dimanche 29 novembre 2009

Faille des Allumettières, Gatineau (Québec)


Billet retouché le 22 mai 2020.
Prenez note que le site F2 a été détruit par les installations du Rapibus.


Photo 1547. – Marmite des Allumettières. La bande de terre qui recoupe le fond de la marmite de haut en bas remplit sans doute une portion évidée de la faille des Allumettières (nom proposé ici. (Juillet 2007)

LOCALISATION

SNRC 31G/05
Boulevard des Allumettières et bretelle de sortie de l'autoroute 50, Gatineau (Québec),
45°25'55.14"N, 75°43'46.77"W.


PHOTO SATELLITE


Photo : © Google Maps. Réalisation du document : Henri Lessard (© 2007)
La marmite des Allumettières, au centre, son grand axe orienté NW-SE. (Son rebord ouest, rectiligne, souligne cette direction.) Report de la position des failles observées sur le terrain (F1-F4). Elles s'alignent toutes, avec la marmite, selon un axe NW-SE.




CONTEXTE GÉOLOGIQUE

Plate forme du Saint-Laurent ; Ordovicien (488-444 millions d'années)
Roches : formation d'Ottawa ; calcaire, dolomie, grès, shales (voir carte 413A plus bas)


Découverte de la failles des Allumettières

Le socle rocheux sur lequel nous vivons est fracturé dans tous les sens et ressemble à certaines vieilles porcelaines brisées et recollées à plusieurs reprises, avec des morceaux souvent mal ajustés.

J'ai parlé dans un ancien billet de la marmite des Allumettières (photo 1547). J'avais noté, sans insister, que cette formation était allongée selon un axe NW-SE. Le fait est d'ailleurs visible sur les photos satellites (voir la photo satellite). On constate aussi que le rebord ouest de la marmite, rectiligne, est parallèle à cette direction.

C'est d'abord la marmite qui avait accaparé toute mon attention. Voulant élargir mon champs d'investigation à ses environs, j'ai remarqué que des failles recoupaient à plusieurs endroits le banc de calcaire où elle s'est formée.

En reportant ces failles sur la photo satellite (F1 à F4), il est apparu que la marmite, son axe privilégié de développement et les failles se plaçaient sur une même ligne orienté NW-SE.

Toutes ces cassures dans le roc sont en fait une seule et même faille.

La forme allongée de la marmite trouve dons son explication. Elle s'est développée dans (et selon) une zone fragilisée du roc. La bande de terre (photo 1547) qui recoupe le mur du fond de la marmite de haut en bas remplit sans doute une portion évidée de la faille. Le rebord ouest de la marmite, de forme rectiligne, matérialise la cassure dans le roc que représente la faille (Ajout : 3 nov. 2012).

Les cartes publiées à ce jour (voir la carte 413A - elle date de 1938, mais il n'y en a pas de plus récente) sont muettes à propos de cette faille qui s'intègre parfaitement au faisceau de fractures qui découpent le centre-ville d'Ottawa et l'île de Hull (Gatineau). Même s'il y a tant et tant de failles qui découpent le socle rocheux dans la région, en découvrir une nouvelle est quand même quelque chose, dirons-nous modestement...

CARTE 413A (détail)

Cercle rouge et blanc : marmite des Allumettières ; carré blanc : zone couverte par la photo satellite ; ligne pointillé rouge : faille des Allumettières ajoutée à la carte : la pointe de la flèche et le ? indiquent que j'ignore jusque où elle se prolonge ; la ligne rouge continue : faille surlignée déjà présente sur la carte : je suppose ici que la faille des Allumettières ne se prolonge pas au sud de cette dernière, mais je ne peux l'assurer.
Les autres failles déjà cartographiées : lignes ondulées. 
La rivière des Outaouais traverse la carte ; au nord, Hull fait aujourd'hui partie de Gatineau ; Ottawa, au sud.
Les couleurs représentent les différentes formations du Paléozoïques (Ordovicien (488-444 millions d'années) de la plate-forme du Saint-Laurent. Orangé : formation d'Ottawa que recoupe la faille des Allumettières : calcaire et dolomie surtout ; autres couleurs : calcaire, dolomie, grès, shales.

Carte : A.E. Wilson, 1938 — Ottawa Sheet, East Half, Carleton and Hull Counties, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, carte 413A, 1 feuille (1/,63 360). Disponible gratuitement à la CGC.


Normale ou inverse ?

Comme cette faille traverse le boulevard des Allumettières, a contribué à la formation de la marmite que j'ai baptisée du même nom, je propose de la nommer faille des Allumettières.

En fait, il n'y a pas qu'une seule faille, mais plusieurs, très rapprochées, parallèles ou embranchées, comme en témoignent deux failles non répertoriées sur la photo satellite entre les points F3 et F4 (et d'autres, discrètes, à l'ouest de la marmite). À l'examen, on remarque que le compartiment situé au NE de la faille s'est abaissé par rapport au compartiment SW. Il s'agit d'une faille d'extension, dite faille normale, créée par l'étirement et la rupture du socle rocheux. Voir le point F1 (photo 1549) où la géométrie du mouvement est particulièrement évidente. (Dans le cas inverse, on aurait une faille de compression, dite faille... inverse. Logique, non?)


AJOUT (28 mai 2020)


Plusieurs autres failles avec déplacement sont visibles à l'ouest de la marmite. Toute la zone apparaît parcourue de cassures. Une de ces faille, à l'extrémité ouest de l'affleurement de la marmite, montre une orientation NWN, subparallèle à la faille des Allumettières.  


PHOTOS (juillet 2007)


Photo 1549 (F1 sur la photo satellite). – Dépôts de calcite blanche. Le compartiment E s'est abaissé : on parle d'une faille d'extension, dite faille normale.


Photo 1611 (F2).


