jeudi 27 décembre 2018

Low et chutes Paugan, Qc : archives vs archives



1948. - Photo Pierre Mauffette (le contraste de la photo a été accentué). Légende originale : « Contact entre les paragneiss et le calcaire [marbre] en aval du barrage des chutes Paugan, low [sic], comté Gatineau, noter les plis dans le calcaire au premier plan, Comté Gatineau. » Visée vers le sud ; la rivière qui serpente en bas est la Gatineau.
E6,S7,SS1,P71671, fonds ministère de la Culture et des Communications, Office du film du Québec, BAnQ Québec. http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3470386.



1999. - Même endroit, photo votre serviteur.



2010. - Amusant de voir que le bloc de marbre blanc isolé sur le gneiss noir, à gauche, était déjà là en 1948 et n'a apparemment jamais bougé. En tout cas, jusqu'en 2010.

Voir le billet du 3 août 2012, « Laves à Low ? » pour en savoir plus. Pour l'ensemble des billets consacrés au barrage Paugan, suivre ce  LIEN.

dimanche 23 décembre 2018

Joyeux quelque chose



Paysage automnal pour vœux hivernaux


J'aimerais vous souhaiter un joyeux Noël, ce qui, si l'on s'attache au strict sens des mots, revient à vous souhaiter « joyeuse nativité » ou « joyeuse natalité ». Hors, personne n'étant enceint(e) dans nos entourages respectifs, je me trouve tout à coup un peu embarrassé. Je ne voudrais pas lancer de vœux inappropriés. Mais rien n’oblige à prendre les mots au pied de la lettre.

Que naissent donc, croissent et fleurissent un tas de bonnes choses attendues, inattendues, espérées ou inespérées… !

Ou, tout simplement, acceptez mes souhaits de joyeuses fêtes !

mercredi 12 décembre 2018

Roche porphyrique à l'Ange-Gardien, Qc



Neige blanche et gneiss gris à l'Ange-Gardien, Qc, au nord de Gatineau. Photo 30 nov. 2018.


Que fait un géologue amateur en hiver ?

Je l'ignore, ces photos ont été prises en automne (le 30 nov. 2018, plus précisément).



Malgré la neige, cette roche porphyrique à phénocristaux de feldspath noir n'a pas échappé à notre attention. Une clé-anglaise rouillée qui traînait sur le bord du chemin a servi de pointeur improvisé.


Cette roche porphyrique à phénocristaux de feldspath noir (photo 2) est plutôt atypique dans la région. La matrice est à grain extrêmement fin (fraction de mm) et la roche, massive, ne montre aucun signe de déformation. Elle recoupe les roches granitiques ou gneissiques à son contact. Appartient-elle à la suite ignée de Robitaille ? C'est, après une seconde et néanmoins automnale visite sur les lieux (19 déc. 2018), une hypothèse qui se défend. Affaire à suivre.

À noter que la même roche porphyrique forme un filon rectiligne dans un marbre, moins d'un km à l'E de l'endroit où ces photos ont été prises

Hébert* signale une syénite à phénocristaux de feldspath dans la région, mais elle fait partie d'un ensemble de roche plutoniques foliées à grain moyen ou grossier. Rien qui ressemble à notre roche massive à matrice très fine

* Yves Hébert, 1988 - Géologie de la région de Buckingham. SNRC 31G/11. Min. de l'Énergie et des Ressources naturelles du Québec, DP 88-11, carte (1:50 000).


Détail. - Phénocristal de feldspath noir.

vendredi 7 décembre 2018

Walker : ruelles du plateau Mont-Royal



Walker : ruelles du plateau Mont-Royal, Roger Latour, Éditions Flor Urbana, 2018, 116 p.
Album photographique.
Pour l'obtenir, rendez-vous au site de Flora Urbana.
(Ou directement via iTunes.)


Walker : ruelles du plateau Mont-Royal, de Roger Latour, vient de paraître. Il s'agit du journal de bord photographique d'un touriste local - Roger explorant son propre quartier. Les ruelles du plateau Mont-Royal servaient autrefois à la livraison du charbon à domicile. Quel livreur de pizzas les emprunte encore ? À la fois abandonnées et dorlotées, elles témoignent sous leurs frondaisons de la persistance de leur nécessité. La fonction a conservé l'organe, mais de quelle fonction s'agit-il ?


« Les ruelles sont des parcs linéaires aux usages à la fois indéterminés, instables, labiles, libres et sujets à révision ! Qui fera le calcul de leur surface cumulée ? Si les parcs sont des espaces verts, les ruelles sont du temps vert : il est plus difficile de quantifier cet aspect ! » (Roger Latour, extrait de Walker)

Le safari photo vaut le détour. Texture, lumière, topographie (oui, même le Plateau a une topographie !) : tout un monde par des indices : fenêtres, portes, brins d'herbe dans le pavage, graffitis... À coup sûr, l'endroit est habité, même si on ne voit (presque) personne. En tout cas il a une âme.

J'avais rédigé il y a quelques années un texte sur un quartier plus ou moins similaire au Plateau, mais qui m'inspire des sentiments assez semblables :

Au pied de la colline du Parlement, un quadrillage de rues a été jeté sur un plat terrain. Sauf le pont d’un porte-avions par mer d’huile, rien au monde d’aussi peu penté que ce quartier. Je jure avoir vu une flaque d’eau hésiter et ne pas savoir dans quelle direction s’écouler par absence de déclivité. C’est malgré tout un endroit charmant, surtout en périphérie ; de vieilles maisons en briques rouges ou en pierre taillées dans le calcaire local, un peu rouillées, un peu rugueuses, apportent ce qu’il faut de patine et de guingois pour corriger ce côté trop bien nivelé. Elles laissent les arbres leur faire de l’ombre et se rejoindre au dessus des toits et de l’asphalte. (Henri Lessard, 2005)

Pour l'absence de déclivité, je ne suis pas certain. Pour le guingois, ça colle.

