lundi 26 octobre 2020

Hors sujet : « la Babine » lance un appel à tous (Ajouts)



Ce texte a une suite : voir le billet du 17 déc. 2020.

Voir aussi le billet du 21 déc. 2020...

... et celui du 27 février 2022.


Le pont de « la Babine », promenade du Lac-des-Fées, à Gatineau. Il ne paie pas de mine, mais je l'ai connu en plus mauvais état. À une époque, le garde-fou à droite (côté sud) avait été arraché. La réparation est visible sur place. Photo oct. 2020.

NOTES. - Des détails sur l'usage et l'origine du nom « la Babine » sont dans les Commentaires, à la fin du billet ainsi que dans le billet du 17 déc. 2020 (lien plus haut).

Des renseignements obtenus après la mise en ligne de ce billet m'ont obligé à des ajouts et des corrections qui nuisent un peu à la lisibilité du texte. Une synthèse viendra mettre un peu d'ordre et de continuité dans tout ça.



Le pont de la Babine

Il est discret, il s'efface du paysage à mesure que les arbres qui l’environnent croissent et que la végétation se resserre autour de lui : le petit pont de pierre au-dessus du ruisseau du Lac-des-Fées, à Gatineau, au sud de la promenade du même nom, à la hauteur du pavillon Lucien-Brault de l’UQO.

Ce pont, c’est le « pont de la Babine ». Quand j’étais enfant et ado (années 60 et 70), j’habitais tout près et le site était en effet connu sous le nom de « la Babine ». J’ignore si ce toponyme officieux s’est maintenu dans l'usage.

Mais pourquoi un pont à cet endroit du sentier du Lac-des-Fées sur la promenade ? La personne qui, venant du sentier de la promenade, emprunte le pont se bute aussitôt franchi son arche unique, à un escarpement boisé haut de 25 m (voir cartes 1 et 2). Là, un abrupt sentier l'invite, s'il craint les escalades, à rebrousser chemin. 

Autant dire que le pont conduit à un cul-de-sac.

Ce pont qui ne conduit nulle part n’a pas de nom officiel (à ce que je sache) et n’a pas d’histoire non plus. Quand a-t-il été construit ? Et pourquoi ? A-t-il déjà eu une utilité ? Aujourd’hui, il paraît à l’abandon, la piste goudronnée du sentier récréatif qui y mène est bosselée et semée de nids de poule, la végétation envahit ses abords. Questionnée à son sujet, la Commission de la capitale nationale (CCN), de qui dépend la promenade, renvoie les curieux à la ville de Gatineau, propriétaire du pont, selon elle*.
*Selon une personne travaillant à la Ville de Gatineau qui a questionné la CCN au sujet du pont. 

Petit pont mal aimé dont personne ne veut !




La croix lumineuse (la nuit, du moins) de Val-Tétreau, au sommet de l'escarpement, rue Boucherville. Photo oct. 2020.

L’escalier et la croix

Mais le pont de la Babine n'est pas seul ouvrage du secteur. Autrefois, au lieu du sentier, se trouvait un escalier en bois, couleur sang de bœuf. Il faisait la jonction entre le pont et le sommet de l’escarpement où s'élève la grande croix lumineuse de Val-Tétreau, à l'extrémité nord de la rue Boucherville. (Voir Réseau patrimoine.)

Sans le pont, le ruisseau rendait l’escalier inaccessible ; sans l’escalier, le pont n’a plus aucune véritable utilité. La croix justifie-t-elle l'existence de l'escalier ? Point important pour ce qui suit, l'accès au pont et à l'escalier a toujours été limité aux piétons et aux cyclistes, via le sentier récréatif de la promenade.


1950 : année à marquer d’une croix

Le pont et l’escalier semblent bien avoir été conçus exprès pour conduire à la croix lumineuse. Érigée sous l’initiative de la Société Saint-Jean-Baptiste de Hull et du Nord de l’Outaouais, elle a été inaugurée le 25 juin 1950 à l’occasion des célébrations du 75e anniversaire de l’incorporation de la municipalité de Hull et du 150e anniversaire de la fondation de Hull. (Hull est maintenant partie de Gatineau.) Une procession de 12 000 personnes, présidée par l’archevêque d’Ottawa, Mgr Alexandre Vachon, s’était dirigée, partant de cette ville, vers le parc Columbia, près du sanatorium Saint-Laurent*. Primitivement haute de 9,4 m, la croix a été surélevée à 23,9 m en 1995 (Réseau Patrimoine, lien plus haut), soit la hauteur de l'escarpement sous elle.
*Ouvert en 1937 ; hôpital Pierre-Janet depuis1967.



