vendredi 20 novembre 2009

Géolo-chronologie de l'Outaouais


Reprise du billet du 20 nov. 2009. Ajouts et retouches le 3 févr. 2014. Les dates ont été révisées le 6 déc. 2015. Nouvel ajout le 18 nov. 2018.





Mésoprotérozoïque (1600-1000 Ma*)

* Ma = million d'années.

Le territoire de l’Outaouais s’étend en majeure part sur la province de Grenville, une division du Bouclier canadien qui s’est constituée entre 1300 et 1000 Ma en marge d’un grand continent, la Laurentia. Des épisodes de subduction de pans de croûte océanique, de collisions impliquant des arcs volcaniques et des blocs continentaux ont alors édifié une imposante chaîne de montagnes.

Minéralogie. — Dans la région, les roches les plus intéressantes du point de vue minéralogique sont celles du groupe de Grenville. Elles affleurent dans la Ceinture centrale des métasédiments, composée de marbres, paragneiss et quartzites, ainsi que d'amphibolites d’origine volcanique. Le marbre (photo 456) s’étend en une large bande dans la vallée de la Gatineau jusqu’au réservoir Baskatong. Plus à l’est, les gneiss et quartzites l’emportent.

Des roches calco-silicatées, issues du métamorphisme de dolomites silicieuses sont les hôtes des veines (ou filons-dykes) de calcite-apatite-phlogopite. Les gisements de zinc-plomb sont en relation avec les marbres et proviennent d’exhalaisons sous-marines volcaniques syn-sédimentaires. On trouve des gisements de graphite dans les marbres et les paragneiss. Des dykes de pegmatites, sources de feldspath, recoupent les roches du groupe de Grenville ainsi que les roches plutoniques diverses qui les accompagnent. Des minéralisations radioactives sont liées aux roches calco-silicatées et à des pegmatites blanches.


Néoprotérozoïque (1000 Ma - 541 Ma)

Longue période d’érosion. Elle amène les couches inférieures de la croute terrestre (± 20 km de profondeur) qui ont subi un métamorphisme intense durant l'orogène du Grenville (photo 456) à apparaître à la surface.





Peu avant le Cambrien, des failles se sont activées dans le bouclier. Elles mènent à la formation du graben d’Ottawa-Bonnechère* dont le plancher s’est affaissé lors de la rupture de la Laurentia qui a abouti à l’ouverture de l’océan Iapetus. Accompagnant ces événements, des dykes de diabase (590 Ma) ont occupé des failles orientées E-W ; près de Buckingham affleure des roches volcano-plutoniques (575 Ma**). L’escarpement d'Eardley, à l’Ouest de Gatineau, illustre de façon spectaculaire la transition entre le plateau et le graben (photo 558). La configuration actuelle du graben est cependant le résultat de réactivations après l’Ordovicien, durant le Paléozoïque (fermeture de Iapetus et formation des Appalaches) ou le Mésozoïque (ouverture de l’Atlantique). [Paragraphe retouché le 18 nov. 2018.]

* Note. – Le graben d'Ottawa-Bonnechère a subi plusieurs épisodes de compression et d'extension après l'Ordivicien durant lesquelles certaines failles ont rejoué a plusieurs reprises. L'aspect actuel du graben est tributaire de ces rejeux. Voir les « Ajout », à la fin du billlet.
** De nouveaux travaux vieillissent quelque peu ces affleurements : suite volcano-plutonique de Robitaille, fin du Mésoprotérozoïque (un milliard d'années). (Voir l'« Addendum », à la fin du billet auquel conduit ce lien.)






Paléozoïque : Cambrien (541 - 485 Ma), Ordovicien (485 - 444 Ma), Silurien (444 - 419 Ma) et Dévonien (419-359 Ma)

La mer qui a recouvert le bouclier durant le Cambrien et l’Ordovicien dépose des sédiments qui deviendront les grès, calcaires et shales de la plate-forme du Saint-Laurent (photo 1349). Dans la région, ce qui reste de ces roches subsiste dans la vallée de l’Outaouais, à l’abri dans le graben. Se sont les vestiges de sédiments qui ont recouvert presque tout le continent et dont la déposition s’est poursuivit jusqu’au Dévonien. Depuis, le bouclier est à nouveau soumis à un régime d’érosion qui l’a débarrassé de sa couverture sédimentaire.





