dimanche 18 juin 2023

Conglomérat déposé sur un quartzite grenvillien à Gatineau (ajout)

Mise au point (8 août 2023). - Un retour au site du grès de Nepean du lac Beauchamp (affleurement de la discordance Bouclier/plate-forme) m'a montré que le conglomérat qui se trouve à sa base ne se distingue pas de celui de la station Labrosse* dont il est question dans les lignes qui suivent. Les deux conglomérats contiennent des éléments anguleux à arrondis de quartz, leur seule différence notable étant l'absence de clastes de feldspath dans celui du lac Beauchamp. 

* Je n'avais pas donné d'indices clairs sur l'emplacement du conglomérat jusqu'ici parce qu'il se trouve sur un terrain privé interdit d'accès. Disons que je l'ai découvert au nord de la station Labrosse du Rapibus. 

Les interrogations que soulève ce billet sont donc obsolètes : je n'ai pas découvert un conglomérat pré-Nepean comme je l'ai un instant cru, mais une nouvelle occurrence d'un conglomérat Nepean, tout simplement. Ce qui est suffisant en soi pour justifier mon contentement.

Photos. - Pièce du conglomérat Nepean du lac Beauchamp à Gatineau ramassé au sol  : clastes de quartz anguleux à arrondis. 5 août 2023.






Complément au billet du 7 juin 2023, « Conglomérat à la surface d'un quartzite ».


Quartzite grenvillien â
gé de plus d'un milliard d'années sous le gris manteau d'argile de la mer de Champlain (10 000 ans). 
Moins de deux pieds carrés du quartzite sont couverts par les restes d'un conglomérat feldspathique vieux d'au moins 500 millions d'années. Auriez-vous pu le trouver au travers de ce fatras de débris ?
Gatineau, Qc, juin 2023.




Résumé

Conglomérat contenant des débris anguleux de feldspath reposant à la surface d'un quartzite de la province de Grenville (1 Ga), à Gatineau (Québec). Le conglomérat, très rouillé, devait se trouver à la base du grès de Nepean déposé en discordance (500 Ma) sur le quartzite. Il pourrait également s'agir des restes de la formation de Covey Hill qui a précédée le Nepean. (Le grès n'est pas exposé au site même.)

 


J’ai fait une découverte. Ma place est réservée dans les manuels de géologie (en tout petit, dans une note de bas de page, mais une place quand même).

Grâce à moi la stratigraphie de Gatineau va s’enrichir d’une formation pré-Nepean en contact direct avec le socle précambrien. Ce n’est pas rien.

Avant de voir la chose elle-même, voyons le contexte dans lequel elle s’inscrit par un examen rapide des unités ou des ensembles de roches qui forment le sous-sol de Gatineau et d’Ottawa.


Quartzite grenvillien (plus d'un milliard d'années). Le manque de contraste ne le rend pas très photogénique. 
Photo juin 2023.



À la base, tout en bas, se trouve le Bouclier canadien (bouclier précambrien, province de Grenville), complexe de roches métamorphiques et plutoniques âgé de plus d’un milliard d’années. Voilà les fondations sur lesquelles s’est édifié tout le reste – et, bien souvent, au nord de l’Outaouais par exemple, il n’y a que le Bouclier, sans rien d’autre dessus que les débris laissés par les glaciations ou, dans les vallées, l’argile de la mer de Champlain.

Plus tard, bien plus tard, sur cette base cristalline, sont venues se déposer les sédiments de la plate-forme du Saint-Laurent. Les plus anciens, ou les plus précoces, sont les grès de la fin du Cambrien (510 Ma ou millions d’années), suivis des calcaires, dolomies et shales de l’Ordovicien (485-444 Ma). (Je ne détaillerai pas d’avantage, voyez mon « Tableau des temps géologiques : Gatineau et ses environs »), mais grosso modo, la séquence sédimentaire témoigne de l’avancée et de l’approfondissement d’une mer qui gagnait sur le continent. Dans la région, l’arrivée de l’eau salée s’est faite par un bras de mer à la faveur de l’ouverture de l’océan Iapetus (une sorte de préquel de l’Atlantique). C’est le rentrant d’Ottawa (Ottawa Embayment), contenu par les hauteurs du Bouclier à Perth (Ontario), au nord de l'Outaouais (Laurentides) et au sud du Saint-Laurent (Adirondacks).

Note. Les âges des divisions géologiques sont souvent révisés : il peut donc y avoir des incohérences à travers les billets du blogue. Ces raffinements n’affectent pas le fond du discours.

Retenons simplement pour la suite que les premiers sédiments à se déposer dans la région sont les grès de la formation de Nepean. Le grès est une roche formée de sable lithifié (consolidé). Les sables de Nepean, composés de quartz presque pur, ont tapissé le fond et les bords du rentrant d'Ottawa.

