vendredi 27 juillet 2012

Le porphyre et la grenouille (1 de 2)


Éco-Odyssée, près de Wakefield, en Outaouais.
Canal en état de léthargie apparente ; la vie y grouille et ne connaît pas de repos. (25 juillet 2012.)


Que faire d'un terrain marécageux quand on a été agent de conservation de la faune ? Y déclarer les castors les bienvenus, y aménager un réseau de canaux et inviter les humains à les sillonner à pédalo en leur donnant tout ce qu'il faut pour qu'ils retiennent quelques notions de cette promenade dans cet environnement grouillant de vie.

«Lorsqu'on visite des sites naturels, on est plutôt passif. [...] Moi, je voulais créer quelque chose où les gens qui vont en nature sont actifs.» Michel Leclair, propriétaire-fondateur d'Éco-Odyssée, cité par Charles Thériault, journal Le Droit, 15-16 nov. 2008, «Idée originale dans les marais de La Pêche»
«Aménagé sur un site enchanteur, Eco-Odyssée est un labyrinthe d’eau composé d’une soixantaine d’intersections étalées sur plus de 6 km. Choisissez l’aventure qui vous convient et appréciez la splendeur du marais confortablement installé dans votre pédalo. Apprenez à différencier les nombreuses espèces animales et végétales qui vivent dissimulées dans ce havre de verdure.  Vous serez charmés  par cette balade de découvertes.» Extrait de la page d'accueil du site d'Éco-Odyssée


Réseau des canaux d'Éco-Odyssée vu de satellite. Photo © Google
Éco-Odyssée a été nommée nouvelle entreprise de l'année 2009 par l'Association de l'industrie touristique du Canada.


Photo tirée du site Internet d'Éco-Odyssée (lien donné au début du billet).


Dominique Dufour, chargé de concevoir de nouveaux parcours d'interprétation, m'a fait visiter le site et rencontrer Michel Leclair – que l'accueil des visiteur accaparait beaucoup.

Dominique souhaite intégrer des renseignements sur la géologie locale pour enrichir l'un des parcours thématiques qui seront bientôt ouverts. Manque de bol, la géologie de l'endroit est très simple, le marais étant dans le creux d'une cuvette constituée d'une très homogène syénite (avec un peu de marbre brucitique, il est vrai, comme à la carrière Morrison, à 3 km de là, et dont j'ai déjà parlé). Difficile de tabler sur les ressources locales, côté pétrologie, pour la variété et la diversité.

Mais Dominique a de l'imagination, il saura bien se débrouiller !


Le réseau de canaux d'Éco-Odyssée vue d'une des collines de syénite qui l'environnent (Le Belvédère). Quelques pédalos, au loin, saisis en pleine randonnée. Je soupçonne le fond de la plaine d'être formé de marbre (abondant dans la région et que sa mauvaise tenue face aux agents érosifs confine aux basses altitudes et aux dépressions). Qu'est-ce que la topographie du site doit à l'action des glaciers, à quel point le contraste entre les collines (syénite) et la plaine (marbre?) a été créé par eux ou s'ils l'ont seulement accentué ? S'ils n'ont pas érodé de préférence le marbre, ont-ils exploité une ligne de faiblesse (faille) dans le socle rocheux ? (Diverses explications peuvent se combiner.)
(25 juillet 2012.)


 Autre vue d'un canal. Les castors font des réserves de bouts de bois. Mes photos ne sont pas très spectaculaires, ceux qui apprécient la nature goûteront cette absence de clinquant. (25 juillet 2012.)


Pour les pauvres qui, comme moi, ne font pas la différence entre un bouleau et un chevreuil (l'un perd ses feuilles en hiver, l'autre ses bois, mais lequel fait quoi ?) c'est une occasion d'en apprendre un peu sur la nature dont, paraît-il, nous faisons encore partie.

Bon, j'exagère un peu l'ampleur des lacunes de ma science floro-faunistique. Si le temps nous a manqué pour faire une véritable randonnée sur l'eau, une reconnaissance sur un sentier pédestre qui longeait un canal et une marche dans le bois m'a permis d'en voir beaucoup et d'apprécier ma visite.


Photo à la valeur documentaire contestable, mais c'est ma préférée. (25 juillet 2012.)


