mardi 13 octobre 2020

Brique écossaise du lac Leamy (AJOUT)

Photo Paul Paquette, lac Leamy, Gatineau QC, 2017.
Cette demi-brique a été découverte par M. Paul Paquette au lac Leamy (Gatineau QC), à l'endroit où s'élevait le moulin à vapeur de la scierie d'Andrew Leamy (1854-1874 ; voir billet du 6 août 2020 ; « Le canal oublié du lac Leamy ».)

L
a brique portait une marque de son fabriquant. Seule la fin des trois lignes de l'inscription était lisible :

... ENT
... (W?)N & SON
...LEY


M. Paquette a aussitôt fait le lien avec les briques réfractaires importées d'Écosse trouvées sur le site voisin de l'ancien moulin à vapeur de la Gilmour & Hughson, au parc Jacques-Cartier (1873-1933 ; voir billet du 21 sept. 2020, « Les briques écossaises de la Gilmour ».

L'Écosse a longtemps été une grande productrice de briques réfractaires. Elles étaient recherchées pour leur qualité et les commandes affluaient de partout au monde. Le Château Frontenac par exemple se pare d'un « revêtement mural de brique de Glenboig orangée [1]. » À propos de la briquerie de Glenboig, justement, on dit ceci : « C'était la plus grande manufacture de briques réfractaires au monde à la fin du XIXe s. et les GLENBOIG ont été exportées dans presque tous les pays industrialisés (ma traduction) [2]. »

J'ai consulté le site Internet de Cranston, Scotland's Brick Industry, consacré, comme son nom l'indique, à l'industrie de la brique en Écosse. N'ayant pu trouver parmi sa nomenclature de briques une qui corresponde à celle de M. Paquette, j'ai envoyé un courriel à M. Cranston pour lui demander d'éclaircir la question.

[1]. - « Lieux patrimoniaux du Canada », http://www.historicplaces.ca/fr/rep-reg/place-lieu.aspx?id=1320, consulté le 4 mars 2017.
[2]. - « It was the largest fireclay company in the world at the end of the 19th century and GLENBOIG firebricks were being exported to nearly every industrial country in the world. » http://www.scottishbrickhistory.co.uk/glenboig-3/, consulté le 4 sept. 2016.

Voici la réponse de M. Cranston, venue par courriel, texte et photo :

Photo Mark Cranston.
« Yes indeed your brick is Scottish and would have read "Patent R Brown & Son, Paisley''. 

Robert Brown was a very influential businessman in the Paisley, Glasgow area and he was also the Provost of Paisley for a number of years.

He owned several brickworks in the area, Ferguslie Fireclay Works, Shortroods Brick and Tile Works and the Caledonian Brick and Drain Pipe Works. »

Bref, la brique de M. Paquette est bien d'origine et de fabrication écossaise. Celle de M. Cranston est toutefois plus photogénique que la sienne...

La brique du lac Leamy et de celles de la Gilmour pourraient cependant provenir de remplissages récents (après 1950). Mais comme elles ont été trouvées à l'endroit où se sont élevés autrefois des moulins à vapeur, j'accorde un poids relatif à cette hypothèse. Les briques ont toutes les chances d'être des reliques de ces anciens moulins.

Elles ont traversé l'Atlantique pour servir quelque part à quelque chose avant d'être répandues au sol ! Il serait intéressant de savoir s'il y a eu d'autres moulins à vapeur dans la région. Sujet à explorer...

Notons que si les fondateurs de la Gimour étaient d'origine écossaisse, Andrew Leamy était d'origine irlandaise (voir mes deux billets cités plus haut).

Montage et retouches Henri Lessard © 2018.


Le lac Leamy : position du moulin à vapeur de la scierie d'Andrew Leamy, 1884 vs 2018.