Entre le Bouclier érodé (en dessous) et les sédiments nouveaux venus (au-dessus), existe ce qu’on appelle une discordance (discordance d’érosion). Elle est visible au lac Beauchamp (Gatineau) où l’on voit dans une coupe à flanc d’une butte le Bouclier (sous la discordance) et le grès de Nepean (au-dessus). Plus de 500 Ma séparent les roches de part et d’autre de la discordance. (Voir mon billet du 23 janvier 2011, « Lac Beauchamp : un milliard d'années inscrites dans la roche ».)


Conglomérat reposant sur le quartzite à  Gatineau : fragments (clastes) de feldspath blanc dans une matrice de sable vitreux (quartz).


Ailleurs dans le rentrant d’Ottawa, le grès de Nepean a été précédé par les conglomérats de Covey Hill. (Conglomérat : roche sédimentaire formée d'éléments de tailles hétéroclites.) On ne les trouve pas dans notre région. Ou bien ils ne se sont pas déposés chez nous, ou bien ils ont été érodés avant le dépôt du Nepean (hypothèse la plus probable). Mais bref, le résultat est que, dans la région de Gatineau et d’Ottawa, le Nepean repose directement sur le Bouclier, sans le tapis rugueux du Covey Hill. [Corr. : le Covey Hill affleure à Kanata, dans l'ouest d'Ottawa.]

Des points essentiels distinguent le Covey Hill du Nepean. La formation de Nepean est composée de grès et de conglomérats à cailloux arrondis de quartz. Le tout s'est déposé sur le fond et les marges du rentrant d'Ottawa. La formation de Covey Hill a une origine continentale (ses constituants proviennent de l'érosion du Bouclier) et ses éléments ont connu un transport fluvial. Elle est formée de grès et de conglomérats feldspathiques à éléments anguleux.



Le conglomérat, in situ. Fallait être attentif pour ne pas passer sans le voir. Ni sa couleur ni la rouille omniprésente ne contribuent à le distinguer du quartzite hôte. (Surface mouillée pour mieux faire ressortir les contrastes.)
Photos juin 2023.


Il faut retenir de ce qui précède que le Nepean a été édifié par des sédiments matures, triés et arrondis par un long transport. Ils ont donc une origine distale. Le Covey Hill a accumulé des éléments immatures tels les clastes (brisures) de feldspath anguleux qu’un long transport aurait émoussés ou détruits. Leur origine est donc locale. Ils proviennent de l'érosion du Bouclier proche. (Le feldspath en particulier est, contrairement au quartz, un minéral vulnérable absent des sédiments mobilisés. Sa présence dans un dépôt trahit une origine locale.)

La découverte

Or, j’ai découvert un conglomérat riche en clastes de feldspath blanc anguleux déposés directement sur le Bouclier (sur un quartzite) à Gatineau. Le conglomérat, d'aspect variable, contient en outre des clastes arrondis de feldspath et de quartz ainsi que des galet arrondis dans une matrice de grès quartzeux. Conglomérat et quartzite sont fortement rouillés.



Le conglomérat : un galet arrondi s'est détaché de la roche. 
(Non, le blogue n'est pas commandité par World of Maps.)


La présence d’une forte proportion de fragments de feldspath anguleux témoigne de l'origine locale (au moins partiellement) du conglomérat. Le secteur où je l'ai découvert abonde justement en quartzite et en granite blanc qui auraient pu fournir les clastes anguleux de quartz et de feldspath – ce dernier provenant surtout du granite.

Il est donc parfaitement légitime de se demander s’il ne s’agirait pas d’un (petit) lambeau de Covey Hill ayant échappé à l’érosion.

À la lueur de cette découverte, la colonne stratigraphique de la région serait donc :

Ordovicien : 485-444 Ma

  • Sédiments carbonatés et shales témoignant de l’avancée et de l’approfondissement de la mer (non répertoriés en détail ici : voir mon tableau des temps géologiques)

Cambrien moyen – Ordovicien inférieur : 509-497 Ma

  • Formation de Nepean du groupe de Potsdam ; origine marine et margino-marine, dépôt sur le fond et les marges du rentrant d’Ottawa : grès et conglomérat à cailloux arrondis de quartz
Discordance d’érosion à l'intérieur du groupe de Potsdam

Protérozoïque supérieur  (avant 539 Ma) – Cambrien moyen : 539-498 Ma

  • Formation de Covey Hill du groupe de Potsdam ; dépôts origine continentale (transport fluvial) : grès et conglomérats feldspathiques
Discordance d’érosion Protérozoïque-Paléozoïque (cf. lac Beauchamp, Gatineau)

Protérozoïque moyen : 1,6 – 1,0 Ga (milliard d’années)

  • Bouclier canadien, province de Grenville
  • Roches métamorphiques et plutoniques

Mes moyens et connaissances ne me permettent pas de trancher la question s’il s’agit de Covey Hill ou non. L’important est la place qu’occupe mon conglomérat dans la stratigraphie. Il est pré-Nepean et il repose directement sur le Bouclier. Il pourrait même représenter des sédiments encore plus anciens que le Covey Hill ? Pourquoi pas ?

