Dôme de glace affaissé sous le pont Alexandra, entre Gatineau et Ottawa, dans la rivière des Outaouais (vue vers le SE, vers le Parlement d'Ottawa). Des failles en arc de cercle (en arrière des cassures principales) délimitent le contour du soulèvement. Le courant s'écoule vers l'E (vers la gauche). Photo 11 février 2023.
Les photos de ce billet ont été prises depuis le tablier du pont Alexandra.
Voir les billets de 2016 et de 2018 sur le dôme de glace édifié au même endroit dans la rivière.
Depuis 2016, il se forme une année ou l'autre un dôme dans la glace de la rivière des Outaouais, en amont du pont Alexandra. Le dôme apparaît en janvier ou février et son effondrement sur lui-même doit survenir précocement dans son développement puisque je ne l'ai jamais vu intact. Les failles qui le découpent laissent entrevoir l'épaisseur considérable de la glace constitutive. La glace blanche formée de neige plus ou moins consolidée sous une croûte durcie, épaisse de deux mètres et plus, est la seule visible. La glace noire sous-jacente, formée à même l'eau de la rivière, demeure cachée et son épaisseur est inconnue.
Ailleurs, hors du dôme, la glace, sans surprise, présente une surface horizontale malgré les fractures qui peuvent la sillonner (voir photo du 12 mars 2016, plus bas). La plupart des années, il en est de même près du pont Alexandra autour duquel la glace demeure « plate ».
J'ai remarqué la présence du dôme une première fois en 2016. Il a resurgi 2018 (voir les billets référés en début d'article). Étant donné que j'emprunte le pont régulièrement depuis 20 ans, que je suis attentif à ce genre de phénomènes naturels, il y a peu de chance que des manifestations antérieures m'aient échappé. Cette année, le dôme s'est formé plus près du pont que dans les cas précédents.
Le dôme, une fois rompu, voit ses débris dériver au fil des jours et ses derniers fragments passent sous le pont au mois de mars. (En fait, c'est toute la plaque de glace qui glisse ainsi lentement, les fragments les plus en aval s'éloignant d'autant plus rapidement.) Aucune influence de la topographique du lit de la rivière ne peut être invoquée pour expliquer la formation du dôme. Le dôme semble avoir une prédilection pour les zones profondes de la rivière : la dépression fermée (en 2016 et 2018) ou la vallée (en 2023), toutes deux profondes de 11 m, marquées en rouge sur la carte plus bas. Notez qu'il existe d'autres zones aussi profondes et même davantage (23,2 m en aval du pont), sans qu'elles n'exercent aucune influence perceptible.
Si l'influence du lit de la rivière reste incertaine, on ne voit pas non plus pourquoi la neige aurait pris à partir de 2016 l'habitude de s'accumuler une année et pas une autre dans ce secteur au point de favoriser la formation d'un épisodique dôme de glace blanche. Les failles perpendiculaires au dôme s'expliquent évidemment par le courant qui exerce une poussée des bancs de glace vers l'aval. D'autres, qui lui sont concentriques, remontent sans doute à l'effondrement du dôme sous son propre poids. Une caldera glaciaire ?
Le dôme ne peut résulter du chevauchements ou de l'accumulation de plaques de glace poussées par le courant (explication facile). Au contraire, les grabens qui s'ouvrent entre les cassures et la dérive des fragments vers l'aval sont le signe d'un mouvement d'ouverture et d'expansion, non de compression.
Je cherche toujours une explication à ce retour épisodique du dôme de glace. Accumulation de neige ? Isostasie glacio-nivéale ? Pourquoi là et pas ailleurs ? Votre contribution sera la bienvenue...
7 janvier 2023, le temps est gris, aucun dôme. Glace « plate » et fracturée couvrant une partie de la rivière des Outaouais, en amont du pont Alexandra. La glace apparaît d'épaisseur uniforme, ce qui se vérifie à la photo suivante. (Visée vers le SE, vers le Parlement d'Ottawa.)
Le courant entraîne la rupture de la plaque de glace par des fractures perpendiculaires à sa direction vers l'E. Il s'agit de glace blanche, formée par accumulation de neige. La « vraie » glace, la glace noire formée par le gel de l'eau de la rivière, est invisible.
11 février 2023. Le temps est ensoleillé. Un dôme de glace s'est formé puis s'est effondré. Le plafond se retrouve à plat sous les rebords soulevés, devenant un plancher...,
... et les failles concentriques marquent son contour. Les fragments, sitôt individualisés, tendent à s'éloigner : le soulèvement du dôme ne peut s'expliquer par un mouvement de compression. Les grabens indiquent un mouvement d'éloignement des fragments. Les cassures révèlent l'état de la neige plus ou moins consolidée.
Glace « platement plate et normale » en aval du dôme de 2016. La neige superficielle non consolidée a fondu, révélant la glace résistante. Les morceaux ne s'éloignent pas malgré les fractures et demeurent au même niveau. Pas de décalage ou de soulèvement. Tout est normal. Photo 14 avril 2016, visée vers le SO.
Dôme de glace en mars 2016. La ligne rouge permet d'évaluer le soulèvement vertical. L'explication facile, chevauchement ou accumulation de plaques de glace poussées par le courant, ne tient pas. Au contraire, les grabens qui s'ouvrent entre les cassures et la dérive des fragments vers l'aval sont le signe d'un mouvement d'ouverture et d'expansion et non de compression. Comme tout est plat sur la rivière hors du dôme ! Photo 12 mars 2016, visée vers le SE depuis la rive gatinoise, sous le tablier du pont Alexandra (visible à gauche) ; le Parlement, de l'autre côté de la rivière.
Topographie du lit de la rivière des Outaouais entre Hull (Gatineau), au Québec, et Ottawa, en Ontario.
Le pont Alexandra est en haut, à droite ; j'ai mis en rouge les zones profondes (11 m) au-dessus desquelles le dôme semble s'édifier de façon préférentielle : la zone fermée sud pour les années 2016 et 2018, la zone nord, près du pont, en 2023. Notez qu'il existe d'autres zones aussi ou plus profondes (23,2 m en aval du pont) sans qu'elles n'exercent aucune influence perceptible.
Source : Service hydrographique du Canada, ministère des Pêches et des Océans, Rivière des Outaouais : Papineauville à Ottawa, Québec-Ontario, carte marine no 1515, 1/20 000, 1998, corrigée 2005-12-02 (détail).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire