jeudi 19 novembre 2015

Ruisseau de la Brasserie : recyclage d'anciennes structures


Ce texte a une suite : voir billet du 11 février 2019.


1. Élégante courbe d'un lacet d'herbes dans le ruisseau de la Brasserie, à Gatineau. Nous sommes tout près de l'extrémité ouest de la structure soulignée par une ligne blanche sur la photo 2a. (La photo ne le laisse pas bien voir, mais il y a une dénivellation de plus de 3 m entre le premier plan et la rive.)  Photo 10 nov. 2015.


Résumé

Recyclage par la végétation d'anciennes installations industrielles et de résidus d'un ancien moulin à scie.
Localisation
Parc Jacques-Cartier et ruisseau de la Brasserie, Gatineau (Québec).
31G/05 ; 45.441435, -75.711673
Autres billets reliés au sujet


Au parc Jacques-Cartier, à l'embouchure du ruisseau de la Brasserie, près de l'Outaouais où il se jette, des arbres poussent sur plus de 2 m de copeaux de bois accumulés par la Gilmour Hughson Lumber Co. entre 1873 et 1930 (Davidson, 1998 ; voir billet du 10 nov. 2015, lien dans «Autres billets», plus haut). Ils y étalent leurs racines au péril de leur vie, d'ailleurs. Les copeaux sont peu à peu emportés par les crues du ruisseau et le tapis, littéralement, se dérobe sous leurs racines (photo 5).

Dans le ruisseau de la Brasserie lui-même, d'anciennes digues ou jetées sont repérables par la végétation qui les a envahie (photo 3). Une élégante courbe dans le tracé de la jetée existe toujours (photo 1) tandis qu'un pontillé d'arbres morts permet de reconstituer son tracé ailleurs (photo 4).

Le naturel revient au galop. Métaphore risquée quand on parle d'arbres et d'herbages : oncques ne vit-on végétal mener grand tintamarre de sabots pour s'annoncer...



2a. Partie nord de l'Île-de-Hull en 1925. Carrière (U5) à l'ouest, cours à bois à l'est et au nord. Ressources naturelles Canada, Photothèque nationale de l'air, photo HA67, no 60, 4 nov. 1925 (détail).
Légende (par commodité, j'utilise les codes des cartes que j'ai confectionnées pour le blogue et remises périodiquement à jour. Voir les liens ai début du billet.)
En haut : ruisseau de la Brasserie ; Ligne blanche : jetée ou digue ; IN : site de l'Imprimerie nationale, construite en 1949-1956 ; SC : boulevard Sacré-Cœur ; U5 : ancienne carrière.



2b. La même photo sans annotation.


3. La situation actuelle. La digue ou jetée s'est parée de vert. À l'ouest, viaducs de l'autoroute 50 ; à l'est, ponts du boul. Fournier ; au sud, l'autoroute 50 (autoroute de la Gatineau). Photo © Google.



4. Le ruisseau, vu de la rive nord, à l'ouest du pont du boul. Fournier (voir photo 3). À l'endroit de la jetée, il n'émerge plus qu'un arbre mort. Photo 11 nov. 2015.



5. Arbre poussant sur un tapis de copeaux laissés par la Gilmour Hughson Lumber Co. entre 1873 et 1930. Photo 10 nov. 2015. Voir le billet du 10 nov 2015, lien plus haut.



6. Pont du boulevard Fournier, près de l'embouchure du ruisseau dans l'Outaouais. Même les castors arrivent en ville. Leur barrage explique peut-être l'ennoyage des jetées et les arbres morts, en amont. (Le tapis de copeaux (photo 5) est en aval du barrage des castors, à l'est de la zone couverte par les photos 2 et 3. Ces braves rongeurs sont donc innocentés de l'accusation d'avoir accéléré, par élévation du niveau du ruisseau, l'érosion du tapis de copeaux où poussent les arbres.) Photo 11 nov. 2015.


Ajout (28 janv. 2016)

Cette carte topographique est la seule à montrer un ruisseau de la Brasserie réduit à un mince couloir rectiligne dans sa section nord. Habituellement, la rive droite du ruisseau à cet endroit est irrégulière et creusée de larges baies. Comparez les contours du ruisseau à cet endroit avec les digues visibles sur la photo 2. Les digues ne figurent pas sur la carte ; on remarque toutefois un quai (?) avancé dans l'embouchure du ruisseau (quai qui n'existe plus) et un segment de digue à droite.

