Photo © Lise Massicotte (1999) |
PHOTOS
Les photos de ce billet sont une gracieuseté de © Lise Massicotte (1999).
OBJET
Marbres sculptés par les glaciers et des courants d'eau sous-glaciaires.
LOCALISATION
SNRC 31G/12
Sablière à Cantley (Québec). Route 307 (Montée de la Source), au Nord du chemin St-Andrew ; côté Ouest de la route. Propr. : Les Entreprises Vetel Ltée, accès interdit.
DESCRIPTION
Les sablières que longe la route 307, à Cantley (Québec), résument en un raccourci saisissant les épisodes les plus extrêmes, chronologiquement parlant, de l’histoire géologique de la région ; des migmatites et des marbres, formées il y a plus d’un milliard d’années, et des phénomènes d’érosion remontant à la dernière glaciation du Quaternaire (voir Chronologie).
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Dans un précédent billet, j’ai parlé des migmatites qui forment la colline à l’Est de la route. Des reliefs plus discrets affleurent du côté opposé ; le socle rocheux, à cet endroit, est constitué de marbre, roche moins résistante à l’érosion. Cette fragilité relative explique sans doute la différence d’altitude de part et d’autre de la route (175 m au dessus du niveau de la mer pour les marbres, 200 m pour les migmatites).
Les glaciers qui ont recouvert le Nord du continent américain lors de la dernière glaciation ont laissé après leur départ (Chronologie) un paysage profondément modifié. L’un des principaux effets de leurs avancées et reculs, en plus de l’accumulation d’importantes quantités de sédiments fins ou grossiers, a été un adoucissement du relief. Un peu partout, au Nord de l'Amérique, affleure des roches moutonnées [lien à installer], usées et arrondies. Les glaciers, par les poussières et blocs rocheux qu’ils incorporaient dans leur masse ou qu’ils traînaient sous eux, ont agit comme un papier sablé promené par une main particulièrement lourde. (Le glacier, ou inlandsis, a atteint plusieurs milliers de mètres d’épaisseur.)
Photo © Lise Massicotte (1999) |
Le relief bas et arrondi de la colline de marbre (pente douce en aval du glacier, plus raide en amont) est caractéristique d’un relief glaciaire. Le fait est banal et résulte du «ponçage» que je viens d’évoquer, mais quelque chose de plus rend le site exceptionnel. Des sillons parallèles, des chenaux, sont imprimés dans le marbre ; le dessin de ces cannelures est compliqué par endroit par des dérivations sinueuses ou des canaux transversaux tardifs.
La régularité et la pureté de ces formes, l'éclat du marbre, confèrent à ce décor un caractère quelque peu irréel.
Ces formes d’érosion sont le résultat d’écoulement d’eau sous pression à la base du glacier. Par moment, la pression a été suffisante pour soulever le glacier et le suspendre au dessus du socle rocheux.
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Les figures 1 et 2 (tirées de Sharpe et Shaw, 1994 ; voir Sources) illustrent le comportement des nappes d'eau en présence d'obstacles qui gênaient sont écoulement. Le marbre, en effet, n'est pas homogène et contient de nombreuses inclusions de roches étrangères plus résistantes et qui faisaient donc saillie : boudins de granite blanc, souvent rouillé, sections cassantes de gneiss(?) sombres. L'eau passait par dessus ces obstacles à moins qu'elle ne soit obligée de les contourner. Dans ce dernier cas, le courant était canalisé derrière l’obstacle en deux torrents au pouvoir érosif augmenté par les tourbillons qui l’agitaient.
FIGURES
A, B et C (tirées de Sharpe et Shaw, 1986 ; texte en anglais) : évolution de l’érosion en présence d’une enclave résistante dans le marbre.
Les géologues donnent des noms parfois imagés à ces formes sculptées : cavetto, marques obstacles, chenaux, gorges, formes en S (coups de gouges), sillons et queue-de-rat (rat-tail)… On distingue à la surface du marbre de nombreuses stries glaciaires, marques laissées par le passage de morceaux de roche emprisonnés dans la glace.
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À L'ÉCHELLE DE LA RÉGION
Il est possible que le même événement responsable du creusement de la Marmite des Allumetières et des marmites de Devil Lake décrites dans un autre billet ait été à l'origine des formes d'érosion sous-glaciaire de Cantley.
