mardi 29 juillet 2014

Les Chaudières : quand le bois cache la rivière


Collection du CN, Musée des sciences et de la technologie du Canada, no d'image CN000207, SMSTC/Collection CN.


Une image du genre de celles qui valent mille mots. Je serai donc bref : flottage et triage du bois sur l'Outaouais, en amont des chutes de la Chaudière, à Ottawa, vers 1926. Le nord est à droite ; la zone représentée mesure environ 500 m x 650 m.

On reconnaît le pont Noir (ou pont Prince-de-Galles) qui servait uniquement aux trains, et l'île Lemieux (en haut, à droite ; le rivage à gauche est celui des plaines Lebreton, à Ottawa).
(45.411340, -75.725069)

Tant de billes de bois assemblées en petits tas, en petits carrés rassemblés à leur tour pour attendre de passer, le moment venu, dans les chenaux qui leur évitent de culbuter dans la Grande Chaudière*. On n'en voit presque plus la rivière ! Cette photo a quelque chose de fascinant et de monstrueux à la fois.

* Voir, entre autres, le billet du 8 juin 2014.


lundi 28 juillet 2014

Hors sujet : l'homme de Néanderthal évolue vers la couleur


L'homme de Néanderthal, reconstitutions de G. Wandel tirées de l'ouvrage de E. Grahmann (version française, 1955, p. 119). Le texte du Grahmann précise bien : «Les Néandertaliens avaient [...] sans doute une intelligence satisfaisante et savaient s'en servir.» Merci de nous rassurer ! Il me semble pourtant que la minceur de son cuir chevelu devait causer des problèmes à notre pauvre bonhomme de Néanderthal. Est-ce que ça expliquerait sa calvitie ? Et, en retour, sa calvitie expliquerait-elle la morosité de sa physionomie ?


 © Cicero Moares. Reconstitution d'un homme de Néanderthal. Reconstitution d'un homme de Néanderthal. Si profil et le trois-quarts se suivent dans un ordre différent, ce sont les mêmes poses, les mêmes points de vue, le même cadrage que dans la reconstitution de Wandel. On note, outre une pilosité plus généreuse, la mine plus éveillée du personnage (et l'expression moins patibulaire).


J'ai découvert la reconstitution de l'homme de Néanderthal qui chapeaute ce billet dans La Préhistoire de l'Humanité de R. Grahmann, ouvrage publié (version française du moins) en 1955. Le profil et le trois-quarts sont basés sur des crânes différents : crâne de la Ferrassie à gauche (profil), celui de La Chapelle-aux-Saints à droite (trois-quarts). Grahmann a emprunté la reconstitution à un certain G. Wandel, sans précision de date pour le travail original.

Feuilletant un autre livre sur le même sujet, Last Ape Standing, de Chip Walter (2013), je tombe sur le même dessin ou presque, signé Cícero Moraes, mais plus jeune d'une soixantaine d'années. Entre les deux reconstitutions, les techniques ont changé, l'ordinateur est venu faciliter bien des choses et les conceptions sur l'homme de Néanderthal se sont modifiées.

L'orientation des têtes est identique sur les reconstitutions de Wandel et Moares. On ne peut s'empêcher de penser que ce dernier a voulu mettre au goût du jour un ouvrage datant d'une autre génération, montrer que l'homme de Néanderthal continue d'évoluer même de nos jours (vers la couleur et la pilosité, sans parler de l'intelligence, la physionomie du Néanderthalien de Moares étant animée par une lueur dans le regard qui annonce un esprit vif et amène). 

Plus vraisemblablement, il pourrait s'agir d'une réminiscence inconsciente, tout à fait explicable si Moares tout comme moi entretient un goût pour les vieux livres.

Ou alors, c'est le hasard. Après tout, il n'y a pas cent façons de faire poser une tête, préhistorique ou pas.

Moares a basé sa reconstitution sur un seul crâne, différent de ceux utilisés par Wandel. Voir son site Internet, qui, soit dit en passant, vaut le détour et, même, qu'on s'y attarde.