Il me fallait absolument trouver un aspect géologique à l'endroit. Vieille paroi de syénite aux joints arrondis par le temps. Ou sont-ce les plis du ventre du Bouddha ? (25 juillet 2012.)


Et la grenouille me direz-vous ? Eh bien, la voici :

Saurez-vous identifier la grenouille reproduite ici ? La réponse se trouve sur le terrain (parfois marécageux) d'Éco-Odyssée. (La photo n'est pas fameuse, c'est pour ça que je l'ai reléguée à la fin du billet, et encore, en tout petit.) (25 juillet 2012.)

Pour le porphyre (et connaître l'identité de la grenouille), rendez-vous au billet no 2.

jeudi 26 juillet 2012

Nodules sans commentaires


Nodules calcareux trouvés dans l'argile de la mer de Champlain, à Ottawa, sur les rives de l'Outaouais, entre l'embouchure du ruisseau Green et le parc Hiawatha. (Pour localisation, voir à la toute fin du billet, sous «PAYS/TERRITOIRE», le lien vers la carte Google.)


Nodules calcareux fusionnés.


Nodule fixé à un bloc de gneiss qui s'écaillait, ce qui a permis de prélever sans problème cet échantillon. (Le bloc a moins bien résisté à son séjour prolongé (10 000 ans, voir passage cité plus bas) dans l'argile que le tout petit nodule...)


Un des intérêts de ces nodules est de contenir (parfois) des restes de la faune de la fin de la dernière glaciation, il y a 10 000 ans : coquilles de mollusques, squelettes de poissons, d'oiseaux ou d'une grenouille (voir le second des liens, plus bas), etc.

Comme ces photos n'avaient pour but que de montrer à quelqu'un à quoi ces nodules pouvaient ressembler, il n'y aura pas d'autres commentaires.

Quand même, ne soyons pas chiches, voici deux liens :

 «Un squelette bien préservé d'une grenouille léopard (Rana pipiens) a été trouvé dans un nodule calcaire, collecté près de Eardley, Québec. De tels nodules apparaissant dans la région d'Ottawa datent de la phase du delta d'Ottawa de la mer de Champlain, il y a environ 10 000 ans avant le Présent; on peut y trouver aussi des vestiges de poissons, oiseaux, mammifères, coquilles de mollusques marins et autres invertébrés et plantes. Les analyses palynologiques de la matrice accompagnant le spécimen suggèrent soit : (1) que la région où vivait cette grenouille était dominée par des communautés forestières, ou (2) si on présume que ce spécimen est issu d'une grande étendue d'eau, dans ce cas le milieu était composé de communautés d'herbe et arbuste avec des arbres sporadiques. C'est la première fois que l'on décrit un amphibien dans les dépôts de la mer de Champlain. Le spécimen indique la présence d'une prairie herbeuse à proximité du littoral.»

AJOUT (même journée). – Un lien encore :


samedi 21 juillet 2012

Faire belle figure : suite


Et si la nature obtenait sans le faire exprès ce qu'il nous faut efforts et obstination à réaliser ?


Suzanne Guité, Terre des Hommes (ou Love), 1967, Centre national des Arts, Ottawa


Version naturelle, marbre altéré par l'érosion, parc de la Gatineau 
(voir ce billet, dans ce blogue)



Pedigree de l'œuvre reproduite au début du billet. Pour la CCN : suivre ce lien.
Ce site donne un autre aperçu de la sculpture de Suzanne Guité
Autre lien (rendez-vous à Terre des Hommes (Part 1..., Part 8)


Miroir de faille (suite)


Site X1 sur la carte 2 (plus bas). Granite blanc à tourmaline noire et pyrite. (Juillet 2012.)


Je n'avais pas l'intention de m'attarder encore dans le secteur nord du boulevard de la Cité-des-Jeunes, mais les commentaires d'un lecteur, un certain BMP, me pousse à compléter la description du contexte géologique du miroir de faille qui a été le sujet de mon dernier billet.

