dimanche 27 juin 2010

Marmite (suite de la suite, etc.)

27 juin 2010

Je ne suis pas revenu depuis un bout de temps sur la marmite des Allumettières que la construction du viaduc du Rapibus a paru un moment mettre en péril. (Voir ici, et autres billets à partir de là.)

On dirait bien que, sur le site, les travaux ont atteint leur expansion maximale ; on ne débite plus de roc, les structures de béton sont déjà (toutes?) en place. La marmite est toujours là, épargnée par les marteaux-piqueurs et rien ne paraît plus la menacer dans l'immédiat. Les ouvriers semblent continuer d'éviter de l'utiliser comme salle de débarras pour outils et déchets (bravo!)




À suivre...

Séismes de Val-des-Bois (2010) et de Mont-Laurier (1990) : comparaison (+ Ajout)

Sources des cartes : Lamontagne et al. (1994) et USGS (2010)

Cartes superposées : complément aux légendes
Carte en rouge et ajouts en noir
Source : Lamontagne et al. (1994)
Intensité des séismes : échelle de Richter
Le séisme de 1990 à Mont-Laurier est représenté par une étoile.
Les flèches noires (ajout) aident à repérer les limites de la Central Metasedimentary Belt (CM Belt) / ceinture centrale des métasédiments (CCM).

Carte en plusieurs couleurs
Source : USSG (2010)
Intensité du séisme : échelle de Mercalli modifiée

Zone couverte et géologie
La région représenté est partagée entre la province de Grenville (plus d'un milliard d'années) et les roches sédimentaires du Paléozoïque (moins de 540 millions d'années). Les divisons de la province de Grenville sont décrites dans le texte.
Les roches entre le Saint-Laurent et l'Outaouais, un peu en amont d'Ottawa et à l'E de cette ville, appartiennent au Paléozoïque.
Les failles du graben d'Ottawa-Bonnechère sont orientées NW-SE et SW-NE (le long de l'Outaouais et du Saint-Laurent).


Coïncidences
Je me suis amusé à superposer une carte extraite d'un article consacré au tremblement de terre de Mont-Laurier (1990) à celle de l'USGS sur le séisme de Val-des-Bois (2010) que j'ai reproduite hier dans ce blogue. Les données essentielles sur ces deux séismes de magnitude 5,0, échelle de Richter, sont à la fin de ce billet, dans «Rappel».

(Prière de vous reportez aux billets qui précèdent pour les explications qui manqueraient ici. – Lien ; lien et lien.)

Comme il était souligné dans mon billet d'hier, la zone d'intensité IV autour de l'épicentre du séisme de Val-des-Bois coïncide avec les limites de la partie S de la ceinture centrale des métasédiments (CCM) au Québec (Central Metasedimentary Belt ; CM Belt sur la carte de Lamontagne et al.).

La coïncidence est presque parfaite le long de la frontière W de la CCM. La zone de cisaillement de Labelle / Labelle Shear Zone, limite E de la CCM, semble moins étanche aux secousses telluriques et la zone d'intensité IV s'étend au-delà de cette ligne en contournant le «Morin Body» (massif d'anorthosite qui semble s'opposer à la propagation des ondes sismiques (?)). 

La bordure N de la zone IV, irrégulière, se moule sur la structure générale de la CCM, d'orientation N à NE. L'amincissement de la CCM vers le N pourrait contribuer à l'atténuation des ondes sismiques dans cette direction (?)

Au S de la rivière des Outaouais, la zone IV se confine aux sédiments du Paléozoïque qui subsistent dans le graben d'Ottawa-Bonnechère.

Sandwich
J'ai déjà expliqué que la CCM est composée de fragments de la croûte terrestre que des collisions entre continents ont empilé (le «sandwich» de mon premier billet du 26 juin) et charrié vers le NW. Les roches de la CCM et de la région au N de Montréal ont environ 1,3 milliard d'année ; celles à l'W et au N de la CCM ont entre 1,6 et 1,8 milliard d'années (localement 1,4 milliard).

Ces anciennes roches (relativement...) ont agit comme une rampe sur laquelle, entre 1,3 et 1 milliard d'années, la CCM et la été traînée (orogène de Grenville). La limite W de la CCM représente donc une discontinuité fondamentale entre de «jeunes» roches empilées et charriées vers le NW par dessus un «vieux» socle consolidé. Il est intéressant de constater que les ondes du séisme du 23 juin se soient brutalement atténuées en franchissant la limite de cet «empilement».