Si cette origine plus ancienne ne s’avérait pas, il resterait que mon conglomérat étendrait vers le nord, au Québec, la zone couverte par le Covey Hill dans le rentrant d’Ottawa.

Ce n’est pas rien.

À moi la médaille Logan !

Ajout (23 juin 2023). 

Informations qui dormaient dans mes filières mais sur lesquelles je n'ai mis la main (et posé les yeux) qu'après la rédaction du mon billet.

Le conglomérat, au centre, et la glauconite gris-vert friable et terreuse, de chaque côté (la photo rend mal les teintes). Photo juin 2023.

 

Bernius (1996) signale la présence d'un conglomérat à quartz-feldspath de 5 cm d'épaisseur sur le Bouclier précambrien à la base du Paléozoïque dans des forages à Bell's Corners, Nepean (ouest d'Ottawa). Il ne précise pas si le conglomérat fait partie du Nepean (qui le surmonte), mais son texte permet de le supposer. 

La partie supérieure du Bouclier sous le conglomérat est fortement altérée et météorisée (saprolite) et Bernius plusieurs minéraux résultant de l'altération des roches, dont une glauconite gris-verdâtre, sont présents. « La glauconite est répandue dans les roches sédimentaires accumulées dans la mer [...], dans des secteurs proches des côtes. »

Ceci conforte ma première hypothèse selon laquelle mon conglomérat ferait partie du Nepean (et non du Covey Hill). La glauconite vert terne friable affleure sur le quartzite près de mon conglomérat.







Clastes anguleux de quartz et de feldspath.


Notes

Le site où j’ai découvert le conglomérat au fond d’une excavation dans une propriété privée non gardée et non clôturée. Il est probable que l'excavation précède des travaux de construction et que le conglomérat sera détruit ou qu'il deviendra inaccessible. La partie visible du conglomérat, blanc rouillé, sur un plancher de quartzite blanc rouillé lui aussi et recouvert de cailloux, n’excédait pas deux pieds carrés. Il m’a fallu un peu de visu et beaucoup de chance pour ne pas le manquer.

La nomenclature des sédiments du Paléozoïque de la plate-forme du Saint-Laurent varie selon les auteurs et les régions (Ontario, Québec ou État de New York). Les controverses entretenues par les géologues professionnels dépassent mes compétences. J’ai utilisé les termes Covey Hill et Nepean un peu librement, mais correctement, il me semble. Que les pros me pardonnent mes approximations !

Les formations de Covey Hill et de Nepean font partie du groupe de Potsdam. Selon certains, une discordance d’érosion sépare les deux formations et leur réunion dans un même groupe est problématique. Encore une fois, je ne suis pas en mesure de participer à ce savant débat.

 


Clastes, vides et matrice de sable vitreux (quartz). Sans oublier la rouille.

 


Pour en savoir plus

  • G.R. Bernius, 1996, Borehole Geophysical Logs from the GSC Borehole Geophysics Test Site at Bell's Corners, Nepean, Ontario. GSC, Open File 3157.
  • Sanford, B.V. et Arnott, R.W.C., Stratigraphic and structural framework of the Potsdam Group in eastern Ontario, western Quebec, and northern New York State, Commission géologique du Canada, Bulletin 597, 2010, 83 p. (+ cartes)
  • Williams, D. and P.G. Telford, 1986. Paleozoic Geology of the Ottawa Area. Geological Association of Canada, Mineralogical Association of Canada, Canadian Geophysical Union, Joint Annual Meeting, Ottawa '86, Field Trip 8: Guidebook, 25 p.
  • Williams, D.A., P.G. Telford, A.D. McCracken and F.R. Brunton, 1992. Cambrian-Ordovician Geology of the Ottawa Region. Geological Association of Canada, Canadian Museum of Nature, CPC-II Ottawa '92, Canadian Paleontology Conference, Field Trip Guidebook No. 2, 51 p.
  • A. E. Wilson, Geology of the Ottawa-St. Lawrence Lowland, Ontario and Quebec, Commission géologique du Canada (CGC), Mémoires 241, 1946, 66 pages + cartes 413A et 414A.



Ce n'est pas très visible sur photo, mais voici le seul échantillon à montrer un litage dans la disposition des grains et des clastes. Leur disposition est parallèle au bord inférieur de l'échantillon.

mercredi 7 juin 2023

Conglomérat à la surface d'un quartzite


Excavation au nord du terminus Labrosse du Rapibus, à Gatineau (Québec), début avril 2023. Le cratère était à sec lors de ma dernière visite, début juin. 
Sous le tapis d'argile grise de la mer de Champlain (12 000 - 10 000 ans), le quartzite du Bouclier canadien (plus d'un milliard d'années).



