dimanche 27 février 2022

Hors sujet : retour à l'escalier de la Babine

Photo no 1. - L’escalier de la Babine, au sud de la promenade du Lac-des-Fées, à Hull (Gatineau) en 1971. Merci à Donald Legault, l'auteur de cette photo, qui m'a permis de la reproduire ici, ainsi qu'à son cousin Alain Lamothe qui nous a mis en contact. 

La photo montre l’escalier et le pont de la Babine ainsi que le ruisseau du Lac-des-Fées (sous la neige) en 1971. L'escalier est dans l'état qu'il avait avant que les vandales (ou des ostrogoths ?) s'emploient à le défaire planche par planche...

Photo 1971 © Donald Legault (j’ai accentué le contraste).


Photo no 2. - Le même endroit, en octobre 2020 : le seuil en calcaire et les piliers en béton sont les seuls vestiges de l'escalier. Le petit pont, toujours existant, se trouve tout en bas (hors cadre). Les deux photos ont été prise sur la rue Boucherville qui longe l'escarpement de la promenade du Lac-des-Fées. 


J'ai publié plusieurs billets à la fin de 2020 sur le lieu-dit « la Babine », au sud de la promenade du Lac-des-Fées, à Hull (Gatineau). Les informations nouvelles continuant à s'accumuler après leur mise en ligne, j'ai dû rédiger plusieurs ajouts et rectificatifs, ce qui ne contribue pas à leur lisibilité. Une synthèse serait maintenant nécessaire. Elle viendra.

Billets sur la Babine

Le but de mes recherches était d'arriver à connaître l’histoire de l’escalier de bois qui a existé autrefois sur l'escarpement au sud de la promenade du Lac-des-Fées. Au pied des marches, un petit pont enjambait (et enjambe toujours) le ruisseau qui donne son nom à la promenade.

L’escalier reliait la promenade à la croix de Val-Tétreau (voir billet du 26 oct. 2020, lien plus haut), au sommet de l’escarpement, à l'extrémité nord de la rue Boucherville. Le pont, sans l’escalier, n’a plus vraiment d’utilité et conduit maintenant à un escarpement boisé très abrupt.

L'un des points que mes recherches ont permis d'établir est l'année de la construction du pont et, sans doute, de l'escalier ; 1965 (billet du 17 déc. 2020). L'escalier n'existait plus au moins en 1990 ou bien n'était plus pratiquable (souvenir personnel). Il avait été laissé à l'abandon et aux vandales qui avaient entrepris leurs déprédations dès les années 1970. Je ne peux préciser quand on a cessé de réparer leurs dégâts au fur et à mesure ni quand l'escalier, devenu inutilisable, a été démoli. La promenade et ses installations, pont et escalier, appartiennent à la Commission de la capitale nationale (CCN), laquelle, consultée, n'a pu me fournir aucun renseignement potable.

Du nouveau sur la Babine

Long préambule pour vous présenter du nouveau sur le site de la Babine. M. Alain Lamothe et Donald Legault, deux cousins qui ont grandi dans les rues du quartier Saint-Jean-Bosco au pied de la Babine, m'ont transmis des commentaires et des documents (photos nos 1 et 3) de première main. Je les remercie grandement d'avoir pris la peine de me joindre.

La source de la Babine.

Selon Donald Legault, « la Babine » était le nom de la source naturelle à mi-chemin du flanc de l'escarpement ; dans les années 1950, des familles allaient y puiser de l'eau de Pâques pour la faire bénir. L'escalier, toujours selon M. Legault, a été construit dans les années 1960 immédiatement au sud de la source.

Mes remarques. - Dans ma jeunesse (1965 et après), la Babine, c'était le nom de l’escarpement au nord de la rue Boucherville, avec la croix, l’escalier en bois, le petit pont et le ruisseau dans la plaine. Une telle appellation informelle peut avoir une extension assez floue. J'ai un vague souvenir de la source. Je crois avoir bu de son eau sans en avoir ressenti de malaise ou d’effet miraculeux. J'ignore si elle coule encore.

Photo no 3. - Document fourni par Donald Legault ; le 2, rue Graham (voir la carte plus bas). 
Photo no 4. - La même adresse en 2019, d'un angle différent (saisie d'écran Google). Le ruisseau a été canalisé sous terre (voir la carte).



 

Ski ou glissades ?

Des témoignages publiés dans mon billet du 17 déc. 2020 parlent d’une pente de ski au sud de la Babine. Selon M. Legault, on trouvait au temps de sa jeunesse (1950-1960) une piste abrupte large de 10 pieds à travers les bois de l'escarpement au sud de la rue Boucherville ; elle débouchait dans la plaine à la hauteur des rues Chatelain (aujourd’hui René-Roger) et Graham. Cependant, la piste ne servait qu'à la glissade, M. Legault n'a jamais vue quiconque y faire du ski.

Mes remarques. - De mon temps (années 1960-1970), le seul endroit où il était possible de glisser sur l'escarpement était au sud de la rue Boucherville, par un sentier (maintenant obstrué) qui pourrait correspondre à la piste de M. Legault. L’escarpement était moins haut et moins abrupt à cet endroit qu’à l'escalier.

Pour ce qui est du ski, les témoignages que je cite dans mon billet du 17 déc. 2020 sont formels, mais j'y explique bien que le secteur au sud de la Babine n’est pas adaptée à la pratique du ski (pas plus que la Babine elle-même, avec ou sans l'escalier). Je ne peux écarter aucun témoignage, même lorsqu'il en contredit d'autres, l'un de mes précédents correspondant affirmant même que la Babine devait son nom à une bosse en forme de lèvre au bas de la glissade au sud de la rue  Boucherville. Le nom de Babine a peut-être suscité des explications diverses pour justifier son origine...


Photo no 5. - Le pont de la Babine, sur le ruisseau du Lac-des-Fées. Photo oct. 2020.
 

Canalisation

Du temps de la jeunesse de MM. Lamothe et Legault, le ruisseau, venant du Lac-des-Fées, au nord, coulait à ciel ouvert entre les maisons des rues Duquesne et Graham avant de suivre un cours canalisé souterrain à partir du 2, rue Graham, près du boul. Saint-Joseph.

Mes remarques. – Ceci correspond aux cartes et photos que j’ai publiées dans mes billets précédents. La canalisation souterraine du ruisseau à l'est de la promenade telle qu'on la connaît aujourd'hui était effective au moins en 1960 (billet du 26 oct. 2020). Notez que toute la partie du ruisseau sur laquelle est construit le petit pont est artificielle (voir carte). À la fin de son parcours, le ruisseau se jette dans le ruisseau de la Brasserie, à l'est. Les débuts de la canalisation sousterraine du tronçon de son embouchure remontent à 1938 (voir le billet du 25 août 2017).


Photo no 6. - La croix lumineuse (la nuit, du moins) de Val-Tétreau, sur le plateau au sommet de l'escarpement. Photo oct. 2020.
 

Cégep(s)

« J'ai connu la Babine début des années 70 étant étudiant au cégep. [Le cégep était alors situé au sommet de la côte de Taché, là ou est aujourd'hui l'UQO.] J'habitais au Parc-de-la-Montagne et on faisait du pouce au coin de Cité-des-Jeunes et Gamelin pour aller à nos cours. On se faisait déposer à la Babine, certaines voitures ne poursuivant pas la route sur Scott, car il n'y avait pas de virage à gauche [sur Taché]. Ils viraient à gauche sur Graham. Pour le retour, ils empruntaient le sens unique sur Duquesne. C'est à cet endroit qu'on se plaçaient pour le retour à la maison, via la Babine et son escalier. Donc pour moi la Babine était plus un raccourci pour éviter Scott et Taché. » (Alain Lamothe)

Mes remarques. - J'ai aussi fait du pouce pour aller au cégep, celui de la Cité-des-Jeunes, en 1976-78, faisant le parcours à rebours de M. Lamothe. J’habitais en effet face à l’ancien cégep, l'UQO actuelle. J'empruntais aussi le raccourci par la Babine. Il m'est impossible de me souvenir avec exactitude de l'état de l'escalier à cette époque. Il me semble bien qu'il arrivait déjà avant ces années que des marches, des planches du garde-fou ou des sections entières de l'escalier manquent. Mes souvenirs sont malheureusement assez flous.  

Pour conclure

Encore merci à mes deux correspondants. Petit à petit, l'histoire de la Babine se dévoile. La question centrale est : pourquoi a-t-on construit un escalier qui ne servait à rien puisqu'on l'a très tôt laissé à l'abandon une fois achevé. (La réponse facile, « on l'a construit pour mener à la croix de Val-Tétreau » ne tient pas. La croix date de 1950, le pont et l'escalier de 1965 ; la croix est sur un terrain relevant de la Ville, l'escalier et le pont, de la CCN ; la croix est toujours là, l'escalier, non.)

Qui me dira le fin mot de cette histoire ? 

Carte (1952) annotée du secteur de la Babine


Insurance plan of the city of Hull, Que. Toronto ; Underwriters' Survey Bureau Limited, 1952, 49 pl. en coul. [pl. 28], 1: 600, BAnQ, Centre d'archives de l'Outaouais, P1000,S2,D4, 0003820664. https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2247012.  

Légende des retouches

BABINE X : source de la Babine (approx.).
E (ligne pointillée rouge) : escalier (1965 ?), détruit depuis 1990 (?) (photos nos 1 et 2).
et rectangle rouge : pont de la Babine (1965) (photos nos 1 et 5).
et Croix : croix lumineuse de Val-Tétreau (1950) (photo no 6).
Lignes rouge pleines : promenade du Lac-des-Fées (était terminée en 1957).

Le point noir sépare les tronçons 2, 3 et 4 du ruisseau du Lac-des-Fées :
2 (ligne tiretée bleue) : section abolie du ruisseau du Lac-des-Fées après la construction de la promenade.
3 (ligne bleue pleine) : cours original du ruisseau du Lac-des-Fées, conservé jusqu'à aujourd'hui.
4 (ligne bleue pleine) : tronçon artificiel du ruisseau aménagé pendant ou après la construction de la promenade et disparaissant dans une canalisation souterraine (en 7).
5 : 2, rue Graham (photos nos 3 et 4) ; endroit où le ruisseau entrait dans une canalisation souterraine.
6 : sentier et site de glissades (aujourd’hui condamné).
7 : endroit où le ruisseau disparait depuis au moins 1960 dans une canalisation souterraine.
? : le cours du ruisseau du Lac-des-Fées apparaît erroné sur ce tronçon (*). Suivre plutôt les tronçons  ajoutés (nos 2 et 3).
Rue Boucherville : elle longe l'escarpement boisé au pied duquel coule le ruisseau du Lac-des-Fées.
Ligne pointillée grise : escarpement boisé à l'est de la rue Boucherville.

* Selon les documents utilisés pour les annotation de la carte, principalement des photos aériennes publiées dans les billets précédents sur la Babine), 

SSL : sanatorium Saint-Laurent, aujourd'hui CH Pierre-Janet.
CMY : collège Marguerite d'Youville (sœurs grises), site de l'actuel pavillon Alexandre-Taché de l'UQO.
Certaines parties de rues vides de constructions sous le ruisseau et la promenade n'ont existé que sur plans.