Au S, le séisme s'est contenté de secouer les roches sédimentaires du graben d'Ottawa-Bonnechère, délimité par des failles perpendiculaires à la propagation des ondes sismiques. 

Conclusion et quelques observations
Les séismes du SW du Québec se produisent de préférence dans la CCM, un empilement de pans de la croûte terrestre qui demeure fragile et sensible.

De façon plus générale, la sismicité dans Zone sismique de l'Ouest du Québec se concentre dans deux bandes : l'une, au S, se confine au graben d'Ottawa-Bonnechère ; l'autre, d'orientation NW-SE, qui se manifeste à l'intérieur de la CCM.

Les «?» indiquent des hypothèses personnelles qui ne s'appuient sur aucune source «autorisée»...

Dernière remarque : la carte de Lamontagne et al. montre qu'un séisme de 3 à 4 (éch. de Richter) s'est déjà produit presque qu'au même endroit que celui de Val-des-Bois. La carte ni l'article qu'elle accompagne n'en donnent la date ; je vais essayer de la découvrir.

Extrait du résumé de l'article de Lamontagne et al. (1994)
The last 10 yr [Note : article publié en 1994.] of recording have confirmed that most western Québec earthquakes, including the Mont-Laurier earthquake, occur in a northwest-southeast-trending zone inside the Central Metasedimentary (CM) Belt with most focal depths varying between 7 and 25 km. [...] The mid-crustal hypocentral depths of many earthquakes, the east-west trend of the fault plane of the Mont-Laurier earthquake, and variations in regional focal mechanisms all suggest reactivation of deep structural features, which may not have a surface expression.  [...] The western side of the activity does not end with the Central Metasedimentary Belt, a fact that implies that even though the factors controlling seismicity lie predominantly within the Central Metasedimentary Belt, the adjacent geologic domains are also seismogenic.

Rappel
Séisme de Mont-Laurier, QC
19 octobre 1990
Magnitude 5, échelle de Richter
Foyer : 11 km de profondeur
Orientation du plan de rupture : E-W, incliné à 70º vers le N

Séisme de Val-des-Bois, QC
23 juin 2010
Magnitude 5, échelle de Richter
Foyer : 16 km de profondeur (données préliminaires)
Orientation du plan de rupture : NNW-SSE, incliné à ?

Référence
Maurice Lamontagne, Henry S. Hasegawa, David A. Forsyth, Goetz G. R. Buchbinder and Mary Cajka, «The Mont-Laurier, Québec, earthquake of 19 October 1990 and its seismotectonic environment.» Bulletin of the Seismological Society of America, vol. 84, no 5, p. 1506-1522.


Ajout : observations en marge d'un billet simple et court
L'apophyse accrochée à la zone d'intensité IV, à l'E du «Morin Body» (massif d'anorthosite de Morin), suit d'assez près les différentes failles N à NNE qui parcourent le secteur où le graben d'Ottawa-Bonnechère fait sa jonction avec le rift du Saint-Laurent – rappelons que le premier n'est qu'un embranchement du second.

Il serait intéressant d'en savoir plus sur le «comportement sismique» du massif de Morin ; on a l'impression que, en son absence, la zone IV se serait étendue d'un seul tenant vers l'E, dans une contrée où abondent métasédiments et orthogneiss, ce qui aurait réuni d'un seul tenant les
compartiments de la province de Grenville formées de roches âgées de 1,3 milliard
d'années (voir plus haut dans le texte). 


De part et d'autre du réservoir Baskatong, on observe un étirement des contours de la zone IV selon la direction SW-NE d'un entrecroisement de «Major Shear Zone Boundaries».

À l'W, le long de l'Outaouais, la situation se complique par la présence de nombreuses failles du graben et de lambeaux de roches du Paléozoïque sur le Grenville. (Difficile de distinguer tout ça sur la carte, j'en convient.) Il est piquant de constater que les contours de la zone IV se pincent
précisément là où l'Outaoauis fait un coude vers le N...


La zone d'intensité V, dont je n'ai pas tenu compte dans mon billet, infléchit son contour circulaire pour, au S, suivre exactement la limite Grenville-Paléozoïque (ligne pointillée, peu visible, j'en conviens). Fait exception le petit lobe qui traverse l'Outaouais et effleure l'Ontario en suivant le tracé d'une faille du graben orientée NW-SE.

