mardi 27 novembre 2018

Marbre et formations plissées au fond du lac Marie-Lefranc


Photos : Jean-Louis Courteau.


Formation rocheuse au fond du lac Marie-Lefranc dans le parc Papineau-Labelle, au Québec. La lente dissolution du marbre laisse en relief strates et couches plissées résistantes contenues dans la masse rocheuse.


J'ai déjà parlé des découvertes de Jean-Louis Courteau au fond des lacs des Laurentides : de magnifiques draperies rocheuses contenues dans le marbre que la dissolution lente de ce dernier fait peu à peu émerger en relief. Voyez cet ancien billet pour l'explication du mécanisme : 




Les autres billets qui traitent du sujet sont accessibles par un clic :




Leurs récentes expéditions ont conduit Jean-Louis Courteau et Richard Lahaie au lac Marie-Lefranc, dans le parc Papineau-Labelle.

Rien qu'un petit mot avant de laisser parler les photos : les roches au fond des lacs des Laurentides ne sont pas différentes de celles qui affleurent à l'air libre. Le marbre est très répandu dans cette région et en Outaouais. Cette roche est fréquemment semée d'inclusions tenaces qui opposent une forte résistance à l'érosion. Ce qui est exceptionnel, c'est que l'érosion lente du marbre par l'acidité naturelle des eaux s'est produite dans le calme du fond des lacs, permettant du même coup à ces inclusions de conserver leur intégrité à mesure que le marbre « reculait » en se dissolvant. Le résultat : des plaques, des rouleaux et des draperies aux plis complexes.

Voyez les photos, ici ou avec d'autres dans le site Aquadelic de Jean-Louis. (Tant qu'à : voyez aussi le site de peinture de Jean-Louis : http://jeanlouiscourteau.blogspot.com/)

Au risque de me répéter : les draperies photographiées ici sont en pierre : elles n'ondulent pas au vent (ou plutôt au courant), elles sont telles que les forces tectoniques les ont façonnées il y a un milliard d'années. L'érosion a attendu tout ce temps pour les dégager.

























samedi 24 novembre 2018

Falaise de l'Ange-Gardien, Qc


Photo 1. - Falaise de gneiss, à l'Ange-Gardien, au N de Buckingham (Gatineau), Québec. Surfaces fraîches, grises, blanches et orangées ; surfaces altérées, couleur rouille. À en juger d'après mon ombre portée, j'ai l'air de lui adresser un salut respectueux. Toutes les photos : 4 nov. 2018, sauf mention contraire.


Les circonstances et la configuration du lieu font que je n'ai jamais trouvé le bon angle pour la photographier. Cette falaise ne manque cependant pas d'allure, d'autant qu'elle semble surgir de nulle part quand on prend le virage pour accéder à la grand route. La lumière se fait douce pour l'effleurer. Les surfaces anciennes, météorisées, ont acquis une belle patine rouille ou un beau vert-de-gris tandis que les cassures récentes, nées des travaux routiers, lui font une grise mine très ensoleillée.

C'est peut-être la douceur de la lumière, l'aspect monumental du mur de roc vertical, l'alliance des tons d'ocre avec le bleu du ciel. Je ne sais pas, le résultat est que j'aime cet endroit.

La falaise est située sur la route 309, à la jonction de l'avenue de l'Ange-Gardien, à l'Ange-Gardien, au nord de Buckingham (Gatineau), Québec. Les cartes géologiques laissent l'endroit dans le flou (voir le billet du premier janvier 2014 sur les misères que j'endure par la faute de ces cartes). En gros, des gneiss sombres sont envahis et découpés par d'autres roches gneissiques de teintes plus claires où s'est immiscé un granite orangé. Le tout est coupé par un filon oblique mélanocrate (riche en minéraux noirs) à grain très fin. Les roches appartiennent toutes à la province de Grenville et son âgées de plus d'un milliard d'années.

On trouvera sans peine une falaise plus belle, plus haute, plus monumentale, plus pittoresque, plus ceci ou plus cela, elle demeure ma favorite, en photo ou en personne.



Photo 2. - La falaise, ainsi qu'elle apparaît en venant de l'avenue de l'Ange-Gardien. Les gneiss sont d'une teinte sombre à droite (SE) qui s'éclaircit vers la gauche (NW).



Photo 3. - Les surfaces verdâtres, en bas, ont sans doute longtemps été exposées à l'air libre ; en haut, la couleur rouille pourrait être due à des infiltrations d'eau le long de joints. Le gris est la roche fraîche, exposée par les travaux routiers.

Photos 4, 5, 6 et 7 : coupe NW-SE de la falaise.


Photo 4.


Photo 5. 



Photo 6.


Photo 7.



Photo 8. - Filon oblique recoupant le tout.


Photo 9. - Version automnale (?!), 22 nov. 2018.

jeudi 8 novembre 2018

Le présent vient de rajeunir de 50 ans !


