samedi 27 avril 2024

Tectonique du lac Beauchamp à Gatineau (MàJ)




Lac Beauchamp, Gatineau : interprétation tectonique et topographie (carte version sept. 2024)

Haut (photo satellite)

  • Lignes blanches continues : courbes de niveau des collines précambriennes (60 et 70 m).
  • Lignes pointillées blanches : linéaments interprétés à partir des cartes LiDAR. Ceux qui encadrent le massif du lac Beauchamp sont bordés de rouge. La ligne soulignée en jaune est discutée dans le texte.
  • Ligne tiretée noire : escarpement dans le grès du Cambrien coïncidant apprx. avec le contact Précambrien-Cambrien (selon la carte 1506A de la CGC de S.H. Richard (1982)).
  • * : contact Précambrien-Cambrien visible.
  • Lignes rouge et ombres même couleur : granite et gneiss (limites approx.) du Précambrien.
  • A : plaine de granite et quartzite du Précambrien.
  • B : plaine à l'est, quartzite et paragneiss précambriens. Le jeu de failles définissant des horsts rocheux et des grabens marécageux.
  • C : colline enserrée dans un polygone de linéaments.
  • D : escarpement sous le SG, coïncident avec un linéament SO-NE.
  • E : graben ou faille dans la CM sur le passage d’un linéament NNO.
  • F : dépotoir de Templeton-Est dans un bas terrain.
  • G : plateau de grès du Cambrien.
  • CC : carrière de granite du cimetière*.
  • CE : carrière de pegmatite Eurêka.
  • CM : Colline du Muret*.
  • PC : parc canin St-René E.
  • SG : Sommet du Granite*.
  • Slickensides : miroirs de failles.
  • ? : limite d'un complexe de granite-gneiss inconnue.
  • X : brèches carbonatées.
* Toponymes informels créés par l’auteur.

Bas (carte topographique)

  • Rabipus et stations : RB : voie Rapibus (non encore construite au moment de la prise de la photo (2020), au nord de la voie ferrée. Les stations : SLa : Labrosse ; SLB : Lac-Beauchamp ; SLo : Lorrain.
  • La courbe de niveau du SG (60 m) a été ajoutée à la carte.


Origine du massif de roches précambriennes au nord du lac Beauchamp, à Gatineau. Le secteur est compris entre les boulevards Labrosse et Lorrain (à l’ouest et à l’est) et St-René E et Maloney E (au nord et au sud).

Autres billets du blogue sur le lac Beauchamp (lien). 

L'auteur du texte n'est qu'un amateur et ne prétend pas donner un avis d'expers. 



Pourquoi une colline ici, pourquoi une plaine là, et pourquoi précisément ici et là et non pas là-bas ? J’ai la tête topographique et j’aime m’expliquer la raison d’être du moindre relief, en creux ou en bosse, dans mes déambulations.

Prenons les collines précambriennes au nord du lac Beauchamp à Gatineau. On se dit qu’elles doivent être sculptées dans une roche résistante tandis que la plaine qu’elles dominent est sans doute constituée d’un matériel plus vulnérable à l’érosion.

Ce serait logique. Mais ce qui semble logique ne l'est pas toujours.

Voyons d’abord le secteur dans son ensemble.

(Dans ce qui suit, nous parlerons du massif lorsqu’il sera question de l’ensemble des collines précambriennes du lac. Le terme colline sera réservé aux éminences isolées du massif. Les toponymes suivis d’un astérisque * sont des créations de l’auteur du texte.)

Le relief et les roches

Le lac Beauchamp s’allonge entre un massif de roches précambriennes âgées de plus d’un milliard d’années, au nord et à l'ouest, et une couverture de grès cambriens remontant à 500 millions d’années, au sud et à l'est. Le grès forme un plateau coupé par un escarpement face au lac (G et ligne tiretée noire). La surface de contact, ou discordance d’érosion, entre le Précambrien et le Cambrien est exposé dans l’affleurement de la discordance au sud du lac (billet du 23 janv. 2011).

