jeudi 19 novembre 2015

Ruisseau de la Brasserie : recyclage d'anciennes structures


Ce texte a une suite : voir billet du 11 février 2019.


1. Élégante courbe d'un lacet d'herbes dans le ruisseau de la Brasserie, à Gatineau. Nous sommes tout près de l'extrémité ouest de la structure soulignée par une ligne blanche sur la photo 2a. (La photo ne le laisse pas bien voir, mais il y a une dénivellation de plus de 3 m entre le premier plan et la rive.)  Photo 10 nov. 2015.


Résumé

Recyclage par la végétation d'anciennes installations industrielles et de résidus d'un ancien moulin à scie.
Localisation
Parc Jacques-Cartier et ruisseau de la Brasserie, Gatineau (Québec).
31G/05 ; 45.441435, -75.711673
Autres billets reliés au sujet


Au parc Jacques-Cartier, à l'embouchure du ruisseau de la Brasserie, près de l'Outaouais où il se jette, des arbres poussent sur plus de 2 m de copeaux de bois accumulés par la Gilmour Hughson Lumber Co. entre 1873 et 1930 (Davidson, 1998 ; voir billet du 10 nov. 2015, lien dans «Autres billets», plus haut). Ils y étalent leurs racines au péril de leur vie, d'ailleurs. Les copeaux sont peu à peu emportés par les crues du ruisseau et le tapis, littéralement, se dérobe sous leurs racines (photo 5).

Dans le ruisseau de la Brasserie lui-même, d'anciennes digues ou jetées sont repérables par la végétation qui les a envahie (photo 3). Une élégante courbe dans le tracé de la jetée existe toujours (photo 1) tandis qu'un pontillé d'arbres morts permet de reconstituer son tracé ailleurs (photo 4).

Le naturel revient au galop. Métaphore risquée quand on parle d'arbres et d'herbages : oncques ne vit-on végétal mener grand tintamarre de sabots pour s'annoncer...



2a. Partie nord de l'Île-de-Hull en 1925. Carrière (U5) à l'ouest, cours à bois à l'est et au nord. Ressources naturelles Canada, Photothèque nationale de l'air, photo HA67, no 60, 4 nov. 1925 (détail).
Légende (par commodité, j'utilise les codes des cartes que j'ai confectionnées pour le blogue et remises périodiquement à jour. Voir les liens ai début du billet.)
En haut : ruisseau de la Brasserie ; Ligne blanche : jetée ou digue ; IN : site de l'Imprimerie nationale, construite en 1949-1956 ; SC : boulevard Sacré-Cœur ; U5 : ancienne carrière.



2b. La même photo sans annotation.


3. La situation actuelle. La digue ou jetée s'est parée de vert. À l'ouest, viaducs de l'autoroute 50 ; à l'est, ponts du boul. Fournier ; au sud, l'autoroute 50 (autoroute de la Gatineau). Photo © Google.



4. Le ruisseau, vu de la rive nord, à l'ouest du pont du boul. Fournier (voir photo 3). À l'endroit de la jetée, il n'émerge plus qu'un arbre mort. Photo 11 nov. 2015.



5. Arbre poussant sur un tapis de copeaux laissés par la Gilmour Hughson Lumber Co. entre 1873 et 1930. Photo 10 nov. 2015. Voir le billet du 10 nov 2015, lien plus haut.



6. Pont du boulevard Fournier, près de l'embouchure du ruisseau dans l'Outaouais. Même les castors arrivent en ville. Leur barrage explique peut-être l'ennoyage des jetées et les arbres morts, en amont. (Le tapis de copeaux (photo 5) est en aval du barrage des castors, à l'est de la zone couverte par les photos 2 et 3. Ces braves rongeurs sont donc innocentés de l'accusation d'avoir accéléré, par élévation du niveau du ruisseau, l'érosion du tapis de copeaux où poussent les arbres.) Photo 11 nov. 2015.


Ajout (28 janv. 2016)

Cette carte topographique est la seule à montrer un ruisseau de la Brasserie réduit à un mince couloir rectiligne dans sa section nord. Habituellement, la rive droite du ruisseau à cet endroit est irrégulière et creusée de larges baies. Comparez les contours du ruisseau à cet endroit avec les digues visibles sur la photo 2. Les digues ne figurent pas sur la carte ; on remarque toutefois un quai (?) avancé dans l'embouchure du ruisseau (quai qui n'existe plus) et un segment de digue à droite.

L'Île-de-Hull en 1935.
Carte topographique (détail), «Original survey 1923. Revised 1935», 1/63 360, courbes de niveau en pieds. (Photo à main levée, distorsions possibles.)


lundi 16 novembre 2015

Desquamation par plaques d'un granite (ajout)



1. Granite gris perdant sa couche d'altération claire par desquamation. Lac McGregor, Val-des-Monts (Québec). Photo 15 nov. 2015.


Étranges blocs d'un granite gris présentant une teinte claire en surface. La desquamation* par plaques de cette pellicule altérée donne un aspect «léopardé» aux blocs.

La surface claire enveloppe chacun des blocs. La chute par plaques isolées semble toutefois épargner certaines faces (voir photo 2). Les blocs, sur le bord d'un chemin, on sans doute été dégagés lors des travaux de construction.

Ceci indiquerait (hypothèse) que l'altération se serait produite alors que les blocs étaient enfouis dans le sol (érosion chimique). La desquamation se seraient développée ensuite à l'air libre, sur les surfaces exposées aux intempéries et au soleil, les cycles gel/dégel (érosion thermique) ayant provoqué la chute de la couche claire altérée. Il serait utile de savoir si le plus gros bloc ne serait pas un affleurement de la roche en place (photo 3a).

La couche superficielle (env. un cm d'épaisseur) fait cependant partie intégrante de la masse du roc : il m'a fallu de furieux coups de marteau sur un petit bloc pour en détacher des éclats. C'est à se demander comment les plaques s'en étaient détachées ! Le granite (au sens large du mot) est à grain fin (moins d'un mm) et de structure massive. La couche superficielle est grêlée par la décomposition des ferromagnésiens (photo 3b), ce qui, avec le blanchiment des feldspaths, explique sa teinte plus claire.

Petite question : tout ce processus n'implique aucun phénomène rare ou exceptionnel. Cet enchaînement de banales circonstances a dû se produire à des milliers et des milliers de reprises. Comment expliquer alors que ce genre de «pelage» ne se voit pratiquement jamais ? Serait-ce un granite à l'épiderme particulièrement sensible ?

* Desquamation : érosion d'une roche par chute par l'enlèvement d'écailles superficielles.

Note. – Il y a un pléonasme dans le titre que j'ai donné au billet, une desquamation ne pouvant se produire que par plaques.


Localisation

Nord du lac MacGregor, Val-des-Monts (Québec).
Autres billets du blogue sur le sujet
15 nov. 2009, «Les chutes de Luskville» (voir addendum)
8 août 2011, «Pelures de granite»
Photos 15 nov. 2015.



2. La chute par plaques de la surface claire altérée 
du granite ne concerne par toutes les surfaces du bloc.


Ajout (17 nov. 2015)

Mes photos n'étant pas des plus fameuses, j'en reproduis ici une fournie par Roxanne Gauthier, étudiante de Bernard Lauriol, professeur titulaire en géographie physique à l'Université d'Ottawa, auteur de Eaux, glaces et cavernes*. (L'interprétation que je fais de la roche et des atteintes par l'érosion qu'elle a subies n'engage cependant que moi.)

* voir billet du 2 oct. 2014 sur Eaux, glaces et cavernes, de Bernard Lauriol (texte) et Pierre Bertrand (photographies et graphisme), Éditions MultiMondes, Québec, 2014


3a. Largeur du roc représentée : env. 2 m (mon estimation). À gauche, un filon vertical de granite gris-bleuté traverse le roc. Il serait utile de savoir s'il s'agit d'une roche en place ou d'un bloc erratique. Il y a parfois un certain alignement, par la disposition et l'allongement des lacunes sur la surface claire. Photo reproduite avec la permission de Roxanne Gauthier (2015).


3b. Détail (contraste accentué).

vendredi 13 novembre 2015

Cantley se développe (suite)



1. Agmatite (variété de migmatite, voir Wikiki) d'allure fantomatique, dans une sablière de Cantley (Québec). Le granite rose découpe un gneiss sombre encore malléable. Montage à l'ancienne manière (épreuve papier, colle et carton) : clichés juillet 2000.


Résumé

Migmatites de styles variés à Cantley (Québec) menacées de disparition ; Province de Grenville (plus d'un milliard d'années) du Bouclier canadien
Autres billets sur le même sujet
13 nov. 2009, «Migmatites de Cantley»
2 avril 2014, «Cantley se développe»
Localisation
Montée Saint-Amour, Cantley (Québec) ; sablière et marécage au N du chemin Lamoureux.
31G/12 ; 45.580466, -75.719112


Encore un coin de mon terrain de jeux qui va m'être escamoté. On le recouvre de structures de toutes sortes, en veux-tu, en voilà, des super- et des infra-. De mon point de vue, on le trouerait comme un gruyère, le résultat serait le même. Des choses disparaissent. Comme ces migmatites qui vont s'effacer du paysage sous l'une des résidences qui poussent un peu partout à Cantley.

Ou bien les affleurements seront recouverts (photo 5) ou bien, enclos dans l'arrière-cour d'un domicile, ils deviendront inaccessibles (les autres photos).

Mais je suis trop sentimental. S'attacher à des roches, des paysages et des souvenirs...



2. Quand j'y suis retourné, après une absence de 15 ans, il pleuvait, la sablière était à demi-enfouie sous un remplissage d'argile en vue de la construction d'une maison. Le marécage (devant l'affleurement) débordait. Manque de recul, couleurs disparues sous le luisant de la pluie, difficile de décrire ce qu'on voit quand on ne le voit pas ! La surface rocheuse, abrupte et polie par les glaciers, était déjà glissante par temps sec. J'ai pas osé tenter l'escalade. Revenir par une météo plus clémente, avant que l'endroit soit habité ? Photo 1er nov. 2015. 
Note. – La surface a beau être indistincte, je constate quand même que je n'ai pas photographié le même pan de l'affleurement qu'en 2000 (photo 1).



3. Surface horizontale : tout aussi mouillée, mais on voit mieux. Photo 1er nov. 2015.



4. Les stries glaciaires ont une orientation NNW-NNE. Toujours utile de le noter. Photo 1er nov. 2015.



5. Pour cette autre agmatite  – les filons de granite rose découpent le gneiss en éléments plus anguleux —, revenir sur les lieux ne servira à rien. Elle est désormais sous le remplissage (photo 2). Photo juillet 2000.

mardi 10 novembre 2015

Hors sujet : des arbres nourris de bois au parc Jacques-Cartier


Voir suite (3 sept. 2016).


1. Un des éléments de l'escarpement long d'environ 60 m au nord du parc Jacques-Cartier, sur la rive droite du ruisseau de a Brasserie, à Gatineau (Québec). Photo 9 nov. 2015.


Dans ma recherche des vestiges qu'auraient laissés d'anciens ruisselets qui, autrefois, se jetaient dans le ruisseau de la Brasserie au nord de l'Île-de-Hull (billets du 7 nov. et du 1er nov. 2015), je suis passé par la pointe NE de l'Île, à l'extrémité du parc Jacques-Cartier (CCN).

Marchant le long de la rive droite du ruisseau de la Brasserie, près de son embouchure dans l'Outaouais, j'ai aperçu, dans ce qui était jusqu'alors une terra incognita pour moi, un escarpement terreux sur lequel des arbres avaient étalé leurs racines. L'attaque de l'érosion par les crues printanières a déjà fortement entamé la terre. Les racines sont à nu, les arbres menacent chute, le sol est plus troué qu'un gruyère.

Un mur de terre si près de la rive, c'était surprenant. Les crues d'un ou deux printemps en seraient venu à bout. Regardant de plus près, je me suis rendu compte qu'il s'agissait non de terre, mais de... bois, de bois pourri. Les arbres poussent sur de minces planches de bois empilées. Le bois, à plusieurs endroits (photo 5), est presque intact.

Bizarre.

De 1873 à 1930, la Gilmour and Hughson Company a exploité un moulin sur le site (précisions que j'ai obtenues de retour chez moi). Le bois était empilé dans les cours à bois, bien sûr, sur le plateau, en hauteur, assez loin du ruisseau, et non pas sur le bord de l'eau, mauvais endroit pour la conservation du bois de sciage et même du bois tout court.

Un texte de Michael Davidson datant de 1998 m'a finalement éclairé :

«A definite soil layer of rotting sawdust from a foot to eight feet deep is exposed along the bank of Brewery Creek.»

Il s'agirait de sciure de bois, ou plutôt, comme j'ai pu le constater, de morceaux de bois empilé, et non de planches, comme je l'avais cru. Davidson parle de «soil layer», alors que ma première impression a été celle d'un mur discontinu, long d'environ 60 m, érigé face à la rive. Est-ce la morsure des hautes eaux du printemps qui donne ce rebord vertical à la couche de débris ? Dans un sens, les racines des arbres maintiennent plutôt qu'elles n'attaquent l'empilement de poussières et de débris de bois.

Ce bois où poussent des arbres aurait donc, au minimum, 85 ans. J'ignore si ce genre de cas de figure est fréquent, mais si les arbres se mettent à en bouffer d'autres par leurs racines, où allons nous ?

Je reviendrai sur ce site où abondent des vestiges, peut-être pas très spectaculaires, mais très intéressants.

Toutes les photos : 9 et 10 nov. 2015.



2. Un autre pan de l'escarpement ou du mur. Le site, très boisé, ne permet pas assez de recul pour donner une belle perspective. À moins de marcher dans l'eau...



3. Même endroit, autre angle. Étrange que les racines se soient étendues en largeur plutôt que de s'enfoncer dans la masse de sciure tendre. Le bois répugnerait-il à dévorer du bois ?



4. Plan général du détail figurant à la photo 1.



5. Ici, le bois est intact, ou presque, après plus de 85 ans. On retrouve la pointe de bois frais à l'extrémité droite de la photo 3.



6. Détail de la photo 5. En noir, du bois brûlé ?


7. Arbre mort près des ruines d'un bâtiment de la Gilmour. Il y en a plusieurs dans les parages a avoir basculé de cette manière.

dimanche 8 novembre 2015

Ponts de pierre dans la vallée de la Gatineau


1.  Perte de la Kazabazua, route 105, au nord de Gatineau (Québec) ; la rivière s'engouffre dans un pont naturel sculpté dans le marbre. Photo 7 nov. 2015.
.


Résumé

Phénomène karstique : ponts de pierre dans le marbre de la vallée de la Gatineau.
Localisation
  • Kazabazua, route 105, env. 1,5 km au sud de la jonction avec la route 301 (Québec). 31F/16 ; 45.942499, -76.006031
  • Lac du Pont-de-Pierre et la Baie Noire du Lac-des-Trente-et-Un-Milles, Déléage (Québec). 31J/ 5 ; 46.317514, -75.787520


Tournée des ponts de pierre dans la vallée de la Gatineau en Outaouais, résultat de l'érosion du marbre par l'eau courante.

Le marbre, âgé d'un milliard d'années et plus, appartient à la province de Grenville (voir le billet du 20 nov. 2009 sur l'histoire géologique de l'Outaouais). L'eau courante dissout peu à peu la roche, y sculpte des cannelures et creuse des conduits sous la surface en exploitant les joints et les failles.

Voir le billet du 2 juillet 2014, «Kazabazua sous le marbre» pour plus de détail. Voir également le complément daté du 4 juillet 2014.

Photos : 7 novembre 2015.


2. L'un des ponts de pierre du Lac-des-Trente-et-un-Milles. Au loin, le lac du Pont-de-Pierre où le ruisseau prend sa source. Les ponts constitueraient les restes de la toiture effondrée d'une caverne.



3. L'eau passe vraiment sous la roche.



4. Autre pont, en descendant le courant.


5. Voyez les cannelure creusées dans le marbre par la cascade, en aval des ponts de pierre.


6. Un chaos de blocs obstrue presque la cascade.


7. Autres cannelures dans le marbre.


8. Ça bouillonne.


9. La cascade tombe dans le «bain tourbillon», selon l’appellation locale. Il s'agit d'une marmite dont la profondeur dépasse les 3 m. À l'avant-plan, inclusions sombres dans le marbre surgissant par dissolution de la roche.
(Ajout, 8 nov. 2015). Sur des photos prises alors que l'eau est plus basse, on se rend mieux compte que la cascade se déverse dans le bain par deux gouttières séparées par une paroi de pierre. L'histoire ne dit pas si c'est pour permettre de doser l'eau froide et l'eau chaude dans la baignoire. Voir les photos dans le site de la Municipalité de Déléage et de la Municipalité régionale de comté (MRC) de La Vallée-de-la-Gatineau.

samedi 7 novembre 2015

Île-de-Hull : ruisseaux et coïncidences (Ajouts)


La publication de ce billet coïncide avec le sixième anniversaire du blogue. Coïncidence, il est question justement de coïncidences dans ce billet.


