mardi 29 mars 2016

Banquise en Outaouais


Suite du billet du 10 mars 2016.

Il y a une suite à ces billets : voir billet du 5 janv. 2018 + 12 février 2023.

Ajout (5 janv. 2018)

Il ne s'agit pas ici seulement de « glace d'eau », mais aussi de neige accumulée sur la glace « normale » de la rivière des Outaouais et consolidée par le gel.


17 février 2016. Ma plus ancienne photo du dôme de glace (depuis le pont Alexandra).

13 mars 2016. Presque un mois plus tard, la situation semble gelée.

18 mars 2016. Le dôme se rapproche lentement du pont Alexandra. Le Musée de l'Histoire du Canada à Gatineau en arrière-plan.

20 mars 2016. Quelques mètres encore. Le bombement du dôme est bien apparent sur cette photo. La Colline du Parlement à l'arrière-plan.

21 mars 2016. Situation stable.

22 mars 2016. Lentement mais sûrement.

26 mars 2016. La glace épaisse est disparue. La glace «normale« qui la suivait en amont a pris sa place.

26 mars 2016. Des éléments de la «banquise» entre le pont Alexandra (derrière nous) et le pont Cartier-MacDonald.
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J'emprunte le pont Alexandra entre Gatineau et Ottawa depuis des années et je n'ai jamais vu un tel phénomène.

Un dôme de glace s'est formé en amont du pont. De spectaculaires fractures ont résulté de cette surrection inusitée. La croûte glacée présentait une bonne épaisseur, au moins 3 m (estimation) pour les tranches révélées par les fractures. Le dôme a subsisté pendant plus d'un mois (je l'ai découvert le 17 février et ses derniers éléments sont passés sous le pont Alexandra le 25 mars) et sans qu'aucun affaissement notable n'en diminue la hauteur.

L'ensemble avait tout l'aspect d'un rift, avec failles, vallées encaissées, basculement de compartiments, etc. En amont du dôme, la rivière était partiellement couverte d'une glace «normale».

La glace n'est peut-être pas plus épaisse que de coutume (j'avoue n'avoir pas de réponse sur le sujet pour le moment), mais quelque chose l'a soulevée, brisée, et maintenu les fragments «en l'air» pendant plus d'un mois. La croûte elle-même est le résultat de l'accumulation de couches de glace de neige blanche (ce qui est bien visible sur certaines photos). Je crois me souvenir qu'il a déjà neigé sur la rivière au cours des hivers passés sans que ce phénomène ne se produise.

Le dôme coïncidait avec une dépression profonde de plus de 11 m dans le lit de la rivière, le lit se tenant autrement entre 5 et 8 m. (Valeurs minimales, la rivière étant en crue, il faudrait ajouter +/- 1 m à ces profondeurs : voir la carte reproduite dans le billet du 10 mars 2016.) Un peu en amont du dôme (et donc de la dépression), un chenal naturel, profond de 9 à 23 m suit le dessin de la rive sud à partir du canal Rideau et passe sous le pont.

Une glace nouvelle (glace de neige ?), d'aspect grumeleux occupait les vallées et les intervalles entre les fragments de la «banquise». Ceux des fragments qui se trouvaient le plus en aval ont dérivé les premiers. On pouvait suivre leur descente de jour en jour. C'est ainsi qu'un morceau surnommé «la galette» par un ami est passé sous le pont dès le 14 mars (photos plus bas).

Le dôme lui-même s'est mis à dériver lentement à partir du 18 mars. Sans se presser : ce n'est que le 25 que les épaisses plaques de glace ont été remplacées en amont du pont par la glace «normale», plus mince, qui la suivait.

Le 26, une partie importante de la «banquise» était demeurée accrochée à la rive sud entre le pont Alexandra et le pont Cartier-MacDonald. J'ai pu voir un fragment isolé, jusque là immobile, se mettre en mouvement, descendre le courant sur quelques m, tourner sur lui-même pour finalement s'immobiliser. L'impression est que cet iceberg miniature s'était échouée sur le fond de la rivière. Le lit ayant une profondeur de 7 à 10 à cet endroit (même remarque que plus haut concernant les profondeurs), on a une idée de l'épaisseur de la partie non visible de la glace nécessaire à son ancrage.

Il faut noter que l'hiver n'a pas été des plus vigoureux. À quelques centaines de m en aval, il y avait pénurie de glace ! Le dynamitage annuel de la glace sur la Rideau, à Ottawa, a été annulé pour cause d'une «accumulation de glace inférieure à la normale» :


«Les opérations visant à dégager la glace sur la rivière Rideau [...] ont été annulées. En effet, divers facteurs environnementaux, notamment le temps clément et l’accumulation de glace inférieure à la normale pour ce temps de l’année, rendent le dynamitage inutile au-dessus des chutes Rideau à la hauteur du pont de la promenade Sussex.» (Ville d'Ottawa, 11 mars 2016 : http://ottawa.ca/fr/nouvelles/annulation-du-dynamitage-de-la-glace-sur-la-riviere-rideau)



Question / conclusion

Qu'est-ce qui a soulevé la glace à cet endroit particulier et a maintenu son dôme ancré sur place durant plus d'un mois ?


12 mars 2016. Soulèvement, rupture et basculements. Noter la faille qui se prolonge à partir des fragments de la croûte disloquée.

17 mars 2016. Tout l'ensemble s'est rapproché du pont Alexandra d'où les photos ont été prises.

21 mars 2016. Presque sous le pont : le gâteau à étages.

12 mars 2016. Avant le gâteau, il y avait eu la «galette».
Les éléments les plus en aval du dôme de glace ont dérivé les premiers.

13 mars 2016. Un peu plus près. La mince tige mesure 1,5 m.

14 mars 2016. Sous le pont.

12 mars 2016. Au sud du dôme, les plaques de glace minces se chevauchent sous la pression.

12 mars 2106. Au nord du dôme, la glace plie et forme un couple synclinal/anticlinal.
12 mars 2016. Fractures qui se prolongent vers l'aval.

17 mars 2016.

17 mars 2016. Détail.


Ajout (4 avril 2016). - Pour comparaison : l'allure «normale» de la glace sur la rivière (photo 14 avril 2015).

2 commentaires:

  1. Wow! Je n'ai certainement jamais lu un billet aussi détaillé sur un sujet aussi rarement exploré. Que de glace! Je n'aurais jamais pensé qu'on pouvait rendre cela intéressant. Merci.

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    1. Le sujet ne vous a pas laissé de glace... ;)

      J'aurais pu ajouter que, la plupart du temps, les gens se contentent de photographier le Parlement en passant par le pont Alexandra. Pour une fois, je voyais des gens photographier la rivière (enfin, les glaces sur la rivière). De simples passants avec leur téléphone ou des pros avec téléobjectifs et filtres. Preuve qu'il y avait là quelque chose d'inusité.

      Mais j'ai toujours pas compris ce qui s'est passé dans la rivière cette année !

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