Walker : ruelles du plateau Mont-Royal aurait pu être intitulé Périple autour et à travers mon quartier. Ou, Les ruelles de traverses.

Rien ne vous empêche d'aller y faire un tour en images, que vous soyez du quartier ou pas. À la feuilleter, j'ai retrouvé ce qui, pour moi, fait le charme de Montréal. L'adresse pour l'obtenir via iTunes est celle-ci :
https://itunes.apple.com/ca/book/id1445314885

Roger Latour est l'auteur du blogue Flora Urbana : pérégrinations à la découverte de la biodiversité et des paysages de l'île de Montréal et au-delà. friches, arbres, phénologie, écologie urbaine, orchidées, verdissement, aménagement.

J'ai déjà parlé de sa précédente publication, Stabat Arbor.

Et tant qu'à aller faire un tour sur iTunes, profitez-en pour jeter un coup d'oeil sur les autres publications de Roger Latour.

Les photos qui suivent sont tirées de Walker. Les légendes sont de moi.

Le fauve se profile de face. Photo © Roger Latour, 2018.

L'Amazonie du Plateau. Photo © Roger Latour, 2018.

Marchez sur la pelouse. Photo © Roger Latour, 2018.

Là où il y a ombre, lumière il y a. Photo © Roger Latour, 2018.




mardi 27 novembre 2018

Marbre et formations plissées au fond du lac Marie-Lefranc


Photos : Jean-Louis Courteau.


Formation rocheuse au fond du lac Marie-Lefranc dans le parc Papineau-Labelle, au Québec. La lente dissolution du marbre laisse en relief strates et couches plissées résistantes contenues dans la masse rocheuse.


J'ai déjà parlé des découvertes de Jean-Louis Courteau au fond des lacs des Laurentides : de magnifiques draperies rocheuses contenues dans le marbre que la dissolution lente de ce dernier fait peu à peu émerger en relief. Voyez cet ancien billet pour l'explication du mécanisme : 




Les autres billets qui traitent du sujet sont accessibles par un clic :




Leurs récentes expéditions ont conduit Jean-Louis Courteau et Richard Lahaie au lac Marie-Lefranc, dans le parc Papineau-Labelle.

Rien qu'un petit mot avant de laisser parler les photos : les roches au fond des lacs des Laurentides ne sont pas différentes de celles qui affleurent à l'air libre. Le marbre est très répandu dans cette région et en Outaouais. Cette roche est fréquemment semée d'inclusions tenaces qui opposent une forte résistance à l'érosion. Ce qui est exceptionnel, c'est que l'érosion lente du marbre par l'acidité naturelle des eaux s'est produite dans le calme du fond des lacs, permettant du même coup à ces inclusions de conserver leur intégrité à mesure que le marbre « reculait » en se dissolvant. Le résultat : des plaques, des rouleaux et des draperies aux plis complexes.

Voyez les photos, ici ou avec d'autres dans le site Aquadelic de Jean-Louis. (Tant qu'à : voyez aussi le site de peinture de Jean-Louis : http://jeanlouiscourteau.blogspot.com/)

Au risque de me répéter : les draperies photographiées ici sont en pierre : elles n'ondulent pas au vent (ou plutôt au courant), elles sont telles que les forces tectoniques les ont façonnées il y a un milliard d'années. L'érosion a attendu tout ce temps pour les dégager.

























samedi 24 novembre 2018

Falaise de l'Ange-Gardien, Qc


Photo 1. - Falaise de gneiss, à l'Ange-Gardien, au N de Buckingham (Gatineau), Québec. Surfaces fraîches, grises, blanches et orangées ; surfaces altérées, couleur rouille. À en juger d'après mon ombre portée, j'ai l'air de lui adresser un salut respectueux. Toutes les photos : 4 nov. 2018, sauf mention contraire.


Les circonstances et la configuration du lieu font que je n'ai jamais trouvé le bon angle pour la photographier. Cette falaise ne manque cependant pas d'allure, d'autant qu'elle semble surgir de nulle part quand on prend le virage pour accéder à la grand route. La lumière se fait douce pour l'effleurer. Les surfaces anciennes, météorisées, ont acquis une belle patine rouille ou un beau vert-de-gris tandis que les cassures récentes, nées des travaux routiers, lui font une grise mine très ensoleillée.

C'est peut-être la douceur de la lumière, l'aspect monumental du mur de roc vertical, l'alliance des tons d'ocre avec le bleu du ciel. Je ne sais pas, le résultat est que j'aime cet endroit.

La falaise est située sur la route 309, à la jonction de l'avenue de l'Ange-Gardien, à l'Ange-Gardien, au nord de Buckingham (Gatineau), Québec. Les cartes géologiques laissent l'endroit dans le flou (voir le billet du premier janvier 2014 sur les misères que j'endure par la faute de ces cartes). En gros, des gneiss sombres sont envahis et découpés par d'autres roches gneissiques de teintes plus claires où s'est immiscé un granite orangé. Le tout est coupé par un filon oblique mélanocrate (riche en minéraux noirs) à grain très fin. Les roches appartiennent toutes à la province de Grenville et son âgées de plus d'un milliard d'années.