Photo 1610 (F2). – Détail de la photo 1611 : brèche à matrice de calcite blanche qui a cimenté la faille et englouti des fragments du calcaire. Flexion vers le bas des strates du compartiment S.


Photo 1602 (F3). – Rouille.


Photo 1892 : faille non répertoriée sur la photo satellite (entre F3 et F4). –  Rouille et odeur de souffre (pyrite ?).


Photo 1592 (F4). – Faille normale ou inverse, d'après vous ?

AJOUT (3 nov. 2012)

Nouvelle vue de la marmite des Allumettières qui permet d'appréhender sous un autre angle l'alignement du bord rectiligne de la marmite et de la faille des Allumettières (F1).



Marmite des Allumettières visible à gauche (sud) et l'un des affleurements de la faille des Allumettières (F1 X) (nord). Boulevard des Allumettières, Gatineau (Québec), 3 novembre 2012.

Interprétation de la photo. – Ligne de visée depuis la marmite jusqu'à la faille F1. La ligne de visée est parallèle au rebord de la marmite. Comme la faille F1 est située quelques m plus bas que le rebord de la marmite, la ligne devrait, si elle était parfaitement horizontale (si elle visait un point situé un peu au dessus du X, à peu près au niveau du muret de béton), montrer un parallélisme encore plus parfait avec le rebord de la marmite.

mardi 24 novembre 2009

Stromatolites, suite

Mon billet sur les stromatolites du pont Champlain, à Gatineau (Québec), sur le bord de la rivière des Outaouais, révélait ces bioformations vues en plan ; un article sur la géologie d'Ottawa rédigé par W.K. Fyson contient, entre autres choses qui valent le détour, une vue de stromatolites en coupe.

Rendez-vous à la section 2-g du texte et cliquez sur le lien «Photo 15».

Photos : stromatolites du pont Champlain (octobre 2007).

dimanche 22 novembre 2009

Intrusion de calcite à Chelsea (Québec), autoroute 5

Photo 18. – Vue d’ensemble de l’intrusion de calcite. De gauche à droite : NW-SE.


Photos : 17 juin 2000.
Texte retouché le 25 juillet 2012.



LOCALISATION
SNRC 31G/12
Autoroute 5, Chelsea (Québec), à 2,5 km au Sud de la sortie Tulip Valley ; 45°33'34.58"N ; 75°50'56.74"O.


Photo © Google Earth ; en surimposé, géologie (tirée de la carte SI-31G12-G3P-03B : compilation géologique 1 / 50 000, SNRC 31G12, Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Québec, 2007.) Réalisation de la carte : © Henri Lessard, 2009.
On distingue l'autoroute 5, la rivière Gatineau.
Carré blanc (au bout de l'autoroute, en haut à gauche) : sortie Tulip Valley.
Point rouge : l’intrusion de calcite dans le paragneiss (M4), côté Nord de l'autoroute 5.
LÉGENDE
M3a. – Orthogneiss, migmatite ; M4. – Paragneiss ; M7. – Gneiss à pyroxène ; M12. – Quartzite ; M13. – Marbre (abondant hors du secteur de la carte) ; I1Fa. – Aplite, pegmatite ; I2D. – Syénite ; I2J. – Diorite
Voir Géolo-chronologie pour mise en contexte globale.


CONTEXTE GÉOLOGIQUE LOCAL (Voir la carte.)
Bordure du batholite de syénite-diorite de Wakefield mis en place dans des métasédiments du groupe de Grenville (paragneiss, quartzite et marbre). Du granite, des pegmatites recoupent le tout. On trouve dans la région des filons de calcite-apatite-phlogopite (dans les métasédiments), des carbonatites, dont celles du lac Meech, à 7 km au S-W du site, et des fénites (Hogarth, 1997). La syénite et la diorite sont ± gneissiques dans le secteur.

INTRO
Les roches des collines de l’Outaouais ont été formées à plus de 20 km de profondeur dans un contexte de collisions entre continents et autres compartiments de la croûte terrestre. En même temps que des magmas les envahissaient ou les découpaient, elles ont connu des massages et des triturages, subi des étirements jusqu’à la rupture. Ce dynamisme, figé (pétrifié, dirait-on, si l'on ne craignait pas le paradoxe) depuis un milliard d’années, affleure à présent au grand soleil.

Découvrir l'Outaouais, c’est un peu parcourir les entrailles (autrefois) agitées de la croûte terrestre...

INTRUSION DE CALCITE
Exemple de cette agitation «intestine» : sur l’autoroute 5, à Chelsea (Québec), une masse de calcite large de 15 m s'est ouvert un passage à travers la roche locale (en surface, complexe de paragneiss gris et de granite blanc). Le mouvement d'expulsion vers le haut des fragments des roches hôtes dans une pâte de calcite est saisissant.

Au moins deux épisodes ont été nécessaires pour donner à cette intrusion sa configuration finale : d’abord l’injection d’une calcite grise, «sale», et chargée de xénolites – fragments arrachés aux roches encaissantes –, suivie de celle d’une calcite de couleur rose pâle, nette et libre de fragments étrangers, qui a envahi la calcite grise. Les xénolites, arrondis à anguleux, sont recouverts d’une couche de mica. Dans au moins un cas, le mica, à reflets rouges (hématite ?), est accompagné d’une amphibole verte.

Cette intrusion n’est que la plus spectaculaire d’une série de phénomènes plus discrets. De l’autre côté de la chaussée et plus au Nord, toujours sur l'autoroute, des filons de calcite massive d’une épaisseur d’environ 30 cm à 1 m recoupent la syénite (voir photo 23, plus bas).

Photo 10. – Bordure NW de l’intrusion. Calcite «sale» ou noircie par les agents atmosphériques ? Elle remplace un granite blanc (pegmatite) qui recoupe lui-même un paragneiss gris, en haut à gauche (contraste peu marqué sur la photo).

