mercredi 30 décembre 2020

L'île Hull à Ottawa ?

 

L'île Hull, à Hull (Gatineau), le 7 juillet 2014, en face de l'Île-de-Hull (ne pas confondre !). Le saule n'a pas résisté à la crue historique de 2017 (voir billet du 11 sept. 2019, « Désolation sur l'île Hull ».)
La photo a été prise depuis le belvédère derrière la Cour suprême, à Ottawa. 
Les mouettes manquent à l'appel (lire l'article pour saisir l'allusion.)










L'habitude d'agir avec désinvolture lorsqu'il s'agit de créer ou de manipuler les cartes semble décidément bien implantée. 

Dans un billet publié le 31 mai 2020 (« Frontière Gatineau-Ottawa déplacée ? »), je dénonçais cette manie qu'avaient prise les éditeurs et diffuseurs de cartes (Google et autres) de faire flotter la frontière Québec-Ontario dans la rivière des Outaouais sans égards aux conventions reconnues et acceptées. Il leur arrive de la faire dériver au point que des îles changent de province - toujours à l'avantage de l'Ontario. Leur sens de l'initiative (ou leur sans-gêne) va jusqu'à débaptiser d'autorité des îles qui ont pourtant des toponymes reconnus (voir billet du 6 juin 2020, « Comment Isaac est devenu Kate sans cesser d'être île »). 

Pour tout cette discussion, prière de vous référez aux cartes reproduites plus bas.

On peut ajouter à ces annexions sournoises et à ces changements de noms intempestifs le cas de l'île Hull, île québécoise entre l'Île-de-Hull (ne pas confondre !), à Gatineau, et le promontoire de la Cour suprême, à Ottawa. Anciennement nommée Lone Pine Island (voir billet du 19 avril 2014), elle est depuis longtemps identifié sous le toponyme île Hull sur les cartes topographiques officielles. (Notez que si ce toponyme n'est pas reconnu par la Commission de toponymie du Québec ni inclus dans la base de données toponymiques du Canada, le fait qu'il apparaisse sur les cartes éditées par le gouvernement du Canada lui donne une légitimité certaine.)

Des éditeurs de cartes modernes l'ont renommée Île aux Mouettes - ce qui est descriptif, sans conteste, et tout à fait juste, du moins une partie de l'année, mais néanmoins abusif puisqu'elle a déjà un nom - ; dans certains cas, la frontière est déplacée vers le nord ce qui annexe l'île Hull à l'Ontario. 

Un morceau de Hull dans Ottawa ?... Et combien d'îles dans l'Outaouais pourraient se décrire comme « île aux Mouettes » ?... Presque toutes.

Une certaine légèreté semble décidément présider à l'édition des cartes privées (Google et autres, pour ne pas les nommer), souvent reprises par les autorités publiques. Je pourrais multiplier les démonstrations pour illustrer mon propos. Je me suis limité ici qu'à un nombre restreint d'exemples. 

Lors de la parution de mon billet du 31 mai 2020 (lien plus haut), Luc Villemaire m'a transmis un document rédigé sous la direction de l’arpenteur géomètre Marie Boutin, Intégrité du territoire Québécois. (J'en ai fait mention par un ajout dans le billet.) Selon ce document, la question de la frontière Québec-Ontario entre Hull et Ottawa est bien réglée :

« Le segment [de la frontière Québec-Ontario] de l'Outaouais est une frontière bien délimitée que les provinces n'ont pas mis en doute. En effet, les textes sont clairs, valides et précis (aussi bien les textes de lois que les levés d'arpentages); la limite est '' le milieu du chenal principal de la rivière des Outaouais ''. Il reste cependant que cette limite interprovinciale devrait être démarquée de façon définitive. »

Il reste aussi aux éditeurs de cartes à se mettre au courant de cette « frontière bien délimitée que les provinces n'ont pas mis en doute »... 

Je renonce à contacter Google, l'ayant déjà fait sans obtenir la moindre réponse (voir le billet du 4 mai 2013, intitulé « Courbe immotivée »).


Carte bathymétrique de l'Outaouais (détail) : carte « officielle » s'il en est. L'île Hull, au centre, est bel et bien du côté québécois de la frontière (ligne tiretée noire). 
Service hydrographique du Canada, ministère des Pêches et des Océans, Rivière des Outaouais : Papineauville à Ottawa, Québec-Ontario. Carte marine no 1515, 1/20 000, 1998, corrigée 2005-12-02.


Détail de l'Ottawa Topographic Map (OTM) de l'Université Carleton d'Ottawa, saisie d'écran, juin 2020. Aucun reproche à formuler à l'encontre de ce travail. La frontière Québec-Ontario est correctement reportée. IH (blanc) : île Hull, en partie noyée sous les eaux en crue de la rivière ; elle est bien au Québec.


Détail de la même Ottawa Topographic Map (OTM) de l'Université Carleton d'Ottawa, sans la couche de la photo satellite, saisie d'écran, juin 2020. L'île Hull est débaptisée « Île aux Mouettes » (à droite) et le tracé abusivement rectiligne de la frontière la place en Ontario. Ironiquement, l'île est nommée mais non représentée...
Comme si ce n'était pas assez, tout le secteur des Chaudières passe en Ontario : comparez avec le détail précédant et avec la carte de Google plus bas. (Voir billet du 31 mai 2020, « Frontière Gatineau-Ottawa déplacée ? ».)
La légende de la carte contient ce passage : « CAD and GIS files are available for direct download. Files were originally downloaded in April 2016 from the City of Ottawa Open Data Website. »


Carte provenant de l'application Topo Maps Canada de David Crawshay (détail, saisie d'écran juin 2020.) Frontière Québc-Ontario incorrecte au milieu de la rivière des Outaouais. 
Elle utilise le même fond que la carte de l'OTM, plus haut. Les erreurs se perpétuent et se répandent ainsi...


Carte : 1913. - Version en couleur d'une carte de 1902. Lone Pine Id (détail encadré à droite) : actuelle ile Hull. Qu'importe son nom, l'île est située du côté québécois de la frontière, à Hull. 
Carte photographiée à main levée, distorsions possibles. Twentheth Century Map City of Ottawa and Vicinity. 600 f./inch. A.S. Woodburn, Ottawa, 1913 (détail).


Carte topographique du gouvernement du Canada : 1923-1925. - J'ai identifié l'île Hull par IH en rouge ; toujours en rouge, j'ai souligné des segments de la frontière Québec-Ontario : l'ìle Hull est bien au Québec. 
Carte topographique : 1971. - Hull I(sland), du côté québécois de la frontière.


Carte topographique : 1976. - Île Hull (francisée), du côté québécois de la frontière. Même secteur que la carte de 1971.


Atlas de la Ville de Gatineau, saisie d'écran, juin 2020. La frontière Québec-Ontario passe au sud de l'île Hull (à droite, anonyme sur la carte).


Carte Google (2013). - J'ai corrigé la frontière en rouge (au centre). (Voir le billet du 4 mai 2013, intitulé « Courbe immotivée »). L'île Hull, à droite (sans nom), est au Québec. Google est exact sur ce point...



L'île Hull a longtemps porté le nom de Lone Pine Island. Et pourquoi pas Two Pines Island ? Elle est au milieu de la rivière, à droite. Ottawa (Byrown) avant le Parlement : Edmund Willoughby Sewell (1800-1890), (titre original :) View of Barrack Hill and the Ottawa River at Bytown (Ottawa), ca. 1843-1859, huile sur toile. Bibliothèque et Archives Canada, C-011047, no MIKAN 2837003


Vue de l'Outaouais depuis la Colline du Parlement (vers 1922). - L'île Hull, à droite, plus verte qu'aujourd'hui, mais quand même privée de son (ses) pin(s) solitaire(s). Le pont de la Chaudière, à la droite du centre de la photo.
Anonyme, vers 1922, plaque sèche à la gélatine, MP-0000.25.176, © Musée McCord.


jeudi 24 décembre 2020

Hors sujet : la Babine vue de loin


Les promenades du Lac-des-Fées (à gauche, à l'est) et de la Gatineau (à droite, à l'ouest) encadrant le lac des Fées. Photo prise depuis le sommet de l'amphithéâtre naturel au nord du lac ; visée vers le SE ; le sanatorium Saint-Laurent, à l'horizon, futur hôpital Pierre-Janet. 

La Babine hors vue, à gauche du sanatorium.


J'ai trouvé ce cliché dans un tweet de la Ville de Gatineau. Selon le tweet, il date du 4 mai 1957. Sa provenance n'est pas indiquée. Notez que le tweet inverse l'ordre des promenades.