Quaternaire (2,6 Ma-) (Photo 1042)

Des dépôts de la glaciation du Wisconsinien (à partir de 80 000 ka*) recouvrent toute la région ; au sud, ils sont surmontés des sédiments marins argileux de la mer de Champlain (12 ka-10 ka). Des dépôts fluviatiles (Holocène, à partir de 8 ka) ont été laissés par les précurseurs de l’Outaouais et de ses tributaires.

Selon certains, nous serions entrés dans une nouvelle époque géologique, l'Anthropocène (billet du 9 janvier 2012).

* ka = milliers d'années.

Légendes des photos (dans leur ordre d'apparition)

0456 : marbre du groupe de Grenville (gris pâle). Une roche plus sombre, incluse dans le marbre, a été plissée et démembrée. Nord de Thurso (Québec), juillet 2009.
0558 : bord du graben d'Ottawa-Bonnechère. La plaine fait partie de la plate-forme du Saint-Laurent. Elle constitue un « plancher descendu » par rapport au bouclier canadien (collines). Chemin-de-la-Montagne, Gatineau (Québec), juillet 2009.
1349 : rides de courant sous-marin conservées dans un grès de la formation de Rockliffe (groupe de Beekmantown), Ordovicien. Le courant se dirigeait vers le bas, à gauche, perpendiculairement aux rides. Hog's Back, Ottawa (Ontario), juillet 2007.
1042 : paysage de collines basses et arrondies, typique du Bouclier canadien ; relief en partie hérité des glaciations du Quaternaire. Lac la Blanche (Québec), septembre 2009.


Note

Il s'agit encore ici de l'un des textes (retouchés pour ce blogue) que j'avais rédigés pour le défunt Bulletin du club de Minéralogie de l'Outaouais (vol. 2, no 3, sept. 1998). Ils avaient été publiés en vue du pow-wow des clubs de Minéralogie du Québec qui s’est tenue dans l’Outaouais sous l'égide du CMO, du 4 au 7 septembre 1998.

Dans ces articles, j'ai annexé à l'Outaouais une partie du Pontiac et des Laurentides ; les frontières géologiques ne se confondent pas souvent avec les délimitations administratives... Les allusions à la minéralogie contenues dans les lignes ci-haut s'expliquaient par la présence d'un survol de l'histoire minière de l'Outaouais qui précédait le présent texte. Pour ne pas alourdir la présentation, je préfère le faire paraître plus tard, séparément. [Ce survol, en trois volets, est finalement paru, en mars 2012.]


Ajout (3 févr. 2014)

Dans ce qui précède, je fais remonter le graben d'Ottawa-Bonnechère (GOB) au Néoprotérozoïque. On me l'a reproché. De l'avis général, si un graben est bien né au Néoprotérozoïque, l'allure du GOB comme tel est tributaire de réactivations épisodiques après l'Ordovicien*. Les géologues supposent que les reliefs du graben primitif avaient déjà été aplanis par l'érosion lorsque les premiers sédiments de la plateforme du Saint-Laurent – cf. les grès de Nepean (voir le billet du 23 janv. 2011 sur la discordance du lac Beauchamp à Gatineau) – ont commencé à se déposer, au Cambro-ordovicien, avant les rejeux tectoniques.

D'accord pour ces rejeux (je ne veux contrarier personne), mais il faudrait quand même tenir compte du fait que le grès de Nepean ne franchit pas les rebords actuels du Bouclier canadien (escarpement d'Eardley) ou ne s'y avance pas loin (Cantley, Buckingham), ce qui indique que des obstacles existaient déjà à ces endroits au Cambro-ordovicien pour contenir l'invasion marine et la déposition des sables**. (Tenir compte aussi, au sud, de l'arche de Frontenac, qui a agit comme barrière en Ontario. Voir billet du 1er nov 2013 sur la discordance de Kingston.) 

De plus, selon Hogarth (1970), le caractère siliceux des calcaires ordoviciens à proximité de l'escarpement d'Eardley indique la proximité d'un paléorelief (quelque soit son allure ou son ampleur) près de... l'escarpement*** !