Les gneiss, granites etc. qui composent cette falaise datent de plus d'un milliard d'années. Histoire de placer le propos de ce billet en perspective... 
Jonction de la route 309 et de l'avenue de l'Ange-Gardien à l'Ange-Gardien, Qc. Photo 4 nov. 2018.


Autre ajustement à apporter à nos horloges, autrement plus important que le retour à l'heure normale que nous avons dû faire la fin de semaine dernière.

Le présent vient de rajeunir de 50 ans !

J'ai découvert la chose en ajoutant une note à mon précédent billet.

La Commission internationale de stratigraphie ne semble plus dater les événements en années « avant aujourd'hui » (AA, ou, plus fréquemment, BP, pour Before Present), comme le veut une convention adoptée par les archéologues, climatologues et autres paléontologues.

Le « présent » en question a été placé en 1950, histoire de bénéficier d'un point de référence fixe. (Ceci évite d'avoir à vieillir le passé d'un an chaque année, ce qui, soit dit en passant, serait pourtant conforme à la réalité.)

Or, la Commission date à présent (si je puis dire) les événements en « yr b2k » (years before AD 2000), soit en « années avant l'an 2000, Anno Domini ».

Autrement dit, le présent vient d'être rajeuni d'un demi siècle.

Bonne nouvelle pour bon nombre de personnes, moi inclus. Vous sentez-vous soudainement plus jeunes ?

Inconvénient, les personnes nées après l'an 2000 ont un âge négatif ou n'existent tout simplement pas.

(Il reste que ce nouvel usage risque de créer beaucoup de confusion. Quand quelqu'un parlera d'un événement s'étant produit « avant aujourd'hui », il ne sera pas clair si cela signifie avant 1950 (années BP ou AA), comme autrefois, ou avant l'an 2000 (années « yr b2k »), selon la nouvelle façon. 


mardi 6 novembre 2018

Anthropocène : époque ou crise ?


Article révisé le 4 janv. 2020.



Évolution de l'empreinte de l'Anthropocène sur un marbre précambrien saisie en trois étapes, à Low, au nord de Gatineau, QC. Première photo : 22 août 1998. Photos Henri Lessard (les deux autres sont visibles plus bas.)


Autres billets du blogue sur l'Anthropocène : lien.


L'Anthropocène, crise ou époque ? 

Je suis récemment tombé sur un article très intéressant qui traite de cette question. La conclusion des auteurs est que notre mode de vie et d'exploitation de la planète imposera une durée de vie trop brève à notre civilisation pour qu'elle se mériter un nom en « -cène » (nom d'une époque géologique). Les géologues du futur, ceux qui viendront dans 66 millions d'années, parlerons sans doute d'une crise pour qualifier notre temps, mais pas de l'Anthropocène (ou de ce qui en tiendra lieu dans leur vocabulaire). Le recul de 66 millions d'années n'a pas été choisie au hasard. Il correspond au laps de temps qui nous sépare d'une autre crise, fameuse entre toutes, la crise KT [Crétacé-Tertiaire] qui a vu la disparition des dinosaures. Dans 66 millions d'années, la crise de l'Anthropocène (qu'importe le nom qu'on lui donne ou qu'on lui donnera) sera-t-elle perceptible dans les archives géologique de la Terre ?

La réponse des auteurs (je ne vous fait pas languir, mais lisez quand même les extraits qui suivent) est oui. Nos dégâts, qui se seront étalés sur des temps extrêmement brefs, on en verra encore les traces dans 66 millions d'années, mais le bouleversement que nous auront apporté paraîtra un événement aussi intense que ponctuel (ce qui est bien la définition d'une crise...)

Quelques extraits de l'article :


L'Anthropocène, le regard et les réflexions d'un géologue

Pierre Thomas, Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS Lyon
Olivier Dequincey