Voir les autres billets sur la Babine (LIEN).


AJOUT (mars 2022). - La promenade du Lac-des-Fées a été inaugurée en juin 1955 (Claude Devault et Raymonde Devault, « C'était avant, dans le secteur Laramée... », Hier encore, no 13, 2021, p. 6-10) ; voir la Chronologie à la fin du texte.


mercredi 23 décembre 2020

Voeux majeurs




Photo : Noël en Outaouais. 
(On peut rêver.)


Petite annonce

Échangerais année bissextile délirante passée en apnée contre année normale majeure* et vaccinée où l'on pourra respirer un peu.


*Jusqu'à une époque récente on n'était majeur qu'à 21 ans ; ce siècle (ce millénaire ?) sera donc majeur sans conteste à partir du premier janvier 2021.

Bref, je vous souhaite une BONNE ANNÉE 2021 sans Lysol ni isolement, sans masques ni gestes barrières, avec possibilité d'être enfin proches de vos proches !

Pour le moment, comme nous sommes encore en 2020, passez de JOYEUSES FÊTES en attendant l'année nouvelle !

(Non, je ne donne pas de becs.)

Henri

PS1. - Si nous étions en 2020 avant J.C., nous nous apprêterions à commencer l'année 2019. Vieillir à reculons devait avoir un certain charme.

PS2. - Si la journée vous paraît plus longue, ce n'est pas nécessairement parce que nous avons passé le solstice d'hiver, c'est peut-être parce qu'elle est ennuyante, tout simplement.



lundi 21 décembre 2020

Hors sujet : le pont de la Babine (suite)

Photo GeoOttawa.


PHOTO 1965 (détail). 
Le pont de la Babine (à droite) sur le ruisseau du Lac-des-Fées, à Hull, encore neuf (il ne semble même pas avoir ses garde-fous) et une trouée dans le bois (centre de la photo) pour accueillir le futur escalier en bois sur l'escarpement. Aucun chemin ne mène encore au pont qui, lui-même, ne mène nulle part. La croix lumineuse de Val-Tétreau est en bas à gauche, dans l'axe du pont : on voit son ombre sur le sol pointer vers 11 hrs.

Suite des billets du 17 décembre 2020, du 26 octobre 2020. et celui du 27 févr. 2022.


J'ai mis la main sur de nouveaux documents concernant le lieu-dit « la Babine », à Hull. Je ne mets pas tout en ligne, si toutes ces choses me passionnent - elles touchent le quartier de mon enfance -, je doute qu'il en soit de même pour mes lecteurs qui pourraient se lasser de comparer telle carte de telle année avec telle photo d'une telle autre année, toutes deux couvertes d'annotations envahissantes, le tout justifiant une floraison d'hypothèses échevelées de ma part...

Allons à l'essentiel.

Le petit pont de la babine au sud de la promenade du Lac-des-Fées, sous la croix lumineuse de Val-Tétreau, date du printemps de 1965. Voyez les détails de la photo aérienne de cette année tirée de GeoOttawa. J'ai déduit la saison du fait que des rues venaient d'être arrosées pour leur toilette printannière annuelle et du niveaux des eaux de la rivière des Outaouais. 

Le petit pont est tout neuf sur la photo, ce n'est même pas sûr qu'il ait ses garde-fous, mais étant donné la résolution du document, je ne peux être trop affirmatif. Aucun chemin n'y mène encore, l'escalier n'est pas encore construit sur l'escarpement, une allée est cependant dégagée dans le bois pour lui faire place. La croix lumineuse de Val-Tétreau, inaugurée le 25 juin 1950 (voir billet du 26 oct. 2020, lien plus haut), au nord de la rue Boucherville qui longe le rebord de l'escarpement, est bien entendu visible. 

Le pont et l'escalier sont donc venus longtemps après l'achèvement de la promenade dans les années 1950, et plus longtemps encore après la croix lumineuse de Val-Tétreau. (Voir billets précédents sur le même sujet, liens plus haut.) 

La venue relativement tardive du pont et de l'escalier dans le secteur n'a pu qu'être le résultat d'une planification en haut lieu (lire : la Commission de la capitale nationale, propriétaire de la promenade et de l'escarpement). Ils devaient figurer parmi les éléments d'un ensemble, participer à je ne sais quel projet.

Isolés comme ils sont, le pont et l'escalier n'avaient pourtant pas grande utilité. Leur accès (à vélo ou à pied, la promenade n'offrant pas de facilités aux automobilistes à cet endroit) ou par l'étroite rue Boucherville (pas plus accommodantes aux flottes de véhicules motorisés) ne justifient pas pareils investissements. D'autant que l'escalier sera par la suite laissé à l'abandon dans les années 1970 et démoli. On aurait pu le construire plus au sud, là où l'escarpement est moins prononcé (en X ou X' ; voir la carte) ; on aurait ainsi fait l'économie du pont, le ruisseau coulant à cet endroit vers l'est n'étant plus un obstacle. Au plus tard en 1990, le site est revenu pratiquement à son état sur la photo : un pont, pas d'escalier. S'il y a eu une intention, elle a été abandonnée entre 1965 et 1990, ou on l'a oubliée...

La CCN ne se souvenant pas de sa propre histoire (j'ai contacté ses gens, ils en savent moins que moi, c'est dire !), il est inutile d'aller voir de ce côté. Les rapports annuels qu'elle a publiés au cours de années ne parlent pas de la Babine, sauf erreur de ma part.

Le mystère de l'utilité du pont et de l'escalier demeure donc.

AJOUT (mars 2022). - La promenade du Lac-des-Fées a été inaugurée en juin 1955 (Claude Devault et Raymonde Devault, « C'était avant, dans le secteur Laramée... », Hier encore, no 13, 2021, p. 6-10) ; voir la Chronologie à la fin du texte.


Photo GeoOttawa.
PHOTO 1965 (autre détail, plus large). Comparer avec la carte plus bas.
E (blanc) : trouée dans le bois pour le futur escalier en bois ; le Pont de la Babine ; la Croix lumineuse de Val-Tétreau.
1 : escarpement ; 2 : ruisseau du Lac-des-Fées (cours original préservé) ; 3 : terrain inondé : lit original abandonné du ruisseau du Lac-des-Fées (voir Carte) ; 4 : ruisseau du Lac-des-Fées : section artificielle ; PLdF : promenade du Lac-des-Fées. 
L'extrémité nord de la rue Boucherville qui mène à la croix est visible en bas à gauche (en noir, prolongée par un chemin gris non pavé).




CARTE. (Le détail de la photo de 1965 ne couvre que la partie de la carte.)
E (pointillé rouge) : ancien escalier en bois et chemin vers le pont de la Babine (P et repère) ; 
T : croix lumineuse de Val-Tétreau ;
X (pointillé rouge) : piste de ski(?) de la photo aérienne de 1927 dont aucune trace ne subsiste (voir billet précédent) ;
X' (pointillé rouge) : piste pour glissade en usage en 1965 (aujourd'hui abandonnée et obstruée) (voir billet précédent) ;
1 : escarpement ;
2 : ruisseau du Lac-des-Fées (cours original préservé) ;
3 (tireté bleu foncé) : ruisseau du Lac-des-Fées : cours original ;
4 : ruisseau du Lac-des-Fées : section artificielle ;
5 : entrée du ruisseau dans la canalisation souterraine.
CHPJ : centre hospitalier Pierre-Janet ;
PLdF : promenade du Lac-des-Fées (sentier du LdF en pointillé de chaque côté) ;
UQO : Université du Québec en Outaouais (A.-T. : pavillon Alexandre-Taché ; L.-B. : pavillon Lucien-Brault).

PHOTO 1927. 
La photo couvre le même secteur que la carte ci-haut.
P blanc : position du futur pont - loin du ruisseau ! 
C'était avant la déviation du cours d'eau dans les années 1950 suite à la construction de la promenade du Lac-des-Fées. Un sentier (ligne pâle) semble avoir précédé l'escalier. Photothèque nationale de l'air (PNA), photo HA246-76 (détail), 5 mai 1927.
On voit, en pâle, au sud, un chemin qui correspond à la piste X de la carte ci-haut. 