Seuil et piliers de l'ancien escalier depuis le
haut de l'escarpement : le petit pont se trouve tout
en bas (hors cadre). C'est à-pic ! Photo oct. 2020.

La personne à l’origine de l’érection de la croix, le constable Oscar Duquette, est aussi un des concepteurs de la promenade du Lac-des-Fées. « En 1938, il lança le projet de la promenade du Lac-des-Fées en proposant l’aménagement d’un boulevard national à Hull. [...] Une partie importante du tracé proposé à l’époque par Oscar Duquette correspond à l’actuelle promenade du Lac-des-Fées. Aménagée durant les années 1950 par la [Commission du district fédéral, ancêtre de la] Commission de la capitale nationale, cette voie de communication fait partie des 38 km de promenades panoramiques qui sillonnent le parc de la Gatineau*. » (Wikipédia
*En 2008, le pont d'étagement du boulevard des Allumetières qui traverse la promenade et le ruisseau du Lac-des-Fées, 800 m au nord du pont de la Babine, a été baptisé viaduc Oscar-Duquette. (Wikipédia, lien plus haut)

La promenade

La promenade, la croix et, sans doute, les aménagements secondaires comme le pont et l’escalier, faisaient donc partie du même projet d’embellissement de la ville dans l'esprit de leur concepteur, M. Duquette. Mais la promenade du Lac-des-Fées, on vient de le voir, n'a été construite par la CCN (Commission du District fédéral, ou CDF, à l’époque) que « dans les années 1950 » - et non en ou pour 1950 ! Je ne peux être plus précis pour l'instant, cependant, une carte topographique publiée en 1958, mais réalisée d'après des photos aériennes prises en 1955, montre la promenade achevée. (Voir la « Mise au point » et l'« Ajout », plus bas : la promenade date d'après 1952.) 
AJOUT. - Le billet du 21 déc. 2020 établit que le pont de la Babine date du printemps 1965 (et sans doute l'escalier aussi). 
AJOUT (mars 2022). - La promenade du Lac-des-Fées a été inaugurée en juin 1955 (Claude Devault et Raymonde Devault, « C'était avant, dans le secteur Laramée... », Hier encore, no 13, 2021, p. 6-10).

Le lien du pont et de l’escalier, tous deux sur le terrain de la promenade, avec la croix et la journée du 25 juin 1950 devient problématique. 

Déviation

En comparant des cartes et des photos d’avant et après la construction de la promenade, j’ai constaté que le pont de la Babine enjambe une section artificielle du ruisseau. Le cours d’eau a été dévié à partir d'un point immédiatement en amont du pont (voir les cartes 1 et 2). Si on lui avait conservé ses méandres originaux, le ruisseau croiserait la promenade et coulerait de l'autre côté de la chaussée à partir de ce point. La section artificielle disparaît à la vue dans une canalisation moins de 200 au sud du pont. (Le ruisseau termine sa course souterraine en se jetant dans le ruisseau de la Brasserie*.) Les eaux s'accumulent volontiers dans un bas terrain qui correspond à l'ancien ruisseau, entre la promenade (côté est) et le parking de l'UQO**.
*Selon des cartes topographiques, le ruisseau dévié coulait à l’air libre jusqu’à la voie ferrée à l’E du manège militaire (actuel trajet du Rapibus) en 1955 (carte topo de 1958 réalisée d'après des photos aériennes prises en 1955) ; la situation actuelle prévalait sur la carte topo de 1963 (réalisée d'après des photos aériennes prises en 1960). Un habitant du secteur m’a raconté que l’enfouissement du ruisseau avait été réclamée par la population suite à la noyade d’un enfant.
** Avons-nous oublié de préciser ce point ? Le lac des Fées est à 1,5 km au nord du pont de la Babine.

