dimanche 1 novembre 2015

Île-de-Hull : ruisselet perdu et retrouvé ?


Voir «Ajout» dans le billet suivant (7 nov. 2015) pour une mise à jour sur la question.




Île-de-Hull (Gatineau, Québec)

Q noir et ligne pointillée noire : Quaternaire ; sous le Quaternaire et partout ailleurs : Ordovicien ; lignes noires dentées : escarpements ; C (et ligne bleu foncé) : canalisations et fossés ; CC : chutes des Chaudières ; 4c (ligne bleu pâle tiretée) : ancien rivage (Johnston, 1917) ; 4d (lignes bleu pâle) : anciens ruisselets (Johnston, 1917) 5b (bleu pâle) : lac Minnow, ou lac aux Vairons (parc Ste-Bernadette actuel) ; 5c (bleu pâle) : lac Flora (parc Fontaine actuel).

Le C est posé sur le bâtiment de l'Imprimerie nationale.

Voir détail de la carte plus bas.

Version complète de la carte dans le billet du 10 août 2013, «Île-de-Hull (Gatineau) : guide géologique».




C'est avec un certain scepticisme qu'on a accueilli mon avis selon lequel, autrefois, un ruisselet* coulait vers le nord depuis le lac Flora, au centre de l'Île-de-Hull (Gatineau, Québec), pour se jeter dans le ruisseau de la Brasserie. (Voir notamment le lien vers mon billet du 10 août 2013 à la fin de la légende de la carte.)

* Pour éviter des confusions, je parlerai des ruisselets du lac Flora et du ruisseau de la Brasserie.

Pourtant, ce ruisselet (et un second, plus court, sans lien avec le lac) figure sur une carte de la Commission géologique du Canada datant du début du XXe siècle (Jonhston, 1915). Le lac Flora a été comblé (c'est aujourd'hui le parc Fontaine), les ruisselets n'existent plus depuis... depuis belle lurette, s'ils ont jamais existé ! En effet, sauf la carte de 1915, aucun document, antérieur ou ultérieur, ne les montre, et aucune des photos aériennes que j'ai consultées (la plus ancienne date de 1925) n'en laisse paraître la moindre trace.

Et pourtant !

Il existe aujourd'hui un système de fossés-canalisations entre l'Imprimerie nationale (contruite en 1949-1956)* et une tour d'habitation (ca 1975 1971), boulevard Sacré-Cœur (C sur la carte) qui coïncide avec la partie nord du ruisselet. Du sud au nord, nous avons :


  • Segment 1 : fossé** entre l'Imprimerie et la tour. Le plancher du fossé est en pente descendant vers le nord ;
  • Remblais, entre les segments 1 et 2 ;
  • Segment 2 : canalisation enfouie s'ouvrant sur un canal ou fossé longeant le côté ouest d'un parking (photos 1 et 2). Pente perceptible du terrain vers le nord ;
  • Coude de quelques m du fossé vers l'est pour contourner l'angle nord-ouest du parking ;
  • Segment 3 : ouverture d'une canalisation passant sous l'autoroute 5.

* L'Imprimerie nationale est inscrite aux Lieux patrimoniaux du Canada, ce qui est beaucoup d'honneur pour ce bloc-blockhaus à la mine soviéto-stalinienne.
** Inaccessible, ou d'examen malaisé : clôturé et végétation touffue aux abord. 

On peut deviner que l'eau s'écoule tantôt à ciel ouvert, tantôt par des canalisations enfouies. Au moment de notre visite (29-30 oct. 2015), seule l'extrémité nord du segment 2 et l'ouverture du 3 étaient trempées.

Or, les segments 1 et 2 coïncident avec la section du ruisselet immédiatement en amont du point où il se jetait autrefois dans le ruisseau de la Brasserie*. Mieux, comme pour le prolonger, la canalisation du segment 3 s'ouvre pile à l'endroit où le ruisselet rejoignait le ruisseau (voir carte). En effet, l'autoroute 5, au nord du boulevard Sacré-Cœur, passe par une une ancienne baie comblée du ruisseau**. Le nouveau rivage a été repoussé au nord de l'autoroute.

