mardi 26 novembre 2013

Haut-de-forme et géologie



Détail de l'aquarelle de Woolford (1821) reproduite plus bas. À droite, haut juché et coiffé d'un haut-de-forme noir : le premier géologue de l'Outaouais. Source : Toronto public library.


Dans mon dernier billet, j'ai mis en ligne une aquarelle de Woolford représentant les chutes de la Grande Chaudière sur l'Outaouais, à Hull (Gatineau, Québec).

Outre celle d'être l'une des plus anciennes représentations des chutes – elle date de 1821 –, cette aquarelle a une autre particularité. On y voit le premier géologue – ou paléontologue – de la région. Le personnage à droite, celui au chapeau haut-de-forme noir, reste indifférent aux spectateurs et, debout sur une étroite corniche formée par une strate résistante à l'érosion, examine le calcaire d'une autre corniche de la falaise.

On distingue mal ce qu'il fait : il n'a ni marteau de géologue, ni boussole, ni sac à échantillons. Et pourtant, il est engagé dans ce qui semble un examen approfondi de la roche ou des fossiles qu'elle recèle.

Cet homme au chapeau noir est l'ancêtre de tous les géologues et paléontologues, amateurs ou professionnels, qui se sont succédés en Outaouais.

À ce titre, ce prédécesseur anonyme mérite sa place dans le blogue. Nous lui levons notre chapeau, haut-de-forme ou pas.



John Elliott Woolford, Part of the Chaudiere Falls, near Wright's Town (Ottawa, Ontario [sic]), 1821. La scène représente la Grande Chaudière, à Hull (Québec), dont seule la rive sud, non visible ici, est à «Ottawa, Ontario». (La rive visible à droite est la rive québécoise, au nord.) Toronto public library.
Woolford est aussi l'auteur du «pot-de-fleurs» (billet du 5 déc. 2012).


John Elliott Woolford (1778-1866) «était peintre paysagiste et architecte. La période qu´il a passée au Canada au service de Lord Dalhousie est la plus féconde de sa carrière artistique. Dans ses œuvres, il célèbre le caractère pittoresque des paysages canadiens.» (Musée des beaux-arts du Canada)

dimanche 24 novembre 2013

Les Chaudières de l'Outaouais à Toronto


Merci à Roger Latour de Flora Urbana qui s'est à nouveau soucié d’enrichir le contenu de ce blogue.

Roger m’a transmis cette collection de représentations des chutes des Chaudières, sur la rivière des Outaouais, conservée à la Bibliothèque publique de Toronto (BPT).

Plusieurs de ces œuvres sont connues. Il y en au aussi plusieurs inédites, du moins pour moi.

Les titres et les légendes placent les chutes à Ottawa, en Ontario. C’est un peu excessif dans la mesure où la Petite Chaudière est toute entière à Hull, au Québec, tandis que seule la rive sud de la Grande Chaudière se trouve en Ontario. (Notez que la frontière interprovinciale des cartes de Google est fausse en amont des chutes. Voir mon billet du 4 mai 2013.)

Après deux interventions de ce genre (voir billet précédent), le titre de lecteur du mois est à présent presque assuré à M. Latour.



Les chutes esquissées...





Deux esquisses au crayon de George Harlow White (1876). Le titre choisi par la BPT, «Chaudiere Falls, Ottawa (Ontario)» n'est pas tout à fait exact comme je l'explique plus haut dans le texte. La première esquisse représente la Grande Chaudière tandis que la seconde montre la Petite Chaudière. Toronto public library.


... et géométrisées



John Elliott Woolford, Part of the Chaudiere Falls, near Wright's Town (Ottawa, Ontario [sic]). La scène représente la Petite Grande (oups !) Chaudière, à Hull (Québec), dont seule la rive sud, non visible ici, est à «Ottawa, Ontario». (La rive visible à droite est la rive québécoise, au nord.) Je ne suis pas certain que les bancs de calcaire de la rivière des Outaouais aient jamais présenté des formes si épurées. Dans cette aquarelle datée de 1821, Woolford stylise quelque peu la réalité et prend presque 100 ans d'avance sur l'avènement du cubisme. Toronto public library. 

Ajout (25 nov. 2013). – Woolford est aussi l'auteur du «pot-de-fleurs» (billet du 5 déc. 2012).


