samedi 28 juillet 2018

La forme du lac Beauchamp à Gatineau



Figure 1. - Carte bathymétrique du lac Beauchamp. Tirée de J.-F. Sabourin et associés (JFSA), Plan de gestion environnementale — Lac Beauchamp : Ville de Gatineau. Rapport final, 29 février 2016, préparé pour le Service de l’environnement de la Ville de Gatineau, i-x, 96 p. + annexes.
Profondeur du lac
Bleu foncé : 4,5 - 6 m ; bleu le plus clair (près de la rive) : 0 - 1,5 m.
À gauche, le ruisseau Wabassee qui prend sa source dans le lac et qui se déverse dans l'Outaouais. Le lac, autrefois (avant 1927) ne se prolongeait pas au sud du ruisseau. La baie, au sud du lac, de même que le chenal qui suit son axe, seraient artificiels. (Hypothèse de l'auteur du blogue qui n'implique pas les auteurs de la carte et du document qui la contenait.)
Cliquer sur l'image pour la voir à sa pleine grandeur.


La question de la forme originelle du lac Beauchamp à Gatineau demeure en suspend.

Les cartes de 1901 à 1920 (fig. 2 et 3) montrent un lac Beauchamp différent de celui que nous connaissons (réf. de ces cartes dans le billet du 26 juillet 2018). De forme allongée selon un axe SW-NE, le plan d'eau ne montrait pas la baie d'orientation N-S qui apparaît aujourd'hui à son extrémité sud. D'autres cartes anciennes confirment ce point de vue, mais elles sont d'un caractère si sommaire que je préfère ne pas les prendre en compte.

Le point commun à toutes ces cartes est de montrer que le lac se terminait autrefois à l'endroit où le ruisseau Wabassee, par lequel les eaux du lac se déversent dans l'Outaouais, prenait sa source. Lac et ruisseau suivaient la même orientation SW-NE.

Le lac Beauchamp est à cheval sur la jonction du Bouclier canadien (collines au NW du lac) et de la plate-forme du Saint-Laurent (plateau de grès au SE) (voir fig. 3). La frontière Bouclier - plate-forme a, comme par hasard, une orientation SW-NE. 

La baie au sud du lac existe au moins depuis 1927 (une photo aérienne en fait foi). Les rives du lac n'ont pas sensiblement changées depuis cette époque (J.-F. Sabourin et associés, 2016, Plan 1, p. 8.).

La topographie du lac semble dictée par la logique : un sillon naturel SW-NE (contact Bouclier - plate-forme) a favorisé l'accumulation et la circulation des eaux. Le lac est peu profond (6 m ; J.-F. Sabourin et associés, 2016.)

La baie au sud calque le trajet d'une fosse (ou chenal) se terminant brusquement avant d'atteindre l'extrémité sud du lac (figure 1 et 5). À considérer la carte bathymétrique, la fosse constitue une anomalie, une excroissance qui s'écarte de la logique des courbes de niveau, d'orientation SW-NE. Tout cela évoque d'avantage un ouvrage artificiel qu'un accident topographique naturel.

De 1927 à 1949, le grès a été exploité par une carrière au sud du lac (C sur la carte retouchée, figure 5). La roche était réduite en sable qui était vendu pour servir au sablage au jet ou pour la fabrication de moules dans les fonderies. Le grès se caractérisait par sa haute teneur en silice (of course...), mais aurait gagné à être nettoyé des sulfures de fer qui le contaminaient. (Source : Maurice, 1973. Voir aussi le billet de mon blogue du 8 janvier 2011, « Lac Beauchamp : un peu d'histoire ».)

Est-ce qu'on a creusé la baie pour rapprocher le lac de la carrière ?

J'ai tenté de reconstituer l'aspect original du lac sans la baie (figure 6). J'ai gommé cette dernière et retouché le bord du lac en conséquence. Ces retouches sont arbitraires, mais l'aspect général du lac apparaît plus satisfaisant, plus cohérent sans la baie au sud.

Jusqu'à preuve du contraire, je considère cette baie hautement suspecte.