Un billet plus complet a été publié le 18 juin 2023.

Résumé


Conglomérat contenant des débris de feldspath anguleux reposant à la surface d'un quartzite de la province de Grenville (1 Ga), à Gatineau (Québec). Le conglomérat, très rouillé, devait se trouver à la base du grès de Nepean, déposé en discordance (500 Ma) sur le quartzite. (Le grès n'est pas exposé au site même.)


C'est souvent au retour d'une expédition, en examinant les échantillons recueillis, que l'on fait ses découvertes les plus surprenantes.

Échantillon du conglomérat. S'il ne paye pas de mine sous son revêtement rouillé, dites-vous qu'il s'agit là d'un morceaux du sol tel qu'il était il y a 500 millions d'années.

Un exemple : ce conglomérat extrait d'un coup de marteau d'un quartzite du groupe de Grenville âgé de plus d'un milliard d'années. Il méritait mieux que le regard distrait que je lui avais accordé en le récoltant, intrigué par son aspect tacheté. Il constitue un témoin rare de l'époque qui a précédé le dépôt en discordance du grès de Nepean sur le quartzite il y a 515 millions d'années. La présence dans le conglomérat d'éléments sous-millimétriques et de fragments anguleux ou allongés de feldspath blanc mesurant jusqu'à 15 mm indique que ses constituants se sont accumulés à proximité de leur roche mère : un transport sur de longues distances, par l'eau ou le vent, n'aurait laissé que de petits grains de sable quartzeux bien arrondis et mieux triés.

Si mon conglomérat rouillé ne paye pas de mine, dites-vous qu'il s'agit là d'un morceaux du sol tel qu'il était il y a 500 millions d'années ! Ça mérite un peu de respect.

Le granite blanc, abondant dans le secteur (paragraphe suivant), a pu fournir le feldspath et le quartz du conglomérat.

Granite blanc provenant du secteur. Il aurait pu fournir le feldspath (blanc) et le quartz (gris) du conglomérat.


Plus à l'est, à 1,5 km, la séquence complète granite/discordance/grès de Nepean est exposée au bord du lac Beauchamp (voir billet du 23 janvier 2011). La discordance à cet endroit contient en plus un paléosol altéré entre les deux roches et des galets de quartz de plusieurs cm apparaissent à la base du grès. Des centaines de millions d'années en un seul affleurement !


Détail de la photo précédente cadré sur les fragments de feldspath blanc anguleux. Noter la taille hétérogène des clastes. En bas, à gauche : vide long d'une dizaine de mm laissé par la chute d'un élément ovale.


L'interface quarzite/grès a pu canaliser les eaux souterraines, ce qui peut expliquer la rouille et l'altération des minéraux à ce niveau.

Le quartzite sur lequel j'ai recueilli le conglomérat est exposé dans une excavation creusée dans l'argile de la mer de Champlain au nord du terminus Labrosse du Rapibus, à Gatineau (terrain privé). Des traces de travaux anciens sont visibles dans le roc et la surface naturelle u quartzite n'a pas intégralement été préservée.



Affleurement de la discordance, lac Beauchamp, Gatineau, Qc.
Photo nov. 2010.

Coupe de l'affleurement
A) Granite de la province de Grenville (Bouclier  canadien), âgé de plus d'un milliard d'années.
B) Discordance d'érosion : elle coïncide avec la surface du continent telle qu'elle était avant le dépôt du grès (C).
C) Grès (sable consolidé) ; sédiments déposés au bord d'une mer peu profonde, il y a 515 millions d'années.
D) Surface du grès, polie par le passage des glaciers, lors de la dernière glaciation (80 000 - 12 000 ans).

Avec cet « affleurement de la discordance », nous disposons d'une coupe qui témoigne de plus d'un milliard d'années de l'histoire de notre continent. (Tiré du billet du 23 janvier 2011.)


Autre face de l'échantillon du conglomérat. Un feldspath long de 15 mm est visible à droite.

samedi 11 février 2023

Hors sujet : arc circumhorizontal à Gatineau

Je viens d'apprendre que cette bande colorée qui m'avait intrigué est un arc circumhorizontal.

(Photos prises à Gatineau, Qc, près du Musée canadien de l'histoire, le 10 juin 2018.)

Un arc circumhorizontal, ou arc de circumhorizon, est un arc-en-ciel « droit », parallèle à l'horizon qui apparaît sous le soleil. Ce type de halo est formé par la réfraction de la lumière du soleil par des cristaux de glace en haute altitude. Voir Wikiki pour plus de détails.

