dimanche 24 février 2019

Hull et le canal de la Baie Georgienne : suite


Légende pour les trois figures
CC : chutes des Chaudières ; CSJ : cimetière Saint-James ; ÉsÎ : école second. de l'Île ; IN : Imprimerie nationale ; LC : lac de la Carrière ; MA : marmite des Allumettières (LIEN) ; MM : manège militaire de Salaberry ; PB : parc Brébeuf ; PbF : pont du boul. Fournier ; PC : pont Champlain ; RB : ruisseau de la Brasserie ; RO : rivière des Outaouais ; RPC : rapides de la Petite Chaudière ; RR : rapides Remic ; SPC : stromatolites du pont Champlain (LIEN) ; UPEP : usine de production d'eau potable (du secteur Hull) ; UQO : Université du Québec en Outaouais.
Ces cartes modifiées sont sous mon copyright.

Fig. 1. - Le trajet du canal de la Baie Georgienne, tel que prévu en 1909, superposé à une carte récente de Hull. En mauve pâle : le canal ; en rouge pâle : le barrage prévu sur l'Outaouais ; ligne rouge vif : limite des terrains inondés (195 pieds ou 59,4 m, arrondis à 60 m). J'ai ajouté le Rapibus (ligne grise mince) qui ne figurait pas sur la carte. Fond de carte : origine inconnue.
Cliquer sur la carte pour l'afficher à sa pleine grandeur.


Rappel - résumé

Selon les plans et devis d'un rapport du ministère des Travaux publics déposés en 1909 à Ottawa (voir « Référence »), le canal de la Baie Georgienne devait traverser la ville de Hull, au Québec. La raison d'être de cet ambitieux projet, rappelons-le, était d'offrir un lien direct entre Montréal et les Grands Lacs par une voie navigable passant par l'Outaouais, la Mattawa, le lac Nipissing et la rivière des Français. Le canal devait ainsi aboutir à la Baie Georgienne, dans le lac Huron. Un siècle de réclamations et d'initiatives tant privées que gouvernementales allait trouver sa conclusion.

Voir les billets précédents pour plus de détails :




Le canal n'a jamais connu même un début de réalisation (voir billet du 20 février 2019). On peut cependant se demander à quoi aurait ressemblé la ville de Hull si le projet avait été mené à terme. Les cartes (fig. 1, 2 et 3) montrent le trajet du canal à travers la ville ainsi que la position du barrage sur l'Outaouais. Ce dernier était destiné à offrir une rivière-réservoir propice à la navigation jusqu'au barrage du lac des Chats, en amont. Une partie des rives de la rivière aurait disparue sous l'eau du réservoir.

Un grand nombre de bâtiments et d'édifices auraient dû être construits ailleurs qu'à leur emplacement actuel. L'Île-de-Hull aurait été coupée en deux par le canal et le réseau routier aurait été pensé selon des contraintes totalement différentes de celles qui ont prévalu jusqu'à aujourd'hui. En fait, tout l'urbanisme aurait pris un visage imprévu.

Place au canal

Imaginons-nous à la barre d'un navire qui remonterait le canal de la Baie Georgienne à contre-courant, de l'est vers l'ouest, de Montréal vers le lac Huron. (Je donne entre parenthèse les dates de construction ; en gras, les sigles et couleurs utilisées sur les cartes.)

Une fois passé devant la bouche du ruisseau Leamy, notre navire quitterait les eaux libres de l'Outaouais pour emprunter le canal allongé dans l'embouchure du ruisseau de la Brasserie (RB). Le pont du boul. Fournier (PbF) ne nous gênerait aucunement, puisque le plans prévoyaient sa destruction et son remplacement par un autre, 500 m en amont (« Bascule Bridge », fig. 2). Nous n'aurions plus qu'à laisser le canal nous conduire, conservant notre cap SW, à travers une baie, aujourd'hui comblée et occupée par l'autoroute 5 (1964). Là, au nord de l'Imprimerie nationale (IN ; 1954), le canal nous ferait couper à travers l'angle NW de l'Île-de-Hull. Écornant l'Imprimerie, il passerait au nord de l'intersection Sacré-Coeur - St-Rédempteur, écornerait à son tour l'école secondaire de l'Île (ÉsÎ ; 1976) pour traverser à nouveau le ruisseau de la Brasserie et quitter l'Île-de-Hull.