À la fin de la dernière glaciation du Quaternaire, la mer de Champlain a laissé sur ce paysage d’épais dépôts d’argile (11 200 - 10 000 ans). Un chenal abandonné du proto-Outaouais, gonflé par les eaux de fonte des glaces, a déblayé le secteur du lac (avant 8 500 ans) qui pointe comme un bouton à travers les sédiments argileux (billet du 11 mars 2014).

Le lac lui-même, dont le grand axe ENE est parallèle à celui du massif, mesure 650 m de long et sa profondeur maximale est de 6 m. En contact avec lui et le prolongeant, les bas terrains humides sont nombreux. À croire les cartes du début du XXe s., la petite baie qui fait un coude vers le sud n’existait pas à l’origine. Elle serait apparue dans les années 1920 (billet du 28 juillet 2018). Les rives ne sont pas rocheuses, sauf à quelques endroits, à l'est.

Les collines les plus hautes du massif dépassent les 70 m. De l’autre côté du lac, le plateau de grès atteint les 73 m. Une telle uniformité est remarquable, nous y reviendrons. Si l’on excepte les sommets rabotés et les reliefs moutonnés bien conservés (photos 1A,B), le massif ne montre pas de signes d’érosion glaciaire à grande échelle. Enfin, plus au N, au-delà du boulevard St-René E, le plateau d’argile de la mer de Champlain et de sédiments deltaïques varie de 54 à 100 m.


Photo 1. - Stries glaciaires dans le grès cambrien, au sud du lac Beauchamp. L'avancée des glaces s'est faite vers le SE. (Nov. 2010)


Le massif est en fait constitué de collines séparées. La principale, à l'ouest, s'allonge selon axe SO-NE et forme, avec le Sommet du Granite* (SG sur la carte), un ensemble coupé par la voie ferrée du CP et, depuis 2023, la voie du Rapibus ; au NE, on trouve la colline de la carrière Eurêka* (CE ; billet du 4 août 2017), orientée NO. La colline du Muret* (CM), approximativement circulaire, est isoléee au nord du lac. Trait majeur de la topographie, l'escarpement SO-NE au nord du SG (D et ligne blanche grasse), baigné par les eaux d'un étang allongé.

Le SG et l’escarpement n’apparaissaient pas sur les cartes topographiques publiées depuis le début du XXe s. À se fier aux courbes de niveau, la zone entière, dépourvue de relief, serait sous les 50 m. La compréhension de la physionomie du massif est gravement faussée par cette omission inexplicable. Sur ma carte, la courbe de niveau de la colline, 60 m à sa base (presque 70 m au sommet), est empruntée à des documents récents.

Roches tendres, roches dures

Le premier réflexe est de supposer que le massif est constitué de roches particulièrement résistantes à l’érosion, à l’encontre de la plaine, sculptée dans des roches plus vulnérables. De fait, des plutons de granite associé à des gneiss s’alignent selon l’axe ENE du massif et en constituent l’épine dorsale et l’ossature (lignes et ombres rouge) ; les plus hauts sommets sont en granite-gneiss. Mais le granite se retrouve aussi dans la plaine envahie de marais, à l’ouest du massif (A et photo 3). Le marbre et des roches calco-silicatées micacées, habituellement les premières proies de l’érosion, coexistent dans le massif avec le granite. (La voie ferrée du CP, doublée au nord par le tronçon du Rapibus inauguré en 2023, traverse d’ailleurs le massif en le coupant à travers ces roches friables.) Le quartzite, roche résistante entre toutes, associé à un paragneiss à grenat, constitue l'assise de la plaine à l’ouest et à l’est du massif (A et B ; photos 3 et 4). Autre exemple de l’indifférence du relief à l’égard des matériaux : la pegmatite, genre de granite grossier tenace, omniprésente, en plus de constituer le sommet de la colline de la CE, affleure à tous les étages du massif et de la plaine.

Bref, il n’y a pas de lien univoque entre lithologies et relief. Il y a donc autre chose qui a pu avoir joué aussi.