PHOTO 1951. 
P : position du futur pont de 1965 ; HPJ : hôpital Pierre-Janet ; la croix est dans l'ovale blanc : son ombre vers la gauche est bien visible. Attention, la photo n'est pas orientée tout à fait comme les autres clichés. Une piste prolonge la rue Boucherville dans le bois vers le NW en longeant l'escarpement.
Il existait déjà une allée dégagée sur l'escarpement à l'endroit du futur escalier. 
Photothèque nationale de l'air (PNA), cliché A13142-36 [ou 38], 6 et 7 juin 1951, alt. 5300'. (détail). Tirée d'Arkéos inc., Autoroute Laramée/McConnell, Hull. Évaluation de l'intérêt archéologique. Gouv. du Québec, Min. des Transports, Direct. de l'Outaouais, février 2001.


Situation actuelle, avec le ruisseau dévié suite à la construction de la promenade du Lac-des-Fées dans les années 1950 (voir la carte). La position du pont et de la croix est indiquée : l'ombre de la croix se dirige vers le NW. On remarque que Google conserve le souvenir du pont en prolongeant la piste cyclable par une ligne blanche depuis le pont jusqu'au sommet de l'escarpement. Si l'escalier existait encore, le couvert des arbres le cacherait vu du ciel. © Google.

Le pont, vu de la promenade du Lac-des-Fées (au centre, à la jonction des pistes ; la croix se devine au dessus, derrière les arbre. L'escarpement est plus prononcé qu'il n'y paraît. L'escalier détruit reliait le pont au sommet de l'escarpement, sous la croix. À quoi sert le pont en l'absence de l'escalier ? © Google.


jeudi 17 décembre 2020

Hors sujet : bavardages sur la Babine



Le pont de la Babine, mars 2015, promenade du Lac-des-Fées, à Hull (Gatineau), sur une section déviée du ruisseau du Lac-des-Fées.

Voir billets du 26 oct. et du 21 déc. 2020 et du 27 févr. 2022.


En octobre dernier, j'ai consacré un billet à l’ancien escalier de « la Babine » de la promenade du Lac-des-Fées, installés autrefois au nord de la rue Boucherville sous la croix lumineuse de Val-Tétreau, sur le rebord de l'escarpement que longe la promenade du Lac-des-Fées, à Hull (LIEN). Ou encore, pour vous aider à mieux le situer, en face de l'actuel pavillon Lucien-Brault de l'UQO (à l'origine école Saint-Jean-Baptiste). Cet escalier en bois, peint en rouge sombre, aujourd’hui démoli, pouvait s'emprunter dans les années 1960-1970 (et années 1950 ?). Un petit pont enjambait - et enjambe toujours - le ruisseau du Lac-des-Fées au pied de l'escarpement. L’escalier n’existe plus, le petit pont demeure, isolé et sans utilité, plus ou moins bien entretenu par la Commission de la capitale nationale (CCN), propriétaire de la promenade et de l’escarpement.

J'ai essayé de reconstituer l'histoire de la Babine, sans parvenir à rien d'autre qu'à rassembler un bouquet d'approximations enrichi d'une floraison d’hypothèses. La CCN, que j’ai consultée, n’a pu me fournir aucun renseignement utile. J’ai donc mené mes recherches entièrement par mes propres moyens. 

AJOUT. - Le billet du 21 déc. 2020 établit que le pont de la Babine date du printemps 1965 (et sans doute l'escalier aussi). 
AJOUT (mars 2022). - La promenade du Lac-des-Fées a été inaugurée en juin 1955 (Claude Devault et Raymonde Devault, « C'était avant, dans le secteur Laramée... », Hier encore, no 13, 2021, p. 6-10) ; voir la Chronologie à la fin du texte.

Nous avons affaire à une Babine peu bavarde, décidément !

Heureusement, des lecteurs du billet n’ont pas manqué de me communiquer des témoignages qui m’ont permis de palier en partie aux lacunes de la Commission. J’ai notamment appris que la Babine était plus étendue que je ne le croyais et on m'a donné l'explication de ce nom inusité. Je me demande si ce toponyme informel est encore en usage dans le quartier. (Voir les Commentaires à la suite du billet original.)

Je présente ici le résumé de leurs témoignages. Le but de tout ce remue-ménage est de répondre à la triple question : quand ?, par qui ? et pourquoi ? le pont et l’escalier ont-ils été construits ?

Sauts en ski sur l’escarpement

(Consulter la photo de 1927 et la carte plus bas pour une meilleure compréhension de tout ce qui suit.)

Dans un commentaire à mon billet d’octobre, un lecteur anonyme relate que son père, né en 1926, racontait que des compétitions de sauts à ski se tenaient autrefois à la Babine, sur le flanc de l'escarpement, à partir de la rue Boucherville. Mon commentateur se demande si l'escalier n'aurait pas servi aux sauteurs à ski pour remonter l'escarpement.

Gilles Lacasse, né dans les années 1940 « sous l’escarpement » (quartier Saint-Jean-Bosco), confirme la présence d'une pente de ski à la Babine durant son enfance, mais au sud du futur escalier (lequel n’existait pas encore, non plus que le pont), près de l’intersection de la rue Boucherville avec le boulevard Taché, à l’endroit où l'escarpement s'abaisse et où la pente est moins prononcée. Il s’agissait, selon Gilles, d’activités libres, sans encadrement, et il ne se souvient pas d'y avoir vu de compétitions. Mais peut-être n’avaient-elles plus lieu durant son enfance. Gilles m’a raconté encore que lui et ses amis avaient l’habitude de traverser le ruisseau en sautant de pierre en pierre. Ils escaladaient l'escarpement sous les arbres en passant à droite du futur escalier, par un sentier qui montait obliquement pour se confondre à un chemin qui prolongeait la rue Boucherville dans le bois et à travers champs, vers la future promenade de la Gatineau. Ce chemin, dans le prolongement de la rue Boucherville, que j’empruntais souvent quand j’étais jeune, subsiste encore.

À la réflexion, il m’apparaît qu’installer une pente de ski à l’endroit du futur escalier aurait présenté un double inconvénient. La pente était trop abrupte et les skieurs auraient vu leur élan se terminer dans le ruisseau qui coulait au pied de l'escarpement. Plus au sud, le ruisseau s'éloignait dans la plaine, vers l'est, au-delà de la rue Scott, ce qui laissait une ample marge de sécurité.

Bref, la piste de ski se trouvait au sud de l’escalier ; ensuite, cet escalier n’existait tout simplement pas – empêchement irrémédiable à son utilisation par les skieurs et les glisseurs ou par quiconque !

Je me demande si cette piste de ski n'était pas celle où nous allions glisser en 1965-1970. J'ai encore pu l'emprunter cet automne, malgré son état d’abandon et les troncs d’arbres jetés en travers pour décourager les promeneurs. Elle est située sur la rue Boucherville, à 80 m au nord du boulevard Taché et se prolonge par un sentier jusqu'à la piste cyclable derrière les maisons de la rue Scott.

La construction de la promenade, après 1952 (env. 1953-1957, voir Chronologie, plus bas), semble avoir mis fin à l’activité des skieurs (supposition personnelle). La glissade, qui ne nécessite aucune installation, apu continuer. La CCN (Commission du District fédéral (CDF) jusqu'en 1959) n’a peut-être pas vue d’un bon œil les skieurs fréquenter l'endroit. Peut-être a-t-elle préféré amener les skieurs à la station du lac des Fées, plus au nord ? (Je lance cette autre hypothèse à tout hasard, la CCN ne se souvenant apparemment pas de sa propre histoire.)

Une section du ruisseau du Lac-des-Fées a été déviée suite aux travaux de la promenade. Le petit pont a d’ailleurs été construit sur la section artificielle du ruisseau. Il n’a donc pas pu précéder les travaux de la promenade. Et comme le pont ne sert à rien sans l’escalier, ce dernier ne peut lui non plus être plus ancien que la promenade. Tout ce que je puis affirmer sur leur âge, c’est que je les ai vus pour la première fois en 1965. En 1990, l’escalier, abandonné aux vandales qui le démolissaient planche par planche depuis les années 1970, n’existait plus. Reste le petit pont qui demeure. Il conduit au pied d’un escarpement boisé difficilement praticable, à moins d'emprunter le sentier en diagonale sur lequel passaient Gilles et ses amis autrefois.

Aujourd'hui, sauf les vestiges de la piste de glissades, rien ne subsiste d'une quelconque piste de ski. L'escarpement est demeuré boisé comme je l’ai toujours connu, comme il l’était du temps du jeune Gilles Lacasse et comme il l’était déjà en 1927 (voir photo). (L'escalier et la piste de glisse ne coupaient pas vraiment la continuié du boisé.) Je me demande si les souvenirs de sauts à ski à la Babine ne se rapportent pas en réalité aux compétitions qui se se tenaient à la station du lac des Fées, deux km au nord de la Babine ? Cette hypothèse expliquerait l'absence de vestiges conséquents de la piste sur l'escarpement.