L'Île-de-Hull en 1935.
Carte topographique (détail), «Original survey 1923. Revised 1935», 1/63 360, courbes de niveau en pieds. (Photo à main levée, distorsions possibles.)


lundi 16 novembre 2015

Desquamation par plaques d'un granite (ajout)



1. Granite gris perdant sa couche d'altération claire par desquamation. Lac McGregor, Val-des-Monts (Québec). Photo 15 nov. 2015.


Étranges blocs d'un granite gris présentant une teinte claire en surface. La desquamation* par plaques de cette pellicule altérée donne un aspect «léopardé» aux blocs.

La surface claire enveloppe chacun des blocs. La chute par plaques isolées semble toutefois épargner certaines faces (voir photo 2). Les blocs, sur le bord d'un chemin, on sans doute été dégagés lors des travaux de construction.

Ceci indiquerait (hypothèse) que l'altération se serait produite alors que les blocs étaient enfouis dans le sol (érosion chimique). La desquamation se seraient développée ensuite à l'air libre, sur les surfaces exposées aux intempéries et au soleil, les cycles gel/dégel (érosion thermique) ayant provoqué la chute de la couche claire altérée. Il serait utile de savoir si le plus gros bloc ne serait pas un affleurement de la roche en place (photo 3a).

La couche superficielle (env. un cm d'épaisseur) fait cependant partie intégrante de la masse du roc : il m'a fallu de furieux coups de marteau sur un petit bloc pour en détacher des éclats. C'est à se demander comment les plaques s'en étaient détachées ! Le granite (au sens large du mot) est à grain fin (moins d'un mm) et de structure massive. La couche superficielle est grêlée par la décomposition des ferromagnésiens (photo 3b), ce qui, avec le blanchiment des feldspaths, explique sa teinte plus claire.

Petite question : tout ce processus n'implique aucun phénomène rare ou exceptionnel. Cet enchaînement de banales circonstances a dû se produire à des milliers et des milliers de reprises. Comment expliquer alors que ce genre de «pelage» ne se voit pratiquement jamais ? Serait-ce un granite à l'épiderme particulièrement sensible ?

* Desquamation : érosion d'une roche par chute par l'enlèvement d'écailles superficielles.

Note. – Il y a un pléonasme dans le titre que j'ai donné au billet, une desquamation ne pouvant se produire que par plaques.


Localisation

Nord du lac MacGregor, Val-des-Monts (Québec).
Autres billets du blogue sur le sujet
15 nov. 2009, «Les chutes de Luskville» (voir addendum)
8 août 2011, «Pelures de granite»
Photos 15 nov. 2015.



2. La chute par plaques de la surface claire altérée 
du granite ne concerne par toutes les surfaces du bloc.


Ajout (17 nov. 2015)

Mes photos n'étant pas des plus fameuses, j'en reproduis ici une fournie par Roxanne Gauthier, étudiante de Bernard Lauriol, professeur titulaire en géographie physique à l'Université d'Ottawa, auteur de Eaux, glaces et cavernes*. (L'interprétation que je fais de la roche et des atteintes par l'érosion qu'elle a subies n'engage cependant que moi.)

* voir billet du 2 oct. 2014 sur Eaux, glaces et cavernes, de Bernard Lauriol (texte) et Pierre Bertrand (photographies et graphisme), Éditions MultiMondes, Québec, 2014


3a. Largeur du roc représentée : env. 2 m (mon estimation). À gauche, un filon vertical de granite gris-bleuté traverse le roc. Il serait utile de savoir s'il s'agit d'une roche en place ou d'un bloc erratique. Il y a parfois un certain alignement, par la disposition et l'allongement des lacunes sur la surface claire. Photo reproduite avec la permission de Roxanne Gauthier (2015).


3b. Détail (contraste accentué).

vendredi 13 novembre 2015

Cantley se développe (suite)



1. Agmatite (variété de migmatite, voir Wikiki) d'allure fantomatique, dans une sablière de Cantley (Québec). Le granite rose découpe un gneiss sombre encore malléable. Montage à l'ancienne manière (épreuve papier, colle et carton) : clichés juillet 2000.