La promenade n'offrait aucune facilité à ceux qui, venant en automobile, auraient voulu accéder au sommet de l'escarpement par l’escalier - et n'en offre toujours pas. Ce dernier et le pont ne sont accessibles qu’à pied ou à vélo, uniquement à partir de la promenade. Les 12 000 processionnaires de juin 1950 ne sont sûrement pas passés par l’escalier, à supposé qu’il ait existé à ce moment. L’accès à la croix était plus facile par la rue Boucherville (voir les cartes 1 et 2)


Terrain humide du côté est de la promenade du Lac-des-Fées, derrière le parking du pavillon Lucien-Brault de l'UQO. Cette zone correspond sans doute à l'ancien trajet du ruisseau du Lac-des-Fées. À l'avant-plan, la piste cyclable. Photo oct. 2020.

SOS

Bref, si la promenade a été construite « dans les années 1950 », il est illusoire d'envisager que la promenade elle-même, la déviation du ruisseau, préalable à la construction du pont et de l'escalier, aient été achevées à temps pour le 25 juin 1950, jour de l'inauguration de la croix de Val-Tétreau.

MISE AU POINT (mars 2022)

Fin 1952, aucun travail n'avait encore été commencé sur le terrain en vue construction de la promenade à en juger d'après l'Insurance plan of the city of Hull, Que., daté de novembre de cette année. Ceci est confirmé en outre par une photo aérienne datant de 1951. Une autre photo aérienne prise en 1927 montre qu'un sentier aurait préexisté à l'escalier de la Babine, avant même la construction du pont et la déviation du ruisseau. AJOUT (mars 2022). - La promenade du Lac-des-Fées a été inaugurée en juin 1955 (Claude Devault et Raymonde Devault, « C'était avant, dans le secteur Laramée... », Hier encore, no 13, 2021, p. 6-10). 

En l’absence de données plus précises, j’ai tendance à croire que la réalisation du projet du constable Duquette s’est faite en deux épisodes décalés et indépendants ; l’érection de la croix en 1950 (sur un terrain municipal), la construction de la promenade et de ses équipements et la déviation du ruisseau « dans les années 1950 » (sur des terrains de la CDF/CCN). Deux juridictions : comment se sont-elles entendues pour coordonner les travaux ?

L'Atlas de la Ville de Gatineau nous assure que la croix est sur un terrain municipal tandis que le pont et l'escalier (et toute la promenade et tout l'escarpement jusqu'à son sommet) appartiennent à la CCN. Je ne comprends pas pourquoi la Ville et la CCN se disputent à qui n'est pas le propriétaire du pont. Qui réparait l'escalier à l'époque, dans les années 1970, où les vandales en démontaient régulièrement des morceaux (voir plus bas) ? Qui a réparé le garde-fou arraché du pont (voir première photo) ? La Ville ou la CCN ?

Tant que la Covid m’empêchera d’aller consulter la collection de photos aériennes de la Photothèque nationale de l'air (PNA), je n’en saurai pas plus sur la chronologie de tous ces travaux, à moins qu’un lecteur plus savant que moi veuille bien me communiquer ce qu'il sait. 
Je n'ai pas réussi à trouver la date exacte des travaux de la promenade. Et si quelqu'un pouvait m'éclairer sur les autres aspects de l'affaire, je lui en serais extrêmement reconnaissant ! (C’est un SOS, un appel à tous.)



La croix originale (le jour de son inauguration, le 25 juin 1950 ?) Photo Pierre-Louis Lapointe (Réseau Patrimoine, lien plus haut.)

Utilité

Si l'escalier et le pont ont été construit trop tard pour l'inauguration de la croix ; s’ils sont dépourvus des facilités nécessaires à accommoder même un petit groupe de gens (pas de parking, obligation de monter à pied un long escalier), à qui, à quoi servaient-ils ?

Sauf la croix, que personne ne visite de toute façon (exception faite du jour de l'inauguration), il n'y a rien à voir en haut de l'escalier...

Servait-il à permettre aux Val-Tétrois de se rendre à l'école secondaire Saint-Jean-Baptiste* inaugurée en 1962 (aujourd’hui pavillon Lucien-Brault de l’UQO), en face de la Babine, de l'autre côté de la promenade ? Mais encourager les élèves à longer le boisé de l'escarpement, rue Boucherville, et à se diriger à son extrémité isolée pour prendre l'escalier n’est peut-être pas de la meilleure inspiration. Une fois passé le pont, il leur aurait fallu traverser la promenade, loin de toute traverse pour piétons**. Le chemin le plus pratique passait par le boul. Taché et la rue Scott.