1884 (carte)
A : Old Canal (datant de 1848); 
B : New Canal (datant de 1865); 
C : Leamy’s Old Steam Mill; 
D : décharge du Lac Leamy dans l’Outaouais; 
E : entrée du cours d’eau intermittent qui s’écoulait dans le ruisseau de la Brasserie; 
RG : rivière Gatineau; pointillé dans la Gatineau : estacades.
Modifié du Plan of the government works at the mouth of the Gatineau River. Surveyed by W.J. Macdonald. P.L.S. Ottawa, Dec. 6th 1884. J.H. Roy (détail).
No MIKAN 4133993, 
Bibliothèque et Archives Canada.


2018, photo satellite (© Google)
I : île dans la Gatineau ; 
LC : lac de la Carrière.

AJOUT (14 oct. 2020)

À propos de la possibilité de trouver des briques écossaises ailleurs dans la région, signalons celle trouvée à Rockland (ON) et dont parle le site Scotland's Brick and Tile Manufacturing Industry de Mark Cranston.

Il s'agit d'une Gartcraig Scotland No 6*. Elle a été trouvée par Helen Pace : « The brick we found in our yard in Rockland, Ontario, Canada », selon ses propres mots.

* Le site de la Gilmour a donné une Gartcraig Scotland No 1. (Voir le billet du billet du 21 sept. 2020, « Les briques écossaises de la Gilmour ».)

Gartcraig Scotland No 6.
Photo Helen Pace, Rockland ON, dans : 

Rockland est située à moins de 50 km à l'est de Gatineau, sur la rive droite de l'Outaouais, en Ontario. 

« In 1868, a young entrepreneur, William Cameron Edwards, decided to establish a sawmill at the McCaul point [Rockland]. [...] The woodmill owned by W. C. Edwards closed in 1926, as a result of the economic turmoil following the First World War. » (Wikipédia)

Le moulin à vapeur de Rockland a été la proie des flammes en 1875 pour être ensuite reconstruit*. 

* Hughson, John W. et Courtney C.J. Bond. Hurling Down The Pine. The story of the Wright, Gilmour and Hughson Families, Timber and Lumber Manufacturers in the Hull and Ottawa Region and on the Gatineau River, 1800-1920. Chelsea, Historical Society of the Gatineau, 1987, 3e édition, révisée, (1re éd. 1964), p. 51.

Moulin à scies (à vapeur) Edwards, à Rockland ON, en 1914. Au loin, la rivière des Outaouais et la Bouclier canadien, au Québec, sur la rive nord.

Source : Histoire de Rockalnd. E. Paul, 1914 ; don de John Conningham, Bibliothèque Publique de Clarence-Rockland, Digital Prescott Russell en Numérique.  

Le fait que ces briques réfractaires écossaises n'ont été rencontrées jusqu'ici que sur le site d'anciens moulins à vapeur conforte l'hypothèse qu'elles proviennent bien de ces moulins. Mais pourquoi tant de briques disparates pour trois moulins à vapeur ? La question, déjà posée dans le billet du billet du 21 sept. 2020 (« Les briques écossaises de la Gilmour ») n'a toujours pas trouvé de réponse satisfaisante. Le fait qu'ils aient souvent été incendiés et reconstruits explique peut-être en partie la variété des débris.

Brique après brique, nous arriverons bien à quelque chose...

lundi 21 septembre 2020

Hors sujet : Les briques écossaises de la Gilmour


Il y a une suite à cet article : billet du 13 oct. 2020, « Brique écossaise du lac Leamy » :
https://geo-outaouais.blogspot.com/2020/10/brique-ecossaise-du-lac-leamy.html


Texte adapté de mon article : Henri Lessard, « Les briques écossaises de la compagnie Gilmour », Hier Encore, no 10, 2018 (p. 48-53). Voir le billet du 4 sept. 2016 qui l'a précédé et inspiré : « Hors sujet : briques écossaises à Gatineau ».)

Les photos sont de moi et ont été prises en octobre-novembre 2015 et en août-septembre 2016, sauf indication contraire pour la date.


Photo 1. La Maison du vélo (X sur la Carte 1),
ancien bâtiment administratif de la 
Gilmour & Hughson construit en 1892.


