dimanche 26 février 2012

Île Marguerite : mises à jour


Cupules de dissolution dans le marbre sur une île du lac des Trente et Un Milles. 
Le marteau, en haut, au centre, donne l'échelle. 
Source : Aubert de la Rüe, 1956 (référence complète dans ce billet.)


J'ai ajouté quelques documents aux billets traitant de l'île Marguerite, à Gatineau.

Il s'agit de photos et de citations qui viennent appuyer mes propos.

Réunir tous ces documents dans un billet nouveau m'aurait obligé à y republier des photos de l'île Marguerite que j'ai déjà utilisées à deux ou trois reprises dans ce blogue. Plutôt que de multiplier les doublons, j'ai préféré saupoudrer ces nouveaux documents (qui sont en fait d'anciennes choses) dans les billets pré-existants pertinents.

«Rideau pétrifié»
«Dissolution à Gatineau (suite)»
«Dissolution à Gatineau (fin)»

jeudi 23 février 2012

Où sont passé les dinosaures de l’Outaouais ? (ajout)



Tyrannosaurus Prismacolorex, espèce encore mal connue. À l'époque où j'ai réalisé ce dessin, il m'arrivait de manquer à la rigueur scientifique et d'omettre de noter mes sources. N'empêche que, par sa rareté, ce document mérite de figurer ici.


Où sont passé les dinosaures de l’Outaouais ?

C'est une question qui revient souvent.

Ils ont disparu, corps et biens, os et vestiges, à croire que l'Outaouais est une région où le bout de la patte d'un dinosaure n'a jamais mis la griffe. Pourtant, ont devine bien qu’ils n'ont pas boudé l'Outaouais ni le Québec en général. Après tout, on en trouve d'abondants fossiles pas si loin au sud, au Connecticut. Quant à la fameuse couche riche en iridium (limite K-T, ou limite Crétacé-Tertiaire) que la chute du météorite responsable de la disparition des dinosaures (cratère de Chicxulub, au Yucatán), il y a 65 millions d'années, aurait répandue à la surface du globe, il arrive que des gens me demandent à quels endroits de l'Outaouais elle serait visible.

Eh bien, nulle part. Telle est la seule (et plate) réponse possible à cette question.

Les dinosaures ont vécu il y a entre 230 et 65 millions d’années (Ma) et les roches les plus jeunes de l’Outaouais ont un peu plus de 440 Ma (calcaire de la plate-forme du Saint-Laurent). Le socle de notre région est donc plus vieux que le plus archaïque des dinosaures. Rien n'aurait pourtant n'aurait empêché ses petites bêtes de l'arpenter tout comme nous le faisons nous-mêmes aujourd'hui si...

... si, depuis 345 millions d’années (Ma)*, le Québec (du moins la plate-forme du Saint-Laurent et les contrées adjacentes) n'était soumis à un régime d’érosion (Globenski, 1987), c.-à-d. que le continent, miette par miette, grain par grain, atome par atome, retourne à la mer, via les cours d’eau.
* Nous dirions aujourd'hui depuis 359 Ma ; voir « Ajout » du 29 nov. 2019.

Le résultat de ce grignotage est que le sol qu'auraient pu fouler les dinosaures a été emporté par l'érosion depuis longtemps. Entre la disparition des dinosaures et notre époque, une couche de roc épaisse d'environ 1 km a été soustraite à notre bout de continent (1).

Avec cette couche de roche s'est enfui tous vestiges matériels ou traces indirectes que ces grosses bêtes auraient pu laisser derrière elles à notre intention. Donc exit, non seulement les dinosaures, mais aussi leurs ossements, leurs traces de pas, leurs nids, leurs œufs, le sol qu'ils foulaient et grattaient, le sous-sol et, en dessous de tout ça, une bonne tranche de l’assise rocheuse.

C’est ce qui s’appelle un grand décapage !

On devine bien après cet exposé que la fameuse couche riche en iridium, dans la mesure où elle s'est déposée en Outaouais durant les dernières heures du Crétacé et les premières minutes du Tertiaire, s'en est allée elle aussi, et probablement très rapidement.

Pour trouver le «plancher des vaches» de l’époque des derniers dinosaures, inutile de chercher au sol ; levez les yeux, il se trouvait à 1000 m au dessus de vos têtes (2).

Et c’est ainsi que vous ne tomberez jamais sur un os en Outaouais.

Un os de dinosaure, s’entend.


NOTES

1.) Estimation qui ne prétend pas à une haute rigueur scientifique à partir du taux d'érosion déduit de l'exhumation du Mont-Royal dont le magma qui le constitue s'est mis en place à 2 km de profondeur il y a 125 Ma (lien). Tenir compte, par exemple, du fait que ce sont les roches sédimentaires qui recouvraient le Bouclier canadien (et le futur Mont-Royal), et dont la plate-forme du Saint-Laurent n'est qu'un reliquat, qui ont offert le moins de résistance à l'érosion. Plusieurs facteurs viendraient pondérer mon calcul, mais retenons simplement que le «sol» actuel du Québec était «au sous-sol» il y a 65 Ma.
2.) Il ne faut pas en déduire non plus que l'altitude du continent était de 1 km supérieure à celle d'aujurd'hui il y a 65 Ma. Si on restaurait d'un coup de baguette magique la couche de roc disparue depuis, le continent s'enfoncerait par compensation isostatique de 800 m (lien). Le gain réel serait donc que de 200 m. Mais là aussi il faudrait tenir compte de facteurs multiples.