On trouvera sans peine une falaise plus belle, plus haute, plus monumentale, plus pittoresque, plus ceci ou plus cela, elle demeure ma favorite, en photo ou en personne.



Photo 2. - La falaise, ainsi qu'elle apparaît en venant de l'avenue de l'Ange-Gardien. Les gneiss sont d'une teinte sombre à droite (SE) qui s'éclaircit vers la gauche (NW).



Photo 3. - Les surfaces verdâtres, en bas, ont sans doute longtemps été exposées à l'air libre ; en haut, la couleur rouille pourrait être due à des infiltrations d'eau le long de joints. Le gris est la roche fraîche, exposée par les travaux routiers.

Photos 4, 5, 6 et 7 : coupe NW-SE de la falaise.


Photo 4.


Photo 5. 



Photo 6.


Photo 7.



Photo 8. - Filon oblique recoupant le tout.


Photo 9. - Version automnale (?!), 22 nov. 2018.

jeudi 8 novembre 2018

Le présent vient de rajeunir de 50 ans !


Les gneiss, granites etc. qui composent cette falaise datent de plus d'un milliard d'années. Histoire de placer le propos de ce billet en perspective... 
Jonction de la route 309 et de l'avenue de l'Ange-Gardien à l'Ange-Gardien, Qc. Photo 4 nov. 2018.


Autre ajustement à apporter à nos horloges, autrement plus important que le retour à l'heure normale que nous avons dû faire la fin de semaine dernière.

Le présent vient de rajeunir de 50 ans !

J'ai découvert la chose en ajoutant une note à mon précédent billet.

La Commission internationale de stratigraphie ne semble plus dater les événements en années « avant aujourd'hui » (AA, ou, plus fréquemment, BP, pour Before Present), comme le veut une convention adoptée par les archéologues, climatologues et autres paléontologues.

Le « présent » en question a été placé en 1950, histoire de bénéficier d'un point de référence fixe. (Ceci évite d'avoir à vieillir le passé d'un an chaque année, ce qui, soit dit en passant, serait pourtant conforme à la réalité.)

Or, la Commission date à présent (si je puis dire) les événements en « yr b2k » (years before AD 2000), soit en « années avant l'an 2000, Anno Domini ».

Autrement dit, le présent vient d'être rajeuni d'un demi siècle.

Bonne nouvelle pour bon nombre de personnes, moi inclus. Vous sentez-vous soudainement plus jeunes ?

Inconvénient, les personnes nées après l'an 2000 ont un âge négatif ou n'existent tout simplement pas.

(Il reste que ce nouvel usage risque de créer beaucoup de confusion. Quand quelqu'un parlera d'un événement s'étant produit « avant aujourd'hui », il ne sera pas clair si cela signifie avant 1950 (années BP ou AA), comme autrefois, ou avant l'an 2000 (années « yr b2k »), selon la nouvelle façon. 


mardi 6 novembre 2018

Anthropocène : époque ou crise ?


Article révisé le 4 janv. 2020.



Évolution de l'empreinte de l'Anthropocène sur un marbre précambrien saisie en trois étapes, à Low, au nord de Gatineau, QC. Première photo : 22 août 1998. Photos Henri Lessard (les deux autres sont visibles plus bas.)


Autres billets du blogue sur l'Anthropocène : lien.


L'Anthropocène, crise ou époque ? 

Je suis récemment tombé sur un article très intéressant qui traite de cette question. La conclusion des auteurs est que notre mode de vie et d'exploitation de la planète imposera une durée de vie trop brève à notre civilisation pour qu'elle se mériter un nom en « -cène » (nom d'une époque géologique). Les géologues du futur, ceux qui viendront dans 66 millions d'années, parlerons sans doute d'une crise pour qualifier notre temps, mais pas de l'Anthropocène (ou de ce qui en tiendra lieu dans leur vocabulaire). Le recul de 66 millions d'années n'a pas été choisie au hasard. Il correspond au laps de temps qui nous sépare d'une autre crise, fameuse entre toutes, la crise KT [Crétacé-Tertiaire] qui a vu la disparition des dinosaures. Dans 66 millions d'années, la crise de l'Anthropocène (qu'importe le nom qu'on lui donne ou qu'on lui donnera) sera-t-elle perceptible dans les archives géologique de la Terre ?

La réponse des auteurs (je ne vous fait pas languir, mais lisez quand même les extraits qui suivent) est oui. Nos dégâts, qui se seront étalés sur des temps extrêmement brefs, on en verra encore les traces dans 66 millions d'années, mais le bouleversement que nous auront apporté paraîtra un événement aussi intense que ponctuel (ce qui est bien la définition d'une crise...)