INTRODUCTION

Depuis quelque temps, je mène des recherches pour m’assurer de l’existence d'anciennes digues sur la rive droite du ruisseau de la Brasserie, au nord de l'Île-de-Hull. À défaut de poser le pied sur l’une de ces constructions[1], je suis malgré tout parvenu à mettre la main sur quelque chose de tout à fait palpable et même de carrément pondérable, vous en conviendrez : un surprenant lot de briques d'origine écossaise (Lessard, 2016).

[1]. - La rédaction de ce texte date de 2017. Depuis la parution de cet article en 2018, je suis parvenu à mettre pied sur cette digue ou jetée. Voir le billet du 19 nov. 2015, « Ruisseau de la Brasserie : recyclage d'anciennes structures » et suivre les liens.

L'extrémité NE de l'Île-de-Hull forme un promontoire à la pointe duquel le ruisseau de la Brasserie se jette dans l'Outaouais. Ce plateau régulier est aujourd'hui partie du parc Jacques-Cartier. La Maison du Vélo, petite construction en pierre calcaire locale, constitue le centre du secteur (Photo 1). Elle accueillait à l’origine les bureaux de la Gilmour & Hughson Company[2] qui, de 1873 à 1920, a exploité une scierie sur le terrain (carte 1).

[2]. - « Le bâtiment a été construit [en 1892] par Richard Lester, un maçon d’Ottawa, pour loger le siège social de l’entreprise forestière de la Gilmour Hughson Lumber Co. » « Lieux patrimoniaux du Canada », http://www.historicplaces.ca/fr/rep-reg/place-lieu.aspx?id=10859, consulté le 4 mars 2017.

CALEDONIA


La rive du ruisseau sous le promontoire est jonchée de débris de toutes sortes, ancres de béton, pièces de fer rouillé, briques sans nombre, intactes, brisées ou réduites à des éclats, pierres taillées en calcaire. On y trouve aussi les ruines d’un convoyeur (conveyor, ou jackladder) qui acheminait les billes de bois à la scierie, sur le plateau, des empilements de lattes laissées à pourrir sur place depuis presque 100 ans et servant de terreau à un boisé (cf. « Laths Piled 10’ High » sur la Carte 1 ; voir Lessard, 2015a).

Le promeneur curieux remarque que les briques, éparses ou en tas, portent en creux des inscriptions en lettres capitales : CALEDONIA, GLENG..., etc. (Encadré no 2).

J'ai d'abord cru qu'il s'agissait de noms de villes et de cantons de l'est de l'Ontario (cf. Caledonia, Glengarry, etc.). Quelques efforts de déchiffrement plus tard et, avec l'aide de Google, la vérité m'est apparue : il s'agissait plutôt de marques de briques... écossaises !


HURLL NWR : fabriquée en Écosse pour
la North Western Railway des... Indes !


ENCADRÉ 1. – LE SITE DE LA GILMOUR & HUGHSON DANS L’ÎLE-DE-HULL

Note. - Données à considérer avec prudence. Les sources ne donnent pas toujours les mêmes dates et il est parfois difficile de concilier entre-elles les différentes relations des faits. Les données suivies d'un [HB] proviennent de Hughson et Bond (1987) ; d'un [Dm], de Louise Dumoulin (2016) et d'un [Dv], de Davidson (1998).
J'ai aussi examiné des photos de la Photothèque nationale de l'air (PNA). J'ai uniformisé les noms des compagnies et des entreprises d'après la forme anglaise d'origine pour palier aux appellations disparates utilisées par les sources.