AJOUT (27 novembre 2012) 

Voir les coupes montrant l'évolution géomorphologique de la bordure SE du Bouclier canadien (Degeai et Peulvast ; 2006) reproduites ailleurs dans ce blogue. On y voit les Montérégiennes être peu à peu dégagées par l'érosion.

AJOUT (29 nov. 2019)

Depuis la fin du Dévonien (période qui a duré de 419 Ma à 359 Ma), le Québec est soumis à un régime d’érosion (Globenski, 1987). L'épaisseur des roches sédimentaires déposées après l'Ordovicien jusqu'au Dévonien est estimée de 5,6 à 7,5 km ; au Crétacé, cette épaisseur était réduite à 2 km (profondeur de la mise en place des Montérégiennes). (Héroux et Bertand, 1991, dans L. Bouvier, 2013)


RÉFÉRENCES CITÉES


  • Bouvier, Laura (2013). « Exhumation et érosion mésozoïque des roches grenvilliennes bordant le rift St-Laurent, régions de Québec et de Charlevoix : mise en évidence par datation (U-Th-Sm)/He sur apatite » Mémoire. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Maîtrise en sciences de la Terre.
  • Globensky, Y., Géologie des Basses-Terres du Saint-Laurent, MERQ, MM 85-02, 1987, 70 pages, avec la carte 1999 (1/250 000)


dimanche 19 février 2012

«Dissolu», mais bien documenté



Photo 1. - « Affleurements de calcaire* contenant des sulfures**. Extrémité sud du lac Johnston. » (Béland, 1977) Le lac Johnston est situé au N de Wakefield, près de Lascelles (voir « Pays/Territoire », en bas du billet.)


« Là où les sulfures sont abondants, le calcaire* se désagrège et les affleurements s'entourent d'une arène grossière de calcite. Où les minéraux autres que la calcite sont peu abondants, les affleurements sont ravinés par solution, avec formation de cavernes, mais les surfaces restent unies. » (Béland, 1977 [1955], p.31)
* Calcaire cristallin, c'est à dire marbre.
** Sulfures : sulfures de fer ; pyrite (« or des fous ») et pyrrhotine. Ces minéraux rouillent très facilement et hâtent la désagrégation des roches.


J'avais ce document en main depuis des années. La matière en était si bien assimilée que j'ai négligé de le consulter avant de composer certains billets. Pourtant, des passages et des photos auraient aidé à bien étayer mes propos.

Je répare donc ici une double omission : l'une touchant une arche, l'autre des ravines. (En couleur, mes photos, en noir et blanc, saisies d'écran d'un rapport géologique de R. Béland, rédigé en 1955 et publié par Québec en 1977.)

Vaut mieux tard que jamais, ce qui suppose que tout arrive à temps du moment qu'il finit par arriver...


L'ARCHE



Photo 2. - Caprice de l'érosion : l'arche du lac Pink, dans le parc de la Gatineau, Qc. Comparer cette photo et la suivante avec celle qui ouvre ce billet. Marbre friable, riche en sulfures, graphite et minéraux divers. Le sol est couvert d'un sable grossier formé de cristaux de calcite. (Photo juillet 2004)



Photo 3. - Arche du lac Pink, détail de la surface. (Photo sept. 2007)


MARBRE RAVINÉ (« DISSOLU* »)


* Inutile de m'écrire pour m'apprendre que mon emploi du terme « dissolu » est fautif ; je le sais et je sais que vous le savez, et c'est ce qu'indiquent suffisamment bien les guillemets qui ne le quittent jamais.



Photo 4. - « Calcaire [cristallin, ou marbre] raviné par l'eau. 1¼ de mille [2 km] au nord de Farm Point. » (Béland, 1977) Farm Point est sur la rive droite de la Gatineau, au S de Wakefield.



Photo 5. - Marbre « dissolu » par action de l'eau de ruissellement, l'île Marguerite, à Gatineau (env. 17 km au S du site de Farm Point). Voir ces billets dans ce blogue : lien et lien, ou cliquer sur le libellé «Île Marguerite». (Photo juin 2010)



Photo 6. - Marbre raviné de l'île Marguerite. La dissolution de la calcite laisse en relief les lithologies résistantes incluses dans la masse du marbre. (Photo juin 2010)



Photo 7. - Marbre « dissolu » de l'île Marguerite. En fait de « surface unie » et de « caverne » (cf. Béland, 1977, passage cité), c'est ce que j'ai pu trouver de mieux. (Photo juin 2010)


RÉFÉRENCE

Béland R., 1977 — Région de Wakefield : rapport final. MRNQ, DP-461, 91 p., avec une carte (1/63 360).

jeudi 16 février 2012

Skarns : article recyclé


Skarns, veines et filons

Texte rédigé pour le défunt Bulletin du CMO (Club de minéralogie de l'Outaouais) vers 1997. À cette époque, j'avais la veine pédagogique beaucoup plus affirmée qu'aujourd'hui. Je dépensais beaucoup d'efforts à être bref, clair, exhaustif et compréhensible. Très rapidement, je me suis rendu compte que, sans un peu de bonne volonté de la part du lecteur, tout ce travail est peine perdue !... Je republie ce texte, avec quelques retouches, même s'il contient des redites par rapport à ce blogue (voir par exemple ici et ).