*Successivement devenue ensuite la polyvalente de la Promenade, la D’Arcy McGee High School, le pavillon Lucien-Brault de l’UQAH puis de l’UQO.
**C’est ce que j’ai longtemps pendant plusieurs années, même lorsque les vandales s'ingéniaient à rendre le pont de moins en moins praticable (voir plus bas), mais j’habitais proche de l’escalier et c’était pour moi la voie la plus directe pour me rendre à l’école Saint-Patrice, sur la rue Laramée.

Peut-être servait-il aux patients du sanatorium Saint-Laurent ?

Bref, la croix est venue trop tôt, ou la promenade trop tard ; l’accès limité à la Babine ne justifie pas la construction du pont et de l’escalier à cet endroit ; l’escalier ne servait à rien puisqu’on l’a laissé se détériorer et qu’on ne l’a pas remplacé après sa démolition (voir plus bas dans « Souvenirs personnels »), laquelle a rendu le pont inutile. Et trop de juridictions sont assurément ou potentiellement en cause : la Ville, la CCN, la Commission scolaire (?) et le sanatorium Saint-Laurent (?), sans compter la croix (?)...

Je réitère mon SOS ! 


Les abords du pont de la Babine depuis la piste récréative de la promenade du Lac-des-Fées. Photo oct. 2020. 

Souvenirs personnels

Mes plus vieux souvenirs de l'escalier et du pont datent de 1965, année où nous avons aménagé à Val-Tétreau. Après 1970, l'escalier a commencé à souffrir de vandalisme et des planches étaient régulièrement arrachées des marches ou du garde-fou. La CCN (ou la Ville ?), au début, réparait les dégâts, puis a renoncé. Quand j'allais à l'école Saint-Patrice, rue Laramée (1974-1976), l’escalier était à l’abandon et il fallait composer avec l'absence de sections entières. Pour la suite, mes souvenirs deviennent moins précis. Il me semble que l'escalier était détruit ou quasiment en 1990-1992. Aujourd’hui, il n’en reste que les piliers de béton. (Curieusement, Google conserve le souvenir de son existence (voir carte 1). Dans quelle base de données a-t-il puisé ce renseignement ?)

Le fait qu'on ne l'ait jamais remplacé plaide pour le peu de nécessité de l'escalier ; ce qui ne fait que renforcer le mystère de sa construction... Depuis sa démolition, le pont est orphelin et sans vocation.

Il me souvient qu'à une certaine époque (ma mémoire n'est pas très précise), un des garde-fous du pont avait été descellé et avait été laissé gisant sur le tablier. Les dégâts ont été réparé (par qui ? ; voir photo de 2015).

Même s'il ne sert plus à grand chose, il suffirait d'un peu d'entretien, d'un brin de toilette pour redonner au pont de la « la Babine » un peu de son lustre d'autrefois.  

Un pont qui ne mène nulle part, ça ferait un bon argument promotionnel pour attirer les visiteurs, ce petit pont mal aimé que personne ne veut ! 




CARTE 1. - Google surligne le parcours de l'escalier démoli par une pâle ligne blanche comme s'il existait encore. La ligne tiretée bleue indique le cours original du ruisseau. R : ruisseau du Lac-des-Fées, section naturelle (en haut) et artificielle (en bas).

Les petits bonshommes verts

En 1967(?), en automne (à la rentrée des classes, si mes souvenirs sont bons), le bruit s’est répandu à mon école - Saint-Jean de Brébeuf à Val-Tétreau - que des « petits bonshommes verts » avaient été vus à la Babine. » Ils auraient communiqué aux témoins de leur apparition leur intention de revenir sur les lieux à 19 h (on disait 7 heures du soir), le soir même ou le lendemain, je ne sais plus. Plusieurs dizaines de personnes s'étaient réunies dans l'escalier et autour du pont. (Selon Gilles Lacasse, voisin de la Babine à l'époque, la GRC eut du mal à assurer la circulation sur la promenade, encombrée de véhicules – autre preuve du peu de capacité du site à accueillir les foules). Peut-être effarouchés par ce comité d'accueil (dont j'étais l'un des membres), les petits bonshommes verts ont préféré demeurer discrets. (Je fus déçu, mais non surpris). Le Droit s'était fendu d'un court article dans ses pages intérieures. J'aimerais remettre la main dessus, mais la date exacte des événements m'échappe.
AJOUT (mars 2020). - Selon Alain Lamothe (voir les Commentaires à la fin du billet), il pourrait s'agir de feux follets, fréquents dans les endroits marécageux ou humide. Voir photo « Terrain marécageux » plus haut : le côté est de la promenade, qui correspond à l'ancien bras du ruisseau, est souvent inondé. Les flammes des feux follets prennent différentes couleurs, bleu, jaune ou... vert. 