Origine du nom

Selon l'ancien conseiller municipal Yvon Grégoire qui allait y glisser en hiver (fin années 1940 et années 1950), la « côte de la Babine » (la piste de ski) reliait la rue Boucherville à la rue Scott, près du boulevard Taché. Elle avait la particularité de se terminer par une élévation qui ressemblait à une « babine » (lèvre inférieure), d'où son nom. Elle servait aussi de pente de ski. (Source : Raymond Ouimet, 2020, comm. pers.) Ça ressemble à la piste de glissade de ma jeunesse que j'ai décrite plus haut, l'élévation en forme de babine en moins, dont je n'ai, pour ma part, aucun souvenir. 

Deux Babines

Il y aurait donc eu deux Babines, distinctes dans le temps et dans l’espace : celle de la pente de ski (et de glissade), au sud de la rue Boucherville, et celle de l’escalier, au nord de la rue. Le toponyme officieux la Babine devait avoir une extension assez vague.

Et pour ce qui en est des questions quand ?, par qui ? et pourquoi ?, nous demeurons dans un vague tout aussi flou - ou l'inverse.

Chronologie

  • Années 1920?-1940, débuts années 1950. – Ski(?) et glissade sur la « côte de la Babine », au sud de la rue Boucherville, près du boul. Taché (témoignages plus haut ; voir la photo aérienne).
  • 1937. – Ouverture du sanatorium Saint-Laurent au nord de la rue Boucherville (réf. billet d’oct. 2020).
  • 25 juin 1950. – Inauguration de la croix lumineuse de Val-Tétreau à l'extrémité nord de la rue Boucherville, au parc Colombia, près du sanatorium Saint-Laurent. L’escalier et le pont n’existent pas encore, non plus la promenade du Lac-des-Fées. (Réf. billet d’oct. 2020.)
  • 1954-1955. - Construction de la promenade du Lac-des-Fées par la CDF (future CCN). La promenade est ouverte à la circulation le 17 juin 1955 (sources : Claude Devault et Raymonde Devault, « C'était avant, dans le secteur Laramée... », Hier encore, no 13, 2021, p. 6-10 ; Claude Devault, comm. pers., mars 2022. Les Devault ont obtenu ces dates de la CCN.) Déviation d'une section du ruisseau ; canalisation souterraine du ruisseau en aval de la rue Scott effective au moins en 1960 (réf. billet d’oct. 2020). Une photo datée du 4 mai 1957 montre la promenade achevée ; voir billet du 24 déc. 2020
  • 1962. – Ouverture de l'école secondaire Saint-Jean-Baptiste (aujourd’hui pavillon Lucien-Brault de l’UQO), face à l’escalier et au pont (s’ils existaient en cette année) (réf. billet d’oct. 2020).
  • AJOUT, 21 déc. 2020. - La date de construction du pont est donnée : printemps 1965. – Le pont est construit sur le tronçon artificiel du ruisseau ; une trouée dans les bois est prête à accueillir l'escalier (voir billet du 21 déc. 2020).
  • 1962-1963. - « Un trottoir d'asphalte a été construit du côté est de la promenade du lac des Fées entre l'avenue Duquesne et la rue Brodeur. » Commission de la capitale nationale, Soixante-troisième Rapport annuel - 1962-1963 - Première partie (p. 15). Le pont de la Babine a-t-il pu exister avant la piste asphaltée (piste cyclable du Sentier du Lac-des-Fées actuel) ?
  • Automne 1965. – Mon arrivée à Val-Tétreau. Mes premières visites à ce qui était « la Babine » pour nous : l'escalier sur l'escarpement, entre la croix (au sommet, rue Boucherville) et le pont (en bas, sur la promenade) (souvenirs personnels). Le pont enjambe la section déviée du ruisseau (voir carte). Une piste de glissades se trouvait plus au sud de la rue Boucherville, env. 80 m au nord du boulevard Taché. Sauf ces éléments, tout l'escarpement était boisé, comme il l’est encore aujourd’hui. Il y avait donc deux Babines : la pente de ski/glissade au sud de la rue Boucherville et l’escalier et le pont au nord de la rue.
  • 1967. – Le sanatorium Saint-Laurent devient l'hôpital Pierre-Janet (réf. billet d’oct. 2020.) En automne (?) : affaire des Petits Bonshommes Verts à la Babine (souvenirs personnels, corroborés par ceux de Gilles Lacasse).
  • Années 1970. – L’escalier est la proie de vandales qui le démolissent planche par planche. On cesse de le réparer à une date indéterminée. Je quitte le quartier et perds contact avec le pont. Mes souvenirs du site deviennent flous. (Souvenirs personnels.)
  • 1971-1988. – L'école secondaire Saint-Jean-Baptiste devient l'école secondaire de la Promenade (un temps école D'Arcy McGee, années indéterminées) (réf. billet d’oct. 2020).
  • 1989-1990. – L'école secondaire de la Promenade devient le pavillon Lucien-Brault de l'UQH ; maintenant UQO (réf. billet d’oct. 2020).
  • Vers 1990. – L’escalier n'existe plus (souvenirs personnels). Il n’en reste aujourd’hui que les piliers en béton. Le pont ne sert plus à rien.




PHOTO AÉRIENNE, 1927. - Même secteur que la carte (plus bas). Photo prise avant la construction de la promenade du Lac-des-Fées et la déviation d'une partie du ruisseau qu'elle a entraînée. Photothèque nationale de l'air (PNA), photo HA246-76 (détail), 5 mai 1927. 

E (pointillé blanc) : futur escalier en bois ; P (point blanc) : futur pont de la Babine et T : future croix lumineuse de Val-Tétreau (1950) : ces éléments n'existaient pas à l'époque.
X : piste de ski(?) et son prolongement vers la rue Châtelain (aujourd'hui rue René-Roger) ;
X' (pointillé blanc) : piste de glissade sur l'escarpement, date inconnue, en usage en 1965, etc. (aujourd'hui abandonnée et obstruée) ; 
B : rue Boucherville ; BT : boul. Taché ; C : rue Châtelain (aujourd'hui rue René-Roger) ; S : rue Scott ; St-J : boul. Saint-Joseph ; St-JB : rue Saint-Jean-Bosco.




CARTE. 
E (pointillé rouge) : ancien escalier en bois et chemin vers le pont de la Babine (P et repère) ; 
T : croix lumineuse de Val-Tétreau ;
X (pointillé rouge) : piste de ski(?) de la photo aérienne de 1927 dont aucune trace ne subsiste ;
X' (pointillé rouge) : piste pour glissade en usage en 1965 (aujourd'hui abandonnée et obstruée) ;
1 : escarpement ;
2 : ruisseau du Lac-des-Fées (cours original préservé) ;
3 (tireté bleu foncé) : ruisseau du Lac-des-Fées : cours original ;
4 : ruisseau du Lac-des-Fées : section artificielle ;
5 : entrée du ruisseau dans la canalisation souterraine.
CHPJ : centre hospitalier Pierre-Janet ;
PLdF : promenade du Lac-des-Fées (sentier du LdF en pointillé gris de chaque côté) ;
UQO : Université du Québec en Outaouais (A.-T. : pavillon Alexandre-Taché ; L.-B. : pavillon Lucien-Brault).

mardi 10 novembre 2020

Anciennes carrières à Hull et mystères résolus




Figure 1. - Rive nord de l'Outaouais à Gatineau, depuis les îles du parc Brébeuf (à gauche) jusqu'à la baie Squaw (à droite). Voir autres figures pour détails. Photo © Bing 2020.


La carte de McGrath (1885 ; voir « Source », plus bas) que je viens de découvrir à BAnQ (fig. 4 et 5) contient une mine d'informations sur l'histoire de la ville de Hull (aujourd'hui Gatineau, Qc). Pour l'instant, contentons-nous de trois heureuses pépites : deux mystères résolus plus une surprise.

Allons-y dans le sens du courant de la rivière des Outaouais, de l'ouest vers l'est.

Premier mystère résolu (fig. 2 et 4). - Le petit chenal près de la rive du parc Brébeuf, à Val-Tétreau, entre la rive et une plate-forme rocheuse, n'a jamais cessé de m'intriguer. Je lui cherchais des causes naturelles (érosion) sans trop de conviction. Rien ne justifiait sa présence dans le paysage, il coupe à travers les diaclases du socle rocheux. Interrogations désormais sans objet : il s'agit du chenal artificiel d'un glissoir (slide) pour le passage des billes ou des cages de bois. 