La géologie régionale permet d’avancer trois hypothèses sur la nature de ces intrusions :

Hypothèse 1. — Le marbre, abondant dans la région, et constitué de… calcite, est une bonne source de… calcite !... Par fluage, en réponse aux contraintes tectoniques et torsions plus haut évoquées, il est arrivé que le marbre se soit injecté dans les roches voisines moins ductiles en plissant et disloquant les pans et fragments qu’il emportait (voir par exemple la photo 000522 de cet ancien billet).

Hypothèses 2 et 3 confondues. — Les filons et intrusions variées de calcite (souvent de couleur rose) dont certains ont été exploités pour l’apatite et le mica aux 19e et 20e siècles, parsèment l'Outaouais et le Sud-Est de l'Ontario. Des carbonatites, roches magmatiques formées de carbonates (calcite ou dolomie), affleurent entre le lac Meech et le lac McGregor (Hogarth, 1997). Sur le terrain, la distinction n’est pas toujours facile à établir entre ces irruptions de calcite qui bluffent parfois même les pros.

CONCLUSION
Les intrusions de la route 5 sont des phénomènes post-tectoniques : elles recoupent la structure des encaissants (gneissositée), ne montrent aucun signe de déformation et leurs contacts avec les roches hôtes sont nets. Elles ont sans doute pris place dans des fractures préexistantes. Il a fallu au moins deux injections de calcite pour créer la grande intrusion : cette montée par étapes concorde mieux, me semble-t-il, avec l’hypothèse d’un phénomène magmatique (carbonatite). Mais l’évidence plaide contre une origine lointaine (profonde) des xénolites ; la survie de fragments tabulaires, la persistance d’angles et de cassures non émoussés, etc. (Voir photo 12.) La calcite des intrusions proviendrait donc, selon nous, de marbre mobilisé.

POUR EN SAVOIR PLUS
HOGARTH D.D., Carbonatites, fenites and associated phenomena near Ottawa. GAC/MAC, Joint Annual Meeting, Ottawa, Field Trip Guidebook A4, 1997, 21 p.

QUELQUES PHOTOS ENCORE
 12. – La calcite neuve (claire) repousse vers le haut la calcite grise chargée de xénolites. Le xénolite allongé n’aurait pas pu supporter un long transport sans se briser…


13. – On constate un certain alignement des petits fragments allongés parallèlement à une direction empruntée par un courant de calcite propre.


16. – Calcite «sale», chargée de xénolites. Contact avec roches encaissantes (en haut).


 23. – Exemple d’un des filons de calcite recoupant la syénite. Un ciseau (15 cm, le long du contact supérieur du filon, premier tiers à gauche) donne l’échelle. Le contact avec la syénite est souligné de diopside (?) vert. Ce filon contenait de la fluorine violette – aux cristaux quelconques.

vendredi 20 novembre 2009

Géolo-chronologie de l'Outaouais


Reprise du billet du 20 nov. 2009. Ajouts et retouches le 3 févr. 2014. Les dates ont été révisées le 6 déc. 2015. Nouvel ajout le 18 nov. 2018.





Mésoprotérozoïque (1600-1000 Ma*)

* Ma = million d'années.

Le territoire de l’Outaouais s’étend en majeure part sur la province de Grenville, une division du Bouclier canadien qui s’est constituée entre 1300 et 1000 Ma en marge d’un grand continent, la Laurentia. Des épisodes de subduction de pans de croûte océanique, de collisions impliquant des arcs volcaniques et des blocs continentaux ont alors édifié une imposante chaîne de montagnes.

Minéralogie. — Dans la région, les roches les plus intéressantes du point de vue minéralogique sont celles du groupe de Grenville. Elles affleurent dans la Ceinture centrale des métasédiments, composée de marbres, paragneiss et quartzites, ainsi que d'amphibolites d’origine volcanique. Le marbre (photo 456) s’étend en une large bande dans la vallée de la Gatineau jusqu’au réservoir Baskatong. Plus à l’est, les gneiss et quartzites l’emportent.

Des roches calco-silicatées, issues du métamorphisme de dolomites silicieuses sont les hôtes des veines (ou filons-dykes) de calcite-apatite-phlogopite. Les gisements de zinc-plomb sont en relation avec les marbres et proviennent d’exhalaisons sous-marines volcaniques syn-sédimentaires. On trouve des gisements de graphite dans les marbres et les paragneiss. Des dykes de pegmatites, sources de feldspath, recoupent les roches du groupe de Grenville ainsi que les roches plutoniques diverses qui les accompagnent. Des minéralisations radioactives sont liées aux roches calco-silicatées et à des pegmatites blanches.


Néoprotérozoïque (1000 Ma - 541 Ma)

Longue période d’érosion. Elle amène les couches inférieures de la croute terrestre (± 20 km de profondeur) qui ont subi un métamorphisme intense durant l'orogène du Grenville (photo 456) à apparaître à la surface.





Peu avant le Cambrien, des failles se sont activées dans le bouclier. Elles mènent à la formation du graben d’Ottawa-Bonnechère* dont le plancher s’est affaissé lors de la rupture de la Laurentia qui a abouti à l’ouverture de l’océan Iapetus. Accompagnant ces événements, des dykes de diabase (590 Ma) ont occupé des failles orientées E-W ; près de Buckingham affleure des roches volcano-plutoniques (575 Ma**). L’escarpement d'Eardley, à l’Ouest de Gatineau, illustre de façon spectaculaire la transition entre le plateau et le graben (photo 558). La configuration actuelle du graben est cependant le résultat de réactivations après l’Ordovicien, durant le Paléozoïque (fermeture de Iapetus et formation des Appalaches) ou le Mésozoïque (ouverture de l’Atlantique). [Paragraphe retouché le 18 nov. 2018.]