L’Outaouais est vieux, très vieux. Pensez, les roches et minéraux qu’on y trouve ont toutes les chances d’être âgés de plus d’un milliard d’années (qu’ils ne paraissent pas, avouez-le !)

La plupart des sites explorés par les collectionneurs et les prospecteurs dans la région se nichent dans des roches reliées à une période particulière de l’histoire du continent. Il s’agit des veines de fluorite-apatite-calcite et de leurs roches hôtes privilégiées, les skarns.

C’est dans ces veines et leurs environs que s’est concentré l’essentiel de l’activité minière de l’Outaouais à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. On les a fouillées pour en extraire de l’apatite, de la phlogopite et de la molybdénite. Dans les années 1950, on a espéré y exploiter des minéralisations radioactives (uranium, thorium, etc.) (1). Tous ces gisements n’ont plus de valeur économique (quoique, pour ce qui est de l’uranium, la question, au grand dam de plusieurs, se pose à nouveau...), mais pour les collectionneurs de minéraux et les géologues, ces roches conservent leurs attraits.

(1) Tous les skarns ne sont pas nécessairement porteurs de minéraux radioactifs, lesquels ne se confinent pas aux skarns, mais peut être aussi associé à des pegmatites (granite grossier) blanches. Mais toutes les pegmatites blanches ne sont pas pour autant porteuses de minéralisations radioactives...

Petit lexique minéral avant d'aller plus loin
APATITE (n. f.) • Phosphate de calcium comprenant du fluor et du chlore. Les apatites de la région de Gatineau sont des fluorapatites. Source de phosphate (engrais, industrie chimique).
FLUORITE (n. f.) • Fluorure de calcium. Fondant (acier, aluminium, verreries et céramique) ; industrie chimique ; optique. Uniquement recherchée par les amateurs de beaux cristaux dans la région.
PHLOGOPITE (n. f.) • Silicate ; variété de mica magnésien. Isolant thermique et électrique – peintures, panneaux de gypse, ciments, etc. – lunettes de poêles et fourneaux (autrefois).
MOLYBDÉNITE (n. f.) • Sulfure de molybdène ; minerai de cet élément. Aciers réfractaires ; industrie chimique.


Carte 1. – Géologie simplifiée du sud-ouest du Québec et de l'est de l'Ontario.
C'est dans la CCM (voir texte) que l'on retrouve les skarns et les veines de calcite.
Carte Henri Lessard, 1997


Quelques repères géologiques et chronologiques
Les skarns et les veines à fluorite-apatite-calcite (veines de calcite à partir d'ici) affleurent dans une partie du Bouclier canadien que l’on nomme la Province de Grenville, plus précisément dans la CCM (Ceinture centrale des métasédiments), une division de la Province de Grenville (voir carte). (Ne cherchez pas cet acronyme dans Internet : celui-ci, CMB, pour Central Metamorphic Belt, est quasiment le seul usité par les géologues.)

Remontons dans le temps, pas trop loin s’il vous plaît : le petit milliard d’années évoqué plus haut suffira.

À cette époque, la Province de Grenville en était au terme d'une longue suite d’événements qui s'étaient succédés durant 300 millions d’années. Des continents et des arcs insulaires s’étaient télescopés et empilés pour édifier une chaîne de montagnes, aujourd’hui érodée jusqu’à la racine, mais qui devait se comparer altitude et en ampleur à l’actuelle Himalaya.

La CCM constitue un collage de terranes volcano-plutoniques et sédimentaires métamorphisés (2) durant l’orogenèse grenvillienne (3). En parcourant les collines de l’Outaouais, nous «marchons» en fait à 20 ou 30 km sous terre : c’est à cette profondeur que les roches du paysage se sont formées. On peut imaginer l'ampleur du travail de l’érosion à la quantité de rocs enlevés pour que ce sous-sous-sol devienne le sol.

Les veines de calcite et les skarns sont le résultat de processus qui se sont déroulés à ces profondeurs, sous des pressions énormes, à des températures qui ont pu atteindre 670° C.

(2) Le métamorphisme est la transformation d’une roche à l’état solide (sans fusion), lorsque soumise à des conditions de pressions et /ou de températures nouvelles. Par exemple, les actuels marbres de la CCM sont d’anciens calcaires, et les paragneiss sont des shales et des roches argileuses métamorphisés.
(3) Orogenèse : édification des chaînes de montagnes.

Entre plusieurs mots...
L'origine des veines de calcite et de leurs roches hôtes ont fait l’objet de débats qui durent encore. Les roches hôtes ont été désignées sous des noms variés, skarns, pyroxénites, ou roches calco-silicatées (RCS).

Ce dernier terme résume bien leur composition, dominée par les silicates de calcium (et de magnésium) tels le diopside ou l’actinote. Pour le reste des ingrédients, farcissez de phlogopite, scapolite, titanite, apatite, calcite et pyrite, et saupoudrez de molybdénite et de pyrrhotite. Les RCS peuvent renfermer des ségrégations granitiques pegmatitiques. Certains skarns (entre plusieurs mots, adoptons celui-ci, le plus court) se distinguent par leur teneur en minéraux radioactifs, dans la région d'Otter Lake, dans le Pontiac, par exemple. Chez d’autres, ces minéraux sont absents.