Une fois sur la rive opposée, le canal s'infléchirait vers le SSW, interdisant la construction de l'autoroute 50 (1988) sur son parcours actuel, pour traverser la rue Montcalm à l'ouest de la voie du Rapibus (ligne grise ; 2013). Il aurait, auparavant, manqué de détruire la marmite du boul. des Allumettières (MA ; 2007 : LIEN).

Poursuivant sa route sans dévier, le canal, et nous avec, passerait par le Manège militaire de Salaberry (MM ; 1938) et couperait le boul. A.-Taché à l'est du boul. St-Joseph. Finalement, il déboucherait dans la rivière à l'entrée de la baie Squaw (dite baie des Tout-Nus quand j'étais petit), après être passé au sud de la colline de l'Université du Québec en Outaouais (UQO) et du cimetière Saint-James (CSJ).

Nous nous retrouverions enfin en eaux libres, immédiatement en amont d'un barrage construit sur le chapelet d'îles entre la baie Squaw et Lazy Bay, en Ontario. Cet ouvrage assurerait l'égalité du niveau des eaux jusqu'au barrage suivant, 55 km plus loin en amont, au lac des Chats. Une navigation paisible en perspective.

Place au réservoir

Outre l'effacement des îles, la construction du barrage entraînerait la disparition sous les eaux du réservoir des terrains de l'usine de production d'eau potable du secteur Hull, à Val-Tétreau (UPEP), la plage du parc Moussette à l'est du parc Brébeuf et son sentier des explorateurs (LIEN et LIEN) (PB) dans le même quartier. Finis les rapides Remic (RR) et de la Petite Chaudière (RPC). À la place, nous aurions eu un lac plat, un long fleuve tranquille. Adieu les stromatolites du pont Champlain (SPC ; LIEN). Adieu aussi aux plages de Britannia et de Westboro, à Ottawa. Ç'aurait été le prix à payer pour que Hull devienne un « port de mer »... (voir billet du 14 févr. 2019).

Je ne donne pas ici la position des écluses (« LOCKS ») Hull 1 et 2, la description de la déviation des voies ferrées déviées, l'énumération des ponts déplacés et remplacés par des ponts à bascule (« Bascule Bridges »), et autres détails techniques. Voyez la fig. 2.


Conclusion

On peut de demander si, avec une ville de Hull scindée par le canal et devenue partie intégrante d'une voie de communication interprovinciale, l'idée d'un district fédéral englobant les villes de Hull et d'Ottawa n'aurait pas reçu une impulsion considérable.

Mais je fais là de la politique fiction.


Référence


  • Department of Public Works, Canada. Georgian Bay Ship Canal; report upon survey, with plans and estimates of cost, 1908. [Publié en] 1909.




Fig. 2. - Le canal de la Baie Georgienne selon les plans de 1909, détail modifié. Les flèches rouges pointent la ligne (en bleu) des 195 pieds (59,4 m) qui marque la limite des terrains inondés en amont du barrage sur l'Outaouais (« DAM »).
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Fig. 3. - Le trajet du canal de la Baie Georgienne, tel que prévu en 1909, superposé à une carte récente de Hull. En mauve pâle : le canal ; en rouge pâle : le barrage prévu sur l'Outaouais ; ligne bleu-mauve pâle : limite des terrains inondés (60 m, pour les 59,4 m de la fig. 2) et les eaux du réservoir en amont du barrage sont en bleu. Fond de carte RNC, Atlas du Canada.
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