vendredi 30 octobre 2015

Quinquagénaire propret et prospère



Boisé, entre l'Imprimerie nationale, boul. Sacré-Cœur, et l'autoroute 5, à Gatineau. Photos : 29 (ciel couvert) et 30 (ciel ensoleillé) octobre 2015.


Ça tient du terrain vague et du boisé. C'est ceinturé de clôtures grillagées, de parkings et de bretelles d'autoroutes. C'est isolé, tout à la fois au cœur et en marge de la ville. Personne ne le fréquente. Les entrées, sous forme de trouées dans les clôtures, ne manquent pourtant pas.

Mais il n'y a pas de roche à aller examiner. Ça diminuait son attrait à mes yeux.

J'avais tort.

Le boisé est coincé au nord de l'Île-de-Hull, entre l'ancienne Imprimerie nationale de Sa Majesté la Reine du chef du Canada (titre officiel, mais oui) et l'autoroute 5. Je m'attendais à y trouver les habituels ronds de pierres contenant les cendres de feux de bois, des bouteilles diverses, intactes ou en éclats, des sacs de chips et moult autres cochonneries que la ville repousse vers ses franges. Mais non. Rien : rien de rien, rien du tout, rien : le terrain est comme neuf, pas le moindre papier, pas le moindre détritus, excepté un panier d'épicerie venu s'échouer sur une piste asphaltée (qui, partant de nulle part, y retourne par son autre extrémité*) que la végétation grignote par les racines**.

* Et vice-versa.
** La revanche des pissenlits ?

Mon seul regret : l'absence d'eau, si l'on excepte un fossé qui longe le côté est de l'Imprimerie nationale. Ce fossé, à sec une bonne partie de sa longueur, sort d'une canalisation enterrée pour aboutir à une autre. Il coïncide avec le cours d'un ancien ruisselet qui se jetait dans le ruisseau de la Brasserie, plus au nord, de l'autre côté de l'autoroute. Coïncidence ou domestication d'un cours d'eau naturel ?

(En fait, c'était la raison de ma présence sur les lieux : repérer les traces d'anciens ruisseaux. Je reviendrai sur le sujet une autre fois.)

Je n'ai vu âme qui vive, aucun humain, aucun animal, pas même un oiseau (mais quelques nids dans les arbres). Rien que du vert et les 50 nuances automnales autorisées.

Le terrain a toujours échappé à l'urbanisation (des carrières ont cependant déjà été exploitées au nord-ouest du secteur) jusqu'à ce qu'il soit, en 1965*, bouleversé par la construction de l'autoroute 5. Ça donne un âge maximum au boisé qui serait donc un quinquagénaire propret qui prospère au soleil et sous les divers cieux que les jours et les saisons lui octroient.

* J'ai une photo aérienne du chantier de l'autoroute datant de cette année. Je n'ai pas pu trouver les dates du début et de la fin des travaux. Ajout 31 oct. 2015 : selon Wikipedia, le tronçon de l'autoroute qui nous intéresse ici a été inauguré en 1964. La photo que je possède doit être ma datée (1963, pendant les travaux ?)

Reste qu'il est agréable de découvrir, même sur le tard, un boisé intact en pleine ville. Tant que son existence ne s'ébruite pas trop.

(Soyez discrets.)

Pour les photos : comme je n'y connais rien en végétation, j'ai pu passer à côté de choses intéressantes. Je me suis concentré sur le paysage et j'ai évité les gros plans.



Un certain charme mélancolique, non ?



Version ombragée (29 oct. 2015)...



... et version ensoleillée (30 oct. 2015).



Quelques mètres carrés dégagés, un sentier peu piétiné.



La végétation grignote cette vieille asphalte.



À l'ouest, la ville.



Le boisé et les champs, qui font environ 300 de large, sont situés entre l'Imprimerie nationale (au centre) et l'autoroute 5 – ou Autoroute de la Gatineau. Photo © Google.

jeudi 29 octobre 2015

Hors sujet : pollution lumineuse (suite)


Suite dans le dossier des ampoules DELL et de la pollution lumineuse (cf. mon billet du 24 oct. 2015) : Mathieu Bélanger, Le Droit, 29 oct. 2015 : «En guerre contre les ampoules DELL blanches», plus une pétition et «Le choix d'Hydro-Québec».