« Le mot « Anthropocène » a été introduit à la fin du XXème pour nommer une “époque” géologique où l'homme serait un facteur géologiquement dominant, au moins aussi important que les autres facteurs géologiques “naturels”. L'époque que nous commençons a-t-elle une réalité géologique et correspond-elle à ces critères pour “mériter” le nom d'Anthropocène ?
[...]
Notre civilisation changera profondément ou disparaitra. Sa durée totale se comptera donc en siècles ou en millénaires, et non pas en millions d'années. Depuis quelques milliers d'années, et pour encore combien d'autres, l'humanité modifie son environnement. Cette modification se marque dans l'enregistrement géologique. Un géologue du futur qui ignorerait l'existence de notre civilisation verra certainement, enregistrés dans les sédiments (surtout marins) correspondant à notre époque et mis à l'affleurement par l'histoire géologique (1) des variations rapides et inhabituelles dans la nature et la granulométrie des sédiments, conséquences de variations rapides d'environnements sur les continents, (2) des roches bizarres, difficiles à expliquer autrement que par des artéfacts “industriels”, (3) des niveaux avec des anomalies chimiques et isotopiques, (4) les manifestations de variations climatiques plus rapides qu'ordinairement, et non corrélées à des paramètres astronomiques, (5) un très rapide bouleversement des fossiles, surtout sous forme de disparition-raréfaction d'espèces et d'homogénéisation des survivants. Un géologue du futur en conclura qu'il s'est passé à cette époque [sic !] quelque chose de très inhabituel.
[...]
Notre civilisation changera profondément ou disparaitra. Sa durée totale se comptera donc en siècles ou en millénaires, et non pas en millions d'années. [...] c'est bien plus court que les 12 Ma [Ma = million d'années] de durée de vie moyenne d'une époque géologique se terminant en ”-cène”. L'Anthropocène n'existera pas en tant qu'époque géologique avec la définition actuelle d'époque géologique !
Mais en plus des époques géologiques, les géologues ont défini les crises géologiques, dont la fameuse crise KT (= Crétacé-Tertiaire, il y a 66 Ma), dont la plus terrible des crises, la crise PT (= Permo-Trias, il y a 252 Ma)… Ces crises sont géologiquement très brèves (de quelques mois pour la crise KT, si la chute de la météorite en est bien le facteur prépondérant) à quelques centaines de milliers d'années pour les autres. Ce que nous faisons à notre planète s'apparente bien plus à une crise qu'à une époque. Si l'Anthropocène n'aura sans doute pas de réalité géologique en tant qu'époque, la crise anthropique en aura (hélas) sans doute une. »



Photo 19 juillet 2010.



Photo 14 juillet 2013.

Meghalayen et Anthropocène


Article révisé le 4 janv. 2020 (sans images).

Nous venons à peine de passer à l'heure normale que je découvre que nous avons changé d'âge géologique. Et ceci depuis juillet dernier. La nouvelle m'avait échappé. Voici ce court billet pour que vous aussi soyez au courant.

Bienvenue dans le Meghalayen, notre nouvel âge géologique


Par Benjamin Robert, Sciences et Avenir, 23 juillet 2018

Note : j'ai ajouté les liens dans le texte et mis quelques termes en gras. (H.L.)

« La Commission internationale de stratigraphie a divisé l'holocène, notre époque géologique actuelle, en trois sous-parties. Nous voici donc dans un nouveau chapitre géologique, le Meghalayen, depuis environ... 4200 ans. Une décision qui ne fait pas véritablement consensus au sein de la communauté scientifique. [...]


Pour déterminer de nouvelles périodes dans les échelles géologiques, les scientifiques doivent identifier des événements précis qui ont impacté l'ensemble du globe. [...]

L'holocène, notre époque géologique actuel [sic], dure depuis 11 700 ans, ce qui marque la fin de la dernière grande glaciation, et le début d'une époque au climat plus doux. Ce 12 juillet 2018, la Commission internationale de stratigraphie (ICS) a publié sur son site internet le nouveau découpage en trois parties de l'holocène, qui n'était jusqu'alors pas divisé. L'âge greenlandien constitue le premier étage de l'holocène, jusqu'à 8300 ans avant aujourd'hui, date qui marque le début de l'ère du Nordgrippien. [...]

La période du Nordgrippien laisse la place au Meghalayen, l'âge géologique actuel, 4200 ans avant aujourd'hui. À cette date, un épisode de sécheresse intense a éradiqué un certain nombre de civilisations dans le monde entier. Pour témoigner de cette époque, les scientifiques se sont basés sur une modification des atomes d'oxygène présents dans les couches d'une stalagmite de la caverne de Mawmluh dans l'état de... Meghalaya, au nord de l'Inde. [...]

L'holocène vient d'être divisé en trois parties alors même qu'une partie des scientifiques parle d'ores et déjà de la fin de cette époque géologique, qui serait remplacée par l'Antropocène [sic] : un nouvel âge géologique marqué par l'impact de l'humain sur l'ensemble de l'écosystème terrestre (même si sa définition précise fait l'objet de recherches en cours).

Une équipe de l'Union Internationale des Sciences Géologiques (IUGS) travaille actuellement sur la question, mais à ce jour, elle n'a toujours pas remis de rapport officiel à la Commission. Le terme n'a donc pas de signification officielle d'un point de vue géologique. Pour l'IUGS, "le terme "Anthropocène" a plus de sens d'un point de vue sociologique que d'un point de vue géologique et stratification des roches sédimentaires". »

Note. - Si vous consultez les documents sources (liens plus haut), vous verrez que la Commission internationale de stratigraphie ne date les subdivisions de l'Holocène en années « avant aujourd'hui », ou AA (ou BP, pour Before Present, le « présent » ayant été arbitrairement fixé par convention à 1950) mais en « yr b2k » (years before AD 2000), soit en « années avant l'an 2000, Anno Domini.) Les subdivisions de l'Holocène selon sont, en yr b2k :
  • Greenlandien : 11 700 ans
  • Northgrippien : 8326 ans
  • Meghalayen : 4250 ans.