Le métasomatisme expliqué
On observe que les skarns longent de façon concordante les marbres et les gneiss et qu’ils sont généralement associés de façon étroite aux premiers (voir carte 2). Il existe tous les cas de transition entre les skarns, les marbres chargés de silicates de calcium et magnésium et les marbres plus ou moins purs.

Les skarns présentent un aspect rubané ou massif et leur grain est moyen à très grossier. Tout comme les marbres, roches particulièrement ductiles, ils ont réagi de façon plastique aux pressions tectoniques et se sont injectées par des failles dans les roches environnantes. Dans le détail, à l’échelle de l’affleurement, les skarns montrent des variations de texture, de granulométrie et de composition parfois déroutantes (photos 1 et 2).



Photos 1 et 2. – Skarns (larges vues)
Diverses teintes de vert : skarns ; rose : filons et masses de calcite ; rouge vin : granite. Les parties claires (gris-vert) des skarns comprennent de la calcite grise (marbre), mais il est difficile sur photos de préciser les contours des lithologies. On peut admirer la sinuosité des lignes et l'aspect souple des contacts, ou demeurer longuement perplexe devant ce méli-mélo.
Autoroute 5 au S de Wakefield (Qc). (Photos, oct. 2008, déjà publiées dans un ancien billet.)


On suppose que les skarns se sont constitués par des réactions de métasomatisme entre des marbres magnésiens silicieux (dolomies impures) et des gneiss durant le métamorphisme régional. Marbres et gneiss auraient échangé des éléments qui se seraient diffusés à travers les roches, par une mixture de fluides, d’éléments volatils et d'atomes nomades (vous venez de lire une sorte de définition du métasomatisme). Dans ce bain de fluides et de minéraux, les gneiss ont fourni le silicium, l’aluminium, le sodium et le potassium, tandis que le calcium et le magnésium étaient déjà disponibles in situ, dans les marbres dolomitiques (4).

(4) Précisons pour la clarté de l'exposé qu'un marbre est constitué de calcite (carbonate de calcium). Avec un peu de magnésium (Mg) dans la formule, on obtient de la dolomite (et donc, du marbre dolomitique). Les marbres de la région (dolomitiques ou non), le plus souvent blancs ou gris, ont un grain réduit comparé à celui, grossier, des filons de calcite rose.

Certains géologues affirment que ce «bain» résulte plutôt d'une interaction complexe entre les marbres et des pegmatites. En plus de «skarnifier» les marbres (les pegmatites apportant le silicium, l'aluminium, etc.), cette interaction aurait saturé les fluides hydrothermaux accompagnant les pegmatites en carbone et calcium ; ces fluides auraient pu ensuite créer les accumulations de calcite rose dans le skarn lui même, ou le déborder et migrer plus loin, dans d'autres milieux (photo 5).


Carte 2. – Intrication des marbres et des skarns à Cantley (Qc), au N de Gatineau.
Pas d'inquiétude : les skarns de ce secteur ne sont pas porteurs de minéraux radioactifs...
«Undivided Metamorphic Rocks» : gneiss et granites, principalement.
«Partridge Lake» : lac à la Perdrix.
Carte tirée de Hogarth (1988).


Veines, dykes et carbonatites
Il suffit qu'une veine de calcite affleure pour qu'accourent les collectionneurs de minéraux. On a aussi appelé ces veines, qui se réduisent parfois à des masses irrégulières, filons-dykes (veins dykes) pour souligner leur caractère intrusif et souvent discordant dans les roches encaissantes. Elles peuvent atteindre plusieurs centaines de mètres de longueur par quelques mètres en largeur. C’est de ces veines et de leur voisinage que provient l’essentiel de l’apatite et de la phlogopite extraites autrefois dans la région. Elles restent des sites de choix pour la collecte de beaux minéraux. L’apatite, de couleur rouge ou verte – une fluorapatite en fait – forme des cristaux idiomorphes (5) de quelques cm à plusieurs dm. À certains endroits, des livrets de phlogopite idiomorphe qui se mesurent normalement en centimètres, ont atteint 1,5 m de large.

(5) C’est à dire «bien formés». À l’inverse, un cristal dont les contours sont quelconques et qui n’a pas développé ses formes propres est dit xénomorphe («formes étrangères»).


Photo 3. – Skarn
Skarn (bleu gris) recoupé de granite (rouge sombre), de calcite rose (en bas et à la gauche du centre) et d'apatite turquoise (peu perceptible ici, voir photo suivante).
Chelsea, Qc (oct. 2008).

Photo 4. – Skarn (détail)
Calcite rose et apatite turquoise. Masse blanchâtre et filons blancs : granite ?
Chelsea, Qc (oct. 2008).


La structure de ces veines se construit selon une zonation concentrique : des cristaux de diopside se projettent à partir des parois; suivent des couches de phlogopite et de calcite puis vient au centre un noyau de calcite-fluorine où sont épars des cristaux de phlogopite et d’apatite (6). La trémolite-actinote est associée au diopside. La liste des minéraux accessoires est la suivante : barytine, fluorine, microcline, molybdénite, pyrite, scapolite, titanite et tourmaline.