* Note. – Le graben d'Ottawa-Bonnechère a subi plusieurs épisodes de compression et d'extension après l'Ordivicien durant lesquelles certaines failles ont rejoué a plusieurs reprises. L'aspect actuel du graben est tributaire de ces rejeux. Voir les « Ajout », à la fin du billlet.
** De nouveaux travaux vieillissent quelque peu ces affleurements : suite volcano-plutonique de Robitaille, fin du Mésoprotérozoïque (un milliard d'années). (Voir l'« Addendum », à la fin du billet auquel conduit ce lien.)






Paléozoïque : Cambrien (541 - 485 Ma), Ordovicien (485 - 444 Ma), Silurien (444 - 419 Ma) et Dévonien (419-359 Ma)

La mer qui a recouvert le bouclier durant le Cambrien et l’Ordovicien dépose des sédiments qui deviendront les grès, calcaires et shales de la plate-forme du Saint-Laurent (photo 1349). Dans la région, ce qui reste de ces roches subsiste dans la vallée de l’Outaouais, à l’abri dans le graben. Se sont les vestiges de sédiments qui ont recouvert presque tout le continent et dont la déposition s’est poursuivit jusqu’au Dévonien. Depuis, le bouclier est à nouveau soumis à un régime d’érosion qui l’a débarrassé de sa couverture sédimentaire.





Quaternaire (2,6 Ma-) (Photo 1042)

Des dépôts de la glaciation du Wisconsinien (à partir de 80 000 ka*) recouvrent toute la région ; au sud, ils sont surmontés des sédiments marins argileux de la mer de Champlain (12 ka-10 ka). Des dépôts fluviatiles (Holocène, à partir de 8 ka) ont été laissés par les précurseurs de l’Outaouais et de ses tributaires.

Selon certains, nous serions entrés dans une nouvelle époque géologique, l'Anthropocène (billet du 9 janvier 2012).

* ka = milliers d'années.

Légendes des photos (dans leur ordre d'apparition)

0456 : marbre du groupe de Grenville (gris pâle). Une roche plus sombre, incluse dans le marbre, a été plissée et démembrée. Nord de Thurso (Québec), juillet 2009.
0558 : bord du graben d'Ottawa-Bonnechère. La plaine fait partie de la plate-forme du Saint-Laurent. Elle constitue un « plancher descendu » par rapport au bouclier canadien (collines). Chemin-de-la-Montagne, Gatineau (Québec), juillet 2009.
1349 : rides de courant sous-marin conservées dans un grès de la formation de Rockliffe (groupe de Beekmantown), Ordovicien. Le courant se dirigeait vers le bas, à gauche, perpendiculairement aux rides. Hog's Back, Ottawa (Ontario), juillet 2007.
1042 : paysage de collines basses et arrondies, typique du Bouclier canadien ; relief en partie hérité des glaciations du Quaternaire. Lac la Blanche (Québec), septembre 2009.


Note

Il s'agit encore ici de l'un des textes (retouchés pour ce blogue) que j'avais rédigés pour le défunt Bulletin du club de Minéralogie de l'Outaouais (vol. 2, no 3, sept. 1998). Ils avaient été publiés en vue du pow-wow des clubs de Minéralogie du Québec qui s’est tenue dans l’Outaouais sous l'égide du CMO, du 4 au 7 septembre 1998.

Dans ces articles, j'ai annexé à l'Outaouais une partie du Pontiac et des Laurentides ; les frontières géologiques ne se confondent pas souvent avec les délimitations administratives... Les allusions à la minéralogie contenues dans les lignes ci-haut s'expliquaient par la présence d'un survol de l'histoire minière de l'Outaouais qui précédait le présent texte. Pour ne pas alourdir la présentation, je préfère le faire paraître plus tard, séparément. [Ce survol, en trois volets, est finalement paru, en mars 2012.]


Ajout (3 févr. 2014)

Dans ce qui précède, je fais remonter le graben d'Ottawa-Bonnechère (GOB) au Néoprotérozoïque. On me l'a reproché. De l'avis général, si un graben est bien né au Néoprotérozoïque, l'allure du GOB comme tel est tributaire de réactivations épisodiques après l'Ordovicien*. Les géologues supposent que les reliefs du graben primitif avaient déjà été aplanis par l'érosion lorsque les premiers sédiments de la plateforme du Saint-Laurent – cf. les grès de Nepean (voir le billet du 23 janv. 2011 sur la discordance du lac Beauchamp à Gatineau) – ont commencé à se déposer, au Cambro-ordovicien, avant les rejeux tectoniques.

D'accord pour ces rejeux (je ne veux contrarier personne), mais il faudrait quand même tenir compte du fait que le grès de Nepean ne franchit pas les rebords actuels du Bouclier canadien (escarpement d'Eardley) ou ne s'y avance pas loin (Cantley, Buckingham), ce qui indique que des obstacles existaient déjà à ces endroits au Cambro-ordovicien pour contenir l'invasion marine et la déposition des sables**. (Tenir compte aussi, au sud, de l'arche de Frontenac, qui a agit comme barrière en Ontario. Voir billet du 1er nov 2013 sur la discordance de Kingston.) 

De plus, selon Hogarth (1970), le caractère siliceux des calcaires ordoviciens à proximité de l'escarpement d'Eardley indique la proximité d'un paléorelief (quelque soit son allure ou son ampleur) près de... l'escarpement*** !

* « Yet, most of the obvious normal faults and the physiography of the graben are post-Ordovician in age, and if there was a Neo-proterozoic graben structure, its suprastructure was removed by erosion and planed off prior to transgression of Ordovician platform sediments across the area. [...] There are no Neo-proterozoic rift basalts or alkaline volcanics, nor any rift clastics, preserved along the axis of the graben, and Grenville dykes are exposed at some depth below the paleosurface .» (Bleeker, 2011, p. 20.) Mais voir Hogarth, plus bas.
** Plus en amont dans la vallée de l'Outaouais, on ne trouve pas de grès Cambro-ordovicien. L'invasion marine a atteint ces endroits situés plus haut pour déposer des sédiments carbonatés de l'Ordovicien directement sur le Bouclier canadien.
*** « The Black River and Trenton Limestones of the Ottawa Formation [...] generally become arenaceous and barren near the Eardley Fault. This may indicate that an escarpment existed in Ordovician time [...] » (Hogarth, 1970, p. 5.) 