Ce n'est pas tout, il y a encore d'autres œuvres à découvrir à la BPT (lien plus haut).

samedi 23 novembre 2013

Canal Rideau : hier et aujourd'hui



Une des écluses du canal rideau, à Ottawa, sous la rue Wellington, à l'est du Parlement. Au second plan, l'ancien pont des sapeurs (1827-1911, démoli en 1912 ; des vestiges sont encore visibles). L'image provient d'une série de gravures disponible ici. (Le lien conduit à une liste de fichiers ; celui de notre gravure : RIDEAU3.JPG.) Le site ne fournit pas de précision sur l'auteur et la date. Pour le second point, je peux tenter une approximation : ère post-crinolines, fin XIXe s., début du XXe. ? (On peut pas dire que je me mouille beaucoup...)



Même endroit, début du XXIe s. (28 oct. 2013, pour être plus précis). Amusant de voir à quel point l'essentiel n'a pas changé en 100 ans.

La gravure a de toute évidence été réalisée d'après une photo. Les mêmes contraintes liées à la configuration des lieux et à l'obligation de réussir un bon cadrage ont fait que je me suis planté tout naturellement au même endroit que mon anonyme prédécesseur pour prendre mes photos. (En fait, j'aurais voulu me placer davantage à droite, mais le panneau, qui n'existait pas à l'époque, aurait masqué la scène.) Je me demande si c'est toujours la même roue – animée à l'huile de bras – qui actionne les panneaux de l'écluse depuis l'époque de la gravure ?

Merci à Roger Latour, de Flora Urbana, de m'avoir révélé cette série de gravures.

jeudi 21 novembre 2013

Intraordinaire à Cantley


Fig. 1. Quartzite et paragneiss rubanés parcourus de veines de quartz concordantes (parallèles au rubanement) ou discordantes (recoupant le rubanement). Le miroir de la boussole pointe vers le nord. Signe particulier. – Cet affleurement est parfaitement banal.





Résumé et contexte géologique

Quartzite et paragneiss rubanés et plissés à Cantley (Québec) ; province de Grenville du Bouclier canadien (âge : un milliard d'années)
Localisation
Chemin Noémie, Cantley (Québec)
45.541882,-75.75084
31G/12
Lien
Billet (ce blogue) sur un affleurement semblable : «Filons à Cantley», 14 juillet 2010.
Photos
24 novembre 2012


Par définition, la banalité doit dominer. Si tout était exceptionnel, tout, du même coup, deviendrait banal.

Autrement dit, si l'Univers était un spaghetti, il y aurait plus de pâte que de sauce, de viande et de piments.

Pour reconnaître l'extraordinaire, il faut se familiariser avec le banal, le tout-venant, le staple, l'anodin, l'ordinaire et même l'intraordinaire. D'où la description de cet affleurement du nord de Gatineau qui illustre l'aspect de la « pâte » qui constitue l'armature de la section de la Province de Grenville où nous habitons (voir « Résumé et contexte géologique », plus haut.)

J'exagère à peine en disant que c'est l'affleurement par défaut des collines de l'Outaouais. Il n'y a rien là pour étonner qui que ce soit. 

Et c'est ce qui m'intéresse ici, le non étonnant. La nature des choses, sans froufrous, ni flaflas, ni chichis.

(En fait, il y aurait quand même quelques autres affleurements types à illustrer. Celui-là, par exemple, manque de marbre, aussi très typique.)

Le quartzite de Cantely est un très vieux sable métamorphisé (recristallisé) dans les profondeurs de l'écorce terrestre il y a un milliard d'années ; le paragneiss, lui, provient de sédiments argileux qui alternaient avec le sable. Le tout a été froissé et comprimé, les strates s'en sont trouvées redressées (fig. 7) ; le granite, roche magmatique (en fusion, donc), a envahi les formations. Des intrusions tardives fluides (hydrothermales) ont apporté leur dernière touche par d'ubiquistes filons de quartz gris ou blanc qui ont rempli les fractures. Des centaines de millions d'années plus tard, l'érosion a amené les couches profondes de l'écorce terrestre à la surface, à temps pour qu'elles se fassent polir par les glaciers du Quaternaire, fondus il y a 12 000 ans. Le profil bas et arrondi de l'affleurement est un vestige que nous leur devons (roche moutonnée).

Un autre exemple d'un ensemble quartzite-paragneiss et granite(s) a déjà été décrit plus en détail dans le billet du 14 juillet 2010 (lien plus haut).

Le résultat global est beaucoup de quartz : celui du quartzite (sable métamorphisé) ; celui, plus ou moins abondant, des granites (roches magmatiques) et celui des filons de quartz (manifestations hydrothermales tardives). On me dira que le sable, au bout du compte, provient de l'érosion de granites encore plus anciens, ce qui complète la boucle

C'est ainsi que s'est formé le socle de notre continent. Nous marchons sur du banal quartz* recyclé

* Et quelques autres minéraux, bien sûr.

(Voir aussi ce billet : «Sea, Sex and Zinc», 7 juillet 2012.)