Marmites et coups de gouge

Le socle calcaire sous le pont montre des évidences d'érosion par l'eau courante (marmites, coups de gouge) trop prononcées pour résulter de l'action du paisible ruisseau depuis les 70 dernières années. (Le pont, rappelons-le, est sur une section artificielle du ruisseau datant des années 1950.)

On peut se demander si un cours d'eau plus puissant n'a pas coulé à cet endroit après la glaciation, avant la déposition de l'argile de la mer de Champlain. Les eaux de la section artificielle sur laquelle est construit le pont auraient dégagé le socle rocheux érodé de la couche de glaise qui subsistait.

Voir les billets sur la Marmite des Allumettières.





CARTE 2. - LÉGENDE

Ovale rouge : la Babine.

E (pointillé rouge) : escalier en bois (démoli) ;
P : pont de la Babine.

1 : escarpement ;
2 : ruisseau du Lac-des-Fées (cours original préservé) ;
3 (tireté bleu foncé) : ruisseau du Lac-des-Fées : cours original ;
4 : ruisseau du Lac-des-Fées : section artificielle ;
5 : entrée du ruisseau dans la canalisation souterraine.

CHPJ : centre hospitalier Pierre-Janet ;



PLdF :
promenade du Lac-des-Fées (sentier du LdF en pointillé gris de chaque côté) ;
UQO : Université du Québec en Outaouais (A.-T. : pavillon Alexandre-Taché ; L.-B. : pavillon Lucien-Brault).





Des coups de gouge et une marmite dans le calcaire sous le pont ; érosion fluviatile. 
Photos mars 2015.




Pont condamné ? Affiche « Danger » à la sortie du pont (côté ouest, ou côté escarpement) : il y en a une aussi à l'autre extrémité du pont, mais il n'en reste que le poteau. Posée par la Ville ou la CCN ? Photo 27 oct. 2020.











AJOUT (3 nov. 2020)

J'ai contacté par courriel la Commission de la capitale nationale (CCN) pour obtenir les dates du début et de la fin des travaux de la construction de la promenade du Lac-des-Fées. On m'a répondu qu'elle avait été construite « dans les années 1950 », ce que nous savions déjà. J'attends à présent plus de précision de la part de la CCN. 

En attendant le fin mot de l'histoire, voici quelques documents visuels que j'ai découverts par mes propres moyens pour alimenter le dossier. Si l'on se fie à ces documents, la promenade a été construite après 1952 et elle était achevée en 1957. (Une photo datée du 4 mai 1957 que j'ai découverte en décembre montre la promenade achevée. Voir le billet du 24 déc. 2020.) AJOUT (mars 2022). - La promenade du Lac-des-Fées a été inaugurée en juin 1955 (Claude Devault et Raymonde Devault, « C'était avant, dans le secteur Laramée... », Hier encore, no 13, 2021, p. 6-10).
 
Évidemment, savoir de quand date la promenade ne nous dira pas qui a fait construire le pont « de la Babine » et son escalier à flanc d'escarpement, ni pourquoi ils ont été construits. (Sûrement pas pour l'inauguration de la croix, en juin 1950.) Affaire à suivre.


On peut cliquer sur les images pour les voir plus grandes.

Novembre 1952. - Aucun travail n'avait encore été commencé sur le terrain en vue de la construction de la promenade du Lac-des-Fées à en juger d'après l'Insurance plan of the city of Hull, Que., daté très précisément de novembre 1952. 

LÉGENDE DES RETOUCHES

T : croix lumineuse de Val-Tétreau, érigée en 1950 ;
Rectangle rouge : pont de la Babine, post-1952 ;
Ligne pointillée rouge : escalier post-1952, maintenant détruit ;
Ligne rouge pleine : promenade du Lac-des-Fées, post-1952.
Rue Boucherville : elle longe l'escarpement au pied duquel coule le ruisseau,

1 (ligne bleue pleine) : cours original du ruisseau du Lac-des-Fées, conservé jusqu'à aujourd'hui ;
2 (ligne tiretée bleue) : section abolie du ruisseau après la construction de la promenade du Lac-des Fées ;
3 (ligne bleue pleine) : tronçon artificiel du ruisseau aménagé pendant ou après la construction de la promenade disparaissant dans une canalisation souterraine.