À l'E, la zone V se confond avec la bordure W de la zone de cisaillement de Labelle. C'est d'ailleurs à l'endroit où cette dernière rejoint la faille NW-SE évoquée ci-haut que se greffe le lobe qui pointe vers l'Ontario. À l'W, la zone V parvient tout juste à franchir une zone de cisaillement secondaire SSW-NNE.

En fait, la zone V dessine un cercle presque parfait confiné au «Southern Domain», composé de quartzite et de paragneiss, en effleurant le «Gatineau Domain», dominé par le marbre. «Elle évoque un o entre parenthèses, celles-ci étant représentées par les zones de cisaillement qui délimitent le Southern Domain.

Trop d'éléments ici m'obligeraient à sortir du cadre de ce billet que j'avais imaginé au départ simple et court...

samedi 26 juin 2010

Séisme de Val-des-Bois, 23 juin 2010 (suite)



Le U.S. Geological Survey publie un luxe de données, de cartes et de schémas sur le séisme de Val-des-Bois du 23 juin 2010. Allez-y voir. (Lien.)

La carte qui m'a le plus intéressée est celle qui illustre l'intensité des secousses selon le territoire (reproduite ci-haut).

La zone de magnitude IV (échelle de Mercalli modifiée) correspond grosso modo aux contours de la partie sud de la Ceinture centrale des métasédiments de la province de Grenville (CCM). Autrement dit, le séisme s'est produit et s'est propagé au plus épais de la zone où se sont empilés des pans de la croûte terrestre (le «sandwich» de mon précédent billet).

Ces morceaux de croûte terrestre ont été poussés les unes par dessus les autres vers le NW (coordonnées actuelles), il y a un milliard d'années*.

La carte semble confirmer la sensibilité de cet empilement, ainsi que le soulignait mon dernier billet.

Elle montre aussi pourquoi les dégâts ont été plus important au nord de Gatineau**, la zone d'intensité V n'ayant effleuré que le NE de cette ville.

* En Ontario, au sud de la rivière des Outaouais, la zone IV correspond plutôt aux sédiments du Paléozoïque. La géologie, c'est compliqué, sachez-le.
** On remarque que cette ville n'est pas nommée sur la carte où elle est englobée, semble-t-il, par Ottawa...

Mes autres billets sur le même sujet :
http://geo-outaouais.blogspot.com/2010/06/seisme-de-buckingham-dit-present-de-val.html
http://geo-outaouais.blogspot.com/2010/06/seisme-de-buckingham-23-juin-2010.html

Séisme de Buckingham, dit à présent de Val-des-Bois, 23 juin 2010 (m.5,0)

(Voir billet précédent sur le même sujet.)

Résumé. –  L'Outaouais est craquelé de toute part. Pas étonnant que ça tremble parfois.

Haute susceptibilité
La vallée du Saint-Laurent et celle de l'Outaouais sont, après la Côte-Ouest, les régions du pays les susceptible d'être secouées par un tremblement de terre. Plus précisément, la région de Gatineau fait partie de la Zone sismique de l'Ouest du Québec (voir carte en couleurs).

Zone sismique de l'Ouest du Québec : carte des épicentres. Carte modifiée de Ressources naturelles Canada. Selon certains chercheurs, l'alignement des séismes selon une trajectoire NW-SE entre le réservoir Cabonga (en haut) et Montréal serait le résultat du passage du contient au dessus d'un point chaud, le Great Meteor Hotspot, il y a plus de 100 millions d'années. Voir plus bas dans le texte. 
 X : épicentre du séisme du séisme de Val-des-Bois, 23 juin 2010. Note pour les internautes de l'extérieur. – Hull, au Nord d'Ottawa, fait maintenant partie de la ville de Gatineau.


Le Sud-Ouest du Québec est rompu par un fossé, brisure dans l'écorce terrestre, une sorte de gouttière enfoncée : le graben (tranchée) d'Ottawa-Bonnechère (GOB) dans lequel coule la rivière des Outaouais (voir photos). C'est une zone «sensible», et les multiples failles qui composent le GOB sont toujours susceptibles de rejouer comme elles l'ont fait à de multiples reprises avec une ampleur à la mesure des tensions ou des pressions qui ont sollicité le continent tout au cours de son histoire.

