samedi 23 janvier 2010

Prolongement de l'autoroute 5, Chelsea (Québec) : vallée du ruisseau Meech (fin)

173. – Skarn ou roche calco-silicatée (à gauche) en contact avec une syénite (à droite). 
Description plus bas. (Mai 2009)

SUITE DE LA «PARTIE 3».

Dernier d'une série de quatre billets, ultime étape que je voyais approcher avec un soupçon de crainte ; la raison en découle de la difficulté de rattacher une partie de ce que j'ai vu sur le terrain à ce que je lis sur la carte géologique. Nulle reproche à celui qui l'a dressée, mais, à l'époque (la carte a été publiée en 1989), la magnifique coupe à travers les formations que nous a procurée le prolongement de l'autoroute 5 n'existait pas. Grâce aux tranchées de route, nous bénéficions maintenant d'une série d'affleurements frais et continus qui se laissent déchiffrer sans efforts.

Quoique...

AUTOROUTE 5 – CARTE GÉOLOGIQUE
Extrait coloré de la carte de Dupuy (1989), déjà affichée dans les précédents billets de cette série.
Note. – Les photos 9030 à 9049 sont exposées à la «Partie 3» de cette série ; la photo 9041 est aussi affichée dans la «Partie 2».


MARBRE BRUCITIQUE (voir «Lexique», en annexe.)
Photos 0150-0151. – Marbre brucitique* (M13c), selon la carte de Dupuy (1989), contenant des lambeaux (boudins) d'une roche calco-silicatée semblable, sans doute, à celle dont il a été question dans le précédant billet – ou à celle dont la description suit plus bas. (N à gauche ; mai 2009.)

(Les * renvoient à l'«Annexe : lexique», à la fin du billet.) 



RCS OU SKARN ?


Photos 161 et 173 (cette dernière au début du billet). – Roche calco-silicatée (RCS)* verte en contact avec une syénite* grise (I2D sur la carte). Contact net mais complexe ; chacune des roches contient des enclaves de l'autre ; le démantèlement de la RCS par la syénite semble particulièrement efficace tandis que la RCS propulse de minces filons dans la syénite. (Photos : N à droite ; mai 2009.)

À cet endroit, on s'attendrait plutôt à voir, selon la carte, un marbre brucitique (M13c) en contact avec avec la syénite (avec cette réserve toutefois que je n'ai pu pointer le site qu'approximativement sur la carte). Mais il est possible qu'au lieu d'une RCS, nous ayons plutôt affaire à un skarn*, roche obtenue par la réaction d'une roche carbonatée (marbre ou dolomie...,) avec une roche magmatique :

Carbonate de calcium + silicates + chaleur  = roche calco-silicatée de contact, ou skarn 
+ hurlements des géochimistes devant un raccourci aussi outrageusement simplifié des choses.

Argument de poids en faveur de cette interprétation, de semblables skarns se sont développés dans les marbres dolomitiques du secteur au contact de la syénite. Cette altération en périphérie s'est accompagnée d'une autre, plus en profondeur, par altération hydrothermale ; la dolomite a été transformée en calcite par la libération du magnésium qui s'est concentré dans un minéral nouveau, la brucite* :

Dolomite (carbonate de calcium et de magnésium) + H2O + chaleur =
calcite (carbonate de calcium) + brucite (hydroyde de magnésium) 
+ nouveaux concert de protestations venant du chœur des géochismistes...

Détail de la photo 173.

Qui dit concentration n'est pas loin de penser rentabilité. De fait, la brucite (minerai du magnésium) a été exploitée dans la région immédiate du site, témoins les carrières Stephen Cross (fermée au public) et Maxwell (site d'une tour à bungee), actives de 1941 à 1968 (Dupuy, 1989), à moins de 2 km au N du secteur couvert par l'extrait de la carte de Dupuy (1989) présenté ici (où figure d'ailleurs un petit gîte de brucite).

Mais tout ceci est une autre histoire... (Un aperçu raisonnablement complet des ressources minérales de l'Outaouais et de son histoire minière est en préparation.) 

PERSPICACITÉ
« Mais dites-nous, monsieur, protesterons les plus éveillés d'entre mes lecteurs, êtes-vous en train de nous dire que vous auriez du mal à distinguer sur le terrain une RCS (constituée, disons, de diopside) d'un skarn (composé lui aussi, disons, de diopside) ? »

On ne saurait mieux résumer mon propos. Sans l'aide du contexte (fourni ici par les tranchée de route et la carte géologique), un affleurement isolé peut-être difficile à interpréter.

RÉFÉRENCES
Dupuy, H., 1989, Géologie de la région de Wakefield-Cascades. Ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, Québec, MB89-18, 1989, 14 pages, avec 1 carte (1/20 000).
Le prolongement de l'autoroute 5 : pour la sécurité! Transport Québec. [Lien mis à jour.]

ANNEXE : LEXIQUE (complète l'«Annexe» de la «Partie 3»).
Brucite (n.f.). – Minéral ; hydroxyde de magnésium. Briques et ciments réfractaires. Briques et ciments réfractaires.
Skarn (n.m.) et Roche calco-silicaté (n.f.). – Skarn : roche composée de minéraux calco-silicatés, résultat de l'interaction d'une roche carbonatée et d'un magma (métamorphisme de contact). Au pays, le mot est souvent utilisé comme synonyme de roche calco-silicatée résultant du métamorphisme régional d'une dolomite impure (voir «Partie 3»), sans présumer de son mode de formation. Ces usages n'aident en rien à la clarté des exposés.
Syénite (n.f.). – Roche magmatique ayant le feldspath alcalin comme minéral principal, et dépourvue de quartz, contrairement au granite. Elle doit son nom à un ville d'Égypte, Assouan (anciennement Syène), où l'on a exploité dès l'Antiquité des carrières de granite : en effet, selon les systèmes modernes de classification, la roche d'Assouan n'est plus considérée comme une syénite...


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