Photo 2A. - Sommet au Granite (SG sur la carte), poli par le passage des glaciers. (13 avril 2024)


Linéaments

La formation du relief ne semble pas dépendre en premier chef de la résistance du socle à l’érosion. Peut-être faut-il invoquer un autre facteur, la tectonique.

Si l'on doutait de l'influence de la tectonique sur le façonnement du relief, il suffirait d'examiner le SG. Entièrement dans un granite gris et rose, le sommet est coupé par un escarpement qui forme la rive sud de l'étang en contrebas. Or, le même granite se retrouve aussi sur la rive basse de l'étang, sur la rive opposée (photo 2B). Il est clair que l'escarpement (conforme à un linéament majeur, on le verra plus loin) a coupé le granite et que le compartiment nord a été abaissé relativement au compartiment sud.


Photo 2B. - Sommet au Granite (SG), avec vue sur l'étang en contrebas à gauche. Les deux rives de l'étang, la haute et la basse, sont dans le granite. (13 avril 2024)


De nombreux linéaments discernables sur les cartes LiDAR encadrent le massif. De direction plus ou moins ENE, les principaux peuvent être suivis sur toute la longueur du massif et à travers la plaine, soit 2 km. L’un suit l’escarpement granitique du SG, déjà évoqué, l’autre, ou plutôt deux autres qui s’articulent, bordent les collines au sud (en coupant la pegmatite évoquée en partie haute et partie basse). À l’extrémité NE de ce système, des failles plus ou moins NO encadrent la plus septentrionale des collines (C et CE) de façon serrée et le massif se termine par des linéaments bien exprimés.

Les linéaments ENE se perdent hors du massif dans les quartiers urbanisés et sous le couvert d’argile. Au SO, aucun linéament bien distinct ne marque le rebord du massif. Les linéaments ENE se prolongent dans la plaine, vers l’ouest, et l'un d'eux borde le ressaut granitique peu élevé, à l'est de la carrière du Cimetière* (CC).

Des linéaments NO à NNE courent plus ou moins perpendiculairement à travers le massif et ont sans doute concouru à son émiettement en collines séparées. On devine leur influence dans l'affaissement des terrains au sud du parc canin (PC) dominés par la CM. C’est dans une dépression, tout contre le linéament qui coïncident avec le rebord occidental de la CE (souligné en jaune sur la carte) qu’on avait choisi d’installer le site du dépotoir de Templeton-Est (F). Un autre linéament se prolonge dans le graben qui entaille le flanc est de la CM (E). Ces linéaments disparaissent sous l'argile au nord, et sous le plateau de grès, au sud.

Aucun des linéaments ne se poursuit dans les roches du Cambrien, ce qui laisse à penser qu’ils les prédatent. Nous reviendrons sur ce point.

Les linéaments pourraient ne témoigner pour la plupart que de cassures sans mouvements de l'écorce terrestre (joints). Cependant, dans le cas de l'escarpement sous le SG et, sans doute, dans celui du relief de la CE (et, dans une moindre mesure, du plateau à l'est du cimetière), des mouvements verticaux sont à envisager. La différence d'altitude entre le SG (près de 70 m) et la rive opposée de l'étang qui s'élève peu au-dessus du niveau des eaux (54 m) est de plus de 10 m. Entre le sommet de la CE et la voie ferrée dans la plaine, au sud, la dénivellation est du même ordre (70 m et 54 m). Ces valeur donnent une idée des déplacements relatifs, surrection ou affaissement,  de part et d'autre des linéaments. À l'est, dans la plaine de quartzite sous le massif, un jeu de linéaments a fait se succéder des ressauts rocheux et des affaissements marécageux (B).