* « Yet, most of the obvious normal faults and the physiography of the graben are post-Ordovician in age, and if there was a Neo-proterozoic graben structure, its suprastructure was removed by erosion and planed off prior to transgression of Ordovician platform sediments across the area. [...] There are no Neo-proterozoic rift basalts or alkaline volcanics, nor any rift clastics, preserved along the axis of the graben, and Grenville dykes are exposed at some depth below the paleosurface .» (Bleeker, 2011, p. 20.) Mais voir Hogarth, plus bas.
** Plus en amont dans la vallée de l'Outaouais, on ne trouve pas de grès Cambro-ordovicien. L'invasion marine a atteint ces endroits situés plus haut pour déposer des sédiments carbonatés de l'Ordovicien directement sur le Bouclier canadien.
*** « The Black River and Trenton Limestones of the Ottawa Formation [...] generally become arenaceous and barren near the Eardley Fault. This may indicate that an escarpment existed in Ordovician time [...] » (Hogarth, 1970, p. 5.) 

Ajout (18 nov. 2018) 

Voici qui devrait clore la discussion :
« The graben is fault-bounded with left-stepping en échelon segments for which latest activity appears mostly younger than the Ordovician. But faults were likely initiated as early as ~ 577 Ma and reactivated several times later in the Phanerozoic [...] » (Kang, 2017, p. 1.)

Ajout (27 nov. 2019)

Rimando et Benn (2005) reconnaissent trois épisodes de déformations (failles) dans le GOB. 

  • D1. - Stress tectonique horizontal orienté NW ; fermeture de Iapetus au Paléozoïque (orogénies Taconienne et/ou Acadienne, Ordovicien-Dévonien).
  • D2. - Stress WNW ; réactivation failles antérieures et création de nouvelles ; ouverture de l'Atlantique et emplacement dykes de la carbonatite Blackburn (Ottawa) au Mésozoïque (Crétacé). 
  • D3. - Stress SW ; réactivation failles antérieures et création de nouvelles au Cénozoîque (post-Crétacé).
  • Minéralisations dans le GOB : D1 et D2.
  • La sismicité récente dans le GOB met en jeu la réactivation de failles de ces trois familles.
« Hence it seems highly likely that some regional faults with northwesterly strikes may have originated in the Paleozoic, or earlier, a possible example being the Gloucester fault. » (Rimando et Benn, 2005, p. 356) [Avec réactivations et création de nouvelles failles au Mésozoïque et au Cénozoïque. Rejet de la faille Gloucester : 520 m.]




Références (pour les « Ajouts »)

  • Bleeker, W., «The Ottawa-Bonnechère Graben: A complex rift structure shaped by reactivation.» Ottawa 2011 GAC®/AGC® - MAC/AMC - SEG - SGA, Joint Annual Meeting - Congrès annuel conjoint, University of Ottawa/Université d'Ottawa, May 25-27 mai 2011, p. 20. http://gac.esd.mun.ca/gac_2011/search_abs/program.asp
  • D.D. Hogarth, Geology of the Southern Part of Gatineau Park, National Capital Region. CGC, étude 70-20, 8 p., avec carte 7-1970 (1/18 000).
  • He Kang, Stratigraphy, Sedimentology, and Diagenesis of Ordovician Outliers, Northern Ottawa–Bonnechere Graben, Central Ontario. Thesis, Faculty of Graduate and Postdoctoral Affairs, Master of Science in Earth Sciences, Carleton University, Ottawa, Ontario, 2017.
  • K.S. Kumarapeli, «A plume-generated segment of the rifted margin of Laurentia, Southern Canadian Appalachians, seen through a completed Wilson Cycle.» Tectonophysics, vol. 219, p. 47-55, 1993.
  • Rolly E. Rimando, Keith Benn -- 2005. « Evolution of faulting and paleo-stress field within the Ottawa graben, Canada. » Journal of Geodynamics, 39:337–360.

2 commentaires:

  1. Vraiment intéressant mon ami, Ce qui m'impressionne le plus c l'orsque c'est la transition des plaques, la nature nous parles donc les roches nous parles aussi !!

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  2. j ai bien aimé lire votre blogue sur les roches ou plutôt rochers et même montagne que l on longe à tous les jours lorsqu'on circule en automobile... et à travers les coupes que le ministère de la voirie provinciale pratique pour fabriquer les routes tel que la route 50 ainsi que les autres routes ou c est nécessaire de faire des coupes dans les rochers.
    Alain Lesage

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