Photo 578. – Flanc de l'escarpement d'Eardley, partie du graben d'Ottawa-Bonnechère, près des chutes de Luskville, à l'Ouest de Gatineau. (Juillet 2009)

 Photo 597. – Vallée de l'Outaouais, au fond graben d'Ottawa-Bonnechère. Panorama à mi-hauteur de l'escarpement d'Eardley, au dessus des chutes de Luskville. La plaine est un compartiment affaissé de l'écorce terrestre. (Juillet 2009)


Séquelles
Les failles du GOB s'enfoncent dans le Bouclier canadien, un vieux machin, avouons-le, aussi craquelé que le verni qui recouvre la Joconde... En Outaouais, la province de Grenville (partie locale du dit Bouclier) est formée d'un empilement de tranches de la croûte terrestre qui ont glissé les unes par dessus les autres il y a un milliards d'années. Ce multi-sandwich a édifié une chaîne de montagnes qui auraient pu rivaliser avec l'Himalaya d'aujourd'hui.

L'érosion avait depuis longtemps arasé ces montagnes lorsque, il y a 570 Ma (millions d'années), le continent s'est brisé pour donner naissance à un océan, le Iapetus. Le GOB est une entaille secondaire, une séquelle mineure de cette grande rupture. Une série de collisions entre continents et micro-continents (de 450 Ma à 300 Ma) a fait surgir les Appalaches, tout en consommant la perte du pauvre Iapetus. En 180 Ma, nouvelle rupture majeure, nouvelle naissance, celle de l'océan Atlantique, encore en expansion.

Ces va-et-vient, ces ruptures, ces collisions, ont créé de nouvelles failles dans le Bouclier, en ont réactivés de pré-existentes, autant celles du GOB que celles du «sandwich». Une carte structurale de l'Outaouais évoque un plat de porcelaine vingt fois brisé et autant de fois (mal) recollé, avec des morceaux qui ne sont pas tous de niveaux...


Figure a. – Les principaux éléments de la figure sont mentionnés dans le texte ; les séismes majeurs sont indiqués. (Le GOB, tout comme le graben du Saguenay, à l'Est de la région représentée, constitue un embranchement du Rift du Saint-Laurent.) L'astérisque orangé : épicentre du séisme du séisme de Val-des-Bois, 23 juin 2010. Modifié de Rimando et Benn (2005)

Figure b. – Détail de la fig. 1a. Les principales failles de la région de Gatineau («Hull») sont représentées. Les lignes tiretées grises séparent les terranes, ou compartiments de la croûte terrestre qui forment le «sandwich», ou empilement crustal, évoqué plus haut. 
Modifié de Rimando et Benn (2005).


Stress profond
Le «sandwich» évoqué plus haut doit sans cesse se réajuster aux situations nouvelles (autant qu'aux derniers réajustements, on n'en sort pas !), le long des plans de contact entre les tranches de croûte terrestre, ou le long des anciennes cassures qui les traversent.

Le foyer  du séisme de Val-des-Bois était situé à environ 16,4 km de profondeur, soit au cœur de l'empilement (ou du sandwich...) Selon les rapports préliminaires, une faille d'extension (faille inverse), orientée NNW-SSE, se serait réactivée. Tout ceci évoque le séisme de Mont-Laurier (m. 5,0), en 1990, dont le foyer était situé à 11 km de profondeur (faille inverse selon un plan E-W). (Voir carte en couleurs.)

«... Les dix dernières années d'enregistrement ont confirmé que la plupart des séisme de l'Ouest du Québec, y compris celui de Mont-Laurier, se produisent dans une zone orientée nord-ouest-sud-est à l'intérieur de la Ceinture Métasedimentaire Centrale [partie de la province de Grenville] avec la plupart des profondeurs focales entre 7 et 25 kilomètres.» (Lamontagne et al., 1994.)

Hotspot et glaces
Comme si ce n'était pas assez, entre 200 Ma et 80 Ma, l'Est de l'Amérique du Nord aurait dérivé au dessus d'un point chaud (remontée de roches chaudes depuis les tréfonds du globe), le Great Meteor Hotspot, affaiblissant encore la croûte. Le chapelet des Montérégiennes et des New England Seamount, entre autres, permet de reconstituer le parcours de ce point chaud à l'Est de l'Outaouais jusqu'en Atlantique.