* La coïncidence est meilleure pour le segment 2 que pour le 1 pour lequel il faut supposer des «accommodements».
** La section de l'autoroute concernée ici a été inaugurée en 1964. Voir Wikipedia.

D'ailleurs, on voit sur les photos aériennes que la canalisation du segment 3 débouche dans le ruisseau de la Brasserie, immédiatement au nord de l'autoroute. Nous pouvons donc retoucher ce que nous avons écrit plus haut :


  • Segment 3 (texte modifié) : ouverture d'une canalisation s'engageant sous l'autoroute 5 et débouchant au nord de celle-ci dans le ruisseau de la Brasserie.

Malheureusement pour mon hypothèse, le fossé-canal n'apparaît sur les documents (cartes, photos, etc.) qu'en ca 1975 1971 (construction de la tour). Le fossé serait-il un artefact récent ne devant rien au réseau hydrographique originel ?

Le terrain, à l'origine, descendait vers le nord, vers le ruisseau de la Brasserie. Il a été nivelé autour de l'Imprimerie. La tour étant à une altitude moindre que l'Imprimerie, le fossé se trouve à la jonction des deux plans horizontaux matérialisés par les propriétés. Le plancher du fossé, en pente descendant vers le nord, reflète peut-être l'allure originale du sol. Le canal serait à la fois artificiel et naturel, et réaliserait un compromis entre l'urbanisme et les contraintes de la topographie et de l'hydrographie.C'est l'hypothèse que je retiens pour l'instant.

(Notons que le segment 2 est aussi relié à des fossés qui cernent le parking Est de l'Imprimerie et qu'il est chargé d'évacuer l'eau qui s'écoule sur l'asphalte de ce dernier.)

Il y a tant de tuyaux, d’égouts et de canalisations de toute sorte, de tout calibre et de tout acabit qui passent dans le sol à cet endroit qu'une coïncidence est toujours possible. Il faut bien que l'eau s'écoule, la pente va vers le nord, vers le ruisseau de la Brasserie, autant offrir, conserver ou recréer (je n'oublie aucune possibilité ?) une gouttière pour faciliter son écoulement... Mais avouez que la coïncidence est belle !

Si quelqu'un en sait plus que moi, qu'il intervienne sans tarder !



Détail de la carte
4d et lignes bleu clair : anciens ruisselets, celui de gauche venant du lac Flora pour se jeter dans le ruisseau de la Brasserie (ancien rivage ; ligne tiretée 4c) ; C et ligne bleu foncé : la canalisation actuelle, à l'air libre ou sous terre, suit de près le cours de l'ancien ruisselet. Elle se jette dans le ruisseau de la Brasserie, au nord de l'autoroute (nouveau rivage). Le vert dans lequel débouche la canalisation C est en réalité un terrain marécageux inondable. La coïncidence avec le ruisselet est plus évidente pour la partie nord du fossé. En fait, le segment nord du système de canalisation prolonge exactement l'ancien ruisseau. 

Références

  • W.A. Johnston, 1915 – Ottawa, Carleton and Ottawa Counties, Ontario and Quebec.Commission géologique du Canada, Carte géologique polychrome 1662, 1 feuille (1/63 360), doi:10.4095/107538
  • W.A. Johnston, 1917 – Pleistocene and Recent Deposits in the Vicinity of Ottawa, With a Description of the Soils. Commission géologique du Canada, Mémoires 101, 69 p., avec carte 1662 (1/63 360).


Photos : 29 octobre 2015.



1. Fossé ou canal (segment 2) longeant un parking, vue vers le sud. À gauche, la tour d'habitation.

2. Canalisation débouchant dans le fossé (segment 2). À juger d'après les arbres qui poussent dedans et qui ont dû être coupés, il ne doit être qu’occasionnellement inondé.



3. Canalisation (segment 3) recueillant l'eau du fossé (segment 2) et passant sous l'autoroute 5 pour gagner le ruisseau de la Brasserie. Aux dépôts blanchâtres à l'intérieur du tuyau, on voit que le niveau des eaux peut être plus important.

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