La Commission de la capitale nationale (CCN) a entrepris la construction d'un nouveau tronçon de piste cyclable le long du boulevard de la Cité-des-Jeunes. Le boulevard ayant déjà été élargi à cet endroit l'été dernier, un certain mécontentement s'est manifesté chez les gens du secteur qui se demandent pourquoi la CCN et la Ville ne se sont pas entendus pour faire coïncider les travaux dans l'espace et le temps... (Lien)

Ces questions de coordination et de partage de compétences dépassent le cadre de ce blogue qui ne prendra pas position. Les travaux ont au moins le mérite de nous offrir des affleurements tout neufs (et néanmoins parfois rouillés à n'y rien voir).


Site X1 sur la carte 2 (plus bas). Le roc, taché de rouille à cet endroit, n'abonde pas en détails photogéniques. Ici, paragneiss à biotite et grenat. (Juillet 2012.)


Détail de la photo précédente.


La nouvelle piste débute à la hauteur de l'intersection du boulevard de la Cité-des-Jeunes et du boulevard des Hautes-Plaines et rejoindra le chemin Dennison (piste 5 du parc de la Gatineau)*.

* Ce blogue prend parfois position : je préfère utiliser les toponymes vernaculaires (chemin Dennison, dans le cas présent) plutôt que les technocratiques et insipides appellations que la CCN, qui gère le parc de la Gatineau, nous impose.

D'après la carte géologique de Guilloux et al. (1972), la roche qui prédomine dans les environs est le marbre associé à des roches calco-silicatées (RCS, ou skarns, voir ce billet dans ce blogue). D'autres sources (Hogarth, 1970) se contentent de mentionner du marbre à graphite, ce qui est vrai, mais restrictif. On observe aussi du marbre vert, fréquent près des RCS, et facile à confondre avec elle sur les photos.

Cet ensemble est lardé de bandes de gneiss à diopside et scapolite, de gneiss à biotite-grenat-sillimanite, de quartzite à biotite. Des occurrences de pegmatites (granite grossier), la plupart de temps de couleur blanche, sont omniprésentes. (Les RCS sont farcies de granite blanc et de calcite blanche qu'il est facile de confondre sans un peu de vigilance.)


Carte 1. Guilloux et al. (1972), déjà publiée dans ce blogue.


© Google
Carte 2. Partie est de la carte de Guilloux et al. (1972) modifiée et superposée à une photo satellite 
( © Google). A5 : autoroute 5 ; CD : chemin Dennison (piste 5 du parc de la Gatineau) ; CdJ : boul. de la Cité-des-Jeunes ; HP : boul. des Hautes-Plaines ; Q : rue du Quartz ; ligne blanche : tracé approximatif de la nouvelle piste cyclable ; X orangés : sites photographiés (positions approx.).


Plus à l'ouest, à l'intérieur du parc de la Gatineau, on trouve le gisement de magnétite de la mine de magnétite Forsyth dont nous avons déjà parlé (lien). (La mine se trouve au centre de la carte 2.)

Un affleurement montre un granite et un quartzite semés de tourmaline noire éparse qui se concentre en bandes tantôt concordantes, tantôt discordantes (voir photo au début du billet). Qui, du granite ou du quartzite, a contaminé qui ? La question mérite qu'on revienne plus tard à cet endroit. (Affaire à suivre.)

En bref, on peut résumer la situation en disant que partout se manifeste l'étroite (et complexe) association du marbre et des RCS et qu'il suffit (presque) de gratter l'un pour atteindre l'autre.


A

B

C
Site XXX 2 sur la carte 2. Situation en juillet 2011, avant les travaux de cet été.
A. Marbre blanc contenant une enclave verte (RCS). Le filon blanc qui longe l'enclave à sa gauche est du granite.
B. RCS et le miroir de faille décrit dans mon dernier billet (au centre de la photo). Techniquement, le lecteur qui m'avait objecté que le miroir de faille était dans une RCS et non un marbre, tout proche et roche dominante du secteur, avait raison (voir commentaire signé BMP dans mon précédent billet).
C. Transition irrégulière RCS verte - marbre blanc semé d'enclaves.


D

E

F
Site XXX2 sur la carte 2. Situation actuelle (juillet 2012). D et E : marbre blanc et RCS verte. Noter que le marbre vert abonde à cet endroit et qu'il se distingue mal sur les photos des RCS. La terre restée accrochée aux aspérités de la roche, l'irrégularité de cassures ne facilitent pas la lecture de l'affleurement. Raison pour laquelle je n'avais pas l'intention d'abord de publier ces photos... En F : intrication complexe du marbre et de la RCS.