Depuis, l'Amérique du Nord suit le petit pépère de chemin que la dérive des continents lui trace. L'expansion de l'Atlantique, qui se poursuit, repousse le continent vers l'Ouest, ce qui occasionne un stress de compression mineur.

Enfin, n'oublions pas la dernière glaciation qui, dans la région, a pris fin il y a 12 000 ans. La croûte terrestre, qui s'était enfoncé dans la région d'environ 200 m sous le poids des glaces, n'a pas encore atteint sa position d'équilibre et remonte encore aujourd'hui, à un rythme infime en grignotant les millimètres. C'est le rebond isostatique.

On croit d'ailleurs que des séismes de magnitude 6,5 sur l'échelle de Richter auraient causé des  méga-glissements de terrains dont les cicatrices fossiles subsistent encore, il y a 7060 et 4550 ans ; à l'Est d'Ottawa, d'épais dépôts comblant des cuvettes du socle se seraient déformés et étalés sous l'effet de l'amplification des secousses, réfléchies par les parois rocheuses dans ce matériel particulièrement ductile.

Conclusion (brève). – L'Outaouais est craquelé de toute part et s'est fait promené et malmené durant toute son existence. Pas étonnant que, parfois, ça tremble.

Conclusion (à peine plus élaborée). – Même si la cicatrice du GOB demeure l'élément le plus spectaculaire de la géologie de l'Outaouais, il semble bien que se soit encore l'héritage profond de la chaîne de montagnes édifiée il y a un milliard d'années (orogène de Grenville) à qui l'on doit le plus grand nombre de séismes. 

Bref, on n'échappe pas à un passé géologique fait de bris et de chocs !

Références
Lamontagne, M., Hasegawa, H.S., Forsyth, D.A., Buchbinder, G.G.R., et M. Cajka. 1994, «The Mont-Laurier, Québec, earthquake of 19 October 1990 and its seismotectonic environment.» Bull. Seism. Soc. Am., vol. 84, no 5, p. 1505-1522.

Rolly E. Rimando et Keith Benn, 2005, «Evolution of faulting and paleo-stress field within the Ottawa graben, Canada.» Journal of Geodynamics, vol. 39, p. 337-360.

mercredi 23 juin 2010

Séisme de Buckingham, 23 juin 2010

Seuls dégâts du tremblement de terre du 23 juin constatés chez moi : chute de deux livres qui, jusqu'au séisme, étaient debout. La roche plate (posée «à plat» depuis longtemps), en bas, est un grès des Îles-de-la-Madeleine. Note. – Malgré les apparences, je ne revendique aucune expertise en vieil anglais...


(Suite de ce billet ici.)

Quelques impressions, en vrac. Un texte «sérieux» viendra dans quelques jours.

J'étais à l'étage, devant mon poste de travail, à Ottawa. D'abord, j'ai cru qu'un camion passait devant le bâtiment ; rien d'inhabituel, mais celui-là semblait particulièrement lourd, et conduit par une brute trop pressée de livrer son chargement. Puis, un autre camion, sans hiatus, comme si les vibrations des deux véhicules se confondaient, celles du second prolongeant celle du premier, ce qui me sembla hautement improbable – et irritant, parce que ça m'obligeait à y porter attention. Les secousses continuant, l'évidence s'imposa : un tremblement de terre. Ce n'était pas mon premier, mais celui-ci me semblait particulièrement intense. Et durable.

L'intensité des secousses allait en s'amplifiant. La situation m'avait d'abord ennuyé ; maintenant, elle m'inquiétait. Est-ce que ça allait continuer, et, surtout, est-ce que ça allait s'aggraver ? Il se produisit une secousse plus forte, comme si un coup de bélier avait soulevé le bâtiment, un fort bruit retentit.

Les choses se sont calmées peu à peu, assez pour que je descende au rez-de-chaussé.

Dans la rue, beaucoup de gens.

Deux ou trois minutes après, alors que plus aucune vibration n'était ressentie, des gens ont pointé du doigt les baies vitrées, à l'étage d'un bâtiment de l'autre côté de la rue : les vitres étaient encore animées d'un mouvement d'ondulation lente, d'avant en arrière, dans leur cadre.