De l'entrée à la sortie du glissoir, le chenal mesure environ 12 m x 360 m. Dans l'état actuel, il serait inutilisable. Selon la carte, il aurait appartenu à la E.B. Eddy, mais ce n'est pas clair

Comme ce « glissoir » a deux entrées, je suppose qu’il servait à réunir les billes flottantes ; davantage un chenal qu’un glissoir comme tel ? Quand même bizarre que personne ne se souvienne de ce glissoir... 

(Diane Aldred (1994, p. 87) affirme que la construction d'un batardeau devant les chutes des Chaudières en 1868 aurait réduit la puissance des rapides en amont par la hausse du niveau des eaux de la rivière. Est-ce que la réduction de la puissance des rapides aura diminué la nécessité de ce glissoir ? Hypothèse que je lance comme ça... Ce qui est étrange, c'est qu'aucune autre carte ne montre ce glissoir.)

La surprise (fig. 2 et 4). - Le chenal longeait une carrière dont je n'avais jamais entendue parler. Aucune source ne la signalait. Je l'ai ajouté à ma carte des carrières de la ville de Hull (voir mon billet du 9 sept. 2015, « Calcaires hullois : des cartes et des lacunes »).

Le second mystère à présent (fig. 3 et 5). - Depuis longtemps je cherchais à situer précisément une carrière abandonnée que les textes situaient sans en donner d'autres indications près de la baie Squaw, au sud de l'UQO. Sur les cartes des anciennes carrières que j'avais élaborées, je l'avais placé un peu trop au nord, tout en notant dans le texte que cette position était approximative. (Carrière U9 sur ma carte du billet du 9 sept. 2015, lien plus haut.)

Voici ce flou supprimé par ce « QUARRY » sur la carte de McGrath (fig. 5), près de l'endroit où l'on trouve une dépression anguleuse inondée. J'avais pourtant bien supposé que cette dépression avait à voir avec la carrière, mais j'avais préféré me fier aux indications imprécises des sources. Voilà à la fois une bonne leçon (je devrais davantage me fier à mon jugement) et une heureuse conclusion. Affaire classée. (J'ai modifié ma carte des carrières de la ville de Hull en conséquence.)

La carte de McGrath contient une foultitude d'informations surprenantes de ce genre. Je n'ai pas épuisé ses ressources. J'y reviendrai.

Depuis mon enfance ce coin de Hull m'intriguait. J'essayais de justifier la présence du chenal et de l'île par des phénomènes naturels, sans y parvenir. Je suis heureux d'avoir enfin la solution de ce problème qui me turlupine depuis des lustres.


Sources

  • Diane Aldred, Le Chemin d'Aylmer : une histoire illustrée / The Aylmer Road: An Illustrated History. L'Association du patrimoine d'Aylmer, Aylmer, Heritage Association, photographies par Alan Aldred, traduit de l'anglais par Claude Leahey et Rodrigue Gilbert, 1994, 256 p. ISBN 0929114124
  • Bolton McGrath, Plan of the northern shore of the Ottawa river from the western boundary of the city of Hull to the Gatineau river. 1885, BAnQ : https://numerique.banq.qc.ca:443/patrimoine/details/52327/3474338



Figure 2. - Rivière des Outaouais près du parc Brébeuf, à Gatineau. La plate-forme calcaire (à gauche, en gris) qui m'avait toujours intriguée est une ancienne carrière ; le chenal, pour l'existence duquel je n'avais jamais réussi à trouver une explication naturelle, est artificiel (voir figure 4). Le second chenal entre l'île au centre et la plate-forme à gauche est un chenal secondaire (voir encore la fig. 4). Photo © Bing, 2020.
La première version du billet ne contenait pas la bonne photo.




Figure 3a. - La baie Squaw, au sud de l'UQO à Gatineau, un peu à l'est du parc Brébeuf, avec l'île Yvette-Naubert à son entrée (voir fig. 1). La petite dépression carrée au centre de la photo, rive nord de la baie, correspond à une ancienne carrière de pierre calcaire, sans doute la carrière U9 de mon billet du 9 sept. 2015, (lien dans le texte). (Voir la QUARRY de la fig. 5.) Photo © Bing 2020.




Figure 3b. - La carrière semble accessible par le bois via la piste cyclable. Photo © Google 2020.




Figure 4. - Carte de McGrath (1885 ; détail). ATTENTION, LE NORD EST EN BAS ! L'EXCAVATED CHANNEL (à droite) correspond au chenal (visible sur la fig. 2) d'un glissoir (SLIDE). Un chenal secondaire a été créé entre la petite île au centre et la plus grande à droite. La QUARRY, à l'extrême droite, m'était inconnue : elle peut expliquer la plate forme rocheuse à cet endroit. 

Texte sur la carte : OLD DAM, SLIDE, ISLAND, ISLAND COVERED AT HIGH WATER, EXCAVATED CHANNEL, QUARRY.




Figure 5. - Carte de McGrath (1885 ; détail). ATTENTION, LE NORD EST EN BAS ! La baie Squaw (nom actuel), et une QUARRY sur sa rive nord qui correspond sans doute à la carrière U9 de la carte de mon billet du billet du 9 sept. 2015, « Calcaires hullois : des cartes et des lacunes » (lien dans le texte). La carte de McGrath me permet de la situer enfin avec précision. L'île Yvette-Naubert (nom actuel) à l'entrée de la baie. 


Photos suivantes (sept. 2019) : panorama de la plate-forme et du chenal, de l'ouest vers l'est, en suivant le sens du courant.




Le chenal et la plate-forme de l'ancienne carrière.




Le chenal. Vue vers le sud, vers Ottawa.




Même chose, plus à l'est. Les diaclases, visible sous l'eau, n'ont aucune commune orientation avec le chenal, ce qui exclut une origine naturelle (érosion par élargissement de diaclases).




Vue sur la petite île.




Le tracé du chenal est bien visible ; tout est calme mais les rapides entre l'île et le rivage sont normalement très impétueux.


AJOUT. - 25 juin 2021 


La carrière de calcaire de la baie Squaw ; il n'y en a plus que pour le bonheur des grenouilles et des quenouilles. (Nov. 2020.)
La carrière de la baie Squaw avec la rivière des Outaouais
à l'arrière-plan. (Nov. 2020.)



Strates de calcaire, rebord nord-est de la carrière
de la baie Squaw. (Nov. 2020.)




lundi 26 octobre 2020

Hors sujet : « la Babine » lance un appel à tous (Ajouts)



Ce texte a une suite : voir le billet du 17 déc. 2020.

Voir aussi le billet du 21 déc. 2020...

... et celui du 27 février 2022.


Le pont de « la Babine », promenade du Lac-des-Fées, à Gatineau. Il ne paie pas de mine, mais je l'ai connu en plus mauvais état. À une époque, le garde-fou à droite (côté sud) avait été arraché. La réparation est visible sur place. Photo oct. 2020.

NOTES. - Des détails sur l'usage et l'origine du nom « la Babine » sont dans les Commentaires, à la fin du billet ainsi que dans le billet du 17 déc. 2020 (lien plus haut).

Des renseignements obtenus après la mise en ligne de ce billet m'ont obligé à des ajouts et des corrections qui nuisent un peu à la lisibilité du texte. Une synthèse viendra mettre un peu d'ordre et de continuité dans tout ça.



Le pont de la Babine

Il est discret, il s'efface du paysage à mesure que les arbres qui l’environnent croissent et que la végétation se resserre autour de lui : le petit pont de pierre au-dessus du ruisseau du Lac-des-Fées, à Gatineau, au sud de la promenade du même nom, à la hauteur du pavillon Lucien-Brault de l’UQO.

Ce pont, c’est le « pont de la Babine ». Quand j’étais enfant et ado (années 60 et 70), j’habitais tout près et le site était en effet connu sous le nom de « la Babine ». J’ignore si ce toponyme officieux s’est maintenu dans l'usage.

Mais pourquoi un pont à cet endroit du sentier du Lac-des-Fées sur la promenade ? La personne qui, venant du sentier de la promenade, emprunte le pont se bute aussitôt franchi son arche unique, à un escarpement boisé haut de 25 m (voir cartes 1 et 2). Là, un abrupt sentier l'invite, s'il craint les escalades, à rebrousser chemin. 

Autant dire que le pont conduit à un cul-de-sac.