Le phénomène avait perduré plusieurs minutes. Une amie l'avait photographié en même temps que moi, à Ottawa, à plus d'un km de ma position.

Ne pas confondre avec un arc circumzénithal dont j'ai déjà parlé dans un ancien billet.



Ici, l'arc circumhorizontal (rouge en haut, vert en bas) apparaît dans des cirrocumulus ondulatus de haute altitude (plus de 6 km) ; des altocumulus de moindre altitude s'interposent devant l'arc et le masquent partiellement. 
À l'arrière-plan, le Musée canadien de l'histoire, à Gatineau.
(Identification des nuages par moi, n'hésitez pas à les corriger.)




Détails accentués des photos. On distingue mieux la superposition des couches de nuages. La traînée de condensation d'un avion traverse le champ des photos.


lundi 6 février 2023

Anciennes carrières de calcaire à Hull : album photo




Anciennes carrières de calcaire de la ville de Hull (Gatineau), Québec, selon des sources variées. Compilation Henri Lessard, © 2013, 2014, 2015, 2020 et 2021 (version 8). Les codes d'identification et références plus bas.
Fond de carte : modifié de © Google. J'ai rectifié à main levée la frontière Québec/Ontario (en rouge, en bas) que Google trace de travers (voir le billet du 4 mai 2013, « Gatineau-Ottawa : courbe immotivée ? »).



Pour en savoir plus sur le sujet, voir le billet du 9 sept. 2015, « Calcaires hullois : des cartes et des lacunes » (et suivre les liens qu'il contient).

Il y a quelques années, j'ai entrepris de dresser la carte (ci-haut) des anciennes carrières de calcaires de la ville de Hull (Gatineau, Qc). Je vous propose ici une galerie de leurs portraits à partir des photo aériennes de la Photothèque nationale de l'air (PNA). Les habitués de la ville de Hull pourront voir à quel point ces carrières sont demeurées apparentes ou non dans le tissu urbain. Rien ne se comble et ne s'oublie plus facilement qu'un trou dans le plancher d'une ville. C'est toute une partie de l'histoire qui est ainsi effacée du paysage et des mémoires.

Les photos mises en ligne ici proviennent de la PNA ; j'ai tiré leurs fichiers du site CARTO.





PNA, photo A9608-56, 1945
Vue aérienne de la ville de Hull. Elle indique la position de plusieurs des carrières identifiées sur la carte plus haut.
RB : ruisseau de la Brasserie ; RO : rivière des Outaouais ; en bas, à droite, le barrage en hémicycle des Chaudières.


Carrières de calcaire, Hull (Gatineau)

Liste d'après la plus ancienne attestation que j'ai pu trouver des carrières énumérées. La liste complète est dans le billet du 9 sept. 2017. Les textes décrivent l'état des carrières à l'époque où les documents originaux ont été rédigés.

McGrath (1885)

  • M1. Carrière du parc Brébeuf. Aucune attestation trouvée après cette date.

Parks (1916)

  • P.1. Wright and Company, Hull, 240 x 120 m. On y extrait des pierres de 15 à 24 pouces d'épaisseur. La carrière, qui aurait appartenu à la Federal Stone, serait aussi le site de l’ancien chantier municipal. (Raymond Ouimet, comm. pers., avril 2020.)
  • P.6. David Laviolette, Hull. « [La carrière a fourni l'échantillon] le plus finement grenu de toutes les pierres de construction les mieux connues au Québec... » (Parks, p. 112.) Tout le produit de la carrière sert à des fins de construction : blocs grossiers, seuils, bouchardés sur le dessus, montants de fenêtres de cave.
  • P.9. Canada Cement Company, Hull, 90 m x 400 m. « Environ 500 tonnes par jour sont retirées pour fabriquer du ciment, durant onze mois de l'année. » (Parks, p. 114.)

Photothèque nationale de l'air, Ressources naturelles Canada

  • P et P?. Carrières (?) qui apparaissent sur des photos aériennes de la PNA de 1925 à 1945 (sans exclure années antérieures ou postérieures).

Goudge (1935)

  • G1. Wright Crushed Stone Co, Ltd., Hull ; pierre concassée, pierre pour la production de pâte au bisulfite ; autrefois exploitée pour la pierre à bâtir.
  • G2. Laurentian Stone Co., Ltd, Ottawa ; pierre concassée, four à chaux.
  • G3. Oscar Noël, Hull ; pierre de construction irrégulière (stratification entrecroisée) : pierres de 8 cm à 15 cm x 12 à 25 cm ; pierres vendues à un tailleur d'Ottawa.
  • G6A. Napoléon Tremblay, Hull. ; pierre concassée, graviers et pierre pour la production de pâte au bisulfite.
  • G6B. Abandonnée ; sur le terrain de William Dennison, Hull
  • G7. Abandonnée.

Uyeno (1974)

  • U5. Carrière désaffectée.
  • U9. Excavation ; position précisée grâce à McGrath (1885).




PNA, photo A9608-56, 1945 (détail)
Selon Goudge (1935), une carrière (G6B) a été exploitée sur le terrain de William Dennison (qui a donné son nom au chemin qui correspond à la piste 5 du parc de la Gatineau), du côté ouest de l'actuel chemin de la Cité-des-Jeunes (en rouge), dans une dépression aujourd'hui occupée par un marais, au nord de l'intersection avec le boul. St-Raymond. La seule trace d'une carrière (?) sur cette photo consiste en la dépressions blanche du côté est du chemin. Disons que l'interprétation des documents est incertaine pour la petite Dennison. Voir le billet du 26 avril 2017, « Vrai-faux marécage à Gatineau ».




PNA, photo A9608-56, 1945 (détail)
Carrière de Napoléon Tremblay (G6A), au nord de la rue Gamelin. L'excavation était visible encore au moins jusqu'en 1965. Site de l'actuel parc Laurent-Groulx.




PNA, photo A9608_56, 1945 (détail)
La canada Cement (P9) à gauche. L'excavation, qui n'avait pas atteint ses dimensions finales en 1945, contient aujourd'hui le lac de la Carrière, près du Casino du Lac-Leamy. À droite, à la hauteur des rapides du ruisseau de la Brasserie, une carrière anonyme (U5), remblayée et coincée entre les autoroutes 5 et 50. Les usagers de la piste cyclable qui longe la carrière n'ont aucun soupçon de son existence.




PNA, photo A7194-21, 1944 (détail)
À l'est de la carrière U5, déjà décrite, on trouve ce qui ressemble à des carrières (P?) dont je ne trouve aucune mention dans les sources. Font-elles parties, avec la U5, d'un même ensemble ? À droite, les vestiges du mur de pierre dans le ruisseau de la Brasserie (billet du 14 juillet 2019, « Jetée de pierre dans le ruisseau de la Brasserie, à Hull (QC) » et suivre les liens).




PNA, photo A6352-42, 1938 (détail)
La carrière d'Oscar Noël (G3). Les données que j'ai sur sa position manquaient de précision. Il semble y avoir eu aussi des travaux sur la rive ouest du ruisseau. Le Rapibus passe immédiatement à l'ouest du chemin de fer.




PNA, photo A9608_56, 1945 (détail)
La carrière d'Oscar Noël (G3 ; au nord) et la Wright Crushed Stone Co, Ltd. (G1 ; au sud). Voir à propos de cette dernière le billet du 1er sept. 2017, « Topographie hulloise : ancienne carrière Wright ». Voir aussi le billet du 24 mai 2019, « La carrière Wright ennoyée, Hull, Qc, vers 1945-1950 » pour une représentation de la carrière par le peintre Henri Masson.




PNA, photo A6352-42, 1938 (détail)
La Wright Crushed Stone Co, Ltd. (G1 ; au nord) et la Laurentian Stone Co., Ltd. (G2 ; au sud). Une partie de la G3, près du ruisseau, est visible au nord. La rue Ahmerst passe aujourd'hui entre les deux carrières. À gauche, le boul. St-Joseph.




PNA, photo A7193-30, 1944 (détail)
Comme photo précédente. À voir le front des carrières vers l'ouest, il me semble clair que la montée en escalier des rues entre le ruisseau et le boul. St-Joseph est le résulat de ces travaux.




PNA, photo A9608_56, 1945 (détail)
À l'est du ruisseau de la Brasserie, la carrière David Laviolette (P6) et la carrière Wright and Company (P1). La ligne rouge : boul. St-Laurent et prolongement vers l'ouest selon l'actuel boul. des Allumettières. La P1 est occupée aujourd'hui par la Coopérative d'habitation sur l'île. Il semble y avoir une seconde excavation au nord de la P6.




PNA, photo A7193-30, 1944 (détail)
Carrière anonyme (G7), aujourd'hui sous le stationnement de l'UQO. La U9 (x blanc), ennoyée : voir le billet 10 nov. 2020, « Anciennes carrières à Hull et mystères résolus ».




PNA, photo A7193-30, 1944 (détail)
La carrière M1 (anonyme) du parc Brébeuf n'est attestée que par McGrath (1885) ; plate-forme claire coupée par un chenal artificiel. Voir le billet 10 nov. 2020, « Anciennes carrières à Hull et mystères résolus ».