Fig. 1 bis (ajout 22 nov. 2013). Détail de la fig. 1. Noter les filons de quartz envahissant le quartzite : concordants (grisâtre) ou discordants (blanc laiteux).


Fig. 2. Quartzite (clair) et paragneiss (plus sombes) rubanés recoupés par un filon discordant de granite orangé qui est lui-même recoupé (à droite) par une «virgule» de quartz blanc. La pièce de 2 dollars canadiens, au centre, vaut deux cents cents canadiens, et mesure 28 mm de diamètre.


Fig. 3. Lentilles de paragneiss dans le quartzite. Veine de quartz blanc en bas. Les cristaux les plus blancs sont cependant ceux de la neige automnale...


Fig. 4. Dans la bande centrale de quartzite blanc, on devine une intrusion indistincte et peu contrastée de granite rose pâle et blanche.


Fig. 5. Plis dans l'ensemble quartzite-paragneiss. Visée vers le NNW (cf. la boussole, en haut, à gauche).


Fig. 6. Autre vue du pli. Un filon de quartz le recoupe (Q). Le paragneiss vert sombre, coin supérieur gauche sombre, forme une bande qui longe le quartzite.


Fig. 7. Roches redressées : revoici le paragneiss vert sombre (fig. 6), parcouru de lits concordants de granite orangé, en coupe.


Fig. 8. Granite gris (monzonite quartzifère, selon la carte géologique) qui recoupe le quartzite-paragneiss, au sud de l'affleurement. Le granite gris est lui-même envahi par du granite orangé.

samedi 16 novembre 2013

Retour à la carrière Lang's


Fig. 1. Clair : stromatolites(?) et «other curved shapes of uncertain origin» 
de Fryson (lien plus haut). Sombre : calcaire à stratifications obliques.
(Photo 9 nov. 2013)



Résumé et liens

Stromatolites(?..., etc.) dans un calcaire bioclastique ordovicien (490-445 millions d'années) aux stratifications entrecroisées, à Ottawa.
Localisation
Carrière Lang's, Ottawa ON, angle chemin Lang's et Greenhill Way
45.447135,-75.636441
Voir billet (ce blogue) sur le même site
«Stromatolites ?...», 10 nov. 2013
  Autres billets (ce blogue) sur les stromatolites
«Colonie de stromatolites à Gatineau», 8 nov. 2009
«Stromatolites du Transitway, à Ottawa : suite», 1er nov. 2011
Lien (vers un autre site Internet)
Manor Park: Geology, par W.K. Fyson (site 2G)




Je ne peux me détacher des photos que j'ai ramenées de la carrière Lang's, à Ottawa.

La question de l'identification des ces entités ductiles à l'aspect amiboïde (sauf respect que je leur dois) fossilisées dans le calcaire n'a pas progressé, du moins pas autant que je l'aurais espéré. J'ai mon idée, déjà exprimée dans mon billet du 10 novembre (lien plus haut, dans «Résumé»).

En attendant le fin mot, reste que l'examen des photos révèle des paysages fascinants. À suivre...


Fig. 2. Vue rapprochée du mur de calcaire de la fig. 1.


Fig. 3. Gros plan sur la fig. 2. Cratères arrondis et rouille interne.


Fig. 4. Zoom encore plus rapproché sur la fig. 2. Intérieur rouillé révélé par la chute d'une «croûte» de la pierre. Ça me rappelle la photo d'une autre formation non identifiée (stromatolite ou stromatopore) : voir les deux premières photos de cet ancien billet.


Fig. 5. Nouveau détail de la fig. 2. Les sillons obliques parallèles sont des joints ou fractures creusés par l'érosion. Des débris de fossiles (bioclastes) se sont déposés en couches ou ont rempli les interstices entre les grands éléments aux formes souples. Identifications à venir.


Fig. 6. Vue rapprochée de la fig. précédente. Amas de sédiments s'étaent adapté à l'espace disponible entre les «curved shapes» de Fyson (lien plus haut).


Fig. 7. Gros plan des stromatolites(?) de la fig. 9 du billet du 10 nov. 2013 (lien plus haut). Au dessus, les stratifications du calcaire. (Photo 9 nov. 2013)


Fig. 8. Pour comparaison avec les fig. 1 et 2. © P.-A. Bourque. Légende originale : «Empilement de stromatopores globulaires formant pratiquement 80% de la roche. Un tel empilement se retrouve en général dans la partie arrière-récifale. Silurien de Gotland.» La comparaison des autres stromatopores illustrés par Bourque avec le stromatolite(?) de la fig. 7 montre la difficulté qu'il peut y avoir de distinguer à coup sûr entre stromatolites et stromatopores.