(6) Tout ceci, d'après les «textes» ; sur le terrain, la réalité m'a toujours semblé plus complexe et plus inventive (Voir photo 4.)

Il arrive que les veines passent à des marbres ordinaires par réduction de la taille du grain et par décoloration de la calcite. Leur existence suppose un apport en certains minéraux, outre ceux déjà évoqués, le fluor par exemple, nécessaire, avec le phosphate, au développement des cristaux de fluorapatite.

Des géologues considèrent que certaines veines de calcite seraient des carbonatites, c.-à-d. des roches ignées composées en majeure partie de carbonates (comme d'ailleurs il en existe dans la région).

Le débat n'est pas clôt. La question est de savoir si les fluides qui ont mené à la formation des veines de calcite sont les mêmes qui avaient auparavant participé à la création des skarns, ces premières étant manifestement tardives par rapport à ces derniers qu'elles traversent au mépris de leur fabrique (veines discordantes, voir carte 3).

Dates
Une limite supérieure de l’âge des skarns et des veines de calcite est donnée par celui du métamorphisme (1185 millions d’années dans la région de Mont-Laurier), une limite inférieure par l’âge minimun de l’intrusion des pegmatites et des carbonatites (près de 1030 millions d’années pour les une et les autres). Il s’agit là d’une marge confortable, marge d’incertitude ou marge d’erreur, comme il vous plaira de la considérer.


Photo 5. – Veine de calcite à phlogopite et fluorite verte recoupant un orthogneiss :
preuve que ces intrusions de calcite débordent des skarns auxquels on les associes habituellement.
Chelsea (1999).


Hier et demain
Les gisements associés aux skarns et aux veines de calcite se caractérisaient par leur taille modeste (à l'échelle mondiale) et leur dispersion. Ceci, joint à leur contours imprévisibles, explique qu'ils aient été abandonnés peu à peu, parfois dès le XIXe siècle pour les mines d'apatite. La dernière mine de mica de l'Outaouais (la mine Blackburn de Cantley, un moment la principale du Québec) a été fermée en 1964.


Carte 3. – Mine Blackburn de Cantley (dite aussi mine Vavasour, Gemmill et Nellis), Qc.
En activité de 1878 à 1964. Elle est située à l'W du territoire représenté sur la carte 2
La «Roche à silicate calcique» correspond aux roches calco-silicatées de notre texte (skarns).
Les «veines de [calcite] à mica et apatite» sont numéroté de 1 à 8 sur la carte. De direction NE-SW à NNE-SSW, elles recoupent le plan de foliation des roches de même que les contacts lithologiques et se prolongent hors du skarn jusque dans le gneiss à biotite. 
Carte tirée de Hogarth et al. (1972).


Aujourd'hui, si les prospecteurs et les compagnies minières font à nouveau les yeux doux à notre région, cherchez la cause du côté de l'augmentation du prix de l'uranium (dans les skarns, veines de calcite et des pegmatites) et des terres rares (ces dernières étant associées à des carbonatites). Là encore, la petite taille des gisements, leur faible teneur et leur dispersion cause problème : en compliquant la découverte de gîtes exploitables (du point de vue des compagnies minières), en éparpillant la prospection sur un large territoire (du point de vue des habitants du dit territoire)...


RÉFÉRENCES
  • Hogarth D.D., 1988 — «Chemical composition of fluorapatite and associated minerals from skarn near Gatineau, Québec.» Mineralogical Magazine ; vol. 52, p. 347-358.
  • Hogarth D.D., Moyd L., Rose E.R., Steacy H.R., 1983 — Localités minéralogiques classiques en Ontario et au Québec. CGC ; rapport divers 37, 84 p.
  • Hogarth D.D., Rushforth P., 1986 — Selected mineral localities in the Precambrian north of Ottawa. GAC/MAC/CGU, Joint Annual Meeting, Ottawa, 1986, Field Trip Guidebook 9B, 23 p.
  • Hogarth D.D., Moore J.M., dans : Baird D.M. (compil. et édit.), 1972 — Géologie de la région de la Capitale nationale. Commision géologique du Canada, livret guide bilingue, 24e congr. géol. internat., Montréal, excursions B23 à B27, 2 fois 36 p.
  • Lapointe, S., Gauthier, M., Nantel, S., 1993 — Étude d’indices d’uranium, de thorium et de molybdène dans la région de Maniwaki - Grand-Remous. MERQ, MB 93-68, 102 p.
  • Lentz D.R., 1991 — U-, Mo-, and REE-bearing pegmatites, skarns and veins in the Central Metasedimentary Belt, Grenville Province, Ontario. GCA/MAC/SEG; Joint Annual Meeting, Toronto 1991, Field Trip Guidebook A9, 16 p.
  • Shaw D.M., Moxham R.L. et al., 1963 — «The petrology and geochimistry of some Grenville skarns – Part I-II.» Canadian Mineralogist ; v. 7, p. 420-442 et 578-616.


dimanche 12 février 2012

Farrelton, QC (IV) : la photo oubliée


LOCALISATION

Chemin Woods, jonction avec la route 105, à Farrelton (au N de Wakefield, le long de la Gatineau), QC.
Voir ce billet pour une description plus complète du site.