Mise à jour (14 sept. 2024). - J’ai retouché la carte à la suite de nouvelles observations pour y faire figurer la bande de granite-gneiss qui longe la rive ouest du lac Beauchamp. La bande se poursuit jusqu’à la colline du CM et, au-delà vers le NE, jusqu’à la colline de la CE, de l’autre côté de la vallée traversée par un linéament souligné en jaune sur la carte. L’absence d’affleurements entre les collines ne permet pas de conclure à la continuité du granite-gneiss de l’une à l’autre. S’il s’avérait que la bande de granite-gneiss se poursuivait sans interruption depuis la rive du lac jusqu’aux collines au NE sans égards au relief (dénivelé plus de 10 m, identique à celui du SG), ce serait un argument de poids en faveur de la primauté de la tectonique sur la lithologie dans le façonnement du socle rocheux. La continuité de la bande de granite-gneiss, toujours conforme à la direction générale SO-NE, apporterait un argument de poids en faveur de l'absence de mouvements latéraux le long des linéaments. (D’autres massifs de granite-gneiss pourraient être réunis, l’absence d’affleurements ou le manque de données ne permet pas toujours de trancher.)


Photo 3. - Plaine marécageuse à l'ouest du massif du lac Beauchamp. Visée vers le SO depuis la voie ferrée du CP. À cet endroit, RCS tendres (colline) et quartzite-pegmatite résistantes (plaine) dominent. L'altitude est d'environ 55 m. (17 février 2024)


Les grands traits du relief du massif et de la plaine qu’il domine nous semblent donc d’origine tectonique. De nombreux miroirs de failles ont été relevés dans le massif et l’orientation de l’un d’eux, NE, est conforme à celle du linéament majeur voisin (slickensides sur la carte ; photo 6). Il a enregistré un mouvement senestre oblique vers le SO d'ampleur inconnu le long de plans verticaux. Notons que je n’ai relevé aucun miroir de faille dans le grès lors de mes explorations dans ce secteur dans les années 2010 (ce qui ne signifie pas qu’il n’y en a pas). On sait que les linéaments ne se poursuivent pas dans le grès. Ils seraient donc antérieurs à la déposition du grès, tout comme les reliefs qu’ils encadrent et qu'ils ont contribué à créer. Bref, nous avons sous les yeux une topographie ancienne, vieille de 500 millions d’années, datant d’avant la déposition du grès et révélée par l’érosion du grès.

La tectonique qui a créé les linéaments aurait donc cessé depuis le Précambrien (mais voir la note sur le GOB, plus bas). (À d’autres endroits, des miroirs de failles sont observables dans le grés cambrien (billet du 14 juillet 2018).)


Photo 4. - La plaine à l'ouest du massif du lac Beauchamp, visée vers le nord. Photo prise dos à des affleurements bas de granite. Il n'y a pas de lien entre le relief et la nature de la roche. (17 février 2024)


J'ai découvert récemment plusieurs brèches* dans le marbre et des roches calco-silicatées apparentées, témoins de frictions entre des compartiments du socle rocheux (X). Pour l'instant, je ne peux rien encore avancer quant à leurs liens avec tel ou tel système de linéaments, sinon que deux d'entre elles sont situées le long d'un linéament N-S ou dans son prolongement. Les données manquent pour en dire plus.
* Brèches. - Roches finement broyées entre des compartiments du socle et charriant des éclats ou clastes anguleux comparativement plus grossiers. 

Bref, un soulèvement relatif des portions du socle qui contiennent aujourd’hui le massif permettrait d’expliquer que le marbre et les roches calco-silicatées micacées, roches fragiles, dominent les quartzites résistants et que le train des plutons de granite, autre roche résistante, se suive à travers la plaine et les collines.

Un point important à souligner pour la compréhension du propos, rapporté par les géologues qui ont étudié le contact Précambrien-Cambrien dans le reste du Québec, en Ontario et dans l'État de New York est que le relief du Précambrien conserve le même aspect qu’il soit exposé ou recouvert par le grès du Cambrien. Autrement dit, la topographie actuelle du Bouclier précambrien est une topographie ancienne exhumée par l’érosion du grès qui s’étendait primitivement au nord que sa limite actuelle.