Île-de-Hull (Gatineau, Québec)

Fond de la carte : Atlas du Canada ; annotations et graphisme : Henri Lessard, 2013-2015.
Carte retouchée le 9, le 17 et le 23 nov. 2015.
Ruisseau de la Brasserie : à l'ouest et au nord de l'Île-de-Hull ;
Rivière des Outaouais : au sud et à l'est de l'Île-de-Hull ;
A5 : autoroute 5 (autoroute de la Gatineau);
BA : boul. des Alumettières ;
CC : chutes de la Grande Chaudière ;
IN : Imprimerie nationale ;
Q et traits noirs tiretés : Quaternaire (dépôts meubles) : la grosseur de la lettre indique l'épaisseur des dépôts : 3 m, 9 m, 15 m ; ailleurs, calcaire ordovicien ;
SC : boul. Sacré-Cœur ;
X : système actuel de fossés et de canalisations ; le segment nord est sur le terrain gagné au-delà de l'ancienne rive (4c) ;
X' : cours d'eau intermittent, fossé (Québec, 1984, Atlas de la Ville de Gatineau) : canal sur le terrain gagné au-delà de l'ancienne rive (4c) ;
X'' : digues ou jetées remontant au moins à 1925 (PNA) pour la plus longue, 1965 pour la plus courte, sans rapport avec le sujet. Leur pérennité et leur visibilité pouvant créer confusion, elles sont maintenue sur la carte (détails dans le billet du 19 nov. 2015) ;
? : «partage des eaux» impossible de 4d ;
?? : jonction impossible de 3c avec 4d' ;
3c (en blanc) : hypothétique réseau hydrographique ;
4c : ancien rivage (Jonhston, 1915) ;
4d et 4d' (en bleu) : anciens ruisselets (Jonhston, 1915) ;
5b : ancien lac Minnow (schématique), ou lac aux Vairons (parc Ste-Bernadette actuel)
5c : ancien lac Flora (schématique), aujourd'hui parc Fontaine ;
50 m, 60 m et lignes brunes grasses : courbes de niveau mises en évidence ;
Cercle blanc : canalisation déversant l'eau ; cercle noir : canalisation recueillant l'eau. Les canalisations ont été repérées sur le terrain, plusieurs sont visibles sur les photos aériennes de Google et de Bing.
Traits noirs dentelés : escarpements.

Version complète de la carte dans le billet du 10 août 2013, «Île-de-Hull (Gatineau) : guide géologique».


Résumé

Deux ruisselets se jetaient autrefois dans le ruisseau de la Brasserie au nord de l'Île-de-Hull ; la dernière partie de leur cours est reprise par des fossés et canalisations actuelles. L'hypothèse de l'existence d'un paléoréseau hydrographique post-Champlain s'écoulant vers l'est dans la rivière des Outaouais est aussi soulevée. Les ruisselets et le paléoréseau auraient été liés au lac Flora, maintenant comblé (parc Fontaine).
31G/05
Billets reliés
Aussi :


J'ai parlé dans mon billet du 1er nov. 2015 du couple de ruisselets* qui se jetaient autrefois – ou qui se seraient jetés, toute la question est là ! – dans le ruisseau de la Brasserie, au nord de l'Île-de-Hull. L'existence de ces deux cours d'eau n'est pas avérée et, même si j'entretiens un fort parti pris en faveur de leur réalité, il reste que les sceptiques ont quelques arguments à faire valoir. Mais, jusqu'à preuve du contraire, je continue à défendre mon hypothèse.

* «Ruisselets» pour éviter la confusion avec le ruisseau de la Brasserie (qui est en fait un bras de la rivière des Outaouais).

Les ruisselets ne figurent à ma connaissance que sur un seul document, la carte des terrains meubles de la région d'Ottawa («Unconsolidated Rocks») publiée en 1915 par Johnston à la Commission géologique du Canada. Un rapport du même auteur est venu compléter la carte en 1917. Le fond de celle-ci (topographie, hydrographie, routes, etc.) est «Based on a map published by the Department of Militia and Defence». Que des gens sérieux !

Aucune autre carte antérieure, contemporaine ou postérieure à celle de Johnston ne montrent ces ruisselets. Aucune photo aérienne non plus, la plus ancienne que j'ai pu consulter datant de 1925.

Il y a de quoi entretenir le doute sur la réalité de ces ruisselets.

Concentrons-nous sur le plus important des deux ruisselets (4d sur la carte) celui qui, prenant sa source dans le lac Flora (parc Fontaine actuel ; 5c), traversait plus de la moitié de l'Île-de-Hull pour s'écouler dans le bras nord du ruisseau de la Brasserie.

(Je fais abstraction dans la discussion des artefacts modifiés ou créés après la parution de la carte de Johnston (1915), soit le remblais des boulevards des Allumettières (BA) et du Sacré-Cœur (SC) ainsi que le terrain nivelé autour de l'Imprimerie nationale (IN).)

L'ancien lac Flora était situé, très logiquement, dans un creux. La dépression – sous la ligne des 50 m (courbe de niveau soulignée) – est encore sensible dans la topographie du parc Fontaine, l'assèchement du lac n'ayant rien modifié de ce point de vue (altitude du parc : 44 m). (Voir les billets des 3 et 5 févr. 2016.) Un ruisseau qui aurait prétendu drainer les eaux du lac vers le nord aurait eu, au préalable, la tâche d'inciser le terrain qui, à partir de la rive nord, atteignait ou dépassait les 50 m d'altitude. Travail qui aurait laissé une cicatrice évidente dans le paysage sous la forme d'un ravin de plusieurs mètres de profondeur dont il n'existe aucune trace ou vestige*. Ce n'est qu'à la hauteur de l'actuelle rue Edgard-Chénier (point ?, altitude env. 46 m) qu'un cours d'eau aurait pu s'écouler librement vers le nord en suivant la pente du terrain jusqu'au ruisseau de la Brasserie (altitude 44 m). La section du ruisselet qui s'engage dans cette déclivité, encore sensible de nos jours, est la seule qui semble plausible.
* Travail d'autant plus ardu que le lac Flora tenait davantage du marécage que le du lac proprement dit.

Au nord du boulevard Sacré-Cœur, un système de fossés et de canalisations (X ; voir billet du 1er nov. 2015, lien plus haut) se confond avec la section la plus septentrionale du ruisselet 4d et la prolonge jusqu'au niveau rivage du ruisseau de la Brasserie, plus au nord qu'à l'époque de Johnston (4c). Coïncidence ? 

Pour l'autre ruisselet, à l'est du premier, plus modeste (4d'), la topographie oppose un talus de dépôts meubles à sa descente vers le nord (courbe de niveau des 50 m), nonobstant le fait que le secteur, à l'intersection de boulevards et d'autoroutes, a été considérablement modifié depuis le début du XXe s. Une fois cependant le bourrelet franchi, rien ne s'oppose à la descente des eaux vers le nord. Une découverte de dernière minute sur une carte topographique du Gouvernement du Québec (1984) m'a fait connaître, dans le prolongement approximatif du ruisselet 4d' , l'existence d'un «cours d'eau intermittent ou fossé» (X') débouchant dans le ruisseau de la Brasserie.

