Excursions in the Neighbourhood of Montreal and Ottawa. Issued by the Geological Survey, Ottawa, 1913, p.137-160.


Carte no 3. - Détail de Chas. E. Goad, 1908 ; feuillet no 177.

Cadres rouges : sites nos 1 et 4 ; ombre bleue : ravin (« tranchée ») dans le site no 4 et sa continuation au N de la rue Wright) ; FM et ligne tiretée noire : faille Montcalm. La faille Eddy, non reportée ici, paralèlle à la FM, coïnciderait avec le ravin. 

Deux ponts passaient au-dessus du ravin, l'un sur Bridge Street (rue Eddy actuelle) et l'autre sur la rue Wright. Le ravin a ensuite été comblé et recouvert de constructions.

Noms des rues : nom sur la carte : nom actuel. - Bridge Street : rue Eddy ; rue Chaudière : rue Saint-Rédempteur ; Church Street : rue Saint-Jacques ; Wellington Street : rue Wellington ; Wright Street : rue Wright.

Source : Chas. E. Goad (éd.), 1908 – Hull & Vicinity, Que., January 1903, revised May 1908. Toronto, Montreal, London, 1 map on 44 sheets[, feuillet no 177 (détail)]. Bibliothèque et Archives Canada.



Photo no 5. - Même point de vue que la photo no 4 ; les travaux d'excavation sont plus avancés (Photo 17 juillet 2021.)

Photo no 6. - Visée vers le N. Même point de vue que les photos nos 4 et 5 ; la faille Eddy passe par murs de soutènement en bois qui contiennent le remplissage sous les rues. Ils descendent jusqu'au roc sain. Des ponts passaient à leur emplacement autrefois selon Brault (citation plus haut). La FE séparerait les strates du fond (plongement SW) de celles à l'avant-plan (plongement NE). (Photo 26 juillet 2021.)

Photo no 7. - Visée vers le S. Même site qu'aux photos nos 4, 5 et 6 vu dans la direction opposée. La tranchée (naturelle ? retravaillée ?) : passage de la faille Eddy.

Photo no 8. - Rue Wright à droite ; visée vers l'W. Les strates du calcaire penchent légèrement vers le N et l'E (voir photo no 9). Le mouvement qui en résulte est un léger plongement vers le NE. (Photo 17 juillet 2021.)

Photo no 9. - Rue Wright ; visée vers le S, même excavation que celle à droite de la photo no 8. La pente vers l'E des strates du calcaire est bien visible. (Photo 26 juillet 2021.)


Photo no 10. - Visée vers l'W depuis la rue Eddy. Les lignes tiretées H donne l'horizontale. Les strates du calcaire et le terrain s'inclinent vers le N (courtes lignes rouges) ; c'est plus évident dans l'excavation des photos nos 8 et 9. (Photo 3 août 2021.)

Photo no 11. - Visée vers le S, dos à la rue Wright ; à gauche, la rue Eddy. La tranchée au fond du plancher de calcaire. (Photo 12 juillet 2021.)

Photo no 12. - Visée vers l'W ; à droite, la rue Wright. La tranchée prolongée (et comblée) jusqu'au mur de soutènement en bois, rue Wright (ligne tiretée rouge). Un pont a déjà existé à cet endroit, au-dessus d'un ravin (Brault ; 1950 et carte no 3). Les taches jaunâtres en bas à droite sont des paillettes de mica. La photo rend mal leur éclat vitreux. (Photo 16 juillet 2021.) 




Photo no 13 (site no 1, 18 avril 2014, face à l'actuel site no 4). - Visée vers le NW ; la rue Eddy de l'autre côté du chantier. Le mur de panneaux de bois prolonge le ravin du site no 4. Les strates sont ici horizontales (lignes tiretées rouges). Le ravin se poursuivait donc plus vers l'E, au-delà de la rue Eddy, que ne le montre la carte no 3. On remarque que le lit du ravin dessine le même profil en U très évasé qu’au site no 4.

 AJOUT (2 oct. 2021)

Enfin, la faille et ses cassures sont visibles ! 

Photo no 16 (les photos ne sont pas toutes dans l'ordre de numérotation). - Au loin, la rue Wright ; visée vers le nord. La faille qui sépare deux compartiments du socle est visible sous le lit de l'ancien ravin (matérialisé par le mur de soutènement en bois). À gauche, les strates s'inclinent vers l'est ; à droite, vers l'ouest. Les lignes blanches aident à se représenter l'attitude des strates ; les flèches indiquent leur plongement. 

Il n'y a pas de continuité entre les strates soulignées de part et d'autre d'une faille ou d'une rupture.

Il y a deux failles (F1 et F2) et un plis (P). Les petites flèches parallèles indiquent le mouvement relatif des compartiments de chaque côté des failles. Ici, elles sont représentées à la verticale en l'absence d'indication sur leur inclinaison réelle. Le compartiment à l'est semble être demeuré d'un seul tenant ; il s'est retroussé (P) en s'effondrant près de la F2 ; le compartiment à l'ouest s'est rompu (F1). Le résultat est un effondrement général du socle à l'endroit des cassures. 

Les affleurement ont été recouvert d'un couli de ciment pour des raisons de sécurité. La lisibilité du site en souffre beaucoup. (Photo 17 septembre 2021.)



Photo no 17. - Détail des F1, F2 et P de la photo no 16. L'affleurement a été recouvert de débris rocheux peu de temps après avoir été mis au jour et n'a pas été longtemps visible. (Photo 17 sept. 2021.)

Photo no 18. - Faille (F3) sous la rue Eddy. La F3 se place immédiatement à la droite de la photo no 14. Comme pour la rue Wright, la faille de la rue Eddy se trouve sous le lit de l'ancien ravin (mur de soutènement en bois), entre deux compartiments inclinés en sens opposés (la perspective atténue le contraste des inclinaisons, voir photo no 3). La zone de faille, qui correspond à l'intervalle, n'est toujours pas assez dégagée pour que sa structure ne soit décrite. Le trajet de la faille Eddy (FE), entre les F1-F2 et F3, est matérialisée par la ligne pointillée. Voir photo suivante. (Photo 29 sept. 2021.)

Photo 18 et 19 : il n'y a pas de continuité entre les strates soulignées de part et d'autre d'une faille ou d'une rupture.

Photo no 19. - Tracé de la FE entre les deux ouverture de l'ancien ravin. À l'endroit de la F3 se trouve peut-être deux failles, à l'exemple des F1 et F2. Pour l'instant, il n'est pas possible d'en dire plus. (Photo 17 sept. 2021.)