jeudi 13 juillet 2017

Monument du sentier des Voyageurs, parc Brébeuf, Gatineau, QC


Il y a une suite malheureuse à ce billet : voir celui du 25 août 2017.

Photo 1. - Monument du sentier des Voyageurs, face ouest ; 2007. Très belle migmatite. 
Hauteur de la pierre env. 1,60 m.



L'Outaouais est une voie de communication naturelle vers l'intérieur du continent nord-américain. La rivière est cependant coupée de rapides et de chutes qui constituaient autant d'obstacle à la navigation. Les Amérindiens, puis les explorateurs et les voyageurs à leur suite, étaient contraints de faire des portages, c'est-à-dire d'accoster et de transporter canots d'écorce (heureusement légers) et chargements (plus pondérables, ceux-là) sur leurs épaules par voie terrestre jusqu'à un point où ils pouvaient mettre à l'eau.

Il existe à Gatineau les vestiges d'un de ces portages, le sentier des Voyageurs. Un monument au parc Brébeuf indique l'entrée d'une de ses sections empruntée pendant des siècles, le sentier étant en fait constitué de trois segments se succédant depuis les rapides Deschênes jusqu'en aval des chutes Chaudières. (Voir Les trésors du Patrimoine et Histoire, patrimoine et éducation.

La dernière fois que j'ai photographié le monument, une pierre dressée portant deux pagaies entrecroisée en bronze, c'était en juillet 2007. Les pagaies, motif tout indiqué étant donné le sujet, étaient encore en place. Dix ans plus tard, les pagaies n'y sont plus, emportées pour leur valeur en métal. La plaque métallique (en bronze aussi ?) qui se trouvait plus loin le long du sentier est aussi disparue. J'ignore à quand remonte le larcin. (Je n'ai pas pensé examiner le monument du père Brébeuf, un peu en amont. Est-ce que la plaque portant inscription y est encore ? La statue en bronze du père est au moins protégée par son poids. Essayez donc de l'emporter...)

(En rédigeant ce billet, j'ai appris que la plaque du sentier était déjà disparue en 2012 (photo 15) tandis que les pagaies étaient encore encore en place. (Voir ce blogue. Pour un aperçu du texte de la plaque, cet autre site Internet.) Quelqu'un m'a assuré avoir vu les pagaies l'automne dernier. Au moment de diffuser ce billet, je me suis rendu compte que de la poudre claire était accumulée au pied de la roche, comme si on avait sablé ou scié quelque chose très récemment : sans doute des restes du ciment ou du matériel qui comblait l'espace entre les pagaies et la roche. Voir photos 6 et 7.)

Pour l'amour de quelques dollars, gâcher ou détruire des éléments du patrimoine collectif... Je préfère ne pas élaborer. Ironiquement, le bronze des pagaies n'est peut-être pas récupérable, s'il s'agit bien de bronze, bien sûr.

Le sentier lui-même, ou plutôt le segment du sentier des Voyageurs qui nous intéresse ici, passe par des strates calcaires inclinées qui forment des escaliers naturels. (Dans mon enfance, ont parlait de marches taillées dans la pierre : j'exprime mes doutes.) Le sentier a été redécouvert en 1925 par le juge Francis Latchford. Le terrain appartenait alors à la Gatineau Power Company. Il a ensuite été à nouveau signalé à l'attention en 1954 par Eric Morse, directeur général du Men's Canadian Club. En 1956, le Club installe une plaque aluminium portant un texte décrivant son histoire près du début du portage (je n'ai pas vu cette plaque : est-ce la plaque qui se trouvait plus loin le long du sentier (photo 15) ? Mais on ne vole pas les plaque d'aluminium). La Commission de la capitale nationale crée le petit monument orné de deux pagaies grandeur nature en bronze. Le terrain est cédé au gouvernement fédéral par la Gatineau Power Company. Le portage que signale le monument est le deuxième de trois, depuis les rapides Deschênes jusqu'aux chutes Chaudière) et le seul qui a été conservé. (Revoir Les trésors du Patrimoine et Histoire, patrimoine et éducation.) Long d'un tiers de mille, il permettait de contourner les rapides de la Petite Chaudière (à ne pas confondre avec la chute de la Petite Chaudière, en aval de laquelle le sentier menait). La hausse du niveau de la rivière par la construction d'un batardeau en amont des chutes Chaudières, en 1868, a considérablement réduit la puissance de ces rapides. (Ce paragraphe : modifié de Aldred, 1994, avec ajouts.)