Coïncidence, encore ?



L'Île-de-Hull sur la carte de Jonhston (1915 ; détail). À partir du lac Flora (un peu en bas du centre de l'Île-de-Hull), l'eau ne peut s'écouler que vers le nord ou vers l'est. (La géologie des zones urbanisées ont été laissées en blanc.)


Puisque nous parlons des dépôts du Quaternaire, il est intéressant de noter que le lac Flora et les ruisselets sont confinés au territoire de l'Île couvert par ces dépôts meubles (Q). Ce genre de sol est plus facile à inciser que le socle calcaire qui affleure ailleurs. Au sud du lac Flora, un escarpement sépare la «haute île» rocheuse de la «basse île» couverte de dépôts meubles.

D'un autre côté, la topographie, à partir du point ?, appelle, exige le ruisselet 4d. Une anse en forme de V dont la pointe correspondrait au point ?, une sorte de baie à sec, est configurée comme exprès pour drainer les eaux du secteur vers le nord, vers le ruisseau et la baie qui existait à l'époque de Johnston (4c). (La courbe des 50 m au nord du boul. Sacré-Cœur soulignée sur la carte dessine l'allure de ce V à mi-parcours vers le ruisseau.)

Voilà donc un ruisselet introuvable et improbable dont l'existence s'avère logique et même indispensable !

On pourrait donc dire que les deux ruisselets sont à la fois non plausibles (parce qu'invisibles sur la plupart des documents) et nécessaires (pour leur section nord, si l'on se fie à la topographie). Des sections de la canalisation actuelle au nord de l'Île-de-Hull, nous l'avons vu, se confondent ou prolongent les deux ruisselets (X et X').

Mon idée est que Johnston, dans le pire des cas, n'a pas erré totalement. Les ruisseaux ont pu être enterrés et canalisés sur toute leur longueur. Travail inutile pour le nord de l'Île, inhabitée. Si quelqu'un a une meilleure hypothèse...


Paléoflora ?

L'examen du relief dans l'Île m'a déjà incité à formuler l'hypothèse, à une époque reculée, d'un écoulement vers l'est, plus compatible avec le terrain autour du lac Flora (voir billet du 10 août 2013, lien plus haut). Les courbes de niveaux (50 m), en effet, conserveraient le souvenir de ce qui me semble d'anciens cours d'eau ayant érodés les dépôts meubles (3c). L'embouchure de ce paléoréseau aurait été situé à la hauteur du quai de Hull. Un des bras de ce réseau se confond d'ailleurs avec le ruisselet 4d' (au point ??). Confusion problématique : un ruisseau ne peut s'écouler simultanément dans deux directions opposées !

Cette hypothèse suppose un paléolac Flora plus étendu que le lac historique que nous connaissons. Après le départ de la mer de Champlain, il y a 10 000, le niveau de l'Outaouais a été assez élevé jusqu'à vers 8500 ans (voir le billet du 11 mars 2014) pour nettoyer une bonne part de l'Île-de-Hull de ses dépôts glaciaire et marins (d'où l'importance du socle dans l'Île). L'existence d'un superpaléolac Flora transitoire n'est donc pas du tout déraisonnable. Est-ce que ce super Flora aurait pu alimenter un ruisselet capable de frayer son cours vers le nord en érodant les dépôts meubles ?

Hypothèse risquée...


Conclusion

Nous avons donc dans l'Île-de-Hull a) deux ruisselets d'existence problématique se jetant dans le ruisseau de la Brasserie et b) un hypothétique paléoréseau hydrographique s'écoulant vers l'est pour rejoindre la rivière des Outaouais.

Les ruisselets 4d et 4d' de Johnston (1915) – du moins dans la partie de leurs cours proche du ruisseau de la Brasserie – et les fossés-canalisations X et X' obéissent aux mêmes contingences et assurent les mêmes fonctions : drainer les eaux du nord de l'Île-de-Hull vers le ruisseau de la Brasserie en suivant la pente du terrain. De là à assurer que les seconds ont été calqués sur les premiers, il n'y qu'un pas à franchir. Ce qui semble être des coïncidences ne sont que des continuités.

Quant à l'hypothétique péléoréseau hydrographique s'écoulant vers l'est à partir d'un paléolac Flora, l'hypothèse est trop tentante pour que je résiste à la tentation de la reformuler aujourd'hui...


Ajout (27 janv. 2016)

Un peu de nouveau sur le lac Flora (pour moi au moins, c'est du neuf).

La lac Flora avait la fâcheuse habitude de déborder chaque printemps. En 1885, on abaissa ses eaux par la construction d'un canal de drainage. Après les inondations vinrent les maladies. En effet, le lac atrophié en marécage stagnant fut bientôt transformé en dépotoir ; s'accumulant en plein centre d'un quartier ouvrier, les immondices causèrent des épidémies de choléra et de typhoïde. Le lac est finalement asséché vers 1910. La Ville offre le terrain à la C.P.R. pour qu'elle y construise une gare, laquelle ne fut jamais érigée. L'espace servi plutôt de parc de stationnement jusque dans les années 30. En 1936, le parc Fontaine fut créé et baptisé en l'honneur de l'ancien maire de Hull, Joseph-Éloi FontaineReformulé et complété de : Ottawa : passé & présent.

Évidemment, on peut se demander si le ruisseau 4d qui, sur la carte de Jonhston, part du lac Flora pour atteindre le ruisseau de la Brasserie ne serait pas le fameux canal de drainage... Comme on ne précise pas par où il passait, on est embêté de répondre de façon péremptoire. 

Mon hypothèse serait que le canal fut creusé en direction du ruisselet 4d, vers le nord, qui s'écoulait déjà dans le ruisseau de la Brasserie. Ainsi, l'apparente impossibilité d'un ruisseau partant du lac pour couler à contre pente, vers le nord, pour la première partie de son cours, trouverait explication. Le ruisselet 4d serait de nature mixte : canal artificiel jusqu'au «point ?», ruisselet naturel au nord de celui-
ci.