  • 1841. - Constitution de la Gilmour & Company [HB] par Allan et James Gilmour, nés en Écosse [Dm] ;
  • 1873. - Installation de la Gilmour & Company à la confluence du ruisseau de la Brasserie et de la rivière des Outaouais ; construction de la première scierie à vapeur [HB] ;
  • 1875. - Incendie de la première scierie à vapeur qui est reconstruite [HB] ;
  • 1884*. - La seconde scierie à vapeur est détruite par un incendie et n'est pas reconstruite [HB) ;
  • 1891. - Constitution de la Gilmour & Hughson [HB] ;
  • 1892. - Construction du bureau administratif (Maison du Vélo actuelle) et décision de rebâtir la scierie à vapeur qui est opérationnelle en 1894 [HB] ;
  • 1896. - Constitution de la Gilmour & Hughson Ltd. [HB] ;
  • 1900. – Le Grand Feu de Hull : la cour à bois de la Gilmour est réduite en cendres [Dm] ;
  • 1920. - La Gilmour and Hughson Ltd. passe aux mains de la Riordon & Co. de Montréal ; banqueroute de la Riordon [HB] ;
  • 1921. - La Gilmour and Hughson Ltd. passe à la Gatineau Co. Ltd., filiale de la Canadian International Paper Co. (CIP) [HB] ;
  • 1925. - Cessation des activités [Dm) ;
  • 1930. – Proposition de l’érection sur le terrain d'un monument en l’honneur des citoyens de Hull morts à la Grande Guerre [HB] ;
  • 1933. - La Commission du district fédéral achète le terrain ; démolition de la scierie. Le bureau administratif demeure de même que la cheminée de la scierie [Dv].
  • 1938. – La Commission du district fédéral accepte le projet de monument ; la Seconde Guerre mondiale ajourne sa réalisation. Le projet renaît en 1950, sans suite [HB] ;
  • 1951-1954. - Destruction de la cheminée. Une photo de la PNA d'avril 1951 atteste que la cheminée était encore debout ; une autre qu’elle n’existait plus en mai 1954 ;
  • Vers 1954. – L’édifice des bureaux accueille la bibliothèque municipale. Le bâtiment est ensuite occupé par un théâtre de poche, le Grenier, où se produit le Théâtre du Pont-Neuf ;
  • 1959. – La Commission du district fédéral devient la Commission de la capitale nationale ;
  • 1992. – L’édifice des bureaux est classé édifice fédéral du patrimoine reconnu (consulter note [2]) ;
  • 1995-aujourd’hui. – Maison du Vélo dans l’édifice des bureaux.
* Le texte indique 1874, ce qui est sans doute une erreur [HB, p. 47].



Restes d'un mur de pierre taillée au pied du talus
du ruisseau de la Brasserie ; des pierres taillées
éparses gisent au sol à côté. Une poutrelle de fer
non visible est demeurée prise dans l'assemblage. 
Photo 14 sept. 2020.


VENUES DE LOIN

L'Écosse a longtemps été une grande productrice de briques réfractaires. Elles étaient recherchées pour leur qualité et les commandes affluaient de partout au monde. À propos de la briquerie de Glenboig, par exemple, on dit ceci : « C'était la plus grande manufacture de briques réfractaires au monde à la fin du XIXe s. et les GLENBOIG ont été exportées dans presque tous les pays industrialisés (ma traduction)[3]. »

[3]. - « It was the largest fireclay company in the world at the end of the 19th century and GLENBOIG firebricks were being exported to nearly every industrial country in the world. » http://www.scottishbrickhistory.co.uk/glenboig-3/, consulté le 4 sept. 2016.

Le Château Frontenac par exemple se pare d'un « revêtement mural de brique de Glenboig orangée »[4].

[4]. - « Lieux patrimoniaux du Canada », http://www.historicplaces.ca/fr/rep-reg/place-lieu.aspx?id=1320, consulté le 4 mars 2017.


Photo 2. - Élément de l'arche (ma photo,
 interprétée en suivant Davidson, 1998).


J'ai consulté par courriel Mark Cranston qui tient le site Scotland's Brick Industry, consacré, comme son nom l'indique, à l'industrie de la brique en Écosse (Mark Cranston, voir Références).

La présence d'une si grande variété de marques de briques à un seul endroit lui est apparue très surprenante.


ENCADRÉ 2. – MARQUES DE BRIQUES IDENTIFIÉES SUR LE TERRAIN DE LA GIMOUR

Selon Mark Cranston, comm. personnelles, sept. 2016, et son site Internet, Scotland's Brick Industry (voir Références).