Quelques extraits de l'article :


L'Anthropocène, le regard et les réflexions d'un géologue

Pierre Thomas, Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS Lyon
Olivier Dequincey


« Le mot « Anthropocène » a été introduit à la fin du XXème pour nommer une “époque” géologique où l'homme serait un facteur géologiquement dominant, au moins aussi important que les autres facteurs géologiques “naturels”. L'époque que nous commençons a-t-elle une réalité géologique et correspond-elle à ces critères pour “mériter” le nom d'Anthropocène ?
[...]
Notre civilisation changera profondément ou disparaitra. Sa durée totale se comptera donc en siècles ou en millénaires, et non pas en millions d'années. Depuis quelques milliers d'années, et pour encore combien d'autres, l'humanité modifie son environnement. Cette modification se marque dans l'enregistrement géologique. Un géologue du futur qui ignorerait l'existence de notre civilisation verra certainement, enregistrés dans les sédiments (surtout marins) correspondant à notre époque et mis à l'affleurement par l'histoire géologique (1) des variations rapides et inhabituelles dans la nature et la granulométrie des sédiments, conséquences de variations rapides d'environnements sur les continents, (2) des roches bizarres, difficiles à expliquer autrement que par des artéfacts “industriels”, (3) des niveaux avec des anomalies chimiques et isotopiques, (4) les manifestations de variations climatiques plus rapides qu'ordinairement, et non corrélées à des paramètres astronomiques, (5) un très rapide bouleversement des fossiles, surtout sous forme de disparition-raréfaction d'espèces et d'homogénéisation des survivants. Un géologue du futur en conclura qu'il s'est passé à cette époque [sic !] quelque chose de très inhabituel.
[...]
Notre civilisation changera profondément ou disparaitra. Sa durée totale se comptera donc en siècles ou en millénaires, et non pas en millions d'années. [...] c'est bien plus court que les 12 Ma [Ma = million d'années] de durée de vie moyenne d'une époque géologique se terminant en ”-cène”. L'Anthropocène n'existera pas en tant qu'époque géologique avec la définition actuelle d'époque géologique !
Mais en plus des époques géologiques, les géologues ont défini les crises géologiques, dont la fameuse crise KT (= Crétacé-Tertiaire, il y a 66 Ma), dont la plus terrible des crises, la crise PT (= Permo-Trias, il y a 252 Ma)… Ces crises sont géologiquement très brèves (de quelques mois pour la crise KT, si la chute de la météorite en est bien le facteur prépondérant) à quelques centaines de milliers d'années pour les autres. Ce que nous faisons à notre planète s'apparente bien plus à une crise qu'à une époque. Si l'Anthropocène n'aura sans doute pas de réalité géologique en tant qu'époque, la crise anthropique en aura (hélas) sans doute une. »



Photo 19 juillet 2010.



Photo 14 juillet 2013.

Meghalayen et Anthropocène


Article révisé le 4 janv. 2020 (sans images).

Nous venons à peine de passer à l'heure normale que je découvre que nous avons changé d'âge géologique. Et ceci depuis juillet dernier. La nouvelle m'avait échappé. Voici ce court billet pour que vous aussi soyez au courant.

Bienvenue dans le Meghalayen, notre nouvel âge géologique


Par Benjamin Robert, Sciences et Avenir, 23 juillet 2018

Note : j'ai ajouté les liens dans le texte et mis quelques termes en gras. (H.L.)

« La Commission internationale de stratigraphie a divisé l'holocène, notre époque géologique actuelle, en trois sous-parties. Nous voici donc dans un nouveau chapitre géologique, le Meghalayen, depuis environ... 4200 ans. Une décision qui ne fait pas véritablement consensus au sein de la communauté scientifique. [...]


Pour déterminer de nouvelles périodes dans les échelles géologiques, les scientifiques doivent identifier des événements précis qui ont impacté l'ensemble du globe. [...]

L'holocène, notre époque géologique actuel [sic], dure depuis 11 700 ans, ce qui marque la fin de la dernière grande glaciation, et le début d'une époque au climat plus doux. Ce 12 juillet 2018, la Commission internationale de stratigraphie (ICS) a publié sur son site internet le nouveau découpage en trois parties de l'holocène, qui n'était jusqu'alors pas divisé. L'âge greenlandien constitue le premier étage de l'holocène, jusqu'à 8300 ans avant aujourd'hui, date qui marque le début de l'ère du Nordgrippien. [...]

La période du Nordgrippien laisse la place au Meghalayen, l'âge géologique actuel, 4200 ans avant aujourd'hui. À cette date, un épisode de sécheresse intense a éradiqué un certain nombre de civilisations dans le monde entier. Pour témoigner de cette époque, les scientifiques se sont basés sur une modification des atomes d'oxygène présents dans les couches d'une stalagmite de la caverne de Mawmluh dans l'état de... Meghalaya, au nord de l'Inde. [...]

L'holocène vient d'être divisé en trois parties alors même qu'une partie des scientifiques parle d'ores et déjà de la fin de cette époque géologique, qui serait remplacée par l'Antropocène [sic] : un nouvel âge géologique marqué par l'impact de l'humain sur l'ensemble de l'écosystème terrestre (même si sa définition précise fait l'objet de recherches en cours).

Une équipe de l'Union Internationale des Sciences Géologiques (IUGS) travaille actuellement sur la question, mais à ce jour, elle n'a toujours pas remis de rapport officiel à la Commission. Le terme n'a donc pas de signification officielle d'un point de vue géologique. Pour l'IUGS, "le terme "Anthropocène" a plus de sens d'un point de vue sociologique que d'un point de vue géologique et stratification des roches sédimentaires". »

Note. - Si vous consultez les documents sources (liens plus haut), vous verrez que la Commission internationale de stratigraphie ne date les subdivisions de l'Holocène en années « avant aujourd'hui », ou AA (ou BP, pour Before Present, le « présent » ayant été arbitrairement fixé par convention à 1950) mais en « yr b2k » (years before AD 2000), soit en « années avant l'an 2000, Anno Domini.) Les subdivisions de l'Holocène selon sont, en yr b2k :
  • Greenlandien : 11 700 ans
  • Northgrippien : 8326 ans
  • Meghalayen : 4250 ans.

lundi 15 octobre 2018

L'automne à Gatineau



Panorama depuis le belvédère Ramparts, parc de la Gatineau. Les ombres des nuages soulignent la succession des chaînes de collines, révélées ou masquées tour à tour par l'éclairage changeant. Visée vers l'ENE. Photo Henri Lessard, 13 oct. 2018.