La couche de sédiments qui s'accumulent au fond du lac depuis des milliers d'années atteint 4 m d'épaisseur (0,4 - 0,5 m de matières organiques). Connaître l'épaisseur et la nature des sédiments dans la baie aurait pu nous éclairer sur l'âge de celle-ci. Malheureusement, aucun des 4 échantillons étudiés dans Sabourin et associés (2016) n'a été collecté dans la baie. Le lac Beauchamp n'est alimenté par aucun affluent et dépend d'un bassin réduit à ses abords immédiats. La circulation et le renouvellement de l'eau sont donc limités. Ceci explique que le lac soit menacé d'une eutrophisation accélérée. Un ensemble de marécages riverains entoure le lac - à moins de considérer le tout comme un complexe marécageux autour d'un bassin important. (Résumé très partiel du rapport de Sabourin et associés (2016) ; pour plus de détails et meilleures quantification des phénomènes, reportez-vous au document.)

Sources

  • Maurice, O.D., 1973 — Annotated list of occurences of Industrial Minerals and Building Materials in Quebec. MER, DP 184, 580 pages
  • J.-F. Sabourin et associés, Plan de gestion environnementale — Lac Beauchamp : Ville de Gatineau. Rapport final, 29 février 2016, préparé pour le Service de l’environnement de la Ville de Gatineau, i-x, 96 p. + annexes.




Figure 2. Le lac Beauchamp en 1901. Le lac Beauchamp (anonyme) prolongé vers le SW par le ruisseau Wabassee qui portait déjà son nom actuel (voir billet du 26 juillet 2018). Le lac et le ruisseau suivent la même orientation. Détail de : Ells R.W., Ami H.M., 1901 — Geological map of the city of Ottawa and vicinity, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, carte 714, échelle : 1:63 360.



Figure 3. - La forme du lac Beauchamp en 1920.
Détail modifié de : Wilson, M. E., 1920 — Geology of Buckingham, Hull and Labelle Counties, Quebec. Commission géologique du Canada, carte 1691.
Le grès est en brun ; le Bouclier canadien est représenté par les autres couleurs au nord du lac, bleu pâle et vert olive principalement. Le vert plus sombre au sud est le calcaire qui recouvre le grès. Jaunes : Quaternaire.
Le nom du lac sur la carte est Wabassi L. - noter aussi le Wabassi Brook. (J'ai ajouté les inscriptions Lac Beauchamp, Rivière des Outaouais et Baie McCLaurin).



Figure 4. - La forme du lac Beauchamp en 1932 (publiée en 1934) : le lac s'est agrandi vers le sud, en bas du point de jonction avec le Wabassee Creek.
La carrière de grès (« QUARRY ») était au SW du lac.
Détail de : L.H. Cole et R.K. Carnochan, « Mines Branch Investigations of Mineral Resources and the Mining Industry, 1932 : Silica Deposit Near Gatineau Point, Quebec. » Depart. of Mines, Canada Mines Branch, Report No. 735, 1934, Fig. 1.



Figure 5. - Détail de la figure 1. Le chenal qui se prolonge dans la baie se termine brusquement, de façon peu naturelle.



Figure 6. - Tentative de retrouver la forme primitive du lac Beauchamp (fig. 1 retouchée). J'ai gommé la baie au sud du lac et reconstitué la rive en supprimant la fosse qui se prolonge dans la baie. Ces retouches sont arbitraires, mais l'aspect général du lac et sa jonction avec le ruisseau Wabassee, à gauche, apparaissent plus satisfaisants, plus cohérents sans la baie au sud.
C : ancienne carrière de grès utilisé comme terrain de stationnement.


Figure 7. - Carte du lac Beauchamp diffusée par la Ville de Gatineau (pdf téléchargeable). (J'ai rapproché les écritures du lac pour réduire la surface de l'image.) Elle est moins détaillée que celle de Sabourin et associés (2016) (fig. 1).
19 pieds = 5,8 m ; 17 pi. = 5,2 m ; 16 pi. = 4,9 m ; 15 pi. = 4,6 m ; 10 pi. = 3 m ; 5 pi. = 1,5 m.
La flèche à gauche indique le ruisseau Wabassee et le sens du courant.

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