Ajout (18 nov. 2018) 

Voici qui devrait clore la discussion :
« The graben is fault-bounded with left-stepping en échelon segments for which latest activity appears mostly younger than the Ordovician. But faults were likely initiated as early as ~ 577 Ma and reactivated several times later in the Phanerozoic [...] » (Kang, 2017, p. 1.)

Ajout (27 nov. 2019)

Rimando et Benn (2005) reconnaissent trois épisodes de déformations (failles) dans le GOB. 

  • D1. - Stress tectonique horizontal orienté NW ; fermeture de Iapetus au Paléozoïque (orogénies Taconienne et/ou Acadienne, Ordovicien-Dévonien).
  • D2. - Stress WNW ; réactivation failles antérieures et création de nouvelles ; ouverture de l'Atlantique et emplacement dykes de la carbonatite Blackburn (Ottawa) au Mésozoïque (Crétacé). 
  • D3. - Stress SW ; réactivation failles antérieures et création de nouvelles au Cénozoîque (post-Crétacé).
  • Minéralisations dans le GOB : D1 et D2.
  • La sismicité récente dans le GOB met en jeu la réactivation de failles de ces trois familles.
« Hence it seems highly likely that some regional faults with northwesterly strikes may have originated in the Paleozoic, or earlier, a possible example being the Gloucester fault. » (Rimando et Benn, 2005, p. 356) [Avec réactivations et création de nouvelles failles au Mésozoïque et au Cénozoïque. Rejet de la faille Gloucester : 520 m.]




Références (pour les « Ajouts »)

  • Bleeker, W., «The Ottawa-Bonnechère Graben: A complex rift structure shaped by reactivation.» Ottawa 2011 GAC®/AGC® - MAC/AMC - SEG - SGA, Joint Annual Meeting - Congrès annuel conjoint, University of Ottawa/Université d'Ottawa, May 25-27 mai 2011, p. 20. http://gac.esd.mun.ca/gac_2011/search_abs/program.asp
  • D.D. Hogarth, Geology of the Southern Part of Gatineau Park, National Capital Region. CGC, étude 70-20, 8 p., avec carte 7-1970 (1/18 000).
  • He Kang, Stratigraphy, Sedimentology, and Diagenesis of Ordovician Outliers, Northern Ottawa–Bonnechere Graben, Central Ontario. Thesis, Faculty of Graduate and Postdoctoral Affairs, Master of Science in Earth Sciences, Carleton University, Ottawa, Ontario, 2017.
  • K.S. Kumarapeli, «A plume-generated segment of the rifted margin of Laurentia, Southern Canadian Appalachians, seen through a completed Wilson Cycle.» Tectonophysics, vol. 219, p. 47-55, 1993.
  • Rolly E. Rimando, Keith Benn -- 2005. « Evolution of faulting and paleo-stress field within the Ottawa graben, Canada. » Journal of Geodynamics, 39:337–360.

mardi 17 novembre 2009

Bloc erratique, parc de la Gatineau (Québec)

Voir suite ici.


J'ai fait paraître le texte qui suit dans le défunt Bulletin du club de Minéralogie de l'Outaouais, en 1998 ou 1999, sous le titre banal de «Le plus gros caillou de l’Outaouais ?» Je ne peux préciser davantage, ayant égaré mon exemplaire de la publication. Il ne me reste de cet article que les fichier informatiques du texte et des illustrations. Le réchauffé que je vous en sers a été quelque peu réassaisonné pour l'occasion. Les photos ont été prises en mai 2000.


OBJET
Bloc erratique du parc de la Gatineau (Québec)

LOCALISATION
Parc de la Gatineau, piste 1, à l'Est de la Promenade de la Gatineau, au Sud de Chelsea (voir carte).




DESCRIPTION
Les bois du parc de la Gatineau recèlent ce qui est peut-être le plus gros «caillou» de la région. Il s’agit d’un imposant bloc erratique (1), bien en évidence le long de la piste no 1, au Nord du chemin Kingsmere.


Une fois engagé sur la piste 1, à l’Est de la Promenade de la Gatineau (carte), on aperçoit le bloc au terme d’une courte montée (photo 24). On ne peut manquer ce morceau de granite folié de couleur grise, d’une circonférence d’environ 20 m et d’une hauteur de près de 3 m (hauteur à laquelle il faut ajouter la partie enfoncée dans le sol meuble). Un arbre, sur le côté Ouest, s’est adapté, en poussant, à sa présence : le tronc s’est moulé autour d’un coin du rocher. L'arbre n'en a pas moins poursuivi sa croissance rectiligne et se dresse toujours droit comme un i (voir l’illustration et la photo 24).


Le bloc doit à son origine glaciaire l'émoussé de ses arêtes et surfaces. Il s’est toutefois allégé du poids de nombreux fragments, parfois longs de plus d’un mètre, qui s’enfoncent dans le sol tout autour. Des failles qui le traversent ont aidé ce débitage qui s’est produit par éclats, mais aussi par grandes dalles. Sur un côté du bloc, de nouvelles plaques sont à la veille de se détacher (voir * sur l’illustration).

[Ajout 2009. – À en juger par son toit plat, il a déjà perdu de cette manière une partie de son sommet. La surface du toit, très altéré (photo 15), prouve que le détachement de la partie supérieure a eu lieu il y a bien longtemps, peut-être même un peu avant que le glacier ne dépose le bloc au sommet de la colline. Une profonde entaille annonce la chute imminente d'un de ses flancs (à droite, sur la photo 24, à gauche sur la 16). À examiner les photos, on a l'impression que les minces troncs qui encagent le bloc empêchent seuls son effondrement. Situation paradoxale de fétus de paille qui soutiennent un colosse...]