Bons points
Au plus fort des secousses, j'ai posé mes mains sur ma table de travail, comme pour en éprouver la solidité (pas terrible, mais elle n'a pas été conçue pour ça) : c'est bien ce qu'on recommande, se réfugier sous un meuble lorsque tout tombe et vole en l'air. (Nous n'en étions pas là.) Surtout, ne pas sortir dans la rue ! J'ai tourné la tête pour considérer le cadre de porte : autre endroit recommandé pour s'abriter. Finalement, je suis resté assis sans bouger.

Mauvais points
1. Ne pas avoir tenu compte des étagères dans mon dos. Elles sont légères, démontables et ajourées, ne contiennent rien de tranchant ou de contondant, et rien n'est tombé, mais quand même.
2. N'avoir pensé qu'au bout de plusieurs minutes que, si le séisme avait été ressenti fortement à Ottawa, il pouvait l'avoir été encore beaucoup plus intensément ailleurs. Si Montréal ou Toronto étaient en ruines ?

 Longtemps, je me suis demandé pourquoi je conservais deux exemplaires de ce livre. Pour photographier les deux côtés d'une même page en même temps, voyons ! Cliquer sur l'image pour obtenir une version plus grande. Tiré de : Baird D.M., 1968 — Guide to the Geology and Scenery of the National Capital Area. Commission géologique du Canada, rapports divers no 15, 188 p.


Conclusion
Des témoins parlent de secousses ayant duré de jusqu'à 40 secondes. Mes impressions (pas nécessairement meilleures ni plus fiables) sont que le tout n'a pas duré plus de 20 secondes.

Finalement, il ne s'est pas passé grand chose... Et les seules vibrations qui m'incommodent encore et toujours sont celles du climatiseur géant de mon *$%@!?**! de voisin.

Ailleurs dans ce blogue :
«Gatineau, ville sensible»
«Ottawa, ville sensible»

dimanche 20 juin 2010

Rideau pétrifié

Photo 1055. – Rideau pétrifié émergeant d'une masse rocheuse.
(Cette photo et celles qui suivent : 19 juin 2010.)

LOCALISATION
Gatineau (Québec), rive gauche de la rivière Gatineau, secteur de l'île Marguerite
31G/05
Le site est normalement sous les eaux de la rivière Gatineau une bonne partie de l'année. L'endroit présente un danger certain (variations brusques du niveau de l'eau causées par l'activité du barrage Chelsea en amont). Ne pas s'y rendre demeure une excellente idée.

CONTEXTE GÉOLOGIQUE
Marbre flué de la province de Grenville ; roches vieilles d'un milliard d'années. (Voir Géolo-chronologie.)

DESCRIPTION
Bande de gneiss (?) sombre dans un marbre blanc (le rose est dû à une altération superficielle). La bande de gneiss est plissotée ; la dissolution lente du marbre (érosion par l'eau courante) a dégagé le gneiss qui apparaît comme la bordure d'un rideau pétrifié émergeant de la pierre. (Non, ce n'est une tentative maladroite de faire de la poésie.) Une bête érosion mécanique (comme celle des glaciers) aurait tout arasé au même niveau sans discrimination.


Photos 1062 et 1062A. – Remarquez les cupules (flèches) sous les arches (ou anticlinaux, parlons savant) du gneiss, creusées par l'eau piégée tourbillonnant entre le marbre, roche soluble, et la voûte résistante. La rivière Gatineau coule à peu près dans la direction indiquée par les flèches.

Photo 1062B. – Gros plan du «rideau» et d'une cupule. Celle-ci s'est approfondie en progressant vers l'aval, sous le gneiss, et semble présenter deux niveaux.

Photo 1143. – Vous êtes prévenus.

Photo 1083. – Certains ont prétendu contrer la dérive des continents par des moyens extrêmement naïfs.


Ajout (15 octobre 2010)
Photo 1061. – À quelques cm des photos 1055 et 1062 : autre partie du «rideau» laissant un vide se développer sous ses replis. Le stylo est visible dans le coin supérieur droit de la photo 1062. (19 juin 2010)



Ajout (26 février 2012)

Quelques documents anciens provenant des rives du «lac-Trente-et-Un-Milles»*, 60 km au nord de l'île Marguerite. Ils qui me semblent éclairer d'une lumière nouvelle ce billet.