D'ailleurs, depuis le lac, un canal vers le «point ?» est plus court que celui vers la rivière par l'autre trajet possible, par le 3c. Ce trajet aurait eu en outre l'inconvénient de couper plusieurs rues et de passer à travers des lots bâtis. Le trajet nord était relativement libre à l'époque.
Revoyez la carte de Jonhston.

Il
y aurait donc eu deux ruisselets s'écoulant dans la vaste baie (4c) ouverte au nord de l'Île-de-Hull, baie trop vaste pour ne pas participer au drainage naturel de l'Île ; l'un d'eux (4d) fut «harnaché» ou plutôt greffé d'un canal artificiel afin de participer au vidage du lac Flora. L'autre ruisselet (4d') ne fut pas touché par les travaux.

Ce n'est qu'une hypothèse, en attendant plus amples données. Trouve-t-on des vestiges de ce canal ? Quelle était sa profondeur ? Peut être fut-il en partie souterrain ? Le canal existe-t-il encore, sous terre, un peu comme le ruisselet 4d qui a été canalisé et «urbanisé» ? S'il a été enterré, c'est il y a longtemps, avant les premières photos aériennes qui n'en montrent aucune trace.

Questions pour l'instant sans réponse.

Notes. – Raymond Ouimet, historien, précise que le lac Flora fut comblé de 1912 à 1919. Source :  http://raymond-ouimet.e-monsite.com/pages/saviez-vous-que.html
Voir aussi le site «Les Quatre Saisons» de Jean Provencher à propos de feux follets sur le lac :
http://jeanprovencher.com/2014/05/03/un-lac-complet-de-feux-follets/



Ajout (28 janv. 2016)

Voici deux articles de l'Evening Citizen d'Ottawa datant de 1911 et 1913. Ils permettent de préciser que la lac Flora était déjà drainé, mais encore boueux, en 1911 (1,5 m de boue ou de vase), et asséché, en 1913. L'article de 1913 parle d'un sewyer (sic ? ; un sewer plutôt ?), ou égout. Alors, j'aimerais savoir, le lac a été drainé par un canal («Ajout» du 27 janv. 2016) ou par un égout ? 




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Références

  •  Atlas de la Ville de Gatineau.
  • Atlas du Canada.
  • W.A. Johnston, 1915 – Ottawa, Carleton and Ottawa Counties, Ontario and Quebec.Commission géologique du Canada, Carte géologique polychrome 1662, 1 feuille (1/63 360), doi:10.4095/107538
  • W.A. Johnston, 1917 – Pleistocene and Recent Deposits in the Vicinity of Ottawa, With a Description of the Soils. Commission géologique du Canada, Mémoires 101, 69 p., avec carte 1662 (1/63 360).
  • Gouvernement du Québec, Hull, 1:20 000. 1984
  • Photothèque nationale de l'air, photo HA67, no 60, 4 nov. 1925.


Ajout (11 févr. 2016)

Ce qui suit devait faire l'objet d'un billet indépendant. Pour pallier ma mauvaise habitude de diffuser l'information au fur et à mesure que j'en prends connaissance, ce qui la disperse en une multitude de billets, j'inscris cet ajout à celui-ci, pourtant déjà passablement long.


Ajout 10 févr. 2016, fig. 1. - Le ruisseau de la Brasserie, au nord de l'Imprimerie nationale, boul. Sacré-Cœur, Gatineau (Québec).
En haut : détail de la couverture de Hull 1962 (couleurs inversées pour faciliter la lecture : le document imprimé est en lignes blanches sur fond brun).
En bas : détail d'un plan du Projet Secteur Fournier (1975). On note un élargissement du ruisseau de la Brasserie au dépens de la rive droite (sud).
Imprimerie  nationale : édifice en bas, au centre des deux images.
(Les deux cartes : photos prises à main levée, distorsions possibles.)

Autres billets sur le même sujet


Les figures 1 et 2 dont il est question sont celles de cet «Ajout».
Les deux documents dont je montre ici des détails (fig. 1 et 2) datent, l'un de 1962, l'autre de 1965. Ils permettent d'apporter un peu de lumière sur la mystère des deux ruisselets (voir carte au début du billet) qui, selon une carte du début du XXe s. (Jonhston, 1915), drainaient le nord de l'Île-de-Hull en se jetant dans le ruisseau de la Brasserie.

Je rappelle qu'aucune autre carte que celle de Johnston, d'aucune époque, ne montre ces ruisselets. Aucune photo aérienne non plus. De quoi entretenir un doute sur leur existence. Les nouveaux documents ont l'avantage d'être à petite échelle, d'offrir une vue très détaillée de la topographie, tant urbaine que naturelle.

En 1962 (fig. 1 et 2 : carte fond bleu), aucune trace ne subsistent de ces hypothétiques ruisselets. Un pipe-line (X'' sur fig. 1 et 2 : les codes sont ceux de la carte au début du billet) déversait au milieu du ruisseau de la Brasserie le surplus des eaux de pluie recueillies dans des fossés ceinturant le parking de l'Imprimerie nationale*. En 1975 (fig. 1 et 2 :  carte fond blanc), après la construction de l'autoroute 5 et celle d'un immeuble à logements à l'est de l'Imprimerie, la situation a changé. Le pipeline semble abandonné (une section émerge toujours des eaux du ruisseau**).
* Hypothèse de ma part, mais je ne vois aucune autre justification à ce pipeline. Dernière minute : on me dit que ce pipeline pourrait avoir servi aux tours de refroidissement de la chaufferie de l'Imprimerie (qui ne serait plus en fonction). AJOUT (29 mai 2018). - Sur les cartes d'un rapport de l'Atelier de l'Urbanisme (1965), la structure est identifiée comme un « Pipe Line ». Réf. : L'Atelier de l'Urbanisme Georges Robert, 1965 – Reconnaissance et appréciation des conditions urbaines, Hull, 1965 : Rapport numéro 1. Trois-Rivières, 27 pages + plans.
** Cette section apparaît toujours sur les photos aérienne, couverte de végétation, quand elle n'est pas submergée par le ruisseau. Je ne peux préciser sa nature exacte et son état actuel. 