Même dans son état quelque peu décrépit, le bloc reste impressionnant. Il faut que les fractures qui le sillonnent et menacent de le disloquer se soient formées bien après que le bloc ait été abandonné par les glaces (il y a 12 000 ans) ; dans son état actuel, il se disloquerait s’il était mis en mouvement.

Plusieurs de ceux qui sont familiers avec le parc de la Gatineau ont sans doute déjà remarqué cet «erratique». Les quelques observations que je rapporte ici inciteront peut-êtr certaines personnes à lui accorder un regard, second ou premier, attentif.


Note – S.v.p., ne pas échantillonner le bloc ! D’abord, c’est interdit dans le Parc, ensuite – et ça devrait être une raison suffisante – ce serait gâcher un monument naturel.

(1) Bloc erratique : fragment rocheux d’au moins 25,6 cm (en bas de cette grandeur, il s’agit d’un galet) transporté et usé par un glacier.

PHOTOS (dans leur ordre d'apparition)
Photo 24 : le bloc. Le sac à dos, à gauche, donne l'échelle. Des filons de granite clair traversent la masse du roc (granite gris). La traînée noire, en bas à droite, est constituée de cristaux de tourmaline. À noter l'arbre qui s'est adapté à la présence du bloc, à gauche, et, à droite, la profonde faille qui le coupe.
Photo 16 : la même faille, dédoublée, vue de l'autre côté. À gauche : noter le vide laisser par la chute d'un fragment.
Photo 15 : surface très altérée du toit (voir aussi cette autre surface altérée).  Il a beau être chauve, notre bloc a le front passablement ridée... Un filon de granite clair est en relief.
Photo 20 : flanc Ouest du bloc (à gauche, sur la photo 24) ; noter la bande de pyroxène (minéral vert). Probablement le vestige d'une roche engouffrée par le granite gris et plissée avec lui.

ILLUSTRATIONS (tirées de l'article original ; © Henri Lessard 1998)
Croquis du bloc avec silhouette pour l'échelle ;
Carte de localisation.

dimanche 15 novembre 2009

D'un blog à l'autre

Photo (pour une fois non numérotée). – Escarpement d'Eardley, à Gatineau (Québec). Cet important phénomène géologique semble dispaître sous un vert camouflage. Ah ! le «végétal irrégulier», comme disait Baudelaire...

J'ai toujours eu une sorte de penchant (lire : tendresse) pour les terrains vagues, les champs en friches, les paysages de bric et de broc ou coexistent le béton, la broussaille et la graminée. Pourtant, je ne connais rien à la botanique, urbaine ou champêtre : je sais distinguer les pissenlits (facile, on en voit tant) des baobabs (facile, on n'en voit jamais), c'est à peu près tout.

Malgré ces handicaps, quand je visite certains blogues (voir mon «Profil»), je lis, je vois et je reste cloué à mon écran. Des images reviennent à ma mémoire – j'ai grandi en ville, à une époque où on laissait les enfants jouer dehors. Je débusque le brin d'herbe anarchiste au fond des parkings, le long des voies ferrées, à l'ombre des usines désaffectées et jusque derrière le revêtement craquelé du dépanneur du coin. Sans oublier l'arbuste squatteur, nomade et ubiquiste, les arbres, et les grands arbres, à l'étroit ou à l'aise, dans leur ruelle ou leur parc.

Le nom des plantes reste encore pour moi une langue étrangère, mais je découvre dans ces blogues une extrême attention aux petites choses qui en disent beaucoup, à la nature sous toutes ses formes. J'y découvre de la passion et du savoir.

Je crois aussi que l'art nous apprend à voir et à apprécier la réalité.

Sans la végétation, d'abord Gaïa serait un peu toute nue, sans même une feuille de vigne pour se vêtir ; ensuite, il n'y aurait pas de géologues, amateurs ou non.

Les chutes de Luskville (addendum)


Mise en page revue le 20 janv. 2016.




Dans la série des billets (presque) sans chronologie, définitions ou références...


Les chutes de Luskville, sur le flanc de l'escarpement d'Eardley (photo 578, entre les deux collines), se trouvent à quelques km à l'Ouest de Gatineau (Québec). La photo 584 montre l'une de ces chutes, la plus basse, presque au niveau de la plaine, au pied de l'escarpement (point 2 sur le panneau explicatif installé par la Commission de la capitale nationale). La photo 597 a été prise quelques dizaines de m au dessus de la chute (point 3 du panneau), d'une plate-forme où le panorama nous fait découvrir la plaine que traverse la rivière des Outaouais, au loin (à la droite de l'image).





Les glaciers qui ont autrefois recouvert la région ont laissé derrière eux des reliefs nettoyés de leurs aspérités. Les roches à l'avant-plan de la photo 597 sont un vestiges directs de l'action des glaciers, comme l'indiquent leurs formes douces et arrondies.





L'escarpement a entier été recouvert par les glaciers et n'a pas échappé à leur action érosive – revoyez le profil arrondi des collines de la photo 578.





Le type de roche qui prédomine à cet endroit de l'escarpement d'Eardley est la syénite (roche apparentée au granite). Les surfaces (photo 597) paraissent piquetées, comme vérolées. Les minéraux les plus friables et les plus altérables (ici, de la hornblende surtout) ont disparus, laissant des surfaces semées de petites dépression. Je présume que l'altération et la disparition de ces minéraux est postérieur au polissage glaciaire. On constate même que la roche pèle : la syénite se débite par plaque, elle se desquame en «pelure d'oignon».