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PHOTOS
© Lise Massicotte (1999)
Pour leur interprétation : le marbre est gris ; les inclusions de granite, blanches et parfois rouillées – on voit le même granite dans les migmatites du côté Est de la route. (Un billet prochain expliquera la présence de ces enclaves (xénolites) disloqués et dispersés, fréquentes dans les marbres de la région.)
03 : vue d’ensemble d’un affleurement. À gauche, en haut : un chenal secondaire, oblique, en forme d'incisive, recoupe les sillons horizontaux ; l'eau, dans ce cas, s'écoulait vers le haut. Notez les enclaves de granite rouillé. (Le Sud est à gauche.)
04 : détail de 03.
07 : détail de 03 ; irrégularités dans le tracés des chenaux, une marmite (avant-plan). Un marteau de géologue, au centre, donne l’échelle.
08 : détail de 03 ; un xénolite de granite forme saillie au dessus du marbre, moins résistant.
10 : vue vers le Sud et aperçu d’un mur vertical (photo 11).
11 : au Sud de la photo 03.
13 : une crête, expliquée par la présence d'un alignement de xénolites résistants.
15 : chenal.
16 : formes complexes (vue vers le Sud).
17 : large couloir. Vue vers le Nord. Les épaisses couches de sable qui recouvrent le site sont aussi un vestige de la dernière glaciation.
CHRONOLOGIE LOCALE
Formation des roches de la province de Grenville – les «Laurentides» : roches magmatiques, volcaniques et sédimentaires métamorphisées, dont les paragneiss, marbres et granites de Cantley – (1 300 000 000 - 1 000 000 000 ans) ;
Dernière des glaciation du Quaternaire, dite du Wisconsinien (80 000-10 000 ans) ;
Épisode de la mer de Champlain (12 000-10 000 ans)
RÉFÉRENCES
SHARPE D., PUGIN A. — Glaciated terrain and erosional features related to a proposed regional unconformity in Eastern Ontario: Field trip Guide Book, Commission géologique du Canada, dossier public 5596, 2007, 44 p.
SHARPE D.R., SHAW, J., 1988 — «Erosion of bedrock by subglacial meltwater, Cantley, Québec.» The Geological Society of America Bulletin, vol. 101, p. 1011 1020.
SHARPE D.R., SHAW, J., 1994 — «Formes d'érosion et sédiments glaciomarins, Cantley.» Dans R. GILBERT (compil.), Guide d'excursions dans le paysage glaciaire et postglaciaire du Sud-Est de l'Ontario et d'une partie du Québec, Commission géologique du Canada, Bulletin 453, arrêt no 16, p. 15-16 (trad.)
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un bel example de la derniere glaciation, par chez nous .. a la baie james les traces du passage des glaciers y sont aussi tres evident et peu ou pas toucher
RépondreSupprimerMalheureusement, l'endroit que je décris a déjà été une carrière de pierre et une partie de affleurements est détruite.
RépondreSupprimerLes traces passages glaciers à la Baie James : il faut les photographier, les mesurer, les décrire, les faire connaître, etc.
Si ça vous intéresse, bien sûr...
;)
Cela m'intéresse! Je cours après ce genre de sites...
Supprimergeodoxa@geodoxa.com
Merci pour toutes les réponse à mon laboratoire :P
RépondreSupprimerAttends la note de ton lab pour me remercier...
RépondreSupprimerComment peut-on savoir l'ordre chronologique des stries dans la roche?
RépondreSupprimerJe suppose que les plus récentes rayent les plus anciennes. L'usure des surfaces rend cependant difficile la distinction entre anciennes et nouvelles.
RépondreSupprimerVoir Cantley glaciaire sur
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=pwW8mHVpd64&feature=youtu.be
par geodoxa@geodoxa.com
Magnifiques vos vidéos !
SupprimerJe vais leur consacrer un billet pour encourager les gens à les visionner.
Intéressant de voir des photos de 1999, il y a beaucoup moins de sable maintenant.
RépondreSupprimerAccès interdit, mais des visites guidées sont organisées pas la société historique Cantley 1889. La prochaine sera au printemps de 2020, les détails apparaîtront ici: https://www.cantley1889.ca/francais/evenements.html
J'ai assisté à celle de l'an passé, un membre de la société qui a vécu sur la terre avoisinante toute sa vie nous as raconté l'histoire du site et ensuite, le géologue Dr. Sharpe lui-même a guidé la visite. Très intéressant, même pour les novices, et site est très impressionnant.
C'était offert en anglais, mais je crois que la prochaine sera bilingue.