Parc de la Gatineau, piste no 1, à l'ouest de Chelsea, dans le secteur du «gros bloc erratique».
La végétation se fait prédatrice au détriment du roc sans défense. (6 août 2011.)
La végétation se fait prédatrice au détriment du roc sans défense. (6 août 2011.)
Depuis quelques temps, j'ai pris l'habitude de rédiger mes billets en même temps que je poursuis mes «réflexions». D'où la nécessité de pratiquer au fil de ce blogue l'art délicat du changement de cap par d'imperceptibles retouches successives. Le processus peut être un peu déstabilisant...
Et puisque je parle de retouches», voici quelques«réflexions» encore, histoire de vous déstabiliser tout à fait, au sujet du «gros bloc erratique» du parc de la Gatineau (suivre ce lien pour en savoir plus), au sud-ouest de Chelsea. Je vous les livre en vrac :
- Les arbres qui encagent le bloc (photo qui suit) sont assez jeunes, quelques dizaines d’années tout au plus. On a l’impression que le terrain autour du bloc a été dégagé il y a «peu de temps», peut-être quelques dizaines d’années, justement...
Le «gros» bloc erratique du parc de la Gatineau, dans sa cage de bois très ajourée. (20 mai 2000.)
- Le pourtour du bloc est jonché de débris plus ou moins enfoncés dans le sol meuble. Il est difficile de dater la chute de ces éclats. Aucun de ces délestages ne semble dater de la dernière pluie (nulle cassure fraîche de quelque conséquence observée) et on peut supposer qu'ils se sont échelonnées durant une assez longue période de temps : le bloc est à son endroit depuis, au minimum, une «assez longue période de temps»...
- Les «ronds» de lichen croissent lentement, à vue de nez quelque chose comme 1 cm en dix ans (voir montage photo dans le billet d'hier). De larges surfaces du bloc, au N surtout, sont couvertes de lichens. Même si on suppose que ces plaques résultent de la coalescence de plusieurs petites ayant cru simultanément, on peut supposer encore que la bloc est «là» depuis, disons, belle lurette.
- Le toit du bloc est rugueux, creusé de sillons, ce qui s'expliquerait mieux si cette surface avait été exposée au raz du sol durant une «assez longue période de temps». (Voir les photos qui suivent.) En effet, les flancs du bloc, généralement lisses et arrondis, ont conservé leur poli glaciaire, réserves faites du débitage par gros éclats évoqué plus haut. A-t-il connu des régimes d’érosion distincts : une époque où n’émergeait que le toit (érosion aérienne du toit), suivi d’une époque qui a vu le dégagement des ses flancs (érosion «par débitage», aidé par la fracturation du roc) ?
Toit du bloc erratique du parc de la Gatineau. Les sillons sont les vestige d'un ancien épisode d'érosion aérienne qui a exploité la structure tortueuse du granite (érosion différentielle). Discrète présence du végétal. (6 août 2011.)
Surface similaire, au ras du sol, mieux exploitée par la végétation.
Kanata Town Centre Core Park, Ottawa. (4 décembre 2010.)
Gneiss rubané, exposé au ras du sol, à structure plus régulière que le granite du bloc (autre érosion différentielle). Kanata Town Centre Core Park, Ottawa. (4 décembre 2010.)
- Le bloc, finalement, est trop bien conservé, nonobstant la question de l'évolution de son état au cour des dix dernière années. (Revoir ce billet et voir celui-ci.) Il aurait dû être rapidement transformé en jardinière, pot de fleurs ou marchepied pour les arbres. Le moindre bout de roche qui affleure dans le secteur (élément du socle ou bloc erratique) est aussitôt colonisé par les mousses, touffes d’herbe, arbustes et même des arbres qui finissent par atteindre d'aussi grandes dimensions que ceux qui plantent leurs racines dans un sol «normal» (photos qui suivent). Le toit du bloc, plat et rugueux, est le terrain idéal pour cette entreprise de verdissement accéléré. Or, sauf quelques petites herbes (qui n’existaient pas en 2000), le toit semble stérile.
Parc de la Gatineau, piste no 1, à l'ouest de Chelsea, dans le secteur du «gros bloc erratique» :
le moindre rocher est littéralement pris d'assaut par la végétation.
Le bloc erratique devrait, normalement, être dans cet état.
(Les deux photos : 6 août 2011.)
Le bloc erratique devrait, normalement, être dans cet état.
(Les deux photos : 6 août 2011.)
Conclusion ?
- Je crois que l'exposition du bloc est «relativement récente» et qu'il n'a pas été à l'air libre depuis la fin de la Glaciation (il y 12 000 ans dans le secteur) ou le départ des eaux de la mer de Champlain (achevé dans la région il y a 10 000 ans). Il s'agit bien d'un bloc erratique, abandonné par les glaciers, mais exhumé à une époque «récente». Je ne peux convertir cet adjectif en nombre d'années.
- Je suspecte que ce «gros bloc» a été mis en valeur il y a quelques dizaines d'années et d'être entretenu depuis un «bon moment» par la CCN qui gère le parc de la Gatineau. (La plus ancienne mention du bloc remonte à 1956, avant la construction de la section de la promenade de la Gatineau qui passe tout près de lui : Wilson A.E., 1956 — «A guide to the geology of the Ottawa district.» Canadian Field-Naturalist, v. 70, no. 1, 68 p.)
- Bref, il y a eu la déposition du bloc par les glaciers (-12 000 ans), l'érosion du toit (date indéterminée), l'exhumation du bloc et son débitage par développement de fractures (date indéterminée), le dégagement du terrain autour et la pousse des arbres qui l'encagent ainsi que la croissance de lichens (avant 1956 ?) et l'apparition de taches de champignons blancs (après l'an 2000, revoir mon billet du 6 août). De cette chaîne d'événements, le premier et le dernier maillon me semblent les seuls chronologiquement inattaquables.
Voisin miniature de notre bloc erratique. Ce n'est pas très évident de s'y retrouver dans tout ce vert, mais plusieurs arbustes et plantes poussent sur le dessus de la roche. (6 août 2011.)
Dessus du bloc (photo ci-haut). Jungle et fouillis. Qu'est-ce qui a empêché notre «gros bloc» de connaître le même sort ? (6 août 2011.)
La mousse prospère ici. Les roches l'adoptent comme tenue de camouflage. Parc de la Gatineau, à quelques dizaines de m du «gros bloc erratique». (6 août 2011.)
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