jeudi 23 mars 2017

Ruisseau de la Brasserie : profil du barrage (ajout)


Suite : billet du 14 juin 2017.


Profil du barrage et de la chute du château d'eau du ruisseau de la Brasserie, à Gatineau, QC. Modifié de Vézina et al. (1976). (Montage à partir de photos prises à main levée, avec inévitables distorsions.)
Le nord est vers la droite. J'ai ajouté le 166,50' pour donner une idée des proportions. Chaque carré mesure 6 pieds (1,83 m). 148 pieds : 45,1 m ; 166,50 pieds : 50,75 m ; hauteur de la chute proprement dite : env. 9 pieds, soit 2,75 m (je ne tiens pas compte du «Radier en béton du déversoir», qui semble artificiel) ; Montcalm : pont de la rue Montcalm.
(Cliquer sur l'image pour la voir à sa pleine grandeur.)


Dans mon précédent billet, «Néotectonisme au ruisseau de la Brasserie ?», je citais Vézina et al. (1976) pour affirmer que la chute du château d'eau du ruisseau de la Brasserie à Gatineau atteignait 5 m de haut. L'examen d'une coupe du ruisseau et du barrage provenant elle aussi de Vézina et al. montre cependant une chute plus modeste, réduite à environ 2,75 m. (Voir l'image qui ouvre ce billet.)

La valeur de 5 m semble donc difficile à retrouver, à moins de tenir compte de la «Ligne de profil [du ruisseau], hauteur maximum» (voir image). Dans ce cas, on arrive à un dénivelé d'environ 18 pieds, soit 5,5 m.

Arbour & Associés (1982) donnent aussi une ampleur de 5 m au dénivelé du château d'eau. Peut-être tenaient-ils, comme moi, ce chiffre de Vézina et al. ? N'ayant que mes notes sous la main, et non les documents originaux, je ne peux juger.

Le ruisseau, ses rives et son lit, ont été l'objet de tant de travaux qu'il est vain de tenter de trier ce qui est d'origine de ce qui est dû à l'intervention humaine. Industries, canalisation des rives, passage d’égouts, etc. ; ce n'est sûrement le profil original que nous voyons ici. Les industries s'étant implantées à cet endroit précisément pour tirer partie de la puissance d'eau de la chute, on peut au moins en déduire que tout ces travaux n'ont pas eu pour effet d'atténuer son importance.

Une «petite» chute de 2,75 m me convient mieux qu'une «grande» de 5 m dans la mesure où je n'ai plus à chercher un événement aussi puissant pour justifier son existence. De toute façon, mon hypothèse d'un phénomène néotectonique (faille) à l'emplacement de la chute n'a toujours été dans mon esprit qu'une simple hypothèse. (Voir le billet précédent.)

Ajout (28 mars 2017)

J'ai appris, de ce que le journalisme nomme une source sûre, provenant de l'intérieur même des Brasseurs-du-Temps, que la chute du château d'eau du ruisseau de la Brasserie, occupé aujourd'hui par les dits Brasseurs, est en réalité une brusque descente en trois paliers rapprochés. La nouvelle ne me surprend pas outre mesure, je me doutais bien que la faille qui serait (noter le conditionnel) à l'origine du dénivelé n'était pas unique, les ruptures du socle rocheux se traduisant par multiples cassures plus ou moins parallèles, l'ensemble produisant une faille représentée sur les carte par une ligne simple. Reste que ceci ne fait pas avancer les choses sur le point essentiel, est-ce que la chute, unique ou triple, provient du rejeux post-glaciaire d'une faille ancienne ? À suivre...


Ajout (5 juin 2017)


Voir une carte de 1887 montrant les chutes du ruisseau ajoutée à la fin de mon précédent billet, «Néotectonisme au ruisseau de la Brasserie ?». Voir également l'ajout daté du 28 déc. 2023 dans le même billet.



Ajout (23 déc. 2022)

« Sur la moitié de son parcours, le ruisseau formait autrefois une chute d’une hauteur d’environ 5 m qui a été remplacée par un barrage hydroélectrique. [...] Selon le CEHQ (2003), le barrage hydroélectrique actuel a été érigé en 1900. Il a une longueur de 25,7 m, une hauteur de 7,5 m et une hauteur de retenue fixée à 6,5 m. Il retient un bassin de 2,5 hectares dont le volume est estimé à 49 500 m3. Sa production maximale est évaluée à 1kw/h, capable de fournir l’électricité à environ 200 résidences. Le barrage a fait l’objet de rénovations en 1992 pour pouvoir activer la turbine mais celle-ci n’est jamais entrée en fonction à ce jour. » (Samson, p. 18 et 19)


Références

  • Daniel Arbour & Associés, Corridor du ruisseau de la Brasserie : Élaboration d'un plan général d'aménagement : Rapport final, CCN, Ville de Hull, en coll. avec la SAO, Montréal, 1982.
  • Pascal Samson, Agence de Bassin-Versant des 7, 2012, Plan-concept d'aménagement pour le ruisseau de la Brasserie. Rapport 1 : État des connaissances et lignes directrices d'aménagement. Ville de Gatineau, 29 p.
  • Vézina, Fortier et Associés, Aménagement du ruisseau de la Brasserie, Citée de Hull, 1976.

dimanche 19 mars 2017

Néotectonisme au ruisseau de la Brasserie ? (Correction)



Point CE sur la carte plus bas : chute du ruisseau de la Brasserie, à l'arrière de l'ancien château d'eau de la ville de Hull, actuels Brasseurs-du-Temps (Gatineau, QC) ; photo août 2011, visée vers le SW. Le château, et la station hydro-électrique qui lui était couplée, ne sont plus en fonction depuis 1968.



Île-de-Hull (Vieux-Hull)
Annotations © Henri Lessard, 2017, fond de provenance inconnue.
CC : chutes de la Grande Chaudière ; CE : château d'eau et chute ; F : failles (Wilson, 1938) ; FA : faille des Allumettières (ce blogue, 29 nov. 2009) ; FM : «faille Montcalm» (Wilson, 1938) ; MA : marmite des allumettières (ce blogue, 7 nov. 2009) ; 1, 2 et 3 : affleurements de la FM (voir les photos).


Les évidences les plus évidentes sont celles qui passent le plus facilement inaperçues. Ainsi la chute du ruisseau de la Brasserie dans l'Île-de-Hull. En 1902, on y a inauguré un château d'eau couplé à une centrale électrique. L'un et l'autre ne sont plus en fonction depuis 1968 et les installations sont aujourd'hui occupées par les Brasseurs-du-Temps - retour à la vocation première des lieux qui avaient d'abord accueilli au début du XIXe s. une distillerie, construite par Philemon Wright, remplacée par le même en 1820 par la brasserie éponyme (Lieux patrimoniaux du Canada).

La chute, haute d'envrion 5 m (Vézina, 1976)*, regarde vers le nord. J'ai déjà écrit que l'Île-de-Hull constitue une anomalie, le relief s'abaissant du sud vers le nord, forçant l'Outaouais (et le ruisseau qui n'en est qu'un bras) à faire un coude vers le nord avant de reprendre sa course vers l'est (billet du 5février 2016, «Qui a façonné l'Île-de-Hull ?») La rupture topographique brutale que représente la chute dans le lit du ruisseau coïncide avec le tracé d'une faille qui traverse le territoire du NW au SE (carte). Cette faille a été cartographié par Alice E. Wilson dès 1938. Celle-ci n'a pas jugé nécessaire de la baptiser ; dans mes textes, par commodité, je la désigne sous le nom de «faille Montcalm» puisque son tracé se confond avec la section nord de cette rue.


* Rectification (21 mars 2017)

Plus précisément, selon Vézina (1976), la dénivellation au château d'eau est de 5 m, la chute elle-même étant de 2,75 m. Les différentes données que j'ai pu amasser ne coïncident pas toujours exactement.


Aparté géologique

Le socle rocheux de l'Île-de-Hull est constitué de calcaire ordovicien (env. 460 millions d'années) déposé en strates horizontales. Elles conservent partout cette attitude, sauf à la proximité des failles où des compartiments sont plissés ou inclinés.


La faille Montcalm

La faille Montcalm ne se fait pas remarquer outre mesure. Elle traverse indifféremment les hauts et les bas de la topographie et on peut habiter Hull depuis des années sans avoir eu le moindre soupçon de son existence. Autrement dit, elle n'est plus active depuis longtemps et elle n'a exercé aucune influence sur le façonnement du relief, excepté dans la petite péninsule rocheuse située à l'angle SE de l'Île-de-Hull (point 2 sur la carte ; voir photo plus bas).

Et excepté la chute du Ruisseau, of course.

La chute, je l'ai dit, fait face au nord. Ce simple constat est tout à fait surprenant - le plus surprenant est que personne ne s'en soit jamais ému. Difficile d'imaginer en effet qu'un obstacle aussi modeste ait pu survivre aux glaciations du Quaternaire. Les glaces, venant du nord, auraient dû venir à bout de ce modeste seuil, et le raboter totalement.

La chute du ruisseau de la Brasserie est de toute évidence un accident topographique récent, survenu après la dernière glaciation, et a été tout probablement causé par un rejeu de la faille Montcalm. Le mouvement relatif a rehaussé le compartiment du socle au sud de la faille et a abaissé celui au nord. Et puisqu'il s'agirait d'un mouvement tectonique post glaciation, nous sommes autorisés à utiliser le mot néotectonisme pour qualifier le mouvement et son résultat, la chute.

Les glaces ayant quitté le secteur il y a environ 12 000 ans, on peut déduire de ce qui précède que la chute a, au maximum, 12 000 ans d'âge. Comme elle existait déjà au début du XIXe s, elle a au moins deux cents ans.

Nous voilà donc tiré d'embarras. Pas tout à fait. Pourquoi cette faille aurait-elle joué à cet endroit précis et à cet endroit seulement, mais pas ailleurs ? D'autant qu'il existe des tas de failles dans la région qui, elles, sont toutes, pour autant que l'on sache, inactives. Voir par exemple le billet du 29 nov. 2009 sur la faille des Allumettières.

Les chutes du ruisseau de la Brasserie, évidence de néotectonisme ou pas ?

Faudrait-il lier la formation de la chute du ruisseau aux forts séismes qui ont secoué autrefois la région et qui auraient provoqué d'énormes glissements de terrain dans les talus argileux le long de l'Outaouais ? Il s'en serait produit au moins trois, le plus récent il y a 1000 ans, les deux autres il y a 4550 et 7060 ans. Voir le billet du 18 sept. 2013, «Séismes et argile en Outaouais».

Tout cela, me direz-vous, est très théorique. À la manière des Dupondt, je pourrais vous répondre, «je dirais-même plus, c'est très théorique !» Mais je crois ma théorie plausible et bien étayée, en tout cas digne d'être discutée. Si quelqu'un en a une meilleure, j'attends ses arguments...

Suite ici.

Ajout (28 déc. 2023)

Raymond (1913) décrit une faille traversant le calcaire Trenton de Hull à la Axe Factory quarry. Le décalage entre les deux côtés de la faille se mesurait à 4,5 m, le côté est étant abaissé. Il n'est pas clair à lire le texte original s'il existait un dénivelé correspondant à la faille ou si le socle avait été nivelé par l'érosion, mais le 4,5 m est proche de la dénivellation au château d'au de 5 m donnée par Vézina (1976). La Henry Walters & Sons Axe Factory était située sur la rive ouest du ruisseau de la Brasserie, face à la chute du château d'eau (CE sur ma carte). On peut légitimement supposer qu'il existe un lien entre la faille de la Axe Factory, la chute du ruisseau et la faille Montcalm.



Point 3 sur la carte : faille Montcalm, rue Montcalm. Les strates s'inclinent vers l'ouest (visée vers le SE). Photo août 2015, tirée de cet ancien billet.



Point 1 sur la carte : faille Montcalm, rue Eddy. Les compartiments rompus s'abaissent vers l'ouest (visée vers le SE) ; mieux visibles dans le rectangle accentué, avec ligne brisée blanche soulignant l'inclinaison des strates. Photo avril 2014, tirée de cet ancien billet.



Point 2 sur la carte : faille Montcalm, péninsule au SE de l'Île-de-Hull. Les strates s'abaissent vers le sud (visée vers le NW). Photo janv. 2012, tirée de cet ancien billet.


AJOUT (5 juin 2017)

Les chutes du ruisseau de la Brasserie (Falls) sur la carte de Snow and Son (1887). Photo prise à main levée, distorsions possibles.




Références

  • Percy E. Raymond (1913). « Ordovician of Montreal and Ottawa. Excursion A 11 » dans : Canada, Department of Mines. Guide Book No. 3 Excursions in the Neighbourhood of Montreal and Ottawa. Issued by the Geological Survey, Ottawa, 1913, p.137-160.
  • A.E. Wilson, 1938 – Ottawa Sheet, East Half, Carleton and Hull Counties, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, carte 413A, 1 feuille (1/,63 360).
  • John A. Snow and Son, Map of the City of Ottawa, P. Ontario, and the City of Hull, P. Quebec, and Their Adjacent Suburbs. Compiled by John A. Snow and Son, Provincial Land Surveyors and C.E.ng's from Personal Surveys and Official Records. Scale 660 Feet to One Inch (1887).
  • Vézina, Fortier et Associés, Aménagement du ruisseau de la Brasserie, Citée de Hull, 1976.

mardi 28 février 2017

Démolition du barrage des rapides Deschênes

Le site mériterait mieux que cette mauvaise photo, mais c'est la seule que j'ai. Barrage des rapides Deschêne, 31 août 2008. 


«Une vague de renommée mondiale pourrait disparaître
L'annonce de l'éventuelle démolition des ruines du barrage des rapides Deschênes, sur la rivière des Outaouais, s'est répandue comme une traînée de poudre parmi les adeptes du kayak d'eau vive en style libre. Plusieurs l'ignorent, mais l'endroit jouit d'une réputation internationale.» (Mathieu Bélanger, Le Droit, 27 février 2017.)