ASB... (ASBESTOS)
CALEDONIA
CUMBERNAULD
GARTCRAIG
GARTCRAIG SCOTLAND NO 1
GLENBOIG
HURLL GLASGOW
HURLL NWR
...GHEAD (BOGHEAD)
OB... (OBSIDIAN)
...STER (FOSTER ? (brique anglaise))
.../77CAR : ?
Brique avec un cartouche sans nom.


Selon Mark Cranston, les briques marquées HURLL NWR (photo no 2) auraient été fabriquées en Écosse pour la North Western Railway des... Indes[5] ! Que sont-elles venues faire à Hull, P.Q. ? Je doute qu'en partance de l’Écosse, elles aient transité par les Indes avant d'aboutir sur la propriété de la Gilmour, deux km en aval du Parlement d’Ottawa !

[5]. - Scotland's Brick Industry, http://www.scottishbrickhistory.co.uk/hurll-nwr/, consulté le 5 sept. 2016 ; suivre les liens dans la page.


HURLL GLASGOW


Au cours de nos échanges, nous nous sommes demandés, M. Cranston et moi, si la Gilmour ne se serait pas fournie en briques parmi des surplus de stocks. Ça expliquerait l'étonnante variété de marques concentrées en un seul endroit.

Davidson (1998) signale bien la présence de fire bricks le long du rivage, mais sans s’attarder à les décrire. Il ne touche mot, par exemple, des marques imprimées qu’elles portent. Selon lui, les pierres taillées en calcaire tout comme les briques proviennent de la scierie de la Gimour et de sa cheminée. Il mentionne aussi de larges fragments d’une arche de brique et de pierre. J’ai repéré l’un de ces fragments, entièrement fait de briques « normales » m’a-t-il semblé – c.-à-d. non marquées. La liste des objets retrouvés dans l’eau ou sur le rivage est évocatrice : câbles de fer, maillons de chaînes, bandes de fer rouillées, « blacksmith spikes » (crampons ?), clous et fragments de la scie d’une scierie.


GARTCRAIG


HYPOTHÈSES

L'étonnant, redisons-le, n'est pas la présence de briques réfractaires écossaises en Outaouais : l'Écosse en a exporté à travers le monde entier, on l’a vu. C'est plutôt la grande variété des marques qui surprend.

Les suppositions raisonnables ne sont pas légion :

• Hypothèse no 1. – Les briques proviendraient de la dernière scierie à vapeur construite par la Gilmour, construite en 1893 et démolie en 1933 (Encadré no 1). Quoi de plus approprié pour une machine à vapeur fixe que des briques réfractaires ? (Ce qui amène d’inévitables questions supplémentaires : que sont devenus les débris des deux premières scieries incendiées ? Et comment faire la distinction entre les briques des trois scieries, en supposant qu’il n’y a pas eu de réemploi ?) Mais j'imagine mal des entrepreneurs édifier leurs installations industrielles à partir de surplus de stocks de briques dépareillées. Autre fait dissonant, les briques semblent n'avoir jamais servi (nulle trace de mortier ou ciment, sauf sur les restes de l'arche. Cependant, Davidson (1998) présente cette idée non pas comme une hypothèse, mais comme un fait évident en lui-même. De plus, Mark Cranston (comm. pers., 5 sept. 2016) ne voit pas d’inconvénient à supposer un approvisionnement à partir de surplus de stocks. Ajoutons que les débris éparpillés sur la rive sont ceux qu’on s’attendrait à trouver dans les environs d’une scierie démolie.