Carrière de calcaire de la Wright Crushed Stone Co, Ltd., rive gauche du ruisseau de la Brasserie, à Hull (G1 sur la carte et les photos). Photo : Goudge, 1935 ; vue vers le SE. La carrière était située rue Amherst, entre le boul. Saint-Joseph et le ruisseau. Elle produisait de la pierre concassée, de la pierre pour la production de pâte au bisulfite ; elle avait auparavant été exploitée pour la pierre à bâtir.. L'excavation a été comblée. Voir le billet du 1er sept, 2017, « Topographie hulloise : ancienne carrière Wright ».


Références

(Liste complète dans le billet du 9 sept. 2015.)
  • Goudge, M.F., 1935 — Limestones of Canada, Their Occurrence and Characteristics; Part III. Canada Mines Branch, Report 755, 278 pages, with maps 756 (Montréal) and 757 (Southern Québec) in pocket.
  • Bolton McGrath, Plan of the northern shore of the Ottawa river from the western boundary of the city of Hull to the Gatineau river. 1885, BAnQ : https://numerique.banq.qc.ca:443/patrimoine/details/52327/3474338
  • Parks, Wm.A., 1916 — Rapport sur les pierres de construction et d'ornement du Canada, vol. III, province de Québec. Ministère des Mines, Division des mines, rapport 389, 405 p.
  • Ressources natturelles Canada, Photothèque nationale de l'air.
  • Uyeno T.T., 1974 — Conodonts of the Hull Formation, Ottawa Group (Middle Ordovician), of the Ottawa-Hull area, Ontario and Québec. Commission géologique du Canada, Bull. 248.

vendredi 23 décembre 2022

Hors sujet : canalisation des ruisseaux de la Brasserie et du Lac-des-Fées à Hull



Le sud du ruisseau de la Brasserie, à Hull, en 1930 et 1931. 

(Le nord est à droite ; vous trouverez la clef des rues plus bas). L'île au sud du pont Montcalm, visible sur la photo de 1930 sous les eaux de la crue, est rattachée à la rive ouest en 1931. La rue Taylor (rive ouest) est en partie construite sur un terrain gagné sur le ruisseau. Le ruisseau n'est pas encore bétonné ou « canalisé ». Ça viendra.
Rappelons que le ruisseau est en réalité un bras de l'Outaouais ; l'eau entrait dans le ruisseau par le barrage du boul. Taché (chemin d'Aylmer à l'époque).
  • Photothèque nationale de l'air (PNA), 1930, A2181 (détail), 28-29 (détail - montage) ; 1931, A3331, 29 (détail).


Ce billet apporte quelques précisions sur la chronologie des transformations qu'ont subi le ruisseau du Lac-des-Fées (RLF) et de le ruisseau de la Brasserie (RB), à Hull (Gatineau), dans les années 1930. Il est destiné à compléter ou corriger les billets suivants :

Son contenu se résume à trois dates et quelques observations :

L'île au sud de la rue Montcalm dans le RB a été rattachée à la rive ouest du ruisseau en 1931. La rue Taylor a pu ensuite être prolongée vers le nord sur le terrain gagné au dépens du ruisseau.


Clef d'indentification

des rues et des constructions mentionnées dans le texte ou identifiées pour repère. Voir aussi la carte de compilation à la fin du billet.

  • C. - Château d'eau et centrale électrique (aujourd'hui Les Brasseurs du Temps).
  • CP. - Voie du Canadien Pacifique.
  • CPk. - Canada Packers.
  • M. - Pont de la rue Montcalm.
  • MM. - Manège militaire de Salaberry.
  • RB. - Ruisseau de la Brasserie.
  • RLF. - Ruisseau du Lac-des-Fées.
  • RO. - Rivière des Outaouais.
  • S. - Station de pompage (aujourd'hui Théâtre de l'Île).
  • T. - Rue Taylor.
  • W. - Pont de la rue Wright.
    • Fond : Photothèque nationale de l'air (PNA), 1933, A4569, 68 (détail).


Le RLF a été canalisé entre la voie du CP jusqu'à la rue Hanson (rue Front à l'époque) en 1933 ; son embouchure dans le RB n'est pas visible sur les photos. Le quartier traversé par la canalisation a échappé au développement domiciliaire (sauf la rue Front) jusque dans les années 1950.

Enfin, la bétonisation des rives et du lit du RB entre les ponts Wright et Montcalm, menée par le ministère des Travaux publics du Québec, date de 1938.  La motivation première de l'initiative était de donner du travail aux chômeurs de la Grande Crise. Longtemps, j'ai cru que tous les travaux énumérés ci-haut avaient fait partie du même chantier. J'avais tort.

Je suppose que la canalisation du RLF avait été entreprise pour limiter les dégâts causés par les crues. Les chroniques gardent le souvenir des inondations de 1916 et de 1926, en amont de la portion canalisée cependant, à l'ouest du boul. St-Joseph.