Site X 3 sur la carte 2. Situation complexe comme je les aime. En haut, RCS verte traversée de bandes obliques de granite blanchâtre ; en bas, marbre blanc sale. (Le marbre, facilement rayé, est marqué de lignes blanche par la machinerie.) (Juillet 2012).


RÉFÉRENCES
Guilloux L., Blais R.A., Coy-Yll R., 1972 — «L’origine métasédimentaire du gisement de magnétite de Forsyth, Province de Québec, Canada.» Mineralium Deposita, vol. 7, p. 154-179.
Hogarth D.D., 1970 — Geology of the southern Part of Gatineau Park, National Capital Region, Quebec. Commission géologique du Canada, Étude 70-20, 1970., 7 p. (avec carte 7-1970, 1:18 000)

samedi 14 juillet 2012

Miroir de faille


Miroir de faille dans un marbre, boulevard de la Cité-des-Jeunes, à Gatineau. (Photo juillet 2011.) Blanc : marbre (calcite) ; vert : roche calco-silicatée (skarn) associée.


Un miroir de faille «est la surface de friction sur laquelle s'est fait le glissement de deux compartiments» rocheux. Les striations (tectoglyphes, ou slickensides), créées par le frottement et la recristalisation de la matière, s'empilent en gradins. Dans cette progression, un gradins qui en recouvre un autre est plus ancien que celui-ci.  


Détail (légèrement accentué) de la photo.


Ici, le mouvement du compartiment rocheux s'est fait obliquement, du bas vers le haut. Voir Wikiki (en anglais).

Note. – Ce miroir de faille, mis au jour par le début des travaux de la nouvelle piste cyclable à l'extrémité du boul. de la Cité-des-Jeunes, au nord du boul. des Hautes-Plaines, a été détruit par leur avancement.

Note (bis). – Pour les corrections touchant l'emploi des mots marbre et roche calco-silicatée, voir les commentaires de BMP liés à cet article.

jeudi 12 juillet 2012

Faire belle figure


Quand les roches vous donnent l'impression de se renfrogner en votre présence au point 
de vous opposer la figure d'un gnome contrarié ou la gueule d'un bouledogue irascible, 
il est peut-être temps de vous mettre à l'ornithologie ou à la botanique...
Parc de la Gatineau, 12 juillet 2012

Suite ici.

Déchaussement et herbe à la puce


On parle de déchaussement pour désigner la dénudation jusqu'à la racine d'une inclusion par dissolution progressive de la roche qui l'entoure, l'inclusion pouvant être une roche d'un autre type que celle qui l'englobe ou un simple cristal résistant.

Prévost et Lauriol (1994)* ont estimé le taux d'érosion régional du marbre sous l'action de l'eau courante à 0,94 cm par siècle (0,42 cm en eaux calmes).

* Voir cet ancien billet (dans ce blogue) et leur article (lien externe).

Ces valeurs – qu'il faut manipuler avec précaution, l'exposition aux agents érosifs de telle roche ayant pu changer au cours du temps – permettent d'estimer la durée de déchaussement des diverses d'inclusions du marbre local.

Qu'il soit bien entendu que les extrapolations que je risque, menées à partir des valeurs fournies par Prévost et Lauriol, ne prétendent à aucune rigueur scientifique et n'engagent que moi...


Marbre semé d'inclusions, île Marguerite, rivière Gatineau, à Gatineau.
Les roches de l'endroit montrent des marques évidentes d'érosion par l'eau courante. (Voir cet ancien billet dans ce blogue, ainsi que tous ceux consacrés à l'île Marguerite.)
La plate-forme de marbre contient des inclusions résistantes de granite et de gneiss. Ici, celle qui dépasse, un peu comme un nombril, du plancher de marbre, mesure environ 27 cm (hauteur). D'après le taux de dissolution du marbre dans l'eau courante donnée plus haut, on peut déduire, en supposant que cette inclusion ait été exposée sans interruption aux effets des eaux courantes de la Gatineau, qu'il a fallu environ 2870 ans pour la déchausser à ce point. (Photo 10 juillet 2012.)[Ajout (8 janv. 2015). – Rien ne prouve que l'extrémité de l'inclusion affleurait à la surface du à l'origine. Si elle était au départ entièrement incluse dans la roche, le taux de dissolution du marbre est plus élevé que ce que j'ai calculé.)