Résumé

Migmatites de styles variés à Cantley (Québec) menacées de disparition ; Province de Grenville (plus d'un milliard d'années) du Bouclier canadien
Autres billets sur le même sujet
13 nov. 2009, «Migmatites de Cantley»
2 avril 2014, «Cantley se développe»
Localisation
Montée Saint-Amour, Cantley (Québec) ; sablière et marécage au N du chemin Lamoureux.
31G/12 ; 45.580466, -75.719112


Encore un coin de mon terrain de jeux qui va m'être escamoté. On le recouvre de structures de toutes sortes, en veux-tu, en voilà, des super- et des infra-. De mon point de vue, on le trouerait comme un gruyère, le résultat serait le même. Des choses disparaissent. Comme ces migmatites qui vont s'effacer du paysage sous l'une des résidences qui poussent un peu partout à Cantley.

Ou bien les affleurements seront recouverts (photo 5) ou bien, enclos dans l'arrière-cour d'un domicile, ils deviendront inaccessibles (les autres photos).

Mais je suis trop sentimental. S'attacher à des roches, des paysages et des souvenirs...



2. Quand j'y suis retourné, après une absence de 15 ans, il pleuvait, la sablière était à demi-enfouie sous un remplissage d'argile en vue de la construction d'une maison. Le marécage (devant l'affleurement) débordait. Manque de recul, couleurs disparues sous le luisant de la pluie, difficile de décrire ce qu'on voit quand on ne le voit pas ! La surface rocheuse, abrupte et polie par les glaciers, était déjà glissante par temps sec. J'ai pas osé tenter l'escalade. Revenir par une météo plus clémente, avant que l'endroit soit habité ? Photo 1er nov. 2015. 
Note. – La surface a beau être indistincte, je constate quand même que je n'ai pas photographié le même pan de l'affleurement qu'en 2000 (photo 1).



3. Surface horizontale : tout aussi mouillée, mais on voit mieux. Photo 1er nov. 2015.



4. Les stries glaciaires ont une orientation NNW-NNE. Toujours utile de le noter. Photo 1er nov. 2015.



5. Pour cette autre agmatite  – les filons de granite rose découpent le gneiss en éléments plus anguleux —, revenir sur les lieux ne servira à rien. Elle est désormais sous le remplissage (photo 2). Photo juillet 2000.

mardi 10 novembre 2015

Hors sujet : des arbres nourris de bois au parc Jacques-Cartier


Voir suite (3 sept. 2016).


1. Un des éléments de l'escarpement long d'environ 60 m au nord du parc Jacques-Cartier, sur la rive droite du ruisseau de a Brasserie, à Gatineau (Québec). Photo 9 nov. 2015.


Dans ma recherche des vestiges qu'auraient laissés d'anciens ruisselets qui, autrefois, se jetaient dans le ruisseau de la Brasserie au nord de l'Île-de-Hull (billets du 7 nov. et du 1er nov. 2015), je suis passé par la pointe NE de l'Île, à l'extrémité du parc Jacques-Cartier (CCN).

Marchant le long de la rive droite du ruisseau de la Brasserie, près de son embouchure dans l'Outaouais, j'ai aperçu, dans ce qui était jusqu'alors une terra incognita pour moi, un escarpement terreux sur lequel des arbres avaient étalé leurs racines. L'attaque de l'érosion par les crues printanières a déjà fortement entamé la terre. Les racines sont à nu, les arbres menacent chute, le sol est plus troué qu'un gruyère.

Un mur de terre si près de la rive, c'était surprenant. Les crues d'un ou deux printemps en seraient venu à bout. Regardant de plus près, je me suis rendu compte qu'il s'agissait non de terre, mais de... bois, de bois pourri. Les arbres poussent sur de minces planches de bois empilées. Le bois, à plusieurs endroits (photo 5), est presque intact.

Bizarre.

De 1873 à 1930, la Gilmour and Hughson Company a exploité un moulin sur le site (précisions que j'ai obtenues de retour chez moi). Le bois était empilé dans les cours à bois, bien sûr, sur le plateau, en hauteur, assez loin du ruisseau, et non pas sur le bord de l'eau, mauvais endroit pour la conservation du bois de sciage et même du bois tout court.

Un texte de Michael Davidson datant de 1998 m'a finalement éclairé :

«A definite soil layer of rotting sawdust from a foot to eight feet deep is exposed along the bank of Brewery Creek.»