CUMBERNAULD


• Hypothèse no 2. – Les briques ont pu entrer dans la composition de chargements de remplissage. Hypothèse recevable puisque les rives du ruisseau de la Brasserie ont effectivement été « remplies » à plusieurs endroits, notamment par du matériel provenant des plaines Le Breton, à Ottawa (Samson, 2012, p. 25). Selon Raymond Ouimet (comm. pers., 11 févr. 2017), on a même trouvé des... pierres tombales près du convoyeur ! Ça ne règle pas la question de l’aspect de bric et de broc qui se dégage de cette accumulation de briques disparates. Quelle compagnie les aurait conservées rien que pour les jeter ensuite ? Cette hypothèse, qui a eu ma faveur un moment, ne fait que pelleter le problème (expression appropriée !) plus loin.

Pour compliquer les choses, l'escarpement, tout près de la rive, est difficilement lisible. À l’origine, je le croyais taillé par l’érosion dans l’argile marine, mais la terre est semée de débris rocheux qui laissent soupçonner du remplissage ou des déversements. La végétation, très dense, empêche de discerner une quelconque séquence dans les déversements et autres interventions humaines. Je doute qu’il subsiste un seul mètre cube du plateau et des rives qui soit demeuré dans son état naturel tant on y a creusé, déboisé, reboisé, bâti et démoli pour enfin y éparpiller des débris de toutes provenances.


Briques en tas, surtout des CALEDONIA.


CONCLUSION
À la fin, je serais plutôt enclin à me ranger du côté de Cranston et de Davidson. Les briques proviendraient bien de la scierie à vapeur de la Gilmour. Notons en plus que les fondateurs de la Gilmour étaient nés en Écosse (Encadré no 1).

Ceci n’empêche pas de chercher au pied du promontoire des matériaux de remplissage provenant de sources diverses. Je pense aux pierres tombales, par exemple.

Cette dernière remarque est d’autant plus sensée que plusieurs années ont séparé la démolition de la scierie de celle de la cheminée (Encadré no 1). On peut supposer qu’aux moins deux vagues de débris se sont succédé sous le promontoire, sans compter la possibilité que les restes d’autres industries voisines aient été « dumpés » à cet endroit (la Woods Manufacturing, par exemple, industrie textile expropriée en 1960 par la CCN dont la manufacture était située au sud de la Gilmour (Dumoulin, s.d.).



Briques en vrac...


Cuites en Écosse, enterrées ou noyées en Outaouais, ces briques ont connu un drôle de destin. On ne finit jamais de (re)découvrir le passé. La région conserve dans ses archives informelles (c’est ainsi que je qualifie les remplissages) des éléments du passé industriel de l’Écosse et de l’Outaouais. Le local rejoint l’universel...


Il serait amusant de retourner certaines de ces briques en Écosse, pour meubler les archives de M. Cranston. Expédier des briques par la poste est prohibitif. Si un mécène veut financer leur voyage de retour… Il en coûterait environ 140 $ pour poster quatre briques par surface, en Écosse ; veuillez allouer 4 à 12 semaines pour la livraison.


Photo 3. - Vestige d'un certain
décorum : pierre calcaire taillée.


Après examen de photos de la Photothèque nationale de l'air (PNA) de Ressources naturelles Canada (RNCan), à Ottawa, l'histoire du site m'est apparue beaucoup plus riche et complexe que je l'imaginais. Plusieurs jours seraient nécessaires pour dépouiller et interpréter toutes les photos et dresser un portrait raisonnablement complet de l’évolution de cette partie du parc Jacques-Cartier. Par exemple, ce qui semble être quatre gros réservoirs, chacun pouvant contenir une maison, apparaissent sur des photos aériennes de 1933 et 1938. Une piste de course oblongue occupe le côté est du plateau en 1938. Dix ans plus tard, les réservoirs n'y sont plus, mais un matériel clair est déposé ou excavé dans leurs fondations tandis que le fantôme de la piste de course transparaît dans la pelouse. Des installations sont toujours présentes du côté ouest du plateau au moins jusqu’en 1956 et... On n’en finirait pas et c’est un autre sujet ! (Voir billet du 23 août 2017, « Les quatre réservoirs oubliés de l'ex-Gilmour à Hull », et suivre les liens.)