Escarpement : à droite (à l'est) de la rue Boucherville ;
SSL : sanatorium Saint-Laurent, aujourd'hui CH Pierre-Janet ;
CMY : collège Marguerite d'Youville (sœurs grises), site de l'actuel pavillon Alexandre-Taché de l'UQO.

NB. - Certains tronçons de rues vides de maisons n'ont existé que sur plans. Il y a un désaccord sur une partie du trajet du ruisseau entre cette carte et les autres documents utilisés pour les retouches.

Insurance plan of the city of Hull, Que. Toronto ; Underwriters' Survey Bureau Limited, 1952, 49 pl. en coul. [pl. 28], 1: 600, BAnQ, Centre d'archives de l'Outaouais, P1000,S2,D4, 0003820664. https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2247012. [La publication est datée à l'intérieur de novembre 1952.] 


1927. - Même secteur que la carte de 1952. Photo prise avant la construction de la promenade du Lac-des-Fées et la déviation d'une partie du ruisseau qu'elle a entraînée et avant la construction du futur pont de la Babine (P blanc) sur le tronçon dévié du ruisseau.
Photothèque nationale de l'air (PNA), photo HA246-76 (détail), 5 mai 1927. 

1927 (détail). - À gauche : le ruisseau (cours original) ; cercle blanc : position du futur pont de la Babine ; lignes pointillées : sentiers (?) sur l'escarpement boisé. Le sentier sud, correspond, à la gauche du cercle, au tracé du futur escalier. En bas, à gauche : extrémité nord de la rue Boucherville. 
À droite : même détail, contraste retouché et sans les lignes blanches pour rendre visibles les traces des deux sentiers.



26 janv. 1955. - Tracés préliminaires. - Le tracé des promenades de la Gatineau et du Lac-des-Fées (Gatineau Parkway et Lac des fees (sic) Parkway) est reporté à la main en vert sur ce document. Il ne correspond pas au tracé réel (voir cartes suivantes). Je ne peux affirmer si la date donnée correspond à la réalisation du document ou à autre chose.
Federal District Commission. [Partial Map of Ottawa-Hull Region]. Gatineau and Lac Des Fees Parkways [26/01/1955] (détail). Bibliothèque et Archives Canada, no d’identification : 2163337.

1957. - Les promenades achevées. - Promenades achevées ou projetées (GATINEAU PARKWAY et LAC DES FEES PARKWAY). Cependant, leur tracé est un peu approximatif (voir la carte de droite), surtout celui de la promenade de la Gatineau près du lac des Fées (FAIRY LAKE). On a l’impression que la carte a été mise à jour rapidement. Les lignes tiretées rouge sur l'original indiquent des routes projetées.
Commission du District fédéral, Service de l’information, La capitale nationale : plan d’Ottawa et des environs et du parc de la Gatineau. Édition 1957 (détail).

2020. - Situation actuelle. J’ai surligné en gris la promenade de la Gatineau qui n’était pas très apparente sur l’original. Le repère rouge indique la position du pont de la Babine.
Modifiée de © Collector Classic, Esri.

 

Détail de la carte de 1957 : le PARC COLUMBIA figure au nord du sanatorium Saint-Laurent. 
PLdF : promenade du Lac-des-Fées ;
Ligne tiretée bleue : j'ai souligné le cours du ruisseau du Lac-des-Fées : ou la carte est infidèle, ou la ruisseau a été dévié après la construction de la promenade. Or, le pont de la Babine a été construit sur la partie déviée du ruisseau. Le pont et l'escalier seraient post-1957 ? 
Le noms de quelques rues a été changé ; certaines rues n'existent plus.
Le nom de la pauvre rue Châteaubriand a été tronqué d'une drôle de façon : CH BRIAND. (Ce qui ne veut pas dire chemin Briand !)
 
 

 
1951. - Photo venue à la dernière minute. Comparer avec celle de 1927. (Les deux photos ne sont pas pareillement orientées.) 

Le point blanc (P) indique la position approximative du futur pont de la Babine. La flèche (à gauche) indique l'ombre de la croix inaugurée en juin 1950. 
À droite, on voit le boul. Saint-Joseph ; à gauche, le prolongement de la rue Boucherville. Ce prolongement est aujourd'hui une simple piste.
Cliché PNA, A13142-36 [ou 38], 6 et 7 juin 1951, alt. 5300'. Tirée d'Arkéos inc., Autoroute Laramée/McConnell, Hull : Évaluation de l'intérêt archéologique. Gouv. du Québec, Min. des Transports, Direct. de l'Outaouais, février 2001.