Billet supprimé. Suivre plutôt le lien ci-haut vers le billet principal consacré au site (marbre blanc avec diverses inclusions disloquées).

samedi 11 février 2012

Farrelton III : «roche noire» (Ajout)


Affleurement rocheux à Farrelton (Québec), le long de la route 105. Marbre clair, roche calco-silicatée verte, «roche noire» et calcite rose. La géologie du site est décrite dans ces deux billets (lien, et lien). Le présent billet porte sur la nature de la «roche noire» (en fait, d'un gris-vert  sombre) sectionnée en plusieurs morceaux. (Photo 10 octobre 2010.)

M'étant déjà trompé dans l'identification de cette «roche noire» en me fiant aux couleurs et au contexte, j'ai préféré y aller cette fois avec méthode et circonspection.

Dans mon précédant billet, la roche noire (ou gris très sombre) dont les fragments sont emportés par de la calcite rose saumon est identifiée comme étant une syénite, roche qui, en elle-même, n'offre habituellement aucun problème d'identification. Toutefois, dans un contexte favorable à la présence de roches calco-silicatées de toutes sortes (de blanc verdâtre au vert sombre), au milieu de tant de lithologies pouvant s'être mutuellement contaminées, la prudence est de mise.

Le mieux est de décrire la roche litigieuse :

  • Composition (sans prétention d'exhaustivité) : feldspath gris clair (microcline ?, ou feldspath potassique ; un seul plagioclase révélé par ses macles polysynthétiques), minéral gris vert à cassure quelconque et éclat vitreux/résineux qui n'est probablement que de l'oligoclase (plagioclase sodique), hornblende noire et mica noir (biotite) ;
  • Grain : moyen (moins d’un mm à 2 mm, rares phénocristaux xénomorphes de feldspath gris clair) ;
  • Texture : xénomorphe (les cristaux se sont mutuellement empêchés de développer leur forme idéale) ; des grains minuscules de hornblende et/ou mica sont épars ;
  • Structure : massive (sans orientation privilégiée).

Texture et structure me semblent typiques des granites et des syénites. Je ne suis pas un spécialiste, mais la composition et l'allure de cette roche rappellent un faciès de la syénite du batholite de syénite-diorite de Wakefield qui affleure au S (voir aussi la dernière photo du présent billet).

La composition de la syénite de Wakefield, roche habituellement de couleur rose ou orangée, mais dont des variétés grises existent, évoque fortement notre syénite de Farrelton :

  • Mésoperthite (phénocristaux), microcline, oligoclase, augite, hornblende, biotite (Hogarth, 1970).


Échantillon de la syénite noire ; longueur : 12 cm. L'éclairage intérieur éclaircit beaucoup la roche (je n'ai pas utilisé de flash). Une partie des feldspath gris ont des teintes verdâtres que la photo capture mal. Échantillon recueilli le 10 octobre 2010.

Détail de l'échantillon ; largeur du champ : 2,5 cm. Quelques teintes gris vert sont plus ou moins bien rendues (oligoclase ?)


Autre détail de l'échantillon ; largeur du champ : 2,5 cm. 
Le gris prédomine.


Après reflexion, les choses m'apparaissent presque évidente. C'est souvent ainsi.

Le jour, toutes les syénites (parfois) sont grises...


Skarn ou roche calco-silicatée (à gauche) en contact avec la syénite de Wakefield (faciès gris, à droite).
Vallée du ruisseau Meech, au S de Wakefield, mai 2009. Voir ce billet.


Référence
Hogarth D.D., 1970 – Geology ot the southern part of the Gatineau Park, national capital region. GSC, Paper 70-20, 7 p., with map 7-1970, 1:18 000.


AJOUT (12 février 2012) 

 Autre syénite, de Cantley celle-là (rue Marsolais). Feldspaths, biotite et hornblende. 
Largeur du champ : 4,5 cm.

jeudi 9 février 2012

Farrelton (suite) : le rose et le noir


(Suite du billet précédent. Voir aussi cet ancien billet, et celui-ci.)


1. © Google Street
Au centre, calcite rose et blocs de syénite noire.
Route 105 au S du chemin Woods ; le N est à droite.
(Affleurement au S de celui étudié dans le précédent billet.)


INTRO
Dérives d'un corps de syénite noire dans un marbre clair très accommodant, hôte, par ailleurs, d'une roche calco-silicatée verte (RCS*), intrusion de calcite rose, création de veines d'hématite rouge, etc.

Comme dans une rame de métro bondée, une telle promiscuité compliquée par l'irruption continue de tant de nouveaux protagonistes ne s'est pas créée ni maintenue sans glissements, réajustements et soubresauts. La nuance est que ces bris et froissements se sont déroulés à plus de vingt km de profondeur, au cœur de la croûte terrestre, il y a plus d'un milliard d'années. Puisque nous parlions de métro, avouons que tout ceci donne la vraie mesure du terme underground...

La situation sur cette tranchée de route est un peu plus complexe que sur la colline immédiatement au N où les relations entre une RCS et le marbre s’appréhendaient facilement ; la RCS, enclose dans le marbre, avait été étirée et rompue, ses débris, gros et petits, flottant dans le marbre.