Vieux livres

Quand on me demande pourquoi j'aime les vieux livres dépassés par l'évolution (sans jeu de mots) du savoir comme celui de Grahmann, je réponds que (grand A), il s'en trouve de très bien faits et que j'aurais tort de m'en priver et que (grand B) la lecture d'anciens ouvrages m'oblige à (petit a) « corriger » mentalement leur contenu, ce qui est un excellent exercice de mémorisation et de synthèse des connaissances acquises à des sources plus récentes ; que (petit b) ça me permet d'envisager les controverses scientifiques présentes avec un recul similaire à celui que j'ai à l'égard de celles du passé et, enfin (petit c), que ça me procure un délicieux quoique fallacieux sentiment de supériorité sur leurs auteurs.

Fallacieux, parce que j'ai beau savoir un tas de choses que ce Monsieur Grahmann ignorait et pour lesquelles il aurait payé cher (il ne connaissait pas Lucy ni l'homme de Denisova), le savoir de ce monsieur dépassait amplement le mien. Bref, ce monsieur était beaucoup plus savant que moi qui en sais plus long que lui tout en étant quand même le moins savant des deux (vous me suivez ?)




Montage comparatif de Moares et Grahmann.




Références

    • R. Grahmann, La Préhistoire de l'Humanité : introduction à l'étude de l'évolution corporelle et culturelle de l'Homme, Payot, traduit de l'allemand par L. Lamorlette, 1955, 336 p.
    • Chip Walter, Last Ape Standing: The Seven-Million-Year- Story of How and Why We Survived, Walker & Company, New York, 2013, 222 p.


vendredi 25 juillet 2014

Disparitions aux Chaudières : mise à jour


Je compte effectuer prochainement J'ai effectué une mise à jour partielle de ma plus récente synthèse (billet du 8 juin 2014) sur la question des îles disparues de la rivière des Outaouais, secteur des chutes Chaudières (Gatineau et Ottawa).

En attendant une autre synthèse, plus complète, voici déjà quelques images.


Fig. 1 : 1963  
1. Île Hull* à Gatineau (Québec), dans la rivière des Outaouais ; 2. Île du Parlement (plutôt une péninsule ici) à Ottawa (Ontario) ; 3. Extrémité est de l'île Victoria ; 4. Cour suprême ; 5. angle NW de la Colline du Parlement ; X. Belvédère derrière la Cour suprême d'où ont été prises les photos des figures 4 et 5. Photothèque nationale de l'air, Ottawa : photo A18339-10, 5 nov. 1963, échelle : 1/3000.
* Et non l'Île-de-Hull, quartier de la ville de Hull (maintenant partie de Gatineau).


Fig. 2. Détail de la fig. 1 (1963), redressé pour comparaison avec fig. 3. Les fils de soie dentaire arrimés aux îles sont des câbles servant à contenir des masses de bois flottant. L'île du Parlement apparaît ici couverte d'arbres tandis que l'île Hull est pratiquement réduite à l'état de plate-forme rocheuse.


Fig. 3 : 2013. © Google. Même cadrage qu'en 2. Noter l'absence des pitounes et la régularisation de la rive, au sud. L'île du Parlement n'est plus qu'un fantôme que l'on devine à travers la couche d'eau. L'île Hull a peu changé dans ses contours et son aspect, sinon qu'un arbre véritable (un saule) y pousse (cf. fig. suivantes et le billet du 19 avril dernier). On ne peut pas expliquer la disparition de l'île du Parlement par une variation du niveau de la rivière (mise en eau du barrage Carillon en 1965 1962 [correction 6 août 2014]), autrement, l'île Hull aurait été elle aussi affectée. Si une partie de la péninsule a été affectée par la régularisation de la rive, toute la zone la plus éloignée du rivage existe encore, mais décapée et submergée. Je vous renvoie à nouveau au billet du 8 juin dernier pour plus de détails.
X : belvédère derrière la Cour suprême d'où ont été prises les photos des figures 4 et 5.


Fig. 4. Île Hull, vue depuis le belvédère de la Cour suprême (X sur les fig. 1 à 3), le 12 juillet 2014. Magnifique vue sur la ville de Gatineau et les installations de la Domtar.


