mardi 24 octobre 2017

Brèche ou pseudo-conglomérat du lac Meech, Qc



Fig. 1. - Brèche explosive ou pseudo-conglomérat du lac Meech formant une jetée naturelle. 
Les « éclats » de l'explosion, cimentés par une matrice de calcite et amphibole, expliquent la surface inégale de la roche.


Résumé
Brèche explosive à matrice de mica-calcite-amphibole dans le batholite de syénite de Wakefield-Quyon (Qc), asociée à des aplites et des pegmatites ; province de Grenville ; âge : plus d'un milliard d'années.
La brèche a d'abord été connue sous le nom de conglomérat du lac Meach (sic).
Localisation
Lac Meech, au nord de Gatineau, dans le parc de la Gatineau. Voir la fig. 2.
31G/12
Photos
21 oct. 2017.



Le SE du lac Meech recèle, sur la rive de la baie Hope, une formation géologique unique dans la région. D'abord nommée conglomérat du lac Meach (sic*) par son découvreur (Mawdsley ; 1930), elle a été identifiée comme étant une brèche explosive par des travaux subséquents (« pseudo-conglomérat » ; Béland, 1951).
* Le toponyme Meach a été rectifié en 1982 pour corriger une méprise séculaire, le lac devant son nom au révérend Asa Meech (1775-1849). Voir la Commission de toponymie du Québec)



Géologie locale


Le lac Meech est à l'extrémité orientale du batholite de syénite* de Wakefield-Quyon. Les roches encaissantes, paragneiss, quartzite et marbre du groupe de Grenville (plus d'un milliard d'années), affleurent à moins de 5 km du lac et sont présentent aussi en lambeaux dans la syénite. Toutes les roches du batholite sont recoupées par un complexe d'aplites et de pegmatites (granite fin et grossier) orangées (complexe du lac Meach (sic), Béland ; 1951). Ces deux intrusions tardives se recoupent mutuellement et passent de l'une à l'autre.
* La syénite est décrite localement comme un « orthogneiss porphyroïde plutôt syénitique » par Béland (1951).


Le pseudo-conglomérat


Au SE du lac, la syénite est traversée par des assemblages de « fragments polyédriques aux angles plus ou moins émoussés » (Béland ; 1951, p. 363), majoritairement de syénite, mais aussi de blocs provenant des roches encaissantes de celle-ci ainsi que d'aplite et de pegmatite. Mawdsley (1930) les a pris pour les éléments d'un conglomérat marquant une discordance dans le Précambrien. Selon cet auteur, les fragments ne dépasse pas 45 cm et seuls les plus petits ont été arrondis. Les fragments sont liés par une matrice composée de mica (phlogopite), calcite rose et d'une amphibole bleue. La matrice a corrodé des fragments jusqu'à une profondeur d'un cm.

Hogarth (1970) signale plusieurs autres occurrences de ces brèches dans le secteur exploré par Mawdsley ainsi qu'au sud du lac Meech. La plupart sont en plein bois, dans les collines, et difficilement repérables.

Béland (1951) a établi que le conglomérat était plutôt une brèche explosive. Dans la situation instable qui voyait la pression de la fraction volatile (H2O) du magma granitique varier grandement et favoriser tour à tour la cristallisation de pegmatites ou d'aplites, il arrivait que le seuil de résistance des roches environnantes soit dépassé. Celles-ci se fracturaient et il s'ouvrait des failles où se projetaient pèle-mêle éclats et fragments. Les brèches d'explosion ainsi créées ont « livré passage aux émanations hydrothermales » (Béland ; 1951, p. 365). L'eau, sous fortes pressions et hautes températures, a favorisé la circulation des minéraux qui, se cristallisant, ont donné la matrice.

Les contacts de la syénite avec la brèche sont verticaux. Il y a une gradation entre la syénite intacte, la syénite fracturée mais dont les fragments sont demeurés en place et la brèche elle-même. Mawdsley signale des filons et un sill de pegmatite recoupant les brèches. La projection des blocs par explosion explique la présence d'une minorité de roches autres que la syénite dans la brèche (paragneiss, quartzite, etc.). La préservation des fractures de part et d'autre des brèches joint à l'aspect presque intact de plusieurs fragments indiquent que les distances parcourues n'ont pas dû être très grandes.