Je me repose essentiellement sur des photos aérienne pour bâtir ma chronologie. Ces documents, objectifs et datés, sont plus fiables que les cartes topographiques ou autres, pas toujours bien mises à jour d'une édition à l'autre. Les photos exigent un travail d'interprétation, elles ne fournissent souvent que des dates extrêmes : tel édifice qui y figure en 1942  n'y apparaissait pas en 1937, ce qui laisse une bonne marge. Les sources écrites ne sont pas moins vagues et abondent en « vers l'année 193x » ou en « dans les années 1930... » J'en déduis que je ne suis pas le seul à me débattre avec ce genre de frustrante imprécision. J'ai parfois l'impression que la chronologie du RB est moins bien calibrée que celles des ziggourats mésopotamiennes.

Quant à la seule date documentée dont je dispose - je veux dire corroborée par une source écrite et non pas seulement par une photo -, celle de la bétonisation (ou de la « canalisation par des murets ») du RB entre les ponts Wright et Montcalm par le ministère des Travaux publics en 1938, je vous en donne ici la référence :

Daniel Arbour & Associés, Corridor du ruisseau de la Brasserie : Élaboration d'un plan général d'aménagement : Rapport final, CCN, Ville de Hull, en coll. avec la SAO, Montréal, août 1982.


Les photos mises en ligne ici proviennent de la PNA ; j'ai tiré leurs fichiers du site CARTO.


1933 : canalisation du ruisseau du Lac-des-Fées.

Le ruisseau du Lac-des-Fées (à gauche du ruisseau de la Brasserie, partie inférieure de la photo) est canalisé entre la voie du CP et la rue Front (points C-C' sur la carte de compilation). Le détail en bas permet de distinguer les tranchées. L'embouchure dans le ruisseau de la Brasserie n'est pas visible. L'île, au sud du pont Montcalm a totalement disparu du ruisseau de la Brasserie ; la rive, réaménagée, permet à la rue Taylor de se prolonger au nord.

 

  • Photothèque nationale de l'air (PNA), 1933, A4569, 68 (détail).






25 sept. 1938 : le béton. 

Le ruisseau de la Brasserie, à sec. Les travaux de bétonisation des rives et du lit, menés sous l'égide du ministère des Travaux publics du Québec, vont bon train.
Une année, un mois, un jour... On sort enfin de l'à peu près.
  • Photothèque nationale de l'air (PNA), A6352-25, 25 sept. 1938 (détail).


Coïncidence amusante...

(Détail de la photo du 25 sept. 1938.) Une canalisation (soulignée en bleu) est visible dans le lit du ruisseau de la Brasserie, depuis le pont Montcalm et le château d'eau jusqu'au boul. Taché. Elle longe la station de pompage et sa trace se perd dans les installation de la E.B. Eddy, au sud du barrage du boulevard. (On peut confondre la canalisation au nord du pont Wright avec l'ombre du muret du canal.)
Je suppose qu'elle faisait partie du réseau d'aqueduc public et qu'elle était reliée au château d'eau. La station de pompage n'était plus en service depuis le début du siècle. 
Pour la coïncidence annoncée, la conduite d'eau...


...la conduite d'eau...

...apparaît aussi sur cette photo prise le 16 sept. 1938 depuis le pont de la rue Wright. Le pont de la rue Montcalm est vaguement visible au fond. Deux documents qui se confirment l'un l'autre, deux photos du même paysage prises le même mois, depuis des points de vue différents... La photo était dans mes archives. J'ignore sa provenance, BAnq ou BAC ou ?... Elle doit être dans le domaine public et je la reproduit sans mention d'auteur et sans scrupule.


Même point de vue, décembre 2022.














Carte de compilation (tirée du billet du 6 déc. 2022).

Document constitué à partir des cartes et des photos reproduites plus haut et d'autres sources. Je ne reprends dans la légende que ce qui concerne le contenu de cet article. Pour la légende entière, voir le billet du 6 déc. 2022.
  • C-C'. - Section canalisée du ruisseau du Lac-des-Fées en 1933.
  • D. - Embouchure originelle du ruisseau du Lac-des-Fées dans le ruisseau de la Brasserie.
  • RB. - Ruisseau de la Brasserie.
  • RLF. - Ruisseau du Lac-des-Fées.
  • RO. - Rivière des Outaouais.
  • Ligne tiretée noire. - Cours originel du ruisseau du Lac-des-Fées.
  • Fines lignes pointillées. - Rive originelle du ruisseau de la Brasserie avant le rattachement de l'île à la rive ouest en 1931 et la bétonisation des rives entre les ponts Montcalm et Wright en 1938.
  • Grandes flèches. - Sens de l'écoulement des eaux. (Le ruisseau de la Brasserie est en fait un bras de l'Outaouais (RO) qu'il retrouve au NE de la carte.)
Fond de la carte : Ministère des Ressources naturelles et des Forêts du Québec, Cartes topographiques.