Fig. 5. Zoom sur l'île Hull, vue depuis le belvédère de la Cour suprême (X sur les fig. 1 à 3), le 7 juillet 2014.

vendredi 4 juillet 2014

Kazabazua revue et corrigée


Photoshoper n'est pas «maquiller*». La photo qui ouvrait mon dernier billet, celui du 2 juillet, gagnait vraiment à être retouchée :



Perte de la rivière Kazabazua dans le marbre. Photo 29 juin 2014, photoshopée le 4 juillet 2014. Voir billet précédent (lien plus haut).


Ajout

Idem pour la seconde, tirée elle aussi de mon billet du 2 juillet, qui gagne tout à coup un brin de lisibilité : restes d'une marmite (?) dans la falaise de marbre, après la résurgence de la rivière.





* Maquiller. «Modifier (quelque chose) de façon à tromper, falsifier. Maquiller un testament. Maquiller un scandale politique.» (Antidote Ardoise 2)

mercredi 2 juillet 2014

Kazabazua sous le marbre


Perte de la Kazabazua, route 105, au nord de Gatineau (Québec) ; la rivière s'engouffre dans une galerie naturelle creusée dans le marbre. Photo : visée vers l'est, 29 juin 2014.
«Kazabazua provient du mot algonquin kachibadjiwan de kach, caché et djiwan, courant, d'où la signification cours d'eau souterrain ou rivière qui coule par en dessous. Le toponyme est à l'image de la topographie locale car sur le pont qui enjambe la rivière, il est possible à l'observateur averti de voir le cours d'eau disparaître sous terre.» (Commission de toponymie du Québec.)


Résumé

Phénomène karstique : perte et résurgence de la rivière Kazabazua dans un marbre («pont de pierre»). La Kazabazua est un affluent de la Gatineau.
Localisation et description du site
Village de Kazabazua, route 105, env. 1,5 km au sud de la jonction avec la route 301. Kazabazua est situé à 60 km au nord de Gatineau.
31F/16 ; 45.942499, -76.006031


Pour une fois, je me contente de contribuer à mon blogue par mes seules photos. Le texte qui suit est extrait du CIGG (2003).

«La rivière Kazabazua, qui disparaît sous une couche de marbre, a subjugué l’imaginaire des Amérindiens et continue de nous fasciner. Voir cette eau surgir en torrent continu de l’intérieur de la terre donne une impression de magie. Ce phénomène doit être mis en valeur car il est le cœur et les racines patrimoniales de la municipalité*. [...]

Le socle rocheux de la région de Kazabazua est composé majoritairement de marbre du Supergroupe de Grenville. Ces roches datent du Précambrien et représentent des roches sédimentaires métamorphisées lors de la formation de l’orogène grenvillienne, il y a un milliard d’années.

Au site de la rivière Kazabazua, le marbre est calcitique et contient des cristaux de graphite et de grossulaire. Le marbre a été érodé chimiquement et mécaniquement par l’eau de la rivière pour former le phénomène karstique du pont de pierre. Des inclusions de gneiss dans le marbre illustrent bien les phénomènes d’érosion différentielle**.»

* On attend toujours la mise en valeur.
* Érosion différentielle : voir, par exemple, mes billets sur le marbre de l'île Marguerite, à Gatineau :
12 octobre 2010, «Dissolution à Gatineau»
20 juin 2010, «Rideau pétrifié»
12 juillet 2012, «Déchaussement et herbe à la puce»


Référence

CIGG, Centre d'Interprétation de la géologie du Grenville, Plan de développement intégré : sites et circuits du patrimoine naturel de la région de l'Outaouais, 2003.


Toutes les photos : 29 juin 2014.


La Kazabazua disparait («perte», en langage spéléologique) dans un marbre rubané.

Sortie ou résurgence de la rivière sous un toit de marbre gris, env. 30 m en aval de la perte.


Marbre rubané, toit de la rivière souterraine.


Une ancienne marmite (?) dans la tranchée de marbre qui encaisse la Kazabazua, quelques m en aval de la résurgence.


Boudins de quartzite ou de granite gris dans un marbre rose, en aval de la résurgence.


Cannelures creusées par l'eau sur le toit de marbre au dessus de la rivière souterraine. Visée vers l'amont.


Étalement de la Kazabazua en aval de la résurgence.


Sur le bord de la route 105 : marbre (blanc) à graphite (noir).