AJOUT (21 juillet 2021)

Le Soixante-troisième Rapport annuel - 1962-1963 - Première partie de la Commission de la capitale nationale contient ce bref passage (p. 15) :

« Un trottoir d'asphalte a été construit du côté est de la promenade du lac des Fées entre l'avenue Duquesne et la rue Brodeur. » 

La rue Duquesne (elle n'est plus une avenue) constitue la bretelle d'accès à la Promenade à partir du boul. Saint-Joseph (voir carte 2). La rue Brodeur est située plus au nord, à la hauteur du Lac-des-Fées. (Par la suite, le « trottoir d'asphalte », maintenant la piste cyclable du Sentier du Lac-des-Fées de la CCN, a été prolongé jusqu'à la rue Gamelin, à une date que je ne peux préciser.) 
Le « trottoir d'asphalte » dont il est question ici passait et passe toujours devant le pont de la Babine, de l'autre côté de la Promenade. Il est difficile d'imaginer que le pont ait existé sans un chemin pratiquable pour y mener. Le pont de la Babine daterait donc d'après 1963 ?
(La piste cyclable est visible sur les cartes 1 et 2 ainsi que sur la photo titrée « Terrain humide du côté est de la promenade du Lac-des-Fées ».
Ceci confirme ce que le billet du 21 déc. 2020 nous apprenait : le pont de la Babine date du printemps 1965.


mardi 13 octobre 2020

Brique écossaise du lac Leamy (AJOUT)

Photo Paul Paquette, lac Leamy, Gatineau QC, 2017.
Cette demi-brique a été découverte par M. Paul Paquette au lac Leamy (Gatineau QC), à l'endroit où s'élevait le moulin à vapeur de la scierie d'Andrew Leamy (1854-1874 ; voir billet du 6 août 2020 ; « Le canal oublié du lac Leamy ».)

L
a brique portait une marque de son fabriquant. Seule la fin des trois lignes de l'inscription était lisible :

... ENT
... (W?)N & SON
...LEY


M. Paquette a aussitôt fait le lien avec les briques réfractaires importées d'Écosse trouvées sur le site voisin de l'ancien moulin à vapeur de la Gilmour & Hughson, au parc Jacques-Cartier (1873-1933 ; voir billet du 21 sept. 2020, « Les briques écossaises de la Gilmour ».

L'Écosse a longtemps été une grande productrice de briques réfractaires. Elles étaient recherchées pour leur qualité et les commandes affluaient de partout au monde. Le Château Frontenac par exemple se pare d'un « revêtement mural de brique de Glenboig orangée [1]. » À propos de la briquerie de Glenboig, justement, on dit ceci : « C'était la plus grande manufacture de briques réfractaires au monde à la fin du XIXe s. et les GLENBOIG ont été exportées dans presque tous les pays industrialisés (ma traduction) [2]. »

J'ai consulté le site Internet de Cranston, Scotland's Brick Industry, consacré, comme son nom l'indique, à l'industrie de la brique en Écosse. N'ayant pu trouver parmi sa nomenclature de briques une qui corresponde à celle de M. Paquette, j'ai envoyé un courriel à M. Cranston pour lui demander d'éclaircir la question.

[1]. - « Lieux patrimoniaux du Canada », http://www.historicplaces.ca/fr/rep-reg/place-lieu.aspx?id=1320, consulté le 4 mars 2017.
[2]. - « It was the largest fireclay company in the world at the end of the 19th century and GLENBOIG firebricks were being exported to nearly every industrial country in the world. » http://www.scottishbrickhistory.co.uk/glenboig-3/, consulté le 4 sept. 2016.

Voici la réponse de M. Cranston, venue par courriel, texte et photo :

Photo Mark Cranston.
« Yes indeed your brick is Scottish and would have read "Patent R Brown & Son, Paisley''. 

Robert Brown was a very influential businessman in the Paisley, Glasgow area and he was also the Provost of Paisley for a number of years.

He owned several brickworks in the area, Ferguslie Fireclay Works, Shortroods Brick and Tile Works and the Caledonian Brick and Drain Pipe Works. »

Bref, la brique de M. Paquette est bien d'origine et de fabrication écossaise. Celle de M. Cranston est toutefois plus photogénique que la sienne...

La brique du lac Leamy et de celles de la Gilmour pourraient cependant provenir de remplissages récents (après 1950). Mais comme elles ont été trouvées à l'endroit où se sont élevés autrefois des moulins à vapeur, j'accorde un poids relatif à cette hypothèse. Les briques ont toutes les chances d'être des reliques de ces anciens moulins.

Elles ont traversé l'Atlantique pour servir quelque part à quelque chose avant d'être répandues au sol ! Il serait intéressant de savoir s'il y a eu d'autres moulins à vapeur dans la région. Sujet à explorer...

Notons que si les fondateurs de la Gimour étaient d'origine écossaisse, Andrew Leamy était d'origine irlandaise (voir mes deux billets cités plus haut).

Montage et retouches Henri Lessard © 2018.


Le lac Leamy : position du moulin à vapeur de la scierie d'Andrew Leamy, 1884 vs 2018.

1884 (carte)
A : Old Canal (datant de 1848); 
B : New Canal (datant de 1865); 
C : Leamy’s Old Steam Mill; 
D : décharge du Lac Leamy dans l’Outaouais; 
E : entrée du cours d’eau intermittent qui s’écoulait dans le ruisseau de la Brasserie; 
RG : rivière Gatineau; pointillé dans la Gatineau : estacades.
Modifié du Plan of the government works at the mouth of the Gatineau River. Surveyed by W.J. Macdonald. P.L.S. Ottawa, Dec. 6th 1884. J.H. Roy (détail).
No MIKAN 4133993, 
Bibliothèque et Archives Canada.


2018, photo satellite (© Google)
I : île dans la Gatineau ; 
LC : lac de la Carrière.

AJOUT (14 oct. 2020)

À propos de la possibilité de trouver des briques écossaises ailleurs dans la région, signalons celle trouvée à Rockland (ON) et dont parle le site Scotland's Brick and Tile Manufacturing Industry de Mark Cranston.

Il s'agit d'une Gartcraig Scotland No 6*. Elle a été trouvée par Helen Pace : « The brick we found in our yard in Rockland, Ontario, Canada », selon ses propres mots.

* Le site de la Gilmour a donné une Gartcraig Scotland No 1. (Voir le billet du billet du 21 sept. 2020, « Les briques écossaises de la Gilmour ».)

Gartcraig Scotland No 6.
Photo Helen Pace, Rockland ON, dans : 

Rockland est située à moins de 50 km à l'est de Gatineau, sur la rive droite de l'Outaouais, en Ontario. 

« In 1868, a young entrepreneur, William Cameron Edwards, decided to establish a sawmill at the McCaul point [Rockland]. [...] The woodmill owned by W. C. Edwards closed in 1926, as a result of the economic turmoil following the First World War. » (Wikipédia)

Le moulin à vapeur de Rockland a été la proie des flammes en 1875 pour être ensuite reconstruit*. 

* Hughson, John W. et Courtney C.J. Bond. Hurling Down The Pine. The story of the Wright, Gilmour and Hughson Families, Timber and Lumber Manufacturers in the Hull and Ottawa Region and on the Gatineau River, 1800-1920. Chelsea, Historical Society of the Gatineau, 1987, 3e édition, révisée, (1re éd. 1964), p. 51.

Moulin à scies (à vapeur) Edwards, à Rockland ON, en 1914. Au loin, la rivière des Outaouais et la Bouclier canadien, au Québec, sur la rive nord.

Source : Histoire de Rockalnd. E. Paul, 1914 ; don de John Conningham, Bibliothèque Publique de Clarence-Rockland, Digital Prescott Russell en Numérique.  

Le fait que ces briques réfractaires écossaises n'ont été rencontrées jusqu'ici que sur le site d'anciens moulins à vapeur conforte l'hypothèse qu'elles proviennent bien de ces moulins. Mais pourquoi tant de briques disparates pour trois moulins à vapeur ? La question, déjà posée dans le billet du billet du 21 sept. 2020 (« Les briques écossaises de la Gilmour ») n'a toujours pas trouvé de réponse satisfaisante. Le fait qu'ils aient souvent été incendiés et reconstruits explique peut-être en partie la variété des débris.

Brique après brique, nous arriverons bien à quelque chose...