La seule ocurence des brèches que j'ai pu examiner est la « localité B » de Mawdsley (fig. 2). C'est l'endroit où, selon cet auteur, le « conglomérat » apparaît le mieux consolidé (les fragments ne se laissent pas extraire) et où la matrice est le plus pauvre en mica. La syénite a fourni la plupart des fragments de cette localité. L'échantillonnage est interdit dans le parc de la Gatineau ; l'examen visuel, pour ma part, m'a indiqué la présence de fragments de syénite rose pâle et d'une roche orangé vif, à grain fin (aplite ?). La carte de Béland (1954 ; 1977) montre un corps d'aplite recoupant la syénite sur le lieu de la brèche ou tout près, l'échelle ne permettant pas d'être trop affirmatif quant à la position des formations.

Je ne jure pas que j'aurais pu distinguer ces brèches des autres intrusions ou mobilisations de carbonates (carbonatites ou skarns), omniprésentes dans la région. L'amphibole bleue (arfvedsonite ?) de la matrice n'est pas un minéral discriminatoire, on en retrouve dans des carbonatites et des aplites sur la rive sud du lac Meech. Il y aurait un travail de synthèse à faire à ce sujet, mais la tâche dépasse mes compétences.

Les observations sont compliquées par le fait que nous sommes redevables des mêmes affleurements depuis l'époque de Mawdsley et que leur surface altérée et couverte de lichens est de plus en plus obscurcie.


Références


  • Béland R., 1951 — « Le pseudo-conglomérat du lac Meach. » Nat. Can., 78 : 361-366.
  • Béland R., 1977 — Région de Wakefield. MRNQ, DP 461, 91 p., avec une carte au 1/63 360. (Rédigé en 1955, versé au fichier ouvert en 1977.)
  • Hogarth D.D., 1970 — Geology of the Southern Part of Gatineau Park, National Capital Region. CGC, étude 70-20, 8 p., avec carte 7-1970 (1/18 000).
  • Mawdsley J.B., 1930 — « The Meach Lake conglomerate: A Conglomerate, Probably of Huronian Age, Occuring Within the Grenville Sub-Province. » TSRC, v. 24, série III, sect. IV : 99-117.




Fig. 2. - Carte de Mawdsley (1930) montrant les affleurements de son conglomérat (en fait, des brèches explosives) sur la rive SE du lac Meech. Mes photos proviennent de sa Locality B dont le plan détaillé figure en haut à droite. Notez l'ancien toponyme, Meach au lieu de Meech.



Fig. 3. - Autre vue de la brèche : la « jetée » de la fig. 1 est à gauche. Une curieuse tranchée rectiligne SW-NE coupe la formation en deux. Je n'ai pas trouvé d'explication à ce phénomène (faille ou zone riche en calcite lessivée ?).


Fig. 4. - Éléments anguleux à sub-anguleux de la brèche. Les surfaces apparaissent corrodées par la matrice, riche en calcite, qui a été lessivée par l'érosion.



Fig. 5a. - Gros plan sur les fragments de syénite(?).



Fig. 5b. - Détail de la fig. 5a. Vestige de l'amphibole verte de la matrice entre deux fragments. La calcite, autre minéral constituant de la matrice, est malheureusement mieux visible sur la surface la moins accessible de la brèche, celle qui fait face au lac (voir fig. 11).



Fig. 6. - Pavage de blocs de syénite.



Fig. 7. - Résidus de l'amphibole bleue de la matrice sur les blocs.




Fig. 8. - Extrémité de la jetée (fig. 1) dans les eaux du lac Meech. Les fragments ici sont plus rugueux, plus petits et plus tortueux. Il y a un alignement de leurs grands axes vers le NE. Leur teinte rouge indique qu'ils sont d'une autre nature que ceux vus jusqu'ici.



Fig. 9. - Vue rapprochée des fragments rouges de la fig. 8, corrodés par la matrice lessivée. D'après la grosseur du grain, plutôt fin, il pourrait s'agir d'une aplite.



Fig. 10. - Brèche d'explosion, vue selon la direction (Béland ; 1955 ; sa fig. 16).



Fig. 11. - Au centre, sous l'eau : fragments rouges (aplite ?) cimentés par une matrice de calcite rose pâle et d'une amphibole verte.





Fig. 12a et 12b. - Dans le bois, en tourant dos au lac et à la « jetée » de la fig. 1 : syénite défaite en blocs.
Les lichens ont proliféré entre les blocs, sur la matrice qui les retient. Des fragments semblent n'avoir pas beaucoup bougé après une première et seconde cassure (à droite, photo 12a).



Fig. 13. - Vue rapprochée de la fig. 12b donnant une meilleure idée des dimensions de l'affleurement.



Fig. 14. - Résidus de calcite le long de la diagonale qui monte vers la gauche à partir des doigts.

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