La photo 599 (prise au dessus du point 3) semble révéler un plan rapproché de la peau d'un vieil éléphant... Même surface rugueuse qu'à la photo 597, même adoucissement, moins accompli toutefois. La syénite est parcourue de diaclases, c'est à dire de cassures sans rupture ni déplacement du roc.


Retour à la chute, la photo 597 : un mur de syénite vertical, au rebord cassant, des surfaces lisses. Cette paroi est postérieure aux glaciations et aux altérations qui ont piquetées ailleurs la surface de la syénite, sans parler de ses «pelures d'oignons».

Les glaciers ont libéré la région il y a 12 000 ans. La cassure dans le roc qui a donné naissance à la chute de la photo 584 date donc de moins de 12 000 ans. Nous devinons qu'elle ne s'est pas produite «hier». Je dispose d'une belle marge d'erreur au cas où on me poserait la question : «Quand s'est produite cette cassure ?»

En fait, la réponse, un peu embarrassée, est : «Je ne sais pas.» Encore heureux qu'on ne me demande pas comment s'est produite cette cassure... Une diaclase qui aurait cédé ? Sous l'action du gel sans doute. Où sont les débris de l'éboulement ? – mais il y a tant de blocs de roche à cet endroit...

Dernier coup d'œil aux photos ; le cliché 579 (détail de la photo 578) montre que les parois abruptes sont fréquentes sur l'escarpement. Sans doute autant d'effondrements post-glaciaires ?





Si vous pensez détenir le fin mot de cette histoire, je vous le laisse volontiers...


Photos : juillet 2009.



Notes et références, malgré tout...

Hogarth et Moore écrivaient en 1972 que des veines de calcite traversaient la syénite et que la dissolution de l'une d'elles avait causé un éboulement sur l'escarpement d'Eardley en 1960, à un endroit situé quelques km au Sud-Est des chutes Luskville. Ils précisaient qu'il en subsistait encore des traces visibles. Je n'ai jamais vu ces traces et je n'ai jamais entendu parlé de cet éboulement ni d'aucun autre sur l'escarpement. [Voir, au sujet de cet éboulement, le billet du 6 févr. 2014.]


  • Hogarth D.D., Moore J.M., dans : Baird D.M. (compil. et édit.), 1972 — Géologie de la région de la Capitale nationale. Commision géologique du Canada, livret guide bilingue, 24e congr. géol. internat., Montréal, excursions B23 à B27, 2 fois 36 p.

Un article que j'ai récemment déniché traite justement de ce problème, l'existence de parois abruptes sur les flancs «arrondies» de collines touchées par l'érosion glaciaire. L'auteur démontre que la formation de ces abrupts par éboulements a commencé dès le départ des glaciers et se poursuit de nos jours :


  • Jean-Claude Lasserre, «Les pentes raides de la vallée de la rivière du Nord – Étude de versants-échantillons.» Dans : Cahiers de géographie du Québec, vol. 10, n° 19, 1965, p. 73-88. Version numérique : http://id.erudit.org/iderudit/020564ar



Addendum (15 nov. 2009)





Une preuve de l'origine post-glaciaire de l'altération des surfaces : la syénite est aussi altérée dans ses parties mises au jour par le «pelage» que dans ses parties laissées en place (photo 597a : gros plan du cliché 597).

On peut même se demander si la surface originellement polie par le glacier n'a pas déjà été pelée... Mais il y aurait dans ce cas plusieurs niveaux de «pelures» et ça ne semble pas être le cas.

La roche semble s'altérer en surface et, simultanément (et au même rythme), par l'infiltration d'eau dans des fractures parallèles à ses contours qui préparent la formation des plaques.

vendredi 13 novembre 2009

Migmatite du chemin Lamoureux (Cantley)



Dans la série des courts billets sans grand bla-bla ni fla-fla...

Description
Photomontage d'un paragneiss envahis par du granite (agmatite d'aspect fantomatique) ; chemin Lamoureux, Cantley (Québec). (Juillet 2007 2000.)

Contexte géologique
Province de Grenville (roches magmatiques et sédimentaires métamorphisées; âge : env. 1,1 milliard d'années.)

Quelques définitions sont données dans ce billet.


Mise au point (23 juillet 2011). — Cet affleurement se trouverait plutôt montée Saint-Amour, au N de son intersection avec le chemin Lamoureux. Voir la fonction «Pays/territoire» pour sa localisation.
45.580466, -75.719112

mercredi 11 novembre 2009

Marbres sculptés par les glaciers (Cantley)

Photo © Lise Massicotte (1999)

PHOTOS
Les photos de ce billet sont une gracieuseté de © Lise Massicotte (1999).

OBJET
Marbres sculptés par les glaciers et des courants d'eau sous-glaciaires.

LOCALISATION
SNRC 31G/12
Sablière à Cantley (Québec). Route 307 (Montée de la Source), au Nord du chemin St-Andrew ; côté Ouest de la route. Propr. : Les Entreprises Vetel Ltée, accès interdit.

DESCRIPTION
Les sablières que longe la route 307, à Cantley (Québec), résument en un raccourci saisissant les épisodes les plus extrêmes, chronologiquement parlant, de l’histoire géologique de la région ; des migmatites et des marbres, formées il y a plus d’un milliard d’années, et des phénomènes d’érosion remontant à la dernière glaciation du Quaternaire (voir Chronologie).

Photo © Lise Massicotte (1999)

Dans un précédent billet, j’ai parlé des migmatites qui forment la colline à l’Est de la route. Des reliefs plus discrets affleurent du côté opposé ; le socle rocheux, à cet endroit, est constitué de marbre, roche moins résistante à l’érosion. Cette fragilité relative explique sans doute la différence d’altitude de part et d’autre de la route (175 m au dessus du niveau de la mer pour les marbres, 200 m pour les migmatites).