LOCALISATION
Route 105, au S du chemin Woods, rive droite de la Gatineau, Farrellton, QC.

CONTEXTE GÉOLOGIQUE
Marbre et roches calco-silicatées (RCS) ou skarn* ; province (géologique) de Grenville du Bouclier canadien ; âge : plus d'un milliard d'années.

* Roches calco-silicatées, skarns : j'ai déjà parlé de ces types de roches ; voir le billet précédent (lien plus haut, au début du texte) et celui-ci.


Sauf l'emprunt à Google Street qui ouvre ce billet, toutes les photos sont de l'auteur du blogue et ont été prises le 10 octobre 2010.


2A. Centre de la tranchée de route (montage photo)
Marbre gris clair, RCS verte, corps d'une syénite noire rompu en plusieurs blocs et calcite rose.


2B. Le rose et le noir...
Détail. Admirez la netteté de la cassure. La rupture semble toute récente. 
En réalité, elle date d'un milliard d'années.


LES ÉVÉNEMENTS, EN VRAC
Intrusion de calcite orangée dans l'espace que semble avoir libéré la rupture et la dislocation d'un corps de syénite noire en plusieurs blocs (photo 2B). Les cassures sont nettes et anguleuses, sans aucun émoussé ; on peut présumer que la syénite (roche magmatique) était refroidie et solidifiée quand les forces tectoniques qui l'ont brisée sont entrées en action.

La calcite rose provient peut-être des marbres environnants, lessivés qu'ils auraient été par les fluides accompagnant les intrusions magmatiques (syénite ici ; granite au N, voir billet précédent).

En haut à gauche et au centre (toujours de la photo 2B) : reliquats d'une RCS verte, elle aussi rompue par le «flot» de calcite rose.

Sur la photo 3, on remarque que le contact de la syénite avec le marbre (nous ne parlons pas ici des cassures, nettes, plus tardives) est à la fois net et arrondi. L'attitude accommodante du marbre, roche très ductile, semble lui avoir permis d'envelopper et d'adoucir les contours des blocs de syénite. Détail peu visible sur les photos, la syénite a conservé tout au long des événements une structure massive, sans orientation privilégiée de ses cristaux, et n'a donc enregistré dans sa substance aucune empreinte de ses pérégrinations dans le marbre.

* Je consacrerai un prochain billet à cette syénite. (Il s'agit sans doute d'un faciès de la syénite de Wakefield qui affleure au S du secteur.)


3. Contact marbre gris clair et syénite noire
Détail. Le rubanement du marbre (gris pâle, en bas, à gauche, et au centre), d'allure presque horizontale, est recoupé par la syénite noire. Les lits de la RCS verte, recoupée aussi par la syénite, semblent concordants dans le marbre. Le séjour, ou plutôt le «passage», du corps de la syénite dans le marbre (avant sa rupture en plusieurs blocs) semble avoir adoucit ses contours.


RECOUPEMENTS
Je n'oserais discuter de façon trop péremptoire des relations de recoupements que l'on pourrait déduire de l'observation des roches de cette tranchée de route. Voici quand même quelques éléments à conserver en mémoire pour futures(?) discussions :


  • Le marbre est la roche hôte qui a accueilli les autres lithologies qui sont donc tardives par rapport à lui. La calcite rose est la dernière venue et semble avoir eu pour mission de combler les vides laissés par la rupture finale du bloc de syénite ;
  • Ce corps de syénite original (avant fracture en plusieurs blocs) a fort probablement été arraché, par fluage du marbre, à une masse plus importante. Notre corps de syénite n'était déjà plus «en place» – à sa place originelle – avant que survienne la calcite rose. Le fluage du marbre s'est produit alors que la syénite (rappelons qu'il s'agit d'une roche magmatique) était déjà refroidie et solidifiée. D'ailleurs, celle-ci a conservé sa structure massive et n'a été affectée que marginalement par ses périples et avanies (contours arrondis) ;
  • La RCS verte a été affectée de la même manière que le marbre par les blocs de syénite et de la même manière que ce dernier par la calcite rose. Le rôle de cette RCS, au moins partiellement concordante dans le marbre, reste à établir. 
  • Ajout (12 févr. 2012). Une autre lecture est possible : la RCS peut être un skarn, résultat du contact in situ de la syénite avec le marbre ; le démembrement et l'introduction de calcite rose auraient ensuite affectés l'ensemble skarn/syénite. Resterait à expliquer l'aspect (au moins partiellement) concordant du skarn dans le marbre et la netteté des contacts de la syénite avec le skarn et le marbre, de même que l'absence de contamination de la syénite (absence d'endoskarn).


4. Boudin d'une RCS sombre dans une RCS plus pâle
(Extrémité S de la tranchée de route sur la photo 1.)


5. RCS vert pâle à phlogopite (mica)
(Au S de la syénite disloquée.)
RCS vert pâle. On y trouve du mica (phlogopite), minéral exploité dans des sites plus riches durant les XIXe et XXe siècles (voir photo 6).


6. Phlogopite (mica) dans une RCS vert pâle


7. Fragments d'une RCS dans un marbre rosâtre
(Extrémité N de la tranchée de route sur la photo 1.)


8. Veines d'hématite (rouge) dans le marbre blanc/gris
De semblables veines concordantes parcourent la roche de haut en bas de la falaise à quelques endroits.