Chronologie proposée

Précambrien (1200 Ma - 540 Ma)
Métamorphisme, plissement et plutonisme. Gneissossité empreinte dans la roche. (Le tracé des pistes qui ne semble avoir obéi à aucun plan préconçu suit la gneissossité N-S puis SO-NE du socle de façon assez étroite (voir le billet du 17 déc. 2023).) Les brèches pourraient dater de cette époque.
Longue période d’érosion amenant à la surface les roches profondes du socle. Création des linéaments, mouvements et miroirs de failles (brèches ?). Soulèvement du massif, création du relief.

Cambrien et Ordovicien (540-440 Ma)
Sédimentation. Le grès, plus les sédiments carbonatés de l’Ordovicien recouvrent les roches précambriennes : préservation du relief précambrien sous la couverture sédimentaire.

Fin du Dévonien (360 Ma) - fin du Tertiaire (2,58 Ma)
Érosion qui se poursuit de nos jours. La couche de sédiments déposées à partir du Cambrien est érodée peu à peu. Plusieurs longues périodes chaudes et humides durant le Tertiaires : météorisation et altération des roches dans les plans vulnérables (linéaments). (Billet du 23 févr. 2012.) Exhumation du relief du Précambrien.

Quaternaire (2,58 Ma)
Grandes glaciations. Déblaiement des roches altérées, polissage du socle sain. La glaciation du Wisconsinien (100 Ka - 10 Ka), la dernière, est la seule dont il reste des traces dans la région (voir plus bas). Elle laisse des roches moutonnées et polit les sommets du massif du lac Beauchamp. Creusement du lit du lac Beauchamp par érosion fluviatile sous-glaciaire (hypothèse personnelle, voir plus bas). Déposition d'un épais manteau d'argile par la mer de Champlain.

Holocène (derniers 10 000 ans)
Le proto-Outaouais, gonflé des eaux de fontes des glaciers, et plus large que la rivière que nous connaissons, déblaye le secteur du futur lac Beauchamp de l’argile qui le recouvrait (8 500 ans).

Héritage

Le massif est donc un héritage du Précambrien. Si l’érosion qui a détruit la couverture de grès l’a sûrement affecté aussi, si les glaciations ont raboté les sommets et approfondi des dépressions, on constate qu’il n’y a pas de différence d’allure et de matériaux entre les roches du massif et de la plaine Précambriens et les roches de la même époque visibles à l’affleurement de la discordance.


Photo 5. - Brèche à calcite orange et clastes anguleux de pegmatite blanche. La surface altérée (météorisée) est montrée : l'érosion de la calcite met plus en valeur les clastes résistants.

Le fait qu’il n’y a pas d’autre endroits dans la région ou le contact Protérozoïque-Paléozoïque soit exposé sur une si longue distance explique le caractère unique du lac Beauchamp, coincé entre les collines précambriennes et plateau cambrien.

Les sommets

On a vu que le toit du plateau et les sommets du massif culminent à 70 m et quelques. Une telle uniformité ne peut être le fruit du hasard. La conservation des traces du sablage glaciaire sur le grès (stries, trains de boutures et de broutures) indique que les surfaces à cette altitude sont bien celles qui ont été poncées et polies par les glaciers. Aucune marque semblable n’a été relevée dans le massif, mais l’omniprésence des surfaces polies et moutonnées, l’arasage des sommets (photo 2A) sont des preuves indiscutables du passage des glaces.

L’escarpement faisant face au NO sous le SG a d’évidence résisté à l’avancée des glaces qui s’est fait vers le SE ainsi qu’en témoignent les marques d’érosion glaciaire (stries, trains de boutures et de broutures) dans le grès (photo 1). On pourrait d'ailleurs en dire autant de la falaise de grès. Les barrières que représentaient le massif entier, l'escarpement du SG ainsi que la falaise de grès ont donc survécues à l’épisode glaciaire.

Les glaces n’ont joué qu’un rôle de second ordre, rabotant les sommets, polissant le plateau de grès, sans avoir eu un effet majeur dans la sculpture du relief.

L’uniformité des sommets pourrait aussi témoigner de l’existence d’une ancienne pénéplaine attaquée et creusée par l’érosion, glaciaire ou autre. Il faudrait alors expliquer comment cette érosion se serait faite de préférence dans le quartzite résistant. Il faudrait aussi expliquer comment il se fait que le relief précambrien à l'abris de l'érosion sous le grès est le même que celui des collines précambriennes à l'air libre. Un rabotage glaciaire sur un relief tectonique préalable me semble l’explication la plus logique pour expliquer l’existence du massif du lac Beauchamp.


Photo 6. - Stries d'un miroir de faille ou slickensides dans un skarn à l'est de la station du Lac-Beauchamp du Rapibus. Mouvement senestre vers le SO (vers la gauche), faiblement penté. (Juillet 2023)


Il n'y a pas dans le massif de structure NO-SE majeure trahissant une érosion glaciaire évidente. Il y a bien le rebord occidental de la CE, rectiligne et d’aspect poli, qui correspond à un le linéament SE long de plus de 400 m (souligné en jaune sur la carte) à l'abri duquel se trouve le dépotoir de Templeton-Est. La vallée butte au sud sur la CM et, de façon significative, elle ne se prolonge pas dans le Cambrien ou dans le lac (orienté SO-NE, rappelons-le). De plus, elle n'a pas le profil en U d'une vallée glaciaire.

Enfin, il serait difficile d'expliquer comment un système graben-horst large de quelques m sur le flanc de l'escarpement du SG ainsi qu'un éperon rocheux sur le même escarpement, par exemple, auraient pu supporter une érosion glaciaire intensive.

Origine du lac

L’origine du lac Beauchamp est distincte de celle du massif. Elle est aussi plus récente. On peut exclure que le bassin du lac ait été creusé par les glaciers dont l’écoulement, si l’on se fie aux stries glaciaires observées à la surface du grès, c’est faite vers le SE, soit dans une direction perpendiculaire au grand axe du lac. On peut supposer (et c’est une hypothèse personnelle) qu’un chenal sous-glaciaire a érodé le socle à un endroit où, coincé ou canalisé entre le massif précambrien et l’escarpement de grès cambrien, le courant s’est écoulé avec une puissance érosive particulière.

Conclusion

Les linéaments ENE paraissent suivre la gneissosité dominante des roches précambriennes. Celle-ci est en général plus ou moins NE, avec de fréquentes variations. Les complexes de granite-gneiss se conforment à la structure des roches encaissantes. Le pluton de granite du grand étang s’allonge parallèlement à l’escarpement ENE qui le traverse. Il parait jouer le rôle d’épine dorsale du massif. Faut-il envisager que la structure de la roche, très sinueuse malgré sa tendance générale vers le NE, ait influencé l’orientation des linéaments, très rectilignes ?

La seule carte géologique disponible pour le secteur est celle de Wilson et elle date de 1920. Le lac Beauchamp n’y occupe qu’une toute petite place et la géologie du secteur y est très sommairement traitée.

Il est dommage que les roches précambriennes au nord du boulevard Saint-René E soient disparues sous les rues et les bâtiments dans le secteur hors de l’argile de la mer de Champlain.

Le GOB

On peut se demander si les linéaments ont participé aux mouvements tectoniques qui ont créé la graben d'Ottawa-Bonnechère (billet du 20 nov. 2009). Comme ils ne semblent pas se poursuivre dans les roches du Paléozoïque (ex. grès du lac Beauchamp), ont peut douter qu'ils aient participé à son façonnement ou qu'ils en soient la conséquences. Mais des observations sur un si petit secteur ne sont pas nécessairement concluantes.

Référence

  • Richard, S.H., 1982 – Surficial geology, Ottawa, Ontario-Québec / Géologie de surface, Ottawa, Ontario-Québec. Commission géologique du Canada, Cartes série «A» 1506A, 1 feuille. [1/50 000]
  • Wilson, M. E., 1920, Geology of Buckingham, Hull and Labelle Counties, Quebec. Commission géologique du Canada, carte 1691