Bloc de marbre semé d'inclusions diverses, île Marguerite, Gatineau.
Même calcul, mêmes données (déchaussement de 27 cm), même résultat : temps d'érosion estimé là encore à 2870 ans. Combien de temps avant que cette inclusion ne se détache ? (Photo 10 juillet 2012.)


Autre point de vue.
(Photo 10 juillet 2012.)


Île Marguerite, Gatineau.
Résultat ? Le sol est jonché d'inclusions détachés du marbre (clapier). Note. – Une proportion importante des grains, gravier et pierraille ne «traînent» pas : ils sont à leur place, encore ancrés dans le marbre. (Photo juin 2010.)


Résultats
Il est intéressant de constater que le déchaussement des deux inclusions qui ont fait l'objet de mesures apparaît comme identique. Hasard, synchronicité ou erreur de ma part ? La mesure des dimensions de ces inclusions a été faite d'après photos, qui n'avaient pas été prises dans ce but, ce qui, dès le départ, oblige à tolérer une certaine marge d'imprécision. 

Comme mon projet n'était que d'obtenir une idée du temps d'érosion, même grossière, je crois que ces résultats ont leur intérêt.

Que ces blocs se soient déchaussés en 2570 ans ou en 3170 plutôt qu'en 2870 a moins d'importance que de pouvoir appréhender le phénomène dans la durée à partir d'observations grossières. (Et, bien sûr, de données plus exactes fournies par des géologues sérieux !...)

Je retournerai sur place prendre des mesures plus précises. (Affaire à suivre.)


Herbe à la puce


Attention à l'herbe à la puce près du site, le long de la rue Saint-Louis, côté rivière !


RÉFÉRENCE
Clément Prévost et Bernard Lauriol, 1994, «Variabilité de l'érosion actuelle et Holocène : le cas des marbres de Grenville en Outaouais Québécois», Géographie physique et Quaternaire, vol. 48, no 3, p. 297-304.
Article téléchargeable gratuitement à l'adresse suivante :
http://id.erudit.org/iderudit/033010ar

samedi 7 juillet 2012

Sea, Sex and Zinc


Pas de zinc, de molybdène ou de cuivre : pas de sexe non plus, ni de reproduction sexuée tout court.

La source ultime de tous ces ingrédients est dans le granite.

Donc, en une formule un peu courte, on peut dire «pas de granite, pas de sexe».

La formation des protéines indispensable à la vie dépend d'un certain nombre de métaux lourds. Le zinc, le molybdène et le cuivre sont d'importance capitale pour les eucaryotes (organismes uni- ou pluricellulaires) qui comprend les animaux, les plantes et les Fungi (champignons), tous pouvant (ou se devant de) recourir à la reproduction sexuée.



Photos : granite rose s'immisçant dans un paragneiss sombre (migmatite). Halsteads Bay, à l'est de Gananoque (Ontario), dans les Mille-Îles. 28 octobre 2007.


Les organismes complexes multicellulaires sont apparus il y a 800 millions d'années alors que la teneur en métaux lourds des océans avait atteint un certain seuil.

Mais d'où viennent ces métaux ? Du granite, nous l'avons dit, dont de larges volumes se sont injectés dans la croûte terrestre il y a 1,9 milliard d'années.

Amenés à la surface par l'érosion, peu à peu usés et décomposés, ces granites ont littéralement poivré en métaux lourds le sol et les eaux de la planète.

Et c'est ainsi que sans granite, la Terre serait peut-être encore peuplée d'organismes unicellulaires aux mœurs simples se reproduisant par scissiparité et que les fins de semaine seraient plus tranquilles et l'existence en général moins agitée.

Moralité de cet exposé : je ne suis pas sûr d'avoir réussi à la dégager.

En attendant, vive le granite sans qui nous ne serions pas !




SOURCES
Geology, par l'entremise de :
NewScientist

mercredi 4 juillet 2012

Et Gatineau, c'est pas une ville sensible, elle ? : suite


Version «épuchée» (sans les couches comportant les détails du réseau routier, etc.) pour meilleure lisibilité de la carte de Hunter et al. (2012). Pour les «non locaux», la rivière qui coule de l'ouest vers l'est est l'Outaouais : rive gauche, la ville de Gatineau ; rive droite, la ville d'Ottawa.
Par ordre de sensibilité croissante aux secousses sismiques : vert, bleu : socle rocheux sain ou peu altéré ; jaune, ocre, rouge : till glaciaire compact, sables fluvioglaciaires, argiles glaciomarines non consolidées. © Ressources naturelles Canada.


Il y a quelque temps, j'avais consacré un billet («Ottawa, ville sensible») à la carte de la sensibilité sismique des sols de la ville d'Ottawa (Hunter et al., 2009) que Ressources naturelles Canada venait de publier. La carte négligeait la rive nord de l'Outaouais, lacune qui m'avait fort désolé («... et Gatineau? C'est pas une ville sensible, elle ?...») à l'époque. Déficience aujourd'hui comblée puisqu'une nouvelle version du document étend la cartographie à la ville de Gatineau (Hunter et al., 2012).

Chaque Gatinois voudra sans doute aller vérifier la stabilité des fondations de son domicile ! La carte est téléchargeable gratuitement (pdf de 194 Mb). Suivre ce lien (GEOSCAN) et faire une recherche avec le numéro du document : 7067. (Si ça ne fonctionne pas, comme ça semble être le cas, utilisez le nom de l'auteur principal, Hunter.)

Les auteurs de ses deux cartes ont réparti les sols (et le sous-sol) du territoire cartographié en cinq classes, depuis le socle rocheux sain ou peu altéré (classes A, B – vert, bleu sur la carte) jusqu'au till glaciaire compact, aux sables fluvioglaciaires et, enfin, aux argiles glaciomarines non consolidées (classes C, D, E – jaune, orangé, rouge).

Le comportement de ces classes de sols en cas de séisme est d'autant plus problématique qu'on s'éloigne du A vert et que l'on se rapproche du E rouge. (On croirait lire du Rimbaud.)

Pour ma part, j'habite le B bleu. Pas si mal.


F comme fluide et fluent...
L'intérêt de cette «version étendue», outre la couverture plus grande, est de rappeler la possibilité qu'il se trouve dans la région des sols de la catégorie F qui s'ajouterait à celles déjà décrites. Les sols F seraient susceptibles de se liquéfier en cas de fortes secousses sismiques. Il reste cependant à s'assurer de leur présence effective dans le secteur cartographié. (Voir plus bas les extraits du texte qui accompagne la carte.)

«Durant un séisme, les secousses ne seraient pas ressenties uniformément à travers la ville, mais différemment de secteur en secteur, selon la nature de la roche en place et la structure du sol. Les zones comblées par d'épaisses couches d'argile à Leda* [brunes et rouges sur la carte] seraient susceptibles de connaître de plus fortes secousses et, donc, de subir de plus amples dommages en cas de séisme majeur.» (Duffy ; mon adaptation.)

Les zones où affleure des roches saines (métamorphiques ou sédimentaires) se ressentiraient moins des effets des séismes. En revanche, à Orléans (quartier à l'est d'Ottawa) par exemple, qui s'étend en partie au dessus d'une ancienne vallée comblée par de l'argile marine et où l'épaisseur du «remplissage» atteint 96 m, n'est peut-être pas idéalement située. La forme de la vallée favoriserait l'amplification des ondes de surfaces, qui sont, parmi les ondes sismiques, celles qui provoquent le plus de destruction.

Le tremblement de terre de Mexico – ville érigée dans un ancien bassin lacustre rempli de sédiments non consolidés –, a fait prendre conscience, en 1985, des dangers liés à ce genre de configuration. La nouvelle cartographie montre que la zone sensible d'Orléans se prolonge au nord et couvre une partie non négligeable de Gatineau. Une autre zone sensible chevauche la Gatineau à son embouchure, là où cet affluent rejoint l'Outaouais. (Revenir un jour sur ce sujet : une partie des zones sensibles à Gatineau (en rouge) coïncident avec des sites de glissements de terrains préhistoriques majeurs.)

*Argile à Leda. – Argile glaciomarine déposée au fond de la mer de Champlain (entre 12 000 et 10 000 ans avant aujourd'hui). Nommée ainsi à cause d’une moule fossile qu’on y trouve.


Détail de la carte de Hunter et al. (2012) : Gatineau et Ottawa. Par ordre de sensibilité croissante aux secousses sismiques : vert, bleu, jaune, ocre, rouge (voir image au début du billet). © Ressources naturelles Canada.


Extraits (Hunter et al., 2012)
All five of the NBCC seismic site classes A to E are present within the cities of Ottawa and Gatineau. In particular, the map reveals that class D and E areas are present beneath the urban and suburban parts of the city, mainly due to the presence of thick deposits of ‘soft’ glaciomarine sediments (or Leda clay). In some places Leda clay reaches thicknesses up to 100 m, infilling buried bedrock valleys. Locally, the transitions from classes A to E can occur over distances of less than 500 m [...], reflecting the steeply-sloped margins of the buried valleys. [...]

Site class F, the sixth NBCC seismic site class, defines a special case of soil conditions, including liquefiable soils, quick and highly sensitive clays, >3 m of peat, >8 m of highly plastic clays and >30 m of soft to medium stiff clays [...]. At a class F site, site-specific geotechnical evaluation is required to assess amplification of the firm-ground seismic hazard values. [...] It should be noted that it is possible that class F site conditions may be found within the areas mapped as C through E, as Vs30 alone does not allow class F conditions to be indentified.

[...] three generalized stratigraphic units which have distinct shear wave velocity (Vs) characteristics. These three units (from surface downwards) are: (1) deglacial/post-glacial deposits (consisting of glaciomarine, deltaic, and fluvial deposits); (2) glacial deposits (till, diamicton and glaciofluvial deposits); and (3) bedrock.

Zone sismique active
Rappelons, pour ceux qui l’auraient oublié, que Gatineau et Ottawa arrivent en troisième place, après Vancouver et Montréal, dans la liste des agglomérations à risque sismique au pays. Gatineau, comme sa voisine ontarienne, est située dans une zone sismique active, la zone sismique de l'Ouest du Québec :

Zone sismique de l'Ouest du Québec : carte des épicentres. © Ressources naturelles Canada.
Note. – Hull, au Nord d'Ottawa, fait maintenant partie de la ville de Gatineau.Voir cet ancien billet pour plus de détails.


Références
  • Duffy, Andrew, «Exclusive: Scientists map Ottawa quake risk», The Ottawa Citizen, 24 avril 2009. Voir aussi, du même auteur, «Engineers to test city structures for earthquake vulnerabiliy», The Ottawa Citizen, 30 avril 2009.
  • Hunter, J.A., Crow, H.L., Brooks, G.R., Pyne, M., Lamontagne, M., Pugin, A.J.-M., Pullan, S.E., Cartwright, T., Douma, M., Burns, R.A., Good, R.L., Oliver, J., Motazedian, D., Khaheshi-Banab, K., Caron, R., Dion, K., Dixon, L., Duxbury, A., Folahan, I., Jones, A., Kolaj, M., Landriault, A., Muir, D., Plastow, K., Ter-Emmanuil, V., Ottawa - Gatineau Seismic Site Classification Map From Combined Geological/Geophysical Data; Commission géologique du Canada (CGC), dossier public 7067, échelle 1/80 000, 2012. doi:10.4095/291440. Disponible gratuitement au site GEOSCAN de la CGC (pdf de 194 Mb).
  • Hunter, J A; Crow, H; Brooks, G R; Pyne, M; Lamontagne, M; Pugin, A; Pullan, S E; Cartwright, T; Douma, M; Burns, R A; Good, R L; Motazedian, D; Kaheshi-Banab, K; Caron, R; Kolaj, M; Muir, D; Jones, A; Dixon, L; Plastow, G; Dion, K; Duxbury, A; Landriault, A; Ter-Emmanuil, V; Folahan, I (éd.), City of Ottawa seismic site classification map from combined geological/geophysical data, Commission géologique du Canada (CGC), dossier public 6191, échelle 1/115 000, 2009; 1 feuille. Disponible gratuitement au site GEOSCAN de la CGC (pdf de 22 Mb).
  • Ressources naturelles Canada : «Ottawa Urban Earthquake Hazard Mapping» et «La zone séismique de l'Ouest du Québec».