Ajout

À propos, on trouve un dossier spécial sur la pollution lumineuse dans le Discover présentement en kiosque :
  • Eric Betz, «Special Bonus Section : Out There – A New Fight for the Night, Discover, (en assoc. avec Astronomy), nov. 2015, p. 57-64.

mercredi 28 octobre 2015

Pierre froissée : suite et éclosion


Photo (et cueillette au fond d'un lac) : Jean-Louis Courteau, 2015. On peut s'amuser à défaire mentalement les plis pour retrouver le filon de granite plat original.


Encore (mais je ne m'en lasse pas) une roche chiffonnée remontée du Lac-des-Seize-Îles. Ça ressemble à une fleur en papier froissé. Pourtant, il s'agit d'un filon de granite* plissoté dans un vieux marbre que la lente dissolution dudit marbre a fait ressurgir (ou éclore ?) au fond d'un lac.

* Selon toute vraisemblance. Pourrait être un quartzite, mais je ne pense pas. En tout cas, le filon est riche en quartz et silicates résistants à l'érosion, au contraire du marbre, composé de calcite soluble. 

Photo et cueillette sous-marine : Jean-Louis Courteau, 2015. Voir aussi son blogue Aquadelic. Voir aussi mon billet du 17 sept. 2015 (et suivre les liens) pour en savoir plus.

Remarquez, j'aurais de bonnes raisons de me froisser aussi facilement que le granite et de me montrer un peu chiffonné. Quand une personne me complimente pour mon blogue, c'est presque immanquablement parce qu'elle a été impressionnée par les photos prises par Jean-Louis que j'y affiche, jamais pour les miennes. Heureusement, je suis au-dessus de ce genre de susceptibilité. (Et moi aussi je suis impressionné.)

dimanche 25 octobre 2015

Erratique mis en valeur



Bloc erratique d'environ 3 m de large, rue Appleford, Ottawa. 
Photo 24 oct. 2015.


D'où me vient cette impression que les blocs erratiques sont plus nombreux et plus volumineux à Ottawa qu'à Gatineau ?

Pourtant, Gatineau chevauche la bordure sud du Bouclier Canadien d'où proviennent ces blocs de pierres cristallines. Les glaciers, qui ont progressé du nord vers le sud, ont dû abandonner plus de blocs, et donc plus de gros blocs, sur le territoire de Gatineau, au nord de celui d'Ottawa.

Ou bien mon échantillonnage est biaisé, ou bien les blocs erratiques sont mieux mis en valeur à Ottawa.

Les roches errantes font aussi partie du patrimoine géologique.



Bel exemple d'agmatite. Le granite (blanc + rouille) a découpé la roche hôte. Celle-ci, un gneiss (gris), est réduite en xénolites dérivant dans le granite. Le bloc provient du Bouclier canadien (un milliard d'années) qui affleure à moins de 6 km au nord ; il repose sur le calcaire de la plate-forme du Saint-Laurent (460 millions d'années) avec les autres dépôts (till) apportés par les glaciers il y a plus de 12 000 ans (abstraction faite des perturbations du milieu par l'urbanisme).



Vue rapprochée. On pourrait rapprocher et recoller des fragments de gneiss gris.



Détail de la photo précédente. Il y en réalité deux gneiss : outre le granite blanc, on distingue un gneiss au grain bien apparent, d'aspect moucheté (en bas à droite) et un plus sombre, au grain fin, d'aspect poivre et sel.

samedi 24 octobre 2015

Hors sujet : pollution lumineuse grandissante (suite)


Boul. Maisonneuve, Gatineau (Québec). Photo 2007.


«Pour éclairer ses rues et ses édifices, Gatineau a choisi les ampoules DEL, de couleur blanche, les pires au niveau de la santé et de l'environnement, selon de nombreuses études et chercheurs. Déjà en 2010, l'Agence nationale française de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail émettait d'importantes réserves face au risque de l'intensité de la lumière blanche, qui contient par définition une grande quantité de bleu. […]

Il y a 35 ans, à Gatineau, quand un enfant levait les yeux vers le ciel et que la nuit était claire, il pouvait voir la Voie lactée, se souvient Denis Bergeron.

Aujourd'hui, les jeunes qui n'ont pas souvent la chance de quitter la ville doivent se contenter de la Grande ourse et de quelques étoiles éparses, se désole l'astronome amateur qui cumule plus de 50 ans d'observation du ciel. ''Les Gatinois ont perdu 50% de leur ciel depuis les années 1970, dit-il.'' […]

Dans la communauté des astronomes amateurs de la région et d'ailleurs, le sujet de l'heure est l'ampoule DEL. La blanche et sa quantité incommensurable de lumière bleue font craindre le pire. ''Si, comme prévu, Gatineau passe au DEL blanc, les gens en ville peuvent oublier leurs étoiles, dit-il. Dans 10 ans, on ne verra plus le ciel.'' Source : Mathieu Bélanger, Le Droit, 24 octobre 2015.

Suite (29 oct. 2015)

lundi 19 octobre 2015

Hors sujet : p'tite tête


Vieux comic strip que j'ai réalisé en 1992 (typo refaite pour parution dans le blogue). Le crâne de mon dessin préfigurait la tête de Toumaï qui n'allait pourtant être mise au jour que dix ans plus tard, en 2002.


Selon des gens bien informés, le cerveau de l'Homo sapiens actuel est de 15 à 20 % plus petit que celui de nos ancêtres Cro-Magnon qui vivaient il y a 30 000 ans.


«Notre cerveau est plus court, plus bas, comprimé au niveau des lobes frontaux et occipitaux alors que les lobes temporaux et le cervelet se sont élargis, par rapport à nos prédécesseurs.» Antoine Balzeau (MNHN, CNRS et INRIA).

J'ai compilé ailleurs les travaux sur le sujet. Au rythme du rétrécissement, nous pourrions rétrograder très bientôt jusqu'au niveau de l'Homo erectus d'il y a un million d'années. Il y a un million d'années, nous ne connaissions ni les iPads, ni les boîtes postales communautaires, ni le feu. Et personne ne prétend que c'était le bon temps.

The Domesticated Brain (cf YouTube), de Bruce Hood, fait le point sur la question (recension par Jonathon Keat, New Scientist, no 2969, 14 mai 2014 – l'article vient d'être remis en vedette dans le site de la revue) :

«Twenty thousand years ago, the average human brain was 10 per cent larger than it is today. Some people, such as David Geary, a psychologist at the University of Missouri in Columbia, claim that the dip in cranial capacity marks our dwindling intelligence. Others, like John Hawks, an anthropologist at the University of Wisconsin-Madison, attribute it to improved brain efficiency.

But for Bruce Hood, the author of The Domesticated Brain and a psychologist at the University of Bristol, UK, the shrinkage is best explained by changes in society. “We have been self-domesticating through the invention of culture and practices that ensure that we can live together,” he write. Our brains, he believes, are getting downsized by domesticity.» (C'est moi qui souligne.)

L'avenir appartient donc aux petites têtes bien domestiquées. Que les fortes (grosses) têtes se le tiennent pour dit.

Mais a-t-on idée de s'appeler Hood (capuchon) et d'écrire un ouvrage sur les têtes ?



Titre : The Domesticated Brain
Auteur : Bruce Hood
Éditeur : Pelican (Londres)
Couverture : souple
ISBN 9780141974866
Pages : 352
2014
http://www.penguin.co.uk/books/the-domesticated-brain/9780141974866/#cWMtEwuM8LCZ0mbS.99


samedi 10 octobre 2015

Le lac Beauchamp manque d'oxygène


Lac Beauchamp, Gatineau (Québec), avril 2012.


«Le lac Beauchamp ''vieillit mal''
Le lac Beauchamp manque d'oxygène. Son état de santé se détériore et pour éviter sa mort prématurée, la Ville de Gatineau n'a pas d'autres choix que de prendre les grands moyens.» (Source : Mathieu Bélanger, Le Droit, 10 oct. 2015.)

Voir aussi mon billet du 23 janvier 2011, «Lac Beauchamp : un milliard d'années inscrites dans la roche», ainsi que ces quelques autres.


Lac Beauchamp, mai 2012.

vendredi 9 octobre 2015

Hors sujet : bibitte exagérée (Ajouts et avertissement)


La bibitte (bestiole pour d'éventuels lecteurs d'outre-Atlantique) mesure un peu plus de 5 cm de long, sans compter les pattes. Mes doigts, un peu au dessus du sol, paraissent plus gros qu'ils ne le sont en proportion avec l'insecte. Photo 9 oct. 2015.