Ce pont qui ne conduit nulle part n’a pas de nom officiel (à ce que je sache) et n’a pas d’histoire non plus. Quand a-t-il été construit ? Et pourquoi ? A-t-il déjà eu une utilité ? Aujourd’hui, il paraît à l’abandon, la piste goudronnée du sentier récréatif qui y mène est bosselée et semée de nids de poule, la végétation envahit ses abords. Questionnée à son sujet, la Commission de la capitale nationale (CCN), de qui dépend la promenade, renvoie les curieux à la ville de Gatineau, propriétaire du pont, selon elle*.
*Selon une personne travaillant à la Ville de Gatineau qui a questionné la CCN au sujet du pont. 

Petit pont mal aimé dont personne ne veut !




La croix lumineuse (la nuit, du moins) de Val-Tétreau, au sommet de l'escarpement, rue Boucherville. Photo oct. 2020.

L’escalier et la croix

Mais le pont de la Babine n'est pas seul ouvrage du secteur. Autrefois, au lieu du sentier, se trouvait un escalier en bois, couleur sang de bœuf. Il faisait la jonction entre le pont et le sommet de l’escarpement où s'élève la grande croix lumineuse de Val-Tétreau, à l'extrémité nord de la rue Boucherville. (Voir Réseau patrimoine.)

Sans le pont, le ruisseau rendait l’escalier inaccessible ; sans l’escalier, le pont n’a plus aucune véritable utilité. La croix justifie-t-elle l'existence de l'escalier ? Point important pour ce qui suit, l'accès au pont et à l'escalier a toujours été limité aux piétons et aux cyclistes, via le sentier récréatif de la promenade.


1950 : année à marquer d’une croix

Le pont et l’escalier semblent bien avoir été conçus exprès pour conduire à la croix lumineuse. Érigée sous l’initiative de la Société Saint-Jean-Baptiste de Hull et du Nord de l’Outaouais, elle a été inaugurée le 25 juin 1950 à l’occasion des célébrations du 75e anniversaire de l’incorporation de la municipalité de Hull et du 150e anniversaire de la fondation de Hull. (Hull est maintenant partie de Gatineau.) Une procession de 12 000 personnes, présidée par l’archevêque d’Ottawa, Mgr Alexandre Vachon, s’était dirigée, partant de cette ville, vers le parc Columbia, près du sanatorium Saint-Laurent*. Primitivement haute de 9,4 m, la croix a été surélevée à 23,9 m en 1995 (Réseau Patrimoine, lien plus haut), soit la hauteur de l'escarpement sous elle.
*Ouvert en 1937 ; hôpital Pierre-Janet depuis1967.



Seuil et piliers de l'ancien escalier depuis le
haut de l'escarpement : le petit pont se trouve tout
en bas (hors cadre). C'est à-pic ! Photo oct. 2020.

La personne à l’origine de l’érection de la croix, le constable Oscar Duquette, est aussi un des concepteurs de la promenade du Lac-des-Fées. « En 1938, il lança le projet de la promenade du Lac-des-Fées en proposant l’aménagement d’un boulevard national à Hull. [...] Une partie importante du tracé proposé à l’époque par Oscar Duquette correspond à l’actuelle promenade du Lac-des-Fées. Aménagée durant les années 1950 par la [Commission du district fédéral, ancêtre de la] Commission de la capitale nationale, cette voie de communication fait partie des 38 km de promenades panoramiques qui sillonnent le parc de la Gatineau*. » (Wikipédia
*En 2008, le pont d'étagement du boulevard des Allumetières qui traverse la promenade et le ruisseau du Lac-des-Fées, 800 m au nord du pont de la Babine, a été baptisé viaduc Oscar-Duquette. (Wikipédia, lien plus haut)

La promenade

La promenade, la croix et, sans doute, les aménagements secondaires comme le pont et l’escalier, faisaient donc partie du même projet d’embellissement de la ville dans l'esprit de leur concepteur, M. Duquette. Mais la promenade du Lac-des-Fées, on vient de le voir, n'a été construite par la CCN (Commission du District fédéral, ou CDF, à l’époque) que « dans les années 1950 » - et non en ou pour 1950 ! Je ne peux être plus précis pour l'instant, cependant, une carte topographique publiée en 1958, mais réalisée d'après des photos aériennes prises en 1955, montre la promenade achevée. (Voir la « Mise au point » et l'« Ajout », plus bas : la promenade date d'après 1952.) 
AJOUT. - Le billet du 21 déc. 2020 établit que le pont de la Babine date du printemps 1965 (et sans doute l'escalier aussi). 
AJOUT (mars 2022). - La promenade du Lac-des-Fées a été inaugurée en juin 1955 (Claude Devault et Raymonde Devault, « C'était avant, dans le secteur Laramée... », Hier encore, no 13, 2021, p. 6-10).

Le lien du pont et de l’escalier, tous deux sur le terrain de la promenade, avec la croix et la journée du 25 juin 1950 devient problématique. 

Déviation

En comparant des cartes et des photos d’avant et après la construction de la promenade, j’ai constaté que le pont de la Babine enjambe une section artificielle du ruisseau. Le cours d’eau a été dévié à partir d'un point immédiatement en amont du pont (voir les cartes 1 et 2). Si on lui avait conservé ses méandres originaux, le ruisseau croiserait la promenade et coulerait de l'autre côté de la chaussée à partir de ce point. La section artificielle disparaît à la vue dans une canalisation moins de 200 au sud du pont. (Le ruisseau termine sa course souterraine en se jetant dans le ruisseau de la Brasserie*.) Les eaux s'accumulent volontiers dans un bas terrain qui correspond à l'ancien ruisseau, entre la promenade (côté est) et le parking de l'UQO**.
*Selon des cartes topographiques, le ruisseau dévié coulait à l’air libre jusqu’à la voie ferrée à l’E du manège militaire (actuel trajet du Rapibus) en 1955 (carte topo de 1958 réalisée d'après des photos aériennes prises en 1955) ; la situation actuelle prévalait sur la carte topo de 1963 (réalisée d'après des photos aériennes prises en 1960). Un habitant du secteur m’a raconté que l’enfouissement du ruisseau avait été réclamée par la population suite à la noyade d’un enfant.
** Avons-nous oublié de préciser ce point ? Le lac des Fées est à 1,5 km au nord du pont de la Babine.

La promenade n'offrait aucune facilité à ceux qui, venant en automobile, auraient voulu accéder au sommet de l'escarpement par l’escalier - et n'en offre toujours pas. Ce dernier et le pont ne sont accessibles qu’à pied ou à vélo, uniquement à partir de la promenade. Les 12 000 processionnaires de juin 1950 ne sont sûrement pas passés par l’escalier, à supposé qu’il ait existé à ce moment. L’accès à la croix était plus facile par la rue Boucherville (voir les cartes 1 et 2)


Terrain humide du côté est de la promenade du Lac-des-Fées, derrière le parking du pavillon Lucien-Brault de l'UQO. Cette zone correspond sans doute à l'ancien trajet du ruisseau du Lac-des-Fées. À l'avant-plan, la piste cyclable. Photo oct. 2020.

SOS

Bref, si la promenade a été construite « dans les années 1950 », il est illusoire d'envisager que la promenade elle-même, la déviation du ruisseau, préalable à la construction du pont et de l'escalier, aient été achevées à temps pour le 25 juin 1950, jour de l'inauguration de la croix de Val-Tétreau.

MISE AU POINT (mars 2022)

Fin 1952, aucun travail n'avait encore été commencé sur le terrain en vue construction de la promenade à en juger d'après l'Insurance plan of the city of Hull, Que., daté de novembre de cette année. Ceci est confirmé en outre par une photo aérienne datant de 1951. Une autre photo aérienne prise en 1927 montre qu'un sentier aurait préexisté à l'escalier de la Babine, avant même la construction du pont et la déviation du ruisseau. AJOUT (mars 2022). - La promenade du Lac-des-Fées a été inaugurée en juin 1955 (Claude Devault et Raymonde Devault, « C'était avant, dans le secteur Laramée... », Hier encore, no 13, 2021, p. 6-10). 

En l’absence de données plus précises, j’ai tendance à croire que la réalisation du projet du constable Duquette s’est faite en deux épisodes décalés et indépendants ; l’érection de la croix en 1950 (sur un terrain municipal), la construction de la promenade et de ses équipements et la déviation du ruisseau « dans les années 1950 » (sur des terrains de la CDF/CCN). Deux juridictions : comment se sont-elles entendues pour coordonner les travaux ?

L'Atlas de la Ville de Gatineau nous assure que la croix est sur un terrain municipal tandis que le pont et l'escalier (et toute la promenade et tout l'escarpement jusqu'à son sommet) appartiennent à la CCN. Je ne comprends pas pourquoi la Ville et la CCN se disputent à qui n'est pas le propriétaire du pont. Qui réparait l'escalier à l'époque, dans les années 1970, où les vandales en démontaient régulièrement des morceaux (voir plus bas) ? Qui a réparé le garde-fou arraché du pont (voir première photo) ? La Ville ou la CCN ?

Tant que la Covid m’empêchera d’aller consulter la collection de photos aériennes de la Photothèque nationale de l'air (PNA), je n’en saurai pas plus sur la chronologie de tous ces travaux, à moins qu’un lecteur plus savant que moi veuille bien me communiquer ce qu'il sait. 
Je n'ai pas réussi à trouver la date exacte des travaux de la promenade. Et si quelqu'un pouvait m'éclairer sur les autres aspects de l'affaire, je lui en serais extrêmement reconnaissant ! (C’est un SOS, un appel à tous.)



La croix originale (le jour de son inauguration, le 25 juin 1950 ?) Photo Pierre-Louis Lapointe (Réseau Patrimoine, lien plus haut.)

Utilité

Si l'escalier et le pont ont été construit trop tard pour l'inauguration de la croix ; s’ils sont dépourvus des facilités nécessaires à accommoder même un petit groupe de gens (pas de parking, obligation de monter à pied un long escalier), à qui, à quoi servaient-ils ?

Sauf la croix, que personne ne visite de toute façon (exception faite du jour de l'inauguration), il n'y a rien à voir en haut de l'escalier...

Servait-il à permettre aux Val-Tétrois de se rendre à l'école secondaire Saint-Jean-Baptiste* inaugurée en 1962 (aujourd’hui pavillon Lucien-Brault de l’UQO), en face de la Babine, de l'autre côté de la promenade ? Mais encourager les élèves à longer le boisé de l'escarpement, rue Boucherville, et à se diriger à son extrémité isolée pour prendre l'escalier n’est peut-être pas de la meilleure inspiration. Une fois passé le pont, il leur aurait fallu traverser la promenade, loin de toute traverse pour piétons**. Le chemin le plus pratique passait par le boul. Taché et la rue Scott.

*Successivement devenue ensuite la polyvalente de la Promenade, la D’Arcy McGee High School, le pavillon Lucien-Brault de l’UQAH puis de l’UQO.
**C’est ce que j’ai longtemps pendant plusieurs années, même lorsque les vandales s'ingéniaient à rendre le pont de moins en moins praticable (voir plus bas), mais j’habitais proche de l’escalier et c’était pour moi la voie la plus directe pour me rendre à l’école Saint-Patrice, sur la rue Laramée.

Peut-être servait-il aux patients du sanatorium Saint-Laurent ?

Bref, la croix est venue trop tôt, ou la promenade trop tard ; l’accès limité à la Babine ne justifie pas la construction du pont et de l’escalier à cet endroit ; l’escalier ne servait à rien puisqu’on l’a laissé se détériorer et qu’on ne l’a pas remplacé après sa démolition (voir plus bas dans « Souvenirs personnels »), laquelle a rendu le pont inutile. Et trop de juridictions sont assurément ou potentiellement en cause : la Ville, la CCN, la Commission scolaire (?) et le sanatorium Saint-Laurent (?), sans compter la croix (?)...

Je réitère mon SOS ! 


Les abords du pont de la Babine depuis la piste récréative de la promenade du Lac-des-Fées. Photo oct. 2020. 

Souvenirs personnels

Mes plus vieux souvenirs de l'escalier et du pont datent de 1965, année où nous avons aménagé à Val-Tétreau. Après 1970, l'escalier a commencé à souffrir de vandalisme et des planches étaient régulièrement arrachées des marches ou du garde-fou. La CCN (ou la Ville ?), au début, réparait les dégâts, puis a renoncé. Quand j'allais à l'école Saint-Patrice, rue Laramée (1974-1976), l’escalier était à l’abandon et il fallait composer avec l'absence de sections entières. Pour la suite, mes souvenirs deviennent moins précis. Il me semble que l'escalier était détruit ou quasiment en 1990-1992. Aujourd’hui, il n’en reste que les piliers de béton. (Curieusement, Google conserve le souvenir de son existence (voir carte 1). Dans quelle base de données a-t-il puisé ce renseignement ?)

Le fait qu'on ne l'ait jamais remplacé plaide pour le peu de nécessité de l'escalier ; ce qui ne fait que renforcer le mystère de sa construction... Depuis sa démolition, le pont est orphelin et sans vocation.

Il me souvient qu'à une certaine époque (ma mémoire n'est pas très précise), un des garde-fous du pont avait été descellé et avait été laissé gisant sur le tablier. Les dégâts ont été réparé (par qui ? ; voir photo de 2015).

Même s'il ne sert plus à grand chose, il suffirait d'un peu d'entretien, d'un brin de toilette pour redonner au pont de la « la Babine » un peu de son lustre d'autrefois.  

Un pont qui ne mène nulle part, ça ferait un bon argument promotionnel pour attirer les visiteurs, ce petit pont mal aimé que personne ne veut ! 




CARTE 1. - Google surligne le parcours de l'escalier démoli par une pâle ligne blanche comme s'il existait encore. La ligne tiretée bleue indique le cours original du ruisseau. R : ruisseau du Lac-des-Fées, section naturelle (en haut) et artificielle (en bas).

Les petits bonshommes verts

En 1967(?), en automne (à la rentrée des classes, si mes souvenirs sont bons), le bruit s’est répandu à mon école - Saint-Jean de Brébeuf à Val-Tétreau - que des « petits bonshommes verts » avaient été vus à la Babine. » Ils auraient communiqué aux témoins de leur apparition leur intention de revenir sur les lieux à 19 h (on disait 7 heures du soir), le soir même ou le lendemain, je ne sais plus. Plusieurs dizaines de personnes s'étaient réunies dans l'escalier et autour du pont. (Selon Gilles Lacasse, voisin de la Babine à l'époque, la GRC eut du mal à assurer la circulation sur la promenade, encombrée de véhicules – autre preuve du peu de capacité du site à accueillir les foules). Peut-être effarouchés par ce comité d'accueil (dont j'étais l'un des membres), les petits bonshommes verts ont préféré demeurer discrets. (Je fus déçu, mais non surpris). Le Droit s'était fendu d'un court article dans ses pages intérieures. J'aimerais remettre la main dessus, mais la date exacte des événements m'échappe.
AJOUT (mars 2020). - Selon Alain Lamothe (voir les Commentaires à la fin du billet), il pourrait s'agir de feux follets, fréquents dans les endroits marécageux ou humide. Voir photo « Terrain marécageux » plus haut : le côté est de la promenade, qui correspond à l'ancien bras du ruisseau, est souvent inondé. Les flammes des feux follets prennent différentes couleurs, bleu, jaune ou... vert. 

Marmites et coups de gouge

Le socle calcaire sous le pont montre des évidences d'érosion par l'eau courante (marmites, coups de gouge) trop prononcées pour résulter de l'action du paisible ruisseau depuis les 70 dernières années. (Le pont, rappelons-le, est sur une section artificielle du ruisseau datant des années 1950.)

On peut se demander si un cours d'eau plus puissant n'a pas coulé à cet endroit après la glaciation, avant la déposition de l'argile de la mer de Champlain. Les eaux de la section artificielle sur laquelle est construit le pont auraient dégagé le socle rocheux érodé de la couche de glaise qui subsistait.

Voir les billets sur la Marmite des Allumettières.





CARTE 2. - LÉGENDE

Ovale rouge : la Babine.

E (pointillé rouge) : escalier en bois (démoli) ;
P : pont de la Babine.

1 : escarpement ;
2 : ruisseau du Lac-des-Fées (cours original préservé) ;
3 (tireté bleu foncé) : ruisseau du Lac-des-Fées : cours original ;
4 : ruisseau du Lac-des-Fées : section artificielle ;
5 : entrée du ruisseau dans la canalisation souterraine.

CHPJ : centre hospitalier Pierre-Janet ;



PLdF :
promenade du Lac-des-Fées (sentier du LdF en pointillé gris de chaque côté) ;
UQO : Université du Québec en Outaouais (A.-T. : pavillon Alexandre-Taché ; L.-B. : pavillon Lucien-Brault).





Des coups de gouge et une marmite dans le calcaire sous le pont ; érosion fluviatile. 
Photos mars 2015.




Pont condamné ? Affiche « Danger » à la sortie du pont (côté ouest, ou côté escarpement) : il y en a une aussi à l'autre extrémité du pont, mais il n'en reste que le poteau. Posée par la Ville ou la CCN ? Photo 27 oct. 2020.











AJOUT (3 nov. 2020)

J'ai contacté par courriel la Commission de la capitale nationale (CCN) pour obtenir les dates du début et de la fin des travaux de la construction de la promenade du Lac-des-Fées. On m'a répondu qu'elle avait été construite « dans les années 1950 », ce que nous savions déjà. J'attends à présent plus de précision de la part de la CCN. 

En attendant le fin mot de l'histoire, voici quelques documents visuels que j'ai découverts par mes propres moyens pour alimenter le dossier. Si l'on se fie à ces documents, la promenade a été construite après 1952 et elle était achevée en 1957. (Une photo datée du 4 mai 1957 que j'ai découverte en décembre montre la promenade achevée. Voir le billet du 24 déc. 2020.) AJOUT (mars 2022). - La promenade du Lac-des-Fées a été inaugurée en juin 1955 (Claude Devault et Raymonde Devault, « C'était avant, dans le secteur Laramée... », Hier encore, no 13, 2021, p. 6-10).
 
Évidemment, savoir de quand date la promenade ne nous dira pas qui a fait construire le pont « de la Babine » et son escalier à flanc d'escarpement, ni pourquoi ils ont été construits. (Sûrement pas pour l'inauguration de la croix, en juin 1950.) Affaire à suivre.


On peut cliquer sur les images pour les voir plus grandes.

Novembre 1952. - Aucun travail n'avait encore été commencé sur le terrain en vue de la construction de la promenade du Lac-des-Fées à en juger d'après l'Insurance plan of the city of Hull, Que., daté très précisément de novembre 1952. 

LÉGENDE DES RETOUCHES

T : croix lumineuse de Val-Tétreau, érigée en 1950 ;
Rectangle rouge : pont de la Babine, post-1952 ;
Ligne pointillée rouge : escalier post-1952, maintenant détruit ;
Ligne rouge pleine : promenade du Lac-des-Fées, post-1952.
Rue Boucherville : elle longe l'escarpement au pied duquel coule le ruisseau,

1 (ligne bleue pleine) : cours original du ruisseau du Lac-des-Fées, conservé jusqu'à aujourd'hui ;
2 (ligne tiretée bleue) : section abolie du ruisseau après la construction de la promenade du Lac-des Fées ;
3 (ligne bleue pleine) : tronçon artificiel du ruisseau aménagé pendant ou après la construction de la promenade disparaissant dans une canalisation souterraine.

Escarpement : à droite (à l'est) de la rue Boucherville ;
SSL : sanatorium Saint-Laurent, aujourd'hui CH Pierre-Janet ;
CMY : collège Marguerite d'Youville (sœurs grises), site de l'actuel pavillon Alexandre-Taché de l'UQO.

NB. - Certains tronçons de rues vides de maisons n'ont existé que sur plans. Il y a un désaccord sur une partie du trajet du ruisseau entre cette carte et les autres documents utilisés pour les retouches.

Insurance plan of the city of Hull, Que. Toronto ; Underwriters' Survey Bureau Limited, 1952, 49 pl. en coul. [pl. 28], 1: 600, BAnQ, Centre d'archives de l'Outaouais, P1000,S2,D4, 0003820664. https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2247012. [La publication est datée à l'intérieur de novembre 1952.] 


1927. - Même secteur que la carte de 1952. Photo prise avant la construction de la promenade du Lac-des-Fées et la déviation d'une partie du ruisseau qu'elle a entraînée et avant la construction du futur pont de la Babine (P blanc) sur le tronçon dévié du ruisseau.
Photothèque nationale de l'air (PNA), photo HA246-76 (détail), 5 mai 1927. 

1927 (détail). - À gauche : le ruisseau (cours original) ; cercle blanc : position du futur pont de la Babine ; lignes pointillées : sentiers (?) sur l'escarpement boisé. Le sentier sud, correspond, à la gauche du cercle, au tracé du futur escalier. En bas, à gauche : extrémité nord de la rue Boucherville. 
À droite : même détail, contraste retouché et sans les lignes blanches pour rendre visibles les traces des deux sentiers.



26 janv. 1955. - Tracés préliminaires. - Le tracé des promenades de la Gatineau et du Lac-des-Fées (Gatineau Parkway et Lac des fees (sic) Parkway) est reporté à la main en vert sur ce document. Il ne correspond pas au tracé réel (voir cartes suivantes). Je ne peux affirmer si la date donnée correspond à la réalisation du document ou à autre chose.
Federal District Commission. [Partial Map of Ottawa-Hull Region]. Gatineau and Lac Des Fees Parkways [26/01/1955] (détail). Bibliothèque et Archives Canada, no d’identification : 2163337.

1957. - Les promenades achevées. - Promenades achevées ou projetées (GATINEAU PARKWAY et LAC DES FEES PARKWAY). Cependant, leur tracé est un peu approximatif (voir la carte de droite), surtout celui de la promenade de la Gatineau près du lac des Fées (FAIRY LAKE). On a l’impression que la carte a été mise à jour rapidement. Les lignes tiretées rouge sur l'original indiquent des routes projetées.
Commission du District fédéral, Service de l’information, La capitale nationale : plan d’Ottawa et des environs et du parc de la Gatineau. Édition 1957 (détail).

2020. - Situation actuelle. J’ai surligné en gris la promenade de la Gatineau qui n’était pas très apparente sur l’original. Le repère rouge indique la position du pont de la Babine.
Modifiée de © Collector Classic, Esri.

 

Détail de la carte de 1957 : le PARC COLUMBIA figure au nord du sanatorium Saint-Laurent. 
PLdF : promenade du Lac-des-Fées ;
Ligne tiretée bleue : j'ai souligné le cours du ruisseau du Lac-des-Fées : ou la carte est infidèle, ou la ruisseau a été dévié après la construction de la promenade. Or, le pont de la Babine a été construit sur la partie déviée du ruisseau. Le pont et l'escalier seraient post-1957 ? 
Le noms de quelques rues a été changé ; certaines rues n'existent plus.
Le nom de la pauvre rue Châteaubriand a été tronqué d'une drôle de façon : CH BRIAND. (Ce qui ne veut pas dire chemin Briand !)
 
 

 
1951. - Photo venue à la dernière minute. Comparer avec celle de 1927. (Les deux photos ne sont pas pareillement orientées.) 

Le point blanc (P) indique la position approximative du futur pont de la Babine. La flèche (à gauche) indique l'ombre de la croix inaugurée en juin 1950. 
À droite, on voit le boul. Saint-Joseph ; à gauche, le prolongement de la rue Boucherville. Ce prolongement est aujourd'hui une simple piste.
Cliché PNA, A13142-36 [ou 38], 6 et 7 juin 1951, alt. 5300'. Tirée d'Arkéos inc., Autoroute Laramée/McConnell, Hull : Évaluation de l'intérêt archéologique. Gouv. du Québec, Min. des Transports, Direct. de l'Outaouais, février 2001.

AJOUT (21 juillet 2021)

Le Soixante-troisième Rapport annuel - 1962-1963 - Première partie de la Commission de la capitale nationale contient ce bref passage (p. 15) :

« Un trottoir d'asphalte a été construit du côté est de la promenade du lac des Fées entre l'avenue Duquesne et la rue Brodeur. » 

La rue Duquesne (elle n'est plus une avenue) constitue la bretelle d'accès à la Promenade à partir du boul. Saint-Joseph (voir carte 2). La rue Brodeur est située plus au nord, à la hauteur du Lac-des-Fées. (Par la suite, le « trottoir d'asphalte », maintenant la piste cyclable du Sentier du Lac-des-Fées de la CCN, a été prolongé jusqu'à la rue Gamelin, à une date que je ne peux préciser.) 
Le « trottoir d'asphalte » dont il est question ici passait et passe toujours devant le pont de la Babine, de l'autre côté de la Promenade. Il est difficile d'imaginer que le pont ait existé sans un chemin pratiquable pour y mener. Le pont de la Babine daterait donc d'après 1963 ?
(La piste cyclable est visible sur les cartes 1 et 2 ainsi que sur la photo titrée « Terrain humide du côté est de la promenade du Lac-des-Fées ».
Ceci confirme ce que le billet du 21 déc. 2020 nous apprenait : le pont de la Babine date du printemps 1965.