Merci à Louise Dumoulin qui a lu l’ébauche de ce texte et qui m’a communiqué de pertinentes remarques. (Les erreurs résiduelles sont de mon fait !)



.

CARTE 1. ─ Terrain de la Gilmour & Hughson Company (acheté dans les années 1920 par la Canadian International Paper Co.) en 1928. Au nord : ruisseau de la Brasserie (embouchure) ou Brewery Creek ; à l'est : l'Outaouais, ou Ottawa River ; le bâtiment carré marqué par un X est l’ancien bureau administratif, maintenant la Maison du Vélo (voir photo 1). Le Saw Mill (moulin à scie) est à l’extrémité NE du terrain. Remarquez les « Laths Piled 10' High » sur la rive du ruisseau : à ce propos, voir Géo-Outaouais (2015a).
Modifié de : Insurance plan of Hull, Quebec, 1928, Toronto ; Montreal : Underwriters' Survey Bureau Limited, 1 carte en 33 coupures : coul. ; 63 x 54 cm chac., échelle : 1:600, feuillet no 25 (3851615_025), Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Centre d'archives de Québec de BAnQ, P600,S4,SS1,D3, Numéro catalogue Iris : 0003851615.
Lien : http://services.banq.qc.ca/sdx/cep/document.xsp?id=0003851615


RÉFÉRENCES




dimanche 13 septembre 2020

Mammatus à Gatineau




Quelques mammatus. Photos : Gatineau, 27 nov. 2019.

« Mammatus ou mamma (du latin signifiant mamelle ou mamelon) est un terme qui désigne en météorologie des poches circulaires à la base de nuages convectifs tels les altocumulus et les cumulonimbus. » (Wikiki.)

La formation des mammatus répond aux variations de pressions entre le nuage et la couche d'air plus sèche et plus froide sous jacente. J'en ai rarement vu d'aussi beaux. Il y a quelque chose de magique dans la vision d'un ciel en boules d'ouate, tout molletonné. Hélas, on ne peut pas aller s'étendre sur la base des nuages.

Les variations de teintes d'une photo à l'autre proviennent de mes tentatives d'ajuster correctement mon appareil.



Le ciel est molletonné, et bien cordé.



Photo plus réaliste quant à la luminosité du ciel. 



Mammatus, version angélique...



... ou version infernale. 



Ciel tourmenté.

Paragneiss gatinois


Récolte de l'été 2020. Paragneiss à biotite, mélanocrates ou leucocrates (noirs ou gris), interlités ou non, avec intrusions concordantes de granite. Ces roches ont été recueillies sur l'aménagement du talus du pont du boulevard Fournier, à Gatineau, au dessus de la décharge du lac Leamy (près du pont Màwandòseg). Elles proviennent sans doute des carrières au nord de Gatineau sur la route la 307 ou 366. (Raisonnable supposition de ma part.)
Largeur du présentoir improvisé : 60 cm.

vendredi 11 septembre 2020

Gilmour & Hughson à Hull : quelques photos (ajout)


Complément illustré au billet précédent. Vous y référer pour savoir de quoi on parle.


Photo 1. - Installations de la Gilmour & Hughson sur la rivière des Outaouais, à Hull (Gatineau) (actuel parc Jacques-Cartier). Le site Internet où j'ai trouvé la photo, Capital Gems, ne donne pas de date. J'ai retouché le contraste pour améliorer la lisibilité. La photo a été prise sur le bord du talus de la rivière, au-dessus du terrain plat, naturel ou artificiel, qui s'avance dans l'eau. On reconnaît sur l'autre rive les falaises de Rockliffe, quartier d'Ottawa. Les débris du quai sont encore visibles sous la forme de débris de bois pourri sous le sable de la rive (restes de lattes et de bardeaux empilés ? ; voir billet précédent).



Photo 2. - Prise approximativement au même endroit que le cliché précédent, depuis le talus de la rivière, le 29 nov. 2015. La tour métallique abandonnée (voir photos 6 et 7) est près de la section du rivage où se trouve la couche de débris de bois sous le sable (voir billet précédent), restes probables du quai de la Gilmour & Hughson. L'autre rive n'a pas tellement changé tandis que la rivière est plus calme qu'autrefois...