Il s'agirait de sciure de bois, ou plutôt, comme j'ai pu le constater, de morceaux de bois empilé, et non de planches, comme je l'avais cru. Davidson parle de «soil layer», alors que ma première impression a été celle d'un mur discontinu, long d'environ 60 m, érigé face à la rive. Est-ce la morsure des hautes eaux du printemps qui donne ce rebord vertical à la couche de débris ? Dans un sens, les racines des arbres maintiennent plutôt qu'elles n'attaquent l'empilement de poussières et de débris de bois.

Ce bois où poussent des arbres aurait donc, au minimum, 85 ans. J'ignore si ce genre de cas de figure est fréquent, mais si les arbres se mettent à en bouffer d'autres par leurs racines, où allons nous ?

Je reviendrai sur ce site où abondent des vestiges, peut-être pas très spectaculaires, mais très intéressants.

Toutes les photos : 9 et 10 nov. 2015.



2. Un autre pan de l'escarpement ou du mur. Le site, très boisé, ne permet pas assez de recul pour donner une belle perspective. À moins de marcher dans l'eau...



3. Même endroit, autre angle. Étrange que les racines se soient étendues en largeur plutôt que de s'enfoncer dans la masse de sciure tendre. Le bois répugnerait-il à dévorer du bois ?



4. Plan général du détail figurant à la photo 1.



5. Ici, le bois est intact, ou presque, après plus de 85 ans. On retrouve la pointe de bois frais à l'extrémité droite de la photo 3.



6. Détail de la photo 5. En noir, du bois brûlé ?


7. Arbre mort près des ruines d'un bâtiment de la Gilmour. Il y en a plusieurs dans les parages a avoir basculé de cette manière.

dimanche 8 novembre 2015

Ponts de pierre dans la vallée de la Gatineau


1.  Perte de la Kazabazua, route 105, au nord de Gatineau (Québec) ; la rivière s'engouffre dans un pont naturel sculpté dans le marbre. Photo 7 nov. 2015.
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Résumé

Phénomène karstique : ponts de pierre dans le marbre de la vallée de la Gatineau.
Localisation
  • Kazabazua, route 105, env. 1,5 km au sud de la jonction avec la route 301 (Québec). 31F/16 ; 45.942499, -76.006031
  • Lac du Pont-de-Pierre et la Baie Noire du Lac-des-Trente-et-Un-Milles, Déléage (Québec). 31J/ 5 ; 46.317514, -75.787520


Tournée des ponts de pierre dans la vallée de la Gatineau en Outaouais, résultat de l'érosion du marbre par l'eau courante.

Le marbre, âgé d'un milliard d'années et plus, appartient à la province de Grenville (voir le billet du 20 nov. 2009 sur l'histoire géologique de l'Outaouais). L'eau courante dissout peu à peu la roche, y sculpte des cannelures et creuse des conduits sous la surface en exploitant les joints et les failles.

Voir le billet du 2 juillet 2014, «Kazabazua sous le marbre» pour plus de détail. Voir également le complément daté du 4 juillet 2014.

Photos : 7 novembre 2015.


2. L'un des ponts de pierre du Lac-des-Trente-et-un-Milles. Au loin, le lac du Pont-de-Pierre où le ruisseau prend sa source. Les ponts constitueraient les restes de la toiture effondrée d'une caverne.



3. L'eau passe vraiment sous la roche.



4. Autre pont, en descendant le courant.


5. Voyez les cannelure creusées dans le marbre par la cascade, en aval des ponts de pierre.


6. Un chaos de blocs obstrue presque la cascade.


7. Autres cannelures dans le marbre.


8. Ça bouillonne.


9. La cascade tombe dans le «bain tourbillon», selon l’appellation locale. Il s'agit d'une marmite dont la profondeur dépasse les 3 m. À l'avant-plan, inclusions sombres dans le marbre surgissant par dissolution de la roche.
(Ajout, 8 nov. 2015). Sur des photos prises alors que l'eau est plus basse, on se rend mieux compte que la cascade se déverse dans le bain par deux gouttières séparées par une paroi de pierre. L'histoire ne dit pas si c'est pour permettre de doser l'eau froide et l'eau chaude dans la baignoire. Voir les photos dans le site de la Municipalité de Déléage et de la Municipalité régionale de comté (MRC) de La Vallée-de-la-Gatineau.