Surtout, deux structures nouvelles sont apparues sur la carte de 1975 :

  • X : suite de tranchées à ciel ouvert et de canalisations enfouies. La sortie de la dernière section de canalisation au nord de l'autoroute a été repérée sur le terrain (fig. 3) ;
  • X' : tranchée artificielle à ciel ouvert, dans un boisé récent, en aval d'une canalisation, repérée sur le terrain, débouchant au nord de l'autoroute 5 (fig. 3).

Or, ces deux structures coïncident avec le trajet ou le prolongement des deux ruisselets (comparez la fig. 2 avec la carte au début du billet). Quelle coïncidence !

Deux hypothèses sont possibles.

Les ruisselets représentés par Johnston n'ont jamais existé et la coïncidence avec X et X' n'est qu'une simple... coïncidence !

Autre hypothèse : les ruisselets ont déjà existé et ont comblés peu après 1915. Les nécessités du drainage – nécessités qui se réduisent à une seule : suivre la pente la plus forte – ont fait que les structures X et X', installées entre 1962 et 1975, ont suivi les mêmes pentes que les anciens ruisselets. Ce qui tendrait à accréditer l'hypothèse de leur existence.

Aucune de ces structures (X, X' et X'') n'est reliée au système d'égouts.

Le drainage des fossés autour de l'Imprimerie est désormais assurée par le système X. Si le pipe-line est toujours en usage, je n'ai pas vu son entrée sur le terrain.


Références
  • Hull 1962 : Études de rénovation urbaine. La Rénovation urbaine à Hull : rapport / préparé sous la direction de la Commission d'urbanisme de la cité de Hull, Georges Bilodeau président et du Comité général d'urbanisme de la cité de Hull et de ses environs, A. Turpin président, Jean-Marie Martin, Edouard Fiset experts-conseils et Assad Gedey directeur de l'étude, en collab. avec les urbanistes de la Commission de la Capitale nationale. Coll. Études de rénovation urbaine, 205 p.
  • Ottawa : Commission de la Capitale nationale : Société canadienne d'hypothèques et de logement. Projet Secteur Fournier, Hull, Québec. 1975.


Fig. 2. - Détails annotés. Mêmes codes que pour la carte x.
En haut (1962). – La structure X'' : en réalité il s'agit de deux structures distinctes qui n'ont rien en commun. Comme j'ignorais encore leur nature, je les avais regroupées sous la même appellation sur la carte au début du billet. La longue ligne rouge correspond à une digue (?) qui apparaît sur une photo aérienne de 1925 (billet 19 nov. 2015). [AJOUT. À propos de cette digue, voir le billet du 14 juillet 2019 et du 11 février 2019.] Ici, le X'' correspond uniquement au «pipe line» dont la fonction, selon toute vraisemblance, était de drainer vers le ruisseau de la Brasserie l'eau du fossé qui entourait le terrain de l'Imprimerie nationale.
En bas (1975). – La structure X'' semble abandonnée. Seule demeure la section dans le lit du ruisseau. (Les photos aériennes la montre couverte de végétation lorsqu'elle n'est tout simplement pas submergée.) J'ai aussi indiqué la position de la partie amont du pipeline. En réalité, sur le terrain, rien n'est apparent et j'ai l'impression que cette partie de la canalisation est totalement abandonnée.
La structure X', quant à elle, correspond à un simple fossé artificiel à ciel ouvert en aval d'une canalisation chargée d'évacuer les eaux de pluie vers le ruisseau de la Brasserie.
La structure X est apparue avec la construction de l'immeuble à logements dans les années 1970. Il s'agit, comme je l'ai déjà décrit, d'une enfilade de fossés à ciel ouvert et de canalisations enfouies aboutissant au ruisseau, au nord de l'autoroute 5.
Il a été possible de suivre les structures X'' et X' sur le terrain (voir les canala carte au début du billet). Aucune de ces structures ne semble reliées au système d'égouts. Toutes trois sont artificielles.

dimanche 1 novembre 2015

Île-de-Hull : ruisselet perdu et retrouvé ?


Voir «Ajout» dans le billet suivant (7 nov. 2015) pour une mise à jour sur la question.




Île-de-Hull (Gatineau, Québec)

Q noir et ligne pointillée noire : Quaternaire ; sous le Quaternaire et partout ailleurs : Ordovicien ; lignes noires dentées : escarpements ; C (et ligne bleu foncé) : canalisations et fossés ; CC : chutes des Chaudières ; 4c (ligne bleu pâle tiretée) : ancien rivage (Johnston, 1917) ; 4d (lignes bleu pâle) : anciens ruisselets (Johnston, 1917) 5b (bleu pâle) : lac Minnow, ou lac aux Vairons (parc Ste-Bernadette actuel) ; 5c (bleu pâle) : lac Flora (parc Fontaine actuel).

Le C est posé sur le bâtiment de l'Imprimerie nationale.

Voir détail de la carte plus bas.

Version complète de la carte dans le billet du 10 août 2013, «Île-de-Hull (Gatineau) : guide géologique».




C'est avec un certain scepticisme qu'on a accueilli mon avis selon lequel, autrefois, un ruisselet* coulait vers le nord depuis le lac Flora, au centre de l'Île-de-Hull (Gatineau, Québec), pour se jeter dans le ruisseau de la Brasserie. (Voir notamment le lien vers mon billet du 10 août 2013 à la fin de la légende de la carte.)

* Pour éviter des confusions, je parlerai des ruisselets du lac Flora et du ruisseau de la Brasserie.

Pourtant, ce ruisselet (et un second, plus court, sans lien avec le lac) figure sur une carte de la Commission géologique du Canada datant du début du XXe siècle (Jonhston, 1915). Le lac Flora a été comblé (c'est aujourd'hui le parc Fontaine), les ruisselets n'existent plus depuis... depuis belle lurette, s'ils ont jamais existé ! En effet, sauf la carte de 1915, aucun document, antérieur ou ultérieur, ne les montre, et aucune des photos aériennes que j'ai consultées (la plus ancienne date de 1925) n'en laisse paraître la moindre trace.