Photo 3. - Autre photo prise approximativement au même endroit, en août 2017. À droite, les chutes Rideau, à Ottawa. La tour métallique de la photo 2 est cachée par les arbres.


Photo ajoutée (15 sept. 2020). - Poutres du quai de la Gilmour sur la rive de l'Outaouais ? Je les avais prises jusqu'ici pour des poutres déboulées du talus ou entraînées par le courant, mais elles semblent bien en place et elles sont vermoulues au point qu'on peut forer le bois avec une simple branche comme outil. La section de tuyau (?) gainée de béton est un déchet quelconque. Photo 14 sept. 2020.



Photo 4. - Tirée de l'Histoire forestière de l’Outaouais. Légende originale : « À l’extrémité de la rue Gilmour (rue Laurier), en 1926, se trouve la cour à bois de la compagnie Gilmour et Hughson. En 1920, cette firme passe sous le contrôle de la Gatineau Company, une filiale de la Canadian International Paper (CIP), tout comme la Gatineau Power Company. »



Photo 4 (détail). - 1 : bureaux administratifs de la Gilmour & Hughson, aujourd'hui Maison du Vélo (dans le cercle) ; C : cheminée de la scierie à vapeur ; X : endroit approx. de la couche de bois sous le sable (vestiges du quai de la Gilmour ; voir billet précédent) ; RB : ruisseau de la Brasserie ; RO : rivière des Outaouais.



Photo 5. - Hull en 1926. Photo tirée du blogue de l'historien Raymond Ouimet.



Photo 5 (détail). - 1 : bureaux administratifs de la Gilmour & Hughson, aujourd'hui Maison du Vélo ; C : cheminée de la scierie à vapeur ; X : endroit approx. de la couche de bois sous le sable (vestiges du quai de la Gilmour ; voir billet précédent).



Carte de 1887. - Plus ancienne représentation des quais de la Gilmour que je connaisse. Le « X » des photos 4 et 5 devrait être placé à la pointe la plus avancée du quai dans la rivière. (Photo prise à main levée, distorsions possibles.) 
Map of the City of Ottawa P. Ontario. And the City of Hull, P. Quebec. And Their Adjacent Suburbs. Compiled by John A. Snow and Son. Provincial Land Surveyors and C.E.ng's From Personnal Surveys and Official Records. Scale 660 Feet to One Inch. [1887]



Non, une plus ancienne encore (ajout 12 nov. 2020) : carte de 1884. - L'édifice des bureaux administratif n'existait pas encore au bout de la rue King (= rue Laurier). Bolton McGrath. River front lot no. 9 cad. plan (K to L on this plan) area of encroachment 5 acres. Proprietors Gilmour & Co. BAnQ https://numerique.banq.qc.ca:443/patrimoine/details/52327/3474349






Photo 6. - Structure de fer abandonnée (voir photo 2). À l'arrière-plan, le talus de la rivière d'où les photos 1, 2 et 3 ont été prises. Photo nov. 2015.


AJOUT (12 sept. 2020). - 
Un texte de Davidson (1998) donne les seules indications que je possède sur cette intrigante tour :


« There is a short riveted steel tower which was likely set up as a convenient steering mark for boats rounding the bend at Rockcliffe Park.  Its riveted construction suggests that it was fabricated around 1920.  If you go due east from the tower you will see in the river remains of the company wharf. That wharf almost certainly dates to the 19th century. The steel tower was likely built after the mill closed else it would have interferred with traffic on and off the wharf. » (Le gras est de moi. Source : Michael Davidson, 1998. - A Guide to the Gilmour and Hughson Company (1873-1930) property. Parc Jacques-Cartier, Hull. Lien.)

Bref, je n'en sais pas plus, sinon que j'ai aperçu la tour (ou plutôt son ombre) sur une photo aérienne datant de 1965. 





Photo 7. - Nov. 2015.