À suivre.


Pour en savoir plus, voir les libellés suivants : «Calcite (intrusions)», Syénite de Wakefield» et «Skarns».

dimanche 5 février 2012

Farrellton, QC : en vert et blanc (Ajout)


Billet retouché le 12 février 2012 et les 10 et 19 juillet 2014.


Fig. 1. Marbre blanc et paragneiss vert

Chemin Woods, jonction avec la route 105, Farrelton (en Outaouais), octobre 2010. Les formations plongent vers la droite, vers l'E. Un ruban gris dans le marbre a été sectionné net et ses deux parties écartées l'une de l'autre tandis que le paragneiss, faillé, n'a été que légèrement dérangé. Le marbre, plus ductile, s'est mieux plié aux contraintes tectoniques. (Les rubans gris/blanc à droite, dans le marbre, ne semble pas avoir été affectés.)


Localisation
Chemin Woods, jonction avec la route 105, à Farrelton (au N de Wakefield, le long de la Gatineau), QC.
45.732538, -75.907347
Le site a déjà été mentionné dans ce blogue : ici, et ici.
Contexte géologique
Marbre contenant des enclaves de roches calcos-silicatées (skarns et gneiss)* ; province (géologique) de Grenville du Bouclier canadien ; âge : plus d'un milliard d'années.
* Roches calco-silicatées, skarns : voir ce billet


Couleurs

De façon générale, pour qui n'y accorde aucune attention, toutes les roches sont grises, sales et indistinctes. Dès que l'on commence à s'y intéresser, on se rend compte que la réalité est plus nuancée, en tout cas plus colorée. Sans prétendre à la flamboyance de l'arc-en-ciel (quoique...), une roche peut réussir à se faire remarquer par sa couleur : «La roche verte sur la route près du chalet», «La roche rouge de la falaise au bout du lac.»

Un bel affleurement montrant un skarn ou roche calco-silicatée (RCS) en voie d'assimilation par menus fragments par un marbre nous permet cependant de nous prémunir contre une tentation qui pourtant semble tomber sous le sceau du bon sens : identifier une roche par sa couleur.

À l'exception de celles empruntées à Google, les photos de ce billet ont été prises le 10 octobre 2010.


Fig. 2A. Marbre blanc, granite blanc aussi et gneiss vert foncé
Des bords vers le centre : marbre blanc (M), gneiss calco-silicaté vert foncé (RCS) et granite blanc (Gr).
Le paragneiss sombre est dans doute le reliquat d'un banc étiré et rompu dans le marbre (voir la figure 7). Le granite se confine au paragneiss qu'il découpe au petit bonheur. Le gneiss a pourtant une structure foliée qui aurait invité à une invasion lit-par-lit...
Chemin Woods, jonction avec la route 105.


Fig. 2B. Détail
Détail : la propreté du granite blanc me rend perplexe : il semble n'y avoir eu aucune influence réciproque avec le marbre ou le gneiss pour le contaminer.


Fig. 3A. Détail de l'affleurement en 2A
Les contacts entre le paragneiss calco-silicaté vert et le marbre blanc sont concordants ; le rubanement du marbre (mieux visible en haut) plonge vers la gauche (vers l'E) et le gneiss semble bien se conformer à cette structure. Conformité d'origine (stratification primitive) ou acquise («enveloppement» du gneiss dans le marbre grâce à la ductilité de ce dernier) ?


Fig. 3B. Détail


Fig. 4. © Google Street
Marbre blanc et paragneiss vert sombre rouillé ; le N est à droite : vue de profil de l'enclave de paragneiss de la photo 2A. La rouille aide à repérer les éléments du gneiss qui apparaît comme une enclave étirée et disloquée dans le marbre.


Fig. 5A. Marbre blanc, enclaves d'un gneiss disloqué
Marbre blanc et fragments dispersés d'un paragneiss vert disloquée. Vue vers l'ouest. Noter la bande verte ondulée sous le X dans le cercle blanc : voir gros plan sur photo suivante.


Fig. 5B. Détail
Vue rapprochée de la bande sombre gneissique (X dans le cercle blanc, photo 5A). La direction du rubanement est NW-SE, le miroir de la boussole pointant vers le N.



Fig. 6A-B. Enclaves disloquées dans le marbre
L'autre côté de la colline de la photo 4. Marbre blanc et enclaves sombres non identifiées. Le rubanement du marbre enveloppe les enclaves. Voir, pour un phénomène de fluage semblable, la photo 456 de ce billet : lien.


La suite ? Eh bien, elle suivra suit...


Ajout de dernière minute



Légende de la fig. 7. © Google Earth
Vue satellite de l'affleurement. Je l'ai découverte juste avant de mettre en ligne ce billet.
Le marbre, surexposé, y apparaît blanc de neige ; sa couleur rouille trahi le paragneiss calco-silicaté et ses fragments. L'étirement et la rupture du banc de gneiss en deux «gouttes» ou «larmes» y sont patentes. L'orientation générale de la structure est un peu moins vers le NW que ne le laissait penser la boussole de la photo 5B ; elle est plutôt NNW. Ne jamais se fier à un relevé unique, surtout pris sur un élément qui a pu être dérangé, comme une enclave dans un marbre...