Panneau explicatif dans l'état où il était en août 2008. Au cas où aucune amélioration ne se serait produite, cette photo fait désormais office de document mémoriel. Cliquer sur la photo pour l'afficher à sa pleine grandeur.

samedi 18 février 2017

Retour aux Montagnes-Noires et à l'Eozoon canadense



Carte de Logan et Dawson (1875). Cliquez sur l'image pour la voir en pleine grandeur. Document (avec le texte qu'il accompagne) fournit par le Projet Gutenberg. Référence complète à la fin du billet.



Détail de la carte de Logan et Dawson (1875), depuis l'Outaouais, au sud, jusqu'aux lacs Montigny (Simonet), Viceroy et Barrière, au nord.


Bref retour à l'Eozoon canadense de St-André-Avellin et aux Montagnes Noires de Ripon. Et même, pourquoi pas, aux chutes de Plaisance.

La carte géologique qui illustre le billet est une version remaniée par Dawson (1875) d'une carte de Logan (1863). Obsolète dans ses principes (mais pas nécessairement toujours fausse), elle reste la première véritable carte géologique moderne de l'Outaouais entre Thurso et Grenville. Une sorte de monument historique, intéressant en soi, malgré ses limites.

J'avais déjà utilisée la version primitive, celle de Logan, pour localiser les chutes de Plaisance (voir billets des 16 et 18 août 2015).

Dawson (1875) a réutilisé la carte pour situer situer l'Eozoon canadense (voir le billet du 3 févr. 2017). Les Montagnes-Noires, dont il a été question récemment (billets des 22 déc. 2016 et du 25 janv. 2017) figurent aussi sur la carte. Façon de parler, puisqu'elles se confondent dans une bande de gneiss à orthoclase (en rose sur la carte) qui regroupe en fait un grand nombre de gneiss et de plutons non séparés.

L'Eozoon canadense, les Montagnes-Noires, les chutes de Plaisance... La région n'est pas dépourvue d'intérêt du point de vue géologique. Il y a là un potentiel insoupçonné...



Détail agrandi de la carte de Logan et Dawson (1875), avec modifications.
Légende partielle
Rose et brun : bandes de gneiss à orthoclase ; bleu : bande de marbre ; trait rouge : Eozoon, à Côte-St-Pierre ; LN : lac noir ; MN : Montagnes-Noires, pluton de syénite-diorite noyé dans le gneiss à orthoclase. Lac Montigny : Lac Simonet d'aujourd'hui.
Les bandes de gneiss à orthoclase englobent plusieurs roches (gneiss variés et plutons). La carte les distribue en les entrelardant de bandes de marbre selon des principes stratigraphiques qui ne s'appliquent pas à ces formations.


Référence


samedi 11 février 2017

Carte postale : le pont couvert de Gracefield, 1948




Le pont couvert de Gracefield sur la Gatineau, QC, carte postale, s.d. (cachets de la poste 27 et 29 juillet 1948).

À l'endos de cette carte postale, l'expéditeur nous donne les précisions suivantes : «Ceci est le plus long pont couvert de la Province. - Mais il a entièrement brûlé il y a deux semaines.» Deux cachets estampillent la carte (bureau de poste de Gracefield, à l'endos, 27 juillet 1948, et de Saint-Lazare-de-Vaudreuil, sur le devant, 29 juillet - on avait déjà inventé le concept de traçabilité à l'époque !)

Comme on trouve pas la date exacte du sinistre dans Internet (voir ce blogue sur les ponts couverts du Québec) ou ailleurs (dernier paragraphe du billet), nous pouvons maintenant dire avec quelque assurance que le pont a brûlé dans la première moitié de juillet 1948.

C'est bien la première fois que je fais œuvre d'historien !... Bon, suffirait d'aller consulter les journaux de l'époque pour avoir la date exacte. Y a-t-il des volontaires ?

La carte postale est tirée d'un lot de photos et documents que je tiens de mes parents (voir ce billet). L'expéditeur des cartes était mon futur paternel qui écrivait à sa future qu'il allait épouser l'automne 1948 et qui ne savait pas qu'elle était ma future mère. Ceci pour la (très, très) petite histoire et pour situer les choses.

Le pont de Gracefield, dit aussi pont de Northfield, s'écroule en 1929, quatre ans après son inauguration. Reconstruit en 1930, il est l'objet de réparations urgentes en 1942 et 1946. En 1948, il est détruit par le feu. Le pont de fer actuel, construit 1956, s'est partiellement effondré en 1981. Depuis, il est interdit aux poids lourds. (Adapté de L'Autre Outaouais : guide de découverte du patrimoine, de Manon Leroux, Société Pièce sur pièce, p. 394.)

Le pont a été reconstruit d'août 2013 à septembre 2015 et rebaptisé pont Alexandre-Martin.