Et pourtant !

Il existe aujourd'hui un système de fossés-canalisations entre l'Imprimerie nationale (contruite en 1949-1956)* et une tour d'habitation (ca 1975 1971), boulevard Sacré-Cœur (C sur la carte) qui coïncide avec la partie nord du ruisselet. Du sud au nord, nous avons :


  • Segment 1 : fossé** entre l'Imprimerie et la tour. Le plancher du fossé est en pente descendant vers le nord ;
  • Remblais, entre les segments 1 et 2 ;
  • Segment 2 : canalisation enfouie s'ouvrant sur un canal ou fossé longeant le côté ouest d'un parking (photos 1 et 2). Pente perceptible du terrain vers le nord ;
  • Coude de quelques m du fossé vers l'est pour contourner l'angle nord-ouest du parking ;
  • Segment 3 : ouverture d'une canalisation passant sous l'autoroute 5.

* L'Imprimerie nationale est inscrite aux Lieux patrimoniaux du Canada, ce qui est beaucoup d'honneur pour ce bloc-blockhaus à la mine soviéto-stalinienne.
** Inaccessible, ou d'examen malaisé : clôturé et végétation touffue aux abord. 

On peut deviner que l'eau s'écoule tantôt à ciel ouvert, tantôt par des canalisations enfouies. Au moment de notre visite (29-30 oct. 2015), seule l'extrémité nord du segment 2 et l'ouverture du 3 étaient trempées.

Or, les segments 1 et 2 coïncident avec la section du ruisselet immédiatement en amont du point où il se jetait autrefois dans le ruisseau de la Brasserie*. Mieux, comme pour le prolonger, la canalisation du segment 3 s'ouvre pile à l'endroit où le ruisselet rejoignait le ruisseau (voir carte). En effet, l'autoroute 5, au nord du boulevard Sacré-Cœur, passe par une une ancienne baie comblée du ruisseau**. Le nouveau rivage a été repoussé au nord de l'autoroute.

* La coïncidence est meilleure pour le segment 2 que pour le 1 pour lequel il faut supposer des «accommodements».
** La section de l'autoroute concernée ici a été inaugurée en 1964. Voir Wikipedia.

D'ailleurs, on voit sur les photos aériennes que la canalisation du segment 3 débouche dans le ruisseau de la Brasserie, immédiatement au nord de l'autoroute. Nous pouvons donc retoucher ce que nous avons écrit plus haut :


  • Segment 3 (texte modifié) : ouverture d'une canalisation s'engageant sous l'autoroute 5 et débouchant au nord de celle-ci dans le ruisseau de la Brasserie.

Malheureusement pour mon hypothèse, le fossé-canal n'apparaît sur les documents (cartes, photos, etc.) qu'en ca 1975 1971 (construction de la tour). Le fossé serait-il un artefact récent ne devant rien au réseau hydrographique originel ?

Le terrain, à l'origine, descendait vers le nord, vers le ruisseau de la Brasserie. Il a été nivelé autour de l'Imprimerie. La tour étant à une altitude moindre que l'Imprimerie, le fossé se trouve à la jonction des deux plans horizontaux matérialisés par les propriétés. Le plancher du fossé, en pente descendant vers le nord, reflète peut-être l'allure originale du sol. Le canal serait à la fois artificiel et naturel, et réaliserait un compromis entre l'urbanisme et les contraintes de la topographie et de l'hydrographie.C'est l'hypothèse que je retiens pour l'instant.

(Notons que le segment 2 est aussi relié à des fossés qui cernent le parking Est de l'Imprimerie et qu'il est chargé d'évacuer l'eau qui s'écoule sur l'asphalte de ce dernier.)

Il y a tant de tuyaux, d’égouts et de canalisations de toute sorte, de tout calibre et de tout acabit qui passent dans le sol à cet endroit qu'une coïncidence est toujours possible. Il faut bien que l'eau s'écoule, la pente va vers le nord, vers le ruisseau de la Brasserie, autant offrir, conserver ou recréer (je n'oublie aucune possibilité ?) une gouttière pour faciliter son écoulement... Mais avouez que la coïncidence est belle !

Si quelqu'un en sait plus que moi, qu'il intervienne sans tarder !



Détail de la carte
4d et lignes bleu clair : anciens ruisselets, celui de gauche venant du lac Flora pour se jeter dans le ruisseau de la Brasserie (ancien rivage ; ligne tiretée 4c) ; C et ligne bleu foncé : la canalisation actuelle, à l'air libre ou sous terre, suit de près le cours de l'ancien ruisselet. Elle se jette dans le ruisseau de la Brasserie, au nord de l'autoroute (nouveau rivage). Le vert dans lequel débouche la canalisation C est en réalité un terrain marécageux inondable. La coïncidence avec le ruisselet est plus évidente pour la partie nord du fossé. En fait, le segment nord du système de canalisation prolonge exactement l'ancien ruisseau. 

Références

  • W.A. Johnston, 1915 – Ottawa, Carleton and Ottawa Counties, Ontario and Quebec.Commission géologique du Canada, Carte géologique polychrome 1662, 1 feuille (1/63 360), doi:10.4095/107538
  • W.A. Johnston, 1917 – Pleistocene and Recent Deposits in the Vicinity of Ottawa, With a Description of the Soils. Commission géologique du Canada, Mémoires 101, 69 p., avec carte 1662 (1/63 360).


Photos : 29 octobre 2015.



1. Fossé ou canal (segment 2) longeant un parking, vue vers le sud. À gauche, la tour d'habitation.

2. Canalisation débouchant dans le fossé (segment 2). À juger d'après les arbres qui poussent dedans et qui ont dû être coupés, il ne doit être qu’occasionnellement inondé.



3. Canalisation (segment 3) recueillant l'eau du fossé (segment 2) et passant sous l'autoroute 5 pour gagner le ruisseau de la Brasserie. Aux dépôts blanchâtres à l'intérieur du tuyau, on voit que le niveau des eaux peut être plus important.