Inscriptions sur les pagaies (photo 5)

SENTIER HISTORIQUE
PLAQUE À TROIS CENTS PAS EN AVAL
HISTORIC PATH
SEE PLAQUE 300 YARDS DOWN RIVER



La migmatite

La pierre du monument, dont j'ignore la provenance - elle n'est pas nécessairement locale, mais il aurait été contre l'esprit d'un monument commémoratif d'aller la chercher au loin - est un bel exemple de migmatite. La roche originelle a été envahi par du granite rose qui s'est infiltré entre les bandes d'un gneiss gris (intrusion lit-par-lit). Le granite a pu par endroit bistourner, tordre et rompre la structure originelle du gneiss. Le granite conserve des éléments grossiers de sa texture originelle.

Référence

  • Diane Aldred, Le Chemin d'Aylmer : une histoire illustrée / The Aylmer Road: An Illustrated History. L'Association du patrimoine d'Aylmer, Aylmer, Heritage Association, photographies par Alan Aldred, traduit de l'anglais par Claude Leahey et Rodrigue Gilbert, 1994, 256 p. ISBN 0929114124

Photo 2. - Côté nord ; 2007. Les bandes du gneiss (gris) d'origine restent bien visibles.


Photo 3. - Face est ; 2007.


Photo 4. - Côté sud ; 2007.


Photo 5. - Inscriptions sur les pagaies ; 2007.
SENTIER HISTORIQUE/PLAQUE À TROIS CENTS PAS EN AVAL
HISTORIC PATH/SEE PLAQUE 300 YARDS DOWN RIVER


Photo 6. - Face ouest ; 11 juillet 2017.


Photo 7 (détail de la photo 6). - Je ne l'avais pas noté sur place, mais une poudre claire au sol semble indiquer qu'on a scié quelque chose très récemment (le ciment entre les pagaies et la pierre ?). Photo 11 juillet 2017.


Photo 8. - Clou scié pour détacher une rame de la pierre.Le cuivre est déjà terni.


Photo 9. - Détail, 2007.


Photo 10. - Côté nord ; 11 juillet 2017. La pierre se couvre de mousse.


Photo 11. - 2007. Le gneiss intact, ou presue épargné par le granite.


Photo 12. - 11 juillet 2017. Plis dans la migmatite.


Photo 13. - 11 juillet 2017. Gros cristaux de feldspath.


Photo 14. - Fantômes du gneiss dans le granite.
OUPS ! Ajout 15 juillet 2017 (photo 11 juillet 2017).
Photo 15. - Image oubliée : le support de la plaque manquante sur le sentier, en aval du monument.

2 commentaires:

  1. Je suis triste que cette plaque commémorative ait été volée...juste pour le métal!

    La lire avec les deux pieds dans ce sentier d'importance nationale me donnait des frissons.

    Frissons de bonheur car je sais que mes aïeux l'ont souvent emprunté.

    Frissons de bonheur car je sais que Brûlé, Nicolet, Radisson et Groseillers l'ont emprunté bien avant eux.

    Et frustration d'y lire que Champlain fut le premier à utiliser ce passage, car les Anishinaabes l'ont tracé et utilisé pendant des milliers d'années avant l'arrivée des explorateurs et colons européens.

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    1. Bonjour,
      Le texte signale bien (premier paragraphe) que le sentier a été tracé et utilisé d'abord par les Amérindiens. Nul ne penserait contester la chose.
      Il ne parle pas de Champlain (ce qui peut être considéré comme une lacune), peut-être avez-vous son nom dans un texte en cliquant sur un des liens ?
      De toute façon, merci pour vos précisions. Mon blogue s'intéresse avant tout à la géologie et à la topographie. J'évite les longs développements historiques.

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