Calcaire ordovicien de la formation Black River (Trenton), promenade du Lac-des-Fées, Hull (Gatineau), QC. Un calcaire grossier (à clastes et bioclastes) contient un élément flottant d'un lit plus fin. Photo 8 déc. 2013.
Résumé
On aurait trouvé une pyroxénite intrusive dans un calcaire ordovicien de la plate-forme du Saint-Laurent, à Hull, QC. La présence de cette pyroxénite dans cet horizon stratigraphique est étonnante (si confirmée).Le sol et le sous-sol de l’Outaouais sont bien connus.
On peut comparer la région à un gâteau. Découpez-en un morceau, vous verrez de bas en haut, sur la tranche (MA = millions d'années) :
- Le gâteau lui-même (partie la plus substantielle) figure ici le Bouclier canadien, formé de roches métamorphiques et plutoniques âgées de plus d’un milliard d’années ;
- Le glaçage, en surface, incomplet ou entamé, correspond aux sédiments de la plate-forme du Saint-Laurent (grès, calcaires et schistes) datant du Cambrien tardif (515 -485 Ma) et de l'Ordovicien (485-444 Ma) ;
- Le tout est saupoudré de sucre en poudre pour tenir lieu de la mince couverture de sédiments meubles glaciaires et d’argile de la mer de Champlain qui recouvre le gâteau et la glaçage.
Voilà de quoi notre gâteau est fait.
Pour être complet, il faudrait compter avec les dykes d'une carbonatite liée aux Montérégiennes qui recoupent le calcaire ordovicien, à Ottawa (carrière Blackburn), datant de 110-120 Ma (Hogarth et al., 1988). (Intrusion minuscule.) Toutes les autres roches intrusives de l'Outaouais et au-delà sont antérieures au dépôt du calcaire : dykes de diabase qui recoupent le Bouclier (600 Ma) ; pluton de Grenville-Chatham (530 ma), toujours dans le Bouclier, etc.
Pour les dates, voir mon billet du 5 déc. 2015, « Tableau des temps géologiques : Gatineau et ses environs ».
Tout enrichissement de la stratigraphie, toute irruption d'un nouvel ingrédient dans le gâteau serait une révolution.
Or, voilà que je tombe par hasard sur un rapport de forage vieux de vingt ans qui fait état d’une roche intrusive (une pyroxénite, roche plutonique mafique) dans le calcaire ordovicien, à Hull (Les laboratoires Gatineau, 1998).
Qu’est-ce que fait une pyroxénite à cet endroit ? Comment a-t-elle pris place dans le calcaire ? À quelle suite ou série plutonique l'assimiler ?
Selon le rapport, une étude des sols et du roc entre la rue Demontigny et la promenade du Lac-des-Fées rédigée en vue de la réalisation du futur boulevard des Allumettières (axe McConnell-Laramée), le socle rocheux du secteur est constitué de calcaire à grain fin de la formation Black River (Trenton), interlité de calcaire argileux et de shale argileux. Rien que du banal, rien que de l'attendu. Rien pour faire sursauter. Sauf cette roche dure, cet « intrusif verdâtre » rencontré dans la partie partie supérieure d'un forage (forage F4), entre 1,25 m à 1,50 m de profondeur. Le contact intrusif-calcaire est bien défini, cependant, l'orientation du contact n'est pas définie.
Le forage F4 a été réalisé à l'angle des rues Demontigny et Laramée (cette dernière absorbée depuis par le boulevard des Allumettières). En lame mince, l'intrusif se révèle équigranulaire (grains 0,5-1,0 mm), et est constitué à 75 % d'orthopyroxène (hypersthène) et de clinopyroxène (augite) en proportions égales. Le 25 % restant est composé de quartz, de calcite et de minéraux argileux [altérés ?] « Nous sommes donc en présence d'une pyroxénite. » (p. 13)
Le rapport de forage, rédigé avant l'examen de lame mince, est moins affirmatif. Il signale, à la profondeur de 1,25 m à 1,50 m sous la surface : « Calcaire vert grenu, minces horizons dolomitique (sic) (présence de cristaux). » La nature de la roche verte n'avait donc pas d'emblée été reconnue. Mais une identification sur le terrain est toujours sujette à caution et peut être revue après plus ample examen en laboratoire.
Si cette roche est bien ce qu'en disent les Laboratoires Gatineau, il est étonnant que sa découverte n'ait pas fait plus de bruit.
Quelle est cette pyroxénite ? À quelle suite magmatique l'assimiler ?
La présence de cette pyroxénite dans notre calcaire ordovicien n'est pas une impossibilité ; simplement, telle chose n'a jamais été observée. Comme pour faciliter les choses, les Laboratoires Gatineau ne semblent plus exister. Je doute que des échantillons aient été conservés.
Références
- Donald D. Hogarth, Peter Rushforth, Robert H. McCorkell, 1988 - « The Blackburn Carbonatites, Near Ottawa, Ontario: Dykes With Fluidized Emplacement. » Canadian Mineralogist, vol.26, pp. 377-390. http://rruff.info/doclib/cm/vol26/CM26_377.pdf
- Les Laboratoires Gatineau, 1998. Étude de caractérisation des sols et du roc : boulevard St-Laurent - Laramée, Hull - secteur DeMontigny au Lac-des-Fées. Projet 20-6672-8385-A - Rapport final. Gouvernement du Québec, Ministère des Transports.
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