Le point blanc à gauche sous l'horizon est la soucoupe de la station satellite Gatineau de Ressources naturelles Canada, chemin McClelland, à Cantley, Qc, distante de 10 km. Depuis l'orbite d'un satellite, elle doit être plus difficile à localiser...

Plus près, sous le belvédère, l'extrémité SE du lac Meech ; la Gatineau, cachée par les reliefs, coule entre le lac et Cantley.

La photo a été réalisée samedi dernier un peu grâce au service de navette gratuit offert par la Commission de la capitale nationale et la Société de transport de l'Outaouais dans le cadre du « Coloris automnal de la CCN ». (Je me rends bien compte que je leur fais de la publicité gratuite.)

La navette ne vous mènera cependant pas jusqu'au belvédère Ramparts. Un peu d'effort est nécessaire. Il faut descendre de l'autobus sur la promenade, au belvédère Étienne-Brûlé (qui n'est pas mal lui non plus), et prendre le sentier pédestre no 3 qui grimpe vers le nord, à travers les collines, puis le 28, pour l'atteindre. Distance : 2,5 km à vol d'oiseau, un peu plus avec les détours et les dénivelés.

Jusqu'où porte la vue ? Jusqu'à Buckingham sur la Blanche ? Au-delà ? Compter les chaînes de collines permet-il de l'évaluer ?

Ma photo vaut ce qu'elle vaut. Sur une échelle des chefs-d'oeuvre qui irait de 1 à 10, elle se mérite un 2. Sur place cependant, la scène était magnifique. Les ombres des nuages glissaient sur les chaînes de collines, masquant l'une, laissant l'autre dans la lumière.

dimanche 9 septembre 2018

Régolithe (encore) inédit en Outaouais


« [R]egolith [from the Precambrian-Paleozoic interface] has been observed at several places north of the Ottawa River (D.D.H., unpublished). » (Hogarth et al., 1988, p. 388)

On aimerait en savoir plus sur ces « several places», quarante ans après !


Source :
Donald D. Hogarth, Peter Rushforth, Robert H. McCorkell, 1988 - « The Blackburn Carbonatites, Near Ottawa, Ontario: Dykes With Fluidized Emplacement. » Canadian Mineralogist, vol.26, pp. 377-390. http://rruff.info/doclib/cm/vol26/CM26_377.pdf


Se contenter en attendant le billet du 23 janvier 2011, « Lac Beauchamp : un milliard d'années inscrites dans la roche », photo 3/3 :



Discordance Protérozoïque (bas)/Paléozoïque Haut), lac Beauchamp, Gatineau QC.
Texte et photo : Henri Lessard, juillet 2007, revu septembre 2018.

En haut : le grès de Nepean, de couleur grise, présente le caractère d'un conglomérat : il est truffé de galets qui lui donnent une apparence grêlée. 
En bas : le granite (province de Grenville, Bouclier canadien), de teinte claire. 
Entre les deux, une bande de matière friable, couleur orangée, semée, elle aussi, de galets. Il s'agit d'un paléosol qui remonte à l’époque précédant la déposition du grès il y a 500 millions d'années. On peut aussi parler d'un régolithe, résultat de l'altération aérienne. ou météorisation, du Bouclier canadien.


lundi 3 septembre 2018

« Clôture » du dossier de la mine Back-Wallingford ?


Le dernier accès à l’ancienne mine Wallingford-Back sera bientôt bloqué (voir anciens billets du blogue).

« La dernière ouverture menant à l’intérieur des murs de l’ancienne mine Wallingord-Back, à Mulgrave-et-Derry, sera bloquée d’ici la fin septembre. [...] Les deux accès les plus utilisés par les visiteurs de l’ancienne carrière avaient déjà été obstrués l’été passé dans le cadre d’une première phase de travaux.  [...] Exploitée de 1925 à 1972 pour son quartz et son feldspath, la mine Wallingford-Back a été abandonnée en 1995. [...] Exaspérés par le va-et-vient de milliers de touristes clandestins et par la pollution causés par ceux-ci, les habitants du chemin de la Mine, à Mulgrave-et-Derry, avaient notamment réclamé une intervention gouvernementale pour mettre fin à la situation. La MRC de Papineau a finalement demandé la sécurisation des lieux au MERN en avril 2017. » Benoît Sabourin, Le Droit, 20 août 2018.


Mine Back-Wallingford. Photo Le Droit.

mardi 28 août 2018

Discordance Bouclier canadien et plate-forme du Saint-Laurent à Kanata : mise à jour



Photo 1. - Discordance Bouclier canadien - plate-forme du Saint-Laurent à Kanata (Ottawa, ON). Chemin Old Second Line, à l'intersection avec la promenade Terry Fox.
À gauche (sud), paragneiss et quartzite, province de Grenville (Bouclier canadien), plus d'un milliard d'années (Protérozoïque) ;
À droite (nord), grès de la formation de March ou de Nepean, plate-forme du Saint-Laurent, env. 500 millions d'années (Paléozoïque).
...
Pour la suite, suivre ce LIEN vers le billet du 14 juillet 2018.