Je n'y connais rien en entomologie, mais les dimensions de cette bibitte me semblent un peu exagérées.

«Hors pattes», elle mesure un peu plus de 5 cm, ce qui lui permettrait de tenir juste à l'aise dans une cuillère à soupe, à la condition de ne pas déployer ses membres. Je l'ai croisée aujourd'hui sur un trottoir du boul. St-Joseph, à Gatineau (Québec). La bestiole se dirigeait vers la pelouse, comme on peut le constater sur la photo. Sitôt dans l'herbe, ou plutôt sous les brins d'herbe, elle s'est mise a avaler un à un des grains de sable (?) qu'elle saisissait à un rythme précipité avec ses pattes de devant. [Ajout, 10 oct. 2015. – J'ai dû mal interpréter les gestes de la bestiole, ce n'est pas une avaleuse de sable. Voir les Commentaires à la fin du billet.]

Lorsqu'à la fin, elle a remarqué ma présence – je posais mes doigts tout près d'elle pour donner une échelle de grandeur sur les photos – elle s'est immobilisée.

Comme je ne voulais pas manquer mon autobus ni perturber le repas de l'insecte, je l'ai laissé en plan.

Quelqu'un pourrait-il l'identifier ? Ses dimensions sont-elles vraiment exagérées ? Sa présence, à Gatineau, est-elle inhabituelle ? 

Ajout (9 oct. 2015)

D'après Roger Latour de Flora Urbana (voir son commentaire au billet), il s'agit d'un léthocère. Roger fournit aussi un lien («Les insectes du Québec»). Les imprudents de mon espèces apprendront à ne pas laisser leurs doigts à portée du monstre piqueur (car c'est un monstre piqueur) qui peut atteindre 6 cm : «La piqûre de cet animal est [...] très douloureuse; il faut le manipuler avec grands soins.» Vous êtes prévenus.


Gros plan.


samedi 3 octobre 2015

Hors sujet : la re-re-re-re-découverte de l'eau sur Mars



L'eau existe ailleurs que sur Mars. Tenez, pas plus tard que le 27 sept. 2015, elle coulait dans la rivière des Outaouais, ainsi qu'en témoigne cette photo prise du pont Alexandra.


«La NASA [...] a encore trouvé de l'eau sur Mars... Encore ? Encore. Du coup j'ai failli republier un billet "coup de gueule" que j'avais écrit sur le sujet en 2013(Source : Pierre Barthélémy, blogue Passeur de sciences : la sélection scientifique de la semaine (numéro 190), 2 oct. 2015.)

«Billet ''coup de gueule''» auquel j'avais apporté le modeste écho que voici : billet du 18 mars 2013.

Je me demande comment il se fait que ce genre de truc marche encore, année après année, annonce après annonce.

Ces «primeurs», à l'évidence, ne s'adressent pas aux abonnés de l'actualité martienne, qui flairent tout de suite l’attrape, mais au grand public. La NASA a besoin de faire parler d'elle, il lui faut l'appui des contribuables américains pour conserver sa part du budget ; comme la planète Mars a toujours la cote, que l'opinion est favorable par avance aux Petits Bonhommes Verts, que le susdit-grand public n'est pas obligé de retenir tout ce qu'on lui a fait miroiter dans le passé récent comme une découverte extraordinaire, l'Agence ne lésine pas sur les re-re-redites fracassantes.

Ajout (26 oct. 2015)

À propos du scoop de la NASA (écoulements saisonniers d’eau salée sur Mars), scoop précédé d’une intense campagne médiatique en septembre 2015 : j’ai retrouvé, en fouillant dans mes vieux magazines, un article datant de l’été 2014 où, photos et schémas à l’appui, ces écoulements étaient décrits en détail*. Je n’avais conservé qu’un vague souvenir de l’article, j’ai été content de remettre la main dessus. Le plus amusant est que son auteur, Alfred McEwen, est l’un des signataires du scoop de la NASA...

Si les écoulements étaient salés, le scoop, lui, était éventé depuis des mois.

* Alfred McEwen, «Une planète façonnée par l’eau», Dossier pour la Science : Mars – embarquement immédiat, no 84, juillet-sept. 2014, p. 62-69.