Les glaciers qui ont recouvert le Nord du continent américain lors de la dernière glaciation ont laissé après leur départ (Chronologie) un paysage profondément modifié. L’un des principaux effets de leurs avancées et reculs, en plus de l’accumulation d’importantes quantités de sédiments fins ou grossiers, a été un adoucissement du relief. Un peu partout, au Nord de l'Amérique, affleure des roches moutonnées [lien à installer], usées et arrondies. Les glaciers, par les poussières et blocs rocheux qu’ils incorporaient dans leur masse ou qu’ils traînaient sous eux, ont agit comme un papier sablé promené par une main particulièrement lourde. (Le glacier, ou inlandsis, a atteint plusieurs milliers de mètres d’épaisseur.)

Photo © Lise Massicotte (1999)

Le relief bas et arrondi de la colline de marbre (pente douce en aval du glacier, plus raide en amont) est caractéristique d’un relief glaciaire. Le fait est banal et résulte du «ponçage» que je viens d’évoquer, mais quelque chose de plus rend le site exceptionnel. Des sillons parallèles, des chenaux, sont imprimés dans le marbre ; le dessin de ces cannelures est compliqué par endroit par des dérivations sinueuses ou des canaux transversaux tardifs.

La régularité et la pureté de ces formes, l'éclat du marbre, confèrent à ce décor un caractère quelque peu irréel.

Ces formes d’érosion sont le résultat d’écoulement d’eau sous pression à la base du glacier. Par moment, la pression a été suffisante pour soulever le glacier et le suspendre au dessus du socle rocheux.


Photo © Lise Massicotte (1999)

Les figures 1 et 2 (tirées de Sharpe et Shaw, 1994 ; voir Sources) illustrent le comportement des nappes d'eau en présence d'obstacles qui gênaient sont écoulement. Le marbre, en effet, n'est pas homogène et contient de nombreuses inclusions de roches étrangères plus résistantes et qui faisaient donc saillie : boudins de granite blanc, souvent rouillé, sections cassantes de gneiss(?) sombres. L'eau passait par dessus ces obstacles à moins qu'elle ne soit obligée de les contourner. Dans ce dernier cas, le courant était canalisé derrière l’obstacle en deux torrents au pouvoir érosif augmenté par les tourbillons qui l’agitaient.



FIGURES
A, B et C (tirées de Sharpe et Shaw, 1986 ; texte en anglais) : évolution de l’érosion en présence d’une enclave résistante dans le marbre.

Les géologues donnent des noms parfois imagés à ces formes sculptées : cavetto, marques obstacles, chenaux, gorges, formes en S (coups de gouges), sillons et queue-de-rat (rat-tail)… On distingue à la surface du marbre de nombreuses stries glaciaires, marques laissées par le passage de morceaux de roche emprisonnés dans la glace.

Photo © Lise Massicotte (1999)

À L'ÉCHELLE DE LA RÉGION
Il est possible que le même événement responsable du creusement de la Marmite des Allumetières et des marmites de Devil Lake décrites dans un autre billet ait été à l'origine des formes d'érosion sous-glaciaire de Cantley.

Photo © Lise Massicotte (1999)

PHOTOS
© Lise Massicotte (1999)
Pour leur interprétation : le marbre est gris ; les inclusions de granite, blanches et parfois rouillées – on voit le même granite dans les migmatites du côté Est de la route. (Un billet prochain expliquera la présence de ces enclaves (xénolites) disloqués et dispersés, fréquentes dans les marbres de la région.)

03 : vue d’ensemble d’un affleurement. À gauche, en haut : un chenal secondaire, oblique, en forme d'incisive, recoupe les sillons horizontaux ; l'eau, dans ce cas, s'écoulait vers le haut. Notez les enclaves de granite rouillé. (Le Sud est à gauche.)
04 : détail de 03.
07 : détail de 03 ; irrégularités dans le tracés des chenaux, une marmite (avant-plan). Un marteau de géologue, au centre, donne l’échelle.
08 : détail de 03 ; un xénolite de granite forme saillie au dessus du marbre, moins résistant.
10 : vue vers le Sud et aperçu d’un mur vertical (photo 11).
11 : au Sud de la photo 03.
13 : une crête, expliquée par la présence d'un alignement de xénolites résistants.
15 : chenal.
16 : formes complexes (vue vers le Sud).
17 : large couloir. Vue vers le Nord. Les épaisses couches de sable qui recouvrent le site sont aussi un vestige de la dernière glaciation.

CHRONOLOGIE LOCALE
Formation des roches de la province de Grenville – les «Laurentides» : roches magmatiques, volcaniques et sédimentaires métamorphisées, dont les paragneiss, marbres et granites de Cantley – (1 300 000 000 - 1 000 000 000 ans) ;
Dernière des glaciation du Quaternaire, dite du Wisconsinien (80 000-10 000 ans) ;
Épisode de la mer de Champlain (12 000-10 000 ans)

RÉFÉRENCES
SHARPE D., PUGIN A. — Glaciated terrain and erosional features related to a proposed regional unconformity in Eastern Ontario: Field trip Guide Book, Commission géologique du Canada, dossier public 5596, 2007, 44 p.
SHARPE D.R., SHAW, J., 1988 — «Erosion of bedrock by subglacial meltwater, Cantley, Québec.» The Geological Society of America Bulletin, vol. 101, p. 1011 1020.
SHARPE D.R., SHAW, J., 1994 — «Formes d'érosion et sédiments glaciomarins, Cantley.» Dans R. GILBERT (compil.), Guide d'excursions dans le paysage glaciaire et postglaciaire du Sud-Est de l'Ontario et d'une partie du Québec, Commission géologique du Canada, Bulletin 453, arrêt no 16, p. 15-16 (trad.)

Photo © Lise Massicotte (1999)

Photo © Lise Massicotte (1999)

Photo © Lise Massicotte (1999)

Photo © Lise Massicotte (1999)