J'ai réécrit mon billet du 14 juillet dernier pour qu'il tienne compte de nouveaux éléments. Il reste qu'il demeure peu satisfaisant. Conçu pour être une simple note à moi-même sous l'aspect d'une communication adressée à tous, j'ai dû multiplier les explications dont, personnellement, je ne sentais pas le besoin. Incomplètes et ajoutées après coup, elles alourdissent le billet, mais qu'y faire ? Je ne sais jamais exactement à qui je m'adresse. À ceux qui en savent moins que moi, autant que moi ou plus que moi ? Ceux qui en savent moins ne trouveront pas les explications qui leur manque ou ils ne les rencontreront pas sous la forme qu'il faudrait ; ceux qui en savent plus jugeront la chose simplette et étriquée. Tous s'accorderont sur le fait que le billet est illisible.

Je me retrouve donc devant la situation suivante : refaire encore le billet pour satisfaire tout le monde et moi-même ou laisser les choses en l'état.

Ces dilemmes - écrire en fonction d'un public bien défini, décider si je publie des notes ou des articles de vulgarisation - se posent depuis les débuts du blogue et je n'ai jamais pu les résoudre. 

Le résultat ? Des billets trop ou pas assez écrits...



mercredi 22 août 2018

La grenouille et le gneiss à grenat



Banal spécimen de paragneiss à grenat (le grenat est rouge). La photo a été prise dans un champ à Kanata (ouest d'Ottawa), à l'est de la promenade Terry-Fox et au nord du croissant de l'Escarpment (pas d'erreur, le nom est anglais). (Toutes les photos : 22 août 2018.)

L'intérêt de la paroi n'est pas seulement géologique. Une intruse s'est installée dans le cadre de mes prises de vue. Saurez-vous la repérer ? Voyez la photo suivante (le défi est plus facile que le jeu des 7 erreurs) :





Si vous ne voyez toujours pas, peut-être que vu sous cet angle :




Une petite grenouille impassible se confondait parfaitement avec la paroi rocheuse. Elle avait eu l'intelligence de se placer sur un fond blanc, là où elle passerait le plus facilement inaperçue. Elle a conservé son immobilité tout le temps de ma présence au point où j'ai été obligé de la bousculer un peu avec une brindille pour m'assurer qu'il ne s'agissait pas d'une esquille rocheuse prête à se détacher de la paroi. Madame (ou Monsieur) n'a pas daigner remuer un doigt ou un orteil. J'ai préféré ne plus l'importuner. 

La question est évidemment celle-ci : existe-t-il une espèce de grenouille adaptée à chaque type de roche ? (Et si quelqu'un sait à quelle espèce elle appartient, me le dire.)

AJOUT (26 août 2018)

« La grenouille est une rainette versicolore, disponible dans toutes les couleurs. » (Voir commentaire de Roger Latour.) S'il existe des rainettes de toutes les couleurs, choisissent-elles les surfaces où elles se posent en fonction de leur couleur ? (Se posent-elles où elles s'exposent le moins, quoi.)



L'affleurement entier.


Champ promis au développement immobilier. Ce paysage ne sera bientôt plus qu'un souvenir. L'affleurement à la grenouille est tout au fond, à droite de la colline, à l'aplomb du plus grand des sapins.



Détail. Une fois que sa présence a été relevée, la grenouille est bien visible, même à cette distance.

vendredi 10 août 2018

La plus vieille lave du système solaire


NWA 11119. Photo : Science Daily


Extraits de Futura Sciences, Laurent Sacco

« Les météorites sont diverses et certaines ressemblent à des laves trouvées sur Terre, ce qui indique qu'elle proviennent de volcans très anciens sur des corps célestes à l'aube du Système solaire. Celle découverte récemment, NWA 11119, est la plus vieille lave connue et elle indique pour la première fois que ces volcans ne crachaient pas que des basaltes. [NWA 11119 est une météorite de type achondrite.]

Les achondrites sont pierreuses et on explique leurs caractéristiques en les considérant comme des fragments de corps suffisamment massifs pour s'être différentiés à l'instar de la Terre. [...]

On a ainsi retrouvé depuis longtemps des météorites dont la composition ressemble à celle des basaltes connus sur Terre. Elles proviennent donc de volcans surgis sur des petites planètes, aujourd'hui disparues dans des collisions, et ayant laissé des vestiges dans la ceinture d'astéroïdes [...].

Trouvée comme son nom l'indique en Afrique du Nord [en Mauritanie, en 2017], Northwest Africa (NWA) 11119 est non seulement très ancienne, environ 4,565 milliards d'années, mais il s'agit également d'une roche volcanique intermédiaire entre les andésites et les dacites connues sur Terre. Il s'agit donc d'une lave riche en silice qui, toujours sur Terre, proviendrait d'un magma plus évolué que celui à l'origine des basaltes.

La découverte de NWA 11119 est remarquable sous deux aspects. Tout d'abord, parce que c'est la plus ancienne lave connue provenant d'un volcan dans le Système solaire et enfin parce qu'elle est la première découverte aussi riche en silice. Elle nous assure donc que quelques millions d'années seulement après la naissance du Système solaire, dans le disque protoplanétaire, des corps célestes possédaient des volcans qui ne crachaient pas que des laves basaltiques.