Le long des rives du lac des Trente et Un Milles, à l'est de Bouchette, les surfaces de marbre sont piquées d'une multitude de petites cavités circulaires à section conique, ou cupules, de 2,5 cm à 20 cm d'ouverture et de 10 cm à 13 cm de profondeur, parfois davantage (jusqu'à 30 cm). Ces cupules sont contenues entre les niveaux des basses et des hautes eaux. On peut en déduire que l'action du clapotis est l'agent responsable de cette forme d'érosion due à la dissolution du carbonate de calcium (Aubert de la Rüe, 1953).

Je n'ai pas observé de phénomènes exactement similaires à l'île Marguerite, cependant, on l'a vu, des cupules isolées se sont développées à plusieurs endroits, là où des obstacles entretiennent des tourbillons stationnaires.


Phénomène de dissolution dans les marbres. Rive ouest du lac des Trente et Un Milles.
Le manche d'un marteau (?), en haut, donne l'échelle.
(Aubert de la Rüe, 1953)

Cupules de dissolution dans le marbre sur une île du lac des Trente et Un Milles. 
Le marteau, en haut, au centre, donne l'échelle.
(Aubert de la Rüe, 1956)


RÉFÉRENCES DE CETTE PARTIE
  • Aubert de la Rüe, E., 1953, Rapport géologique 50 : région de Kensington, comtés de Gatineau et de Labelle. Québec, ministère des Mines, 50 pages, cartes 919 et 920 (1/63 360). 31J05.
  • Aubert de la Rüe, E., 1956, Rapport géologique 67 : région du lac Trente-et-un-Milles, districts électoraux de Papineau, de Labelle et de Gatineau. Québec, ministère des Mines, 42 pages, carte 921 (1/63 360). 31J04

mercredi 2 juin 2010

Marmite : suite de la suite (Ajout)

Marmite des Allumettières, à Gatineau. Les travaux en cours (voir billets précédents) vont toucher le pont de chemin de fer et permettre l'installation d'un viaduc pour les deux voies du Rapibus, à l'Est (à droite) de la marmite, tout en épargnant cette dernière (?) L'orientation de la marmite (NW-SE), très bien visible sur cette photo satellite, signale la présence d'une faille dans le socle rocheux (chose banale et sans conséquences). Photo (datée du 30 sept. 2008) © Google Earth


Toujours à propos de la survie de la Marmite des Allumettières... (Voir le billet précédent pour les liens utiles.)

Samedi dernier, j'ai envoyé un courriel à l'échevin «responsable» de la marmite, monsieur Patrice Martin. Je lui ai brièvement présenté la chose en lui faisant part de mes inquiétudes quant à sa survie.

Hier, mardi, j'ai reçu une réponse, ma foi, plutôt encourageante. En voici l'essentiel :

«Oui, Alain Riel, conseiller municipal et géomorphologue, m'a montré cette marmite il y a quelques mois. J'aime votre idée d'une plaque d'interprétation... quoiqu'il s'agit d'un endroit où il est difficile de s'arrêter pour admirer les beautés géologiques. Ça pourrait peut-être marcher si le panneau se trouvait sur la piste cyclable en face. Je vais voir ce que je peux faire. 
Merci du tuyau.»

Il semble donc que nous soyons plusieurs à poser un œil chargé de sympathie sur cette marmite. Je retire tout ce que j'ai dit sur la supposée indifférence des gens à son égard !

Comme la marmite se trouve du côté du boulevard dépourvu de trottoir et de piste cyclable (fait qui explique peut-être en grande partie l'absence de gestes de vandalisme), on peut comprendre qu'il serait peut-être hasardeux d'inviter, même implicitement, les gens à traverser quatre voie et un terre-plein pour aller y voir de plus près...

Mais l'important est que cette formation survive à la venue de l'autobus. Jamais je n'aurais cru être obligé d'arbitrer un conflit entre le développement du transport en commun et la préservation du patrimoine géologique...

Affaire à suivre, encore... (Mais les perspectives sont plus prometteuses.)

AJOUT (5 juin 2010). – Le travail se poursuit (sans s'étendre en largeur !) Pour éviter un effet de répétition monotone, je n'affiche pas une énième photo du chantier, mais sachez que la marmite se porte bien ; même, il semble que, depuis la fin mai, on prenne soin d'éviter de l'utiliser comme lieu d'entreposage pour les outils et autres objets métalliques. J'ignore qui et combien de personnes je dois féliciter pour cette attention.