Toutefois, sa composition isotopique nous laisse penser que cette lave s'est épanchée sur un corps céleste différentié [...]. »

Autres données tirées de la Meteoritical Society, International Society for Meteoritics and Planetary Science. Lunar and Planetary Institute :

« Physical characteristics: Single stone, partially covered in light green fusion crust, broken surface reveals scattered bright green pyroxene crystals up to 3 mm set in a finer grained matrix with some light-green and gray crystals. Spherical vugs and irregular shaped cavities (lined with crystal faces) were observed, some up to 4 mm. The sample is highly friable.

Petrography: (P. Srinivasan, JSC/UNM) Microprobe examination of a polished mount gives a calculated volume mineralogy of 38% plagioclase, 22% silica phase, 21% high-Ca pyroxene, 18% low-Ca pyroxene, 0.7% oxides (ulvospinel, ilmenite), and 0.3% sulfides. The silica phase, which makes up about 22% by volume of this meteorite, is a mix of tridymite and cristobalite with minor quartz, in proportions of approximately 60% tridymite, 37% cristobalite, 3% quartz. No metal was detected. The major phases occur as subhedral, porphyritic grains surrounded by a fine-grained matrix. The matrix has many acicular and compositionally heterogeneous grains resembling quench melt crystals or exsolution intergrowths. Rare fayalitic olivine was detected in one area of the matrix. The high reported alumina content from the micropropbe data is probably due to tiny oxide inclusions which seem to be abundant. Numerous inclusions with exsolution textures were observed. »

Mon résumé
En gros, roche porphyritique composée de plagioclase, de pyroxènes riches ou non en Ca et de quartz. Des vacuoles et des cavités sont observées et les figures d'exsolution dans les cristaux ont enregistré la variation du magma au fur et à mesure de sa cristallisation lors de son refroidissement. 

lundi 30 juillet 2018

Site glaciaire de Cantley


Version française.

Version anglaise.


Geodoxa, dont j'ai déjà parlé dans ce blogue (billet du 10 oct. 2016), a mis en ligne un nouveau vidéo sur le site glaciaire de Cantley, au nord de Gatineau (versions française et anglaise ; voir aussi mon billet du 11 nov. 2009).

La vidéo est la plus complète de celles de Geodoxa sur ces marbres sculptés par des courants d'eau sous le glacier. Elle a été réalisée en vue d’une excursion menée par Dave Sharpe et Hazen Russell qui aura lieu le 9 août dans le cadre du 

CANQUA/AMQUA 2018Joint meeting of the Canadian and American Quaternary Associations​Crossing borders in the Quaternary7-11 août 2018, Ottawa


J'ai souvent cité les noms des glaciologues Dave Sharpe et de John Shaw dans mon blogue. Ont peut retrouver les billets concernés en suivant ces liens Sharpe et Shaw. (Les deux liens conduisent grosso modo aux mêmes articles ; la recherche par patronyme a pu mener à des homonymes.)

J'ai été peiné d'apprendre récemment par le site Geodoxa le décès du glaciologue J. Shaw (en anglais) :



samedi 28 juillet 2018

La forme du lac Beauchamp à Gatineau



Figure 1. - Carte bathymétrique du lac Beauchamp. Tirée de J.-F. Sabourin et associés (JFSA), Plan de gestion environnementale — Lac Beauchamp : Ville de Gatineau. Rapport final, 29 février 2016, préparé pour le Service de l’environnement de la Ville de Gatineau, i-x, 96 p. + annexes.
Profondeur du lac
Bleu foncé : 4,5 - 6 m ; bleu le plus clair (près de la rive) : 0 - 1,5 m.
À gauche, le ruisseau Wabassee qui prend sa source dans le lac et qui se déverse dans l'Outaouais. Le lac, autrefois (avant 1927) ne se prolongeait pas au sud du ruisseau. La baie, au sud du lac, de même que le chenal qui suit son axe, seraient artificiels. (Hypothèse de l'auteur du blogue qui n'implique pas les auteurs de la carte et du document qui la contenait.)
Cliquer sur l'image pour la voir à sa pleine grandeur.


La question de la forme originelle du lac Beauchamp à Gatineau demeure en suspend.

Les cartes de 1901 à 1920 (fig. 2 et 3) montrent un lac Beauchamp différent de celui que nous connaissons (réf. de ces cartes dans le billet du 26 juillet 2018). De forme allongée selon un axe SW-NE, le plan d'eau ne montrait pas la baie d'orientation N-S qui apparaît aujourd'hui à son extrémité sud. D'autres cartes anciennes confirment ce point de vue, mais elles sont d'un caractère si sommaire que je préfère ne pas les prendre en compte.

Le point commun à toutes ces cartes est de montrer que le lac se terminait autrefois à l'endroit où le ruisseau Wabassee, par lequel les eaux du lac se déversent dans l'Outaouais, prenait sa source. Lac et ruisseau suivaient la même orientation SW-NE.

Le lac Beauchamp est à cheval sur la jonction du Bouclier canadien (collines au NW du lac) et de la plate-forme du Saint-Laurent (plateau de grès au SE) (voir fig. 3). La frontière Bouclier - plate-forme a, comme par hasard, une orientation SW-NE. 

La baie au sud du lac existe au moins depuis 1927 (une photo aérienne en fait foi). Les rives du lac n'ont pas sensiblement changées depuis cette époque (J.-F. Sabourin et associés, 2016, Plan 1, p. 8.).

La topographie du lac semble dictée par la logique : un sillon naturel SW-NE (contact Bouclier - plate-forme) a favorisé l'accumulation et la circulation des eaux. Le lac est peu profond (6 m ; J.-F. Sabourin et associés, 2016.)

La baie au sud calque le trajet d'une fosse (ou chenal) se terminant brusquement avant d'atteindre l'extrémité sud du lac (figure 1 et 5). À considérer la carte bathymétrique, la fosse constitue une anomalie, une excroissance qui s'écarte de la logique des courbes de niveau, d'orientation SW-NE. Tout cela évoque d'avantage un ouvrage artificiel qu'un accident topographique naturel.

De 1927 à 1949, le grès a été exploité par une carrière au sud du lac (C sur la carte retouchée, figure 5). La roche était réduite en sable qui était vendu pour servir au sablage au jet ou pour la fabrication de moules dans les fonderies. Le grès se caractérisait par sa haute teneur en silice (of course...), mais aurait gagné à être nettoyé des sulfures de fer qui le contaminaient. (Source : Maurice, 1973. Voir aussi le billet de mon blogue du 8 janvier 2011, « Lac Beauchamp : un peu d'histoire ».)

Est-ce qu'on a creusé la baie pour rapprocher le lac de la carrière ?

J'ai tenté de reconstituer l'aspect original du lac sans la baie (figure 6). J'ai gommé cette dernière et retouché le bord du lac en conséquence. Ces retouches sont arbitraires, mais l'aspect général du lac apparaît plus satisfaisant, plus cohérent sans la baie au sud.

Jusqu'à preuve du contraire, je considère cette baie hautement suspecte.

La couche de sédiments qui s'accumulent au fond du lac depuis des milliers d'années atteint 4 m d'épaisseur (0,4 - 0,5 m de matières organiques). Connaître l'épaisseur et la nature des sédiments dans la baie aurait pu nous éclairer sur l'âge de celle-ci. Malheureusement, aucun des 4 échantillons étudiés dans Sabourin et associés (2016) n'a été collecté dans la baie. Le lac Beauchamp n'est alimenté par aucun affluent et dépend d'un bassin réduit à ses abords immédiats. La circulation et le renouvellement de l'eau sont donc limités. Ceci explique que le lac soit menacé d'une eutrophisation accélérée. Un ensemble de marécages riverains entoure le lac - à moins de considérer le tout comme un complexe marécageux autour d'un bassin important. (Résumé très partiel du rapport de Sabourin et associés (2016) ; pour plus de détails et meilleures quantification des phénomènes, reportez-vous au document.)

Sources

  • Maurice, O.D., 1973 — Annotated list of occurences of Industrial Minerals and Building Materials in Quebec. MER, DP 184, 580 pages
  • J.-F. Sabourin et associés, Plan de gestion environnementale — Lac Beauchamp : Ville de Gatineau. Rapport final, 29 février 2016, préparé pour le Service de l’environnement de la Ville de Gatineau, i-x, 96 p. + annexes.




Figure 2. Le lac Beauchamp en 1901. Le lac Beauchamp (anonyme) prolongé vers le SW par le ruisseau Wabassee qui portait déjà son nom actuel (voir billet du 26 juillet 2018). Le lac et le ruisseau suivent la même orientation. Détail de : Ells R.W., Ami H.M., 1901 — Geological map of the city of Ottawa and vicinity, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, carte 714, échelle : 1:63 360.



Figure 3. - La forme du lac Beauchamp en 1920.
Détail modifié de : Wilson, M. E., 1920 — Geology of Buckingham, Hull and Labelle Counties, Quebec. Commission géologique du Canada, carte 1691.
Le grès est en brun ; le Bouclier canadien est représenté par les autres couleurs au nord du lac, bleu pâle et vert olive principalement. Le vert plus sombre au sud est le calcaire qui recouvre le grès. Jaunes : Quaternaire.
Le nom du lac sur la carte est Wabassi L. - noter aussi le Wabassi Brook. (J'ai ajouté les inscriptions Lac Beauchamp, Rivière des Outaouais et Baie McCLaurin).



Figure 4. - La forme du lac Beauchamp en 1932 (publiée en 1934) : le lac s'est agrandi vers le sud, en bas du point de jonction avec le Wabassee Creek.
La carrière de grès (« QUARRY ») était au SW du lac.
Détail de : L.H. Cole et R.K. Carnochan, « Mines Branch Investigations of Mineral Resources and the Mining Industry, 1932 : Silica Deposit Near Gatineau Point, Quebec. » Depart. of Mines, Canada Mines Branch, Report No. 735, 1934, Fig. 1.



Figure 5. - Détail de la figure 1. Le chenal qui se prolonge dans la baie se termine brusquement, de façon peu naturelle.



Figure 6. - Tentative de retrouver la forme primitive du lac Beauchamp (fig. 1 retouchée). J'ai gommé la baie au sud du lac et reconstitué la rive en supprimant la fosse qui se prolonge dans la baie. Ces retouches sont arbitraires, mais l'aspect général du lac et sa jonction avec le ruisseau Wabassee, à gauche, apparaissent plus satisfaisants, plus cohérents sans la baie au sud.
C : ancienne carrière de grès utilisé comme terrain de stationnement.


Figure 7. - Carte du lac Beauchamp diffusée par la Ville de Gatineau (pdf téléchargeable). (J'ai rapproché les écritures du lac pour réduire la surface de l'image.) Elle est moins détaillée que celle de Sabourin et associés (2016) (fig. 1).
19 pieds = 5,8 m ; 17 pi. = 5,2 m ; 16 pi. = 4,9 m ; 15 pi. = 4,6 m ; 10 pi. = 3 m ; 5 pi. = 1,5 m.
La flèche à